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Santé[s] - One Health

Changement climatique : des risques accrus de maladies liés à la météo

Les phénomènes météorologiques influent sur le développement des tiques et des moucherons, tous deux vecteurs de virus et de bactéries pathogènes. Leur dispersion est surveillée de près par les épidémiologistes de VetAgro Sup[1].

Par Caroline Depecker, journaliste.

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©Visée.A

Réussir à appréhender les multiples facteurs environnementaux interconnectés pour l’amélioration des soins : c’est l’un des défis du concept One Health. Parmi ces facteurs, « le réchauffement climatique, associé à l’érosion de la biodiversité, est sans doute la menace la plus grande pour notre santé, commente Karine Chalvet-Monfray, professeure en biostatistique et épidémiologie à VetAgro Sup. Sous son action, des risques sanitaires pourront diminuer selon les régions : c’est le cas des maladies liées au grand froid. Mais dans la plupart des cas, ces risques seront amplifiés ».

En effet, le réchauffement des eaux douces et les inondations rendent l’eau impropre à la consommation et favorisent la transmission de maladies hydriques et alimentaires, telles que les maladies diarrhéiques. En détruisant les cultures, les fortes pluies et les sécheresses augmentent, par ailleurs, les risques de famine et de pénurie d’eau. La chaleur, les feux de forêts et les vents redistribuent la concentration des polluants atmosphériques et des pollens. L’augmentation des épisodes extrêmes chauds est également à l’origine de troubles physiologiques chez les êtres vivants et d’une baisse de vigilance susceptibles d’accentuer les risques psychosociaux en milieu professionnel.

Étudier les espèces vectrices de maladies

Les temps chauds et humides sont, en outre, propices à la circulation des maladies infectieuses, dont les maladies vectorielles : ces pathologies nécessitent l’intervention d’un vecteur, que ce soit un insecte ou un acarien comme la tique, pour propager l’agent pathogène. Leur étude, en lien avec les conditions météorologiques, est l’une des spécialités de Karine Chalvet-Monfray. « La température et l’humidité jouent sur la biologie de l’organisme vecteur : son taux de survie, de reproduction ou encore sa mobilité, explique la chercheuse. Mais aussi sa capacité à nous transmettre le virus ou la bactérie, une fois qu’il a été infecté. »

Avec la hausse globale des températures, le climat méditerranéen, chaud et sec, devrait gagner de nombreuses régions françaises. Cette évolution sera défavorable à Ixodes ricinus, une tique vectrice de la maladie de Lyme et qui, originaire de nos contrées, apprécie l’humidité et les températures clémentes. Son activité devrait augmenter l’hiver, mais son aire de répartition diminuer. Le scénario est différent pour la tique géante Hyalomma marginatum. Originaire des tropiques, cette tique gagne, elle, du terrain et arrive en France. Sa diffusion géographique fait l’objet d’une grande attention, car l’acarien est vecteur d’une maladie mortelle : la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Pour l’instant, aucun cas n’a été détecté sur le territoire.

La tique géante Hyalomma marginatum, originaire des tropiques, gagne du terrain et arrive en France. © Alan R Walker

S’appuyant sur des experts de la région lyonnaise, la plateforme nationale d’Épidémiosurveillance en santé animale publie un bulletin où l’on peut suivre, par ailleurs, l’évolution de la Maladie hémorragique épizootique (MHE), une maladie émergente en France chez les bovins. Son vecteur est un Culicoïde, autrement dit un petit moucheron, dont le déplacement, sous l’action du vent, est étudié par Karine Chalvet-Monfray. En utilisant des simulations de trajectoires atmosphériques, elle a développé, avec ses collègues, un modèle mathématique permettant d’évaluer son transport à longue distance en Europe. « Les cartes de risque de dispersion par le vent permettent aux autorités de mieux prévenir le risque de MHE et de protéger davantage les troupeaux », précise la spécialiste. Publiés en mai 2024, ses travaux[2] indiquent que le moucheron pourrait atteindre la majeure partie de l’ouest de l’Hexagone dans l’année 2024 : le processus est en cours.


Notes

[1] Institut national d’enseignement supérieur et de recherche en alimentation, santé animale, sciences agronomiques et de l’environnement, sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt.

[2] Bibard A., et al., Assessing the Risk of Windborne Dispersal of Culicoides Midges in Emerging Epizootic Hemorrhagic Disease Virus Outbreaks in France, Transboundary and Emerging Diseases, 5571195 (2024).


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