Le projet SHAPE-Med@Lyon a vu le jour officiellement fin 2022 avec l’objectif de structurer la communauté lyonnaise pour développer le lien entre la médecine 5P (participative, préventive, prédictive, personnalisée, basée sur les preuves) et les approches One Health. Nous avons eu la chance de suivre la dynamique du projet, depuis les premières discussions sur son périmètre, jusqu’à la mise en place des ateliers et le financement des premiers projets.
Par Marie Préau, professeure de psychologie sociale à l’Université Lumière Lyon 2 et directrice adjointe de l’unité de recherche « Radiations : défense, santé, environnement », et Fabrice Vavre, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de biométrie et biologie évolutive et à l’Université Claude Bernard Lyon 1, tous deux membres du bureau du projet SHAPE-Med@Lyon
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Dès le départ, l’ambition a été de faire bouger les choses : d’élargir la définition de la santé, de l’étendre au-delà de l’hôpital, des sciences médicales ou biologiques. Il s’agissait bien d’intégrer l’approche One Health dans toute sa complexité : comment penser l’individu dans un continuum depuis la molécule, la cellule jusqu’à la société et l’écosystème en le remettant au centre du jeu ? Comment se décaler d’une approche anthropocentrée de la santé, sortir des cadres pré-existants et très orientés autour de l’individu humain ? Comment penser chacun des apports de la diversité des disciplines ? Au sortir de la crise de Covid-19, les premières discussions à propos des interactions entre santé de l’environnement, santé animale, santé des sociétés et santé individuelle avaient de quoi être alimentées ! Mais au-delà, tous les fils que nous avons tirés (autres maladies infectieuses, cancer, santé mentale, santé des territoires, ou défis associés aux données) ont amené au même constat : l’approche globale[1] imposée par One Health est indispensable, autant pour comprendre les déterminants du bien-être et de la santé, que pour penser des solutions durables et respectueuses de toutes les santés.
À partir de là, comment créer les conditions favorables à l’émergence de projets ainsi que la construction d’une communauté ? La solution est rapidement devenue évidente après des mois de télétravail forcé : la rencontre. Nous avons organisé des ateliers en présentiel afin de créer des espaces d’inter-connaissance : les chercheurs devaient se voir et échanger en direct et sans enjeux de légitimité. Plus de 750 personnes ont participé à ces premiers ateliers ! L’ensemble des participantes et participants a découvert des collègues, des approches, des problématiques, jusqu’ici inconnus. Force est de constater que sur un même territoire et des sujets connexes, les chercheurs et chercheuses ignoraient une partie de leur environnement scientifique.
Aujourd’hui, après bientôt deux ans d’activités, ce sont 29 projets qui ont été financés par SHAPE-Med@Lyon, qui témoignent de ces nouvelles rencontres et opportunités. Ils s’attachent, par exemple, à identifier les facteurs socio-économiques, les conditions environnementales ou de vie qui participent à la diffusion de pathogènes ou de l’antibiorésistance, mais aussi à l’émergence de pathologies ou à leur évolution. Ils peuvent s’intéresser également à coupler le développement de la culture de céréales plus résilientes au changement climatique et leurs apports nutritionnels pour la prévention de cancer[2] ; ou bien à évaluer les bénéfices de l’exposition à la nature pour la santé, et plus particulièrement pour la santé mentale.
Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle phase d’extension de SHAPE-Med@Lyon qui vise à dépasser le monde académique en mettant en place des ateliers co-construits avec les collectivités locales (Métropole de Lyon, mairies de Lyon et Villeurbanne) et qui intègreront également des associations, des collectifs de citoyens et de patients, ainsi que d’autres partenaires publics et privés. Enfin, l’approche One Health s’inscrit et implique une dimension plus globale qui nécessite de connecter SHAPE-Med@Lyon à d’autres initiatives nationales et internationales, un autre défi à relever dans les années à venir.
Notes
[1] Il est également possible de parler d’approche systémique. Celle-ci fait référence à une méthode d’analyse pour traiter un système complexe avec un point de vue global, sans se focaliser sur les détails.
[2] Au sein de cette prévention, il faut alors distinguer deux approches : une prévention primaire et une prévention tertiaire. La première correspond aux mesures que les personnes peuvent prendre pour réduire le risque de développer certains types de cancers. Et la seconde fait référence aux actions visant à réduire la progression et les complications d’une pathologie.
POUR ALLER PLUS LOIN
- One Health et politiques publiques : comment concrétiser cet enjeu de santé mondiale ?, par Marie Privé, Pop’Sciences Mag #14, décembre 2024.