Tendre vers une société sans restes dans un monde régi par le productivisme peut sembler illusoire. La démarche séduit pourtant un nombre croissant de collectivités désireuses de réduire leur empreinte écologique tout en faisant des économies.
Par Grégory Fléchet, journaliste.
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La doctrine du « Zéro déchet » s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels dans lesquels rien ne se perd mais tout se transforme en permanence. Son crédo : limiter autant que possible le volume de nos détritus pour s’affranchir des modes de traitement les plus polluants que sont l’enfouissement et l’incinération. Parti de la côte ouest des États-Unis au début des années 2000, ce mouvement s’étend désormais à des centaines de municipalités à travers le monde. La mise en œuvre de la démarche repose sur la règle des 5 R, comme le détaille Noémie Brouillard, chargée de projets au sein de l’association Zero Waste France : « Cela consiste à refuser les produits et services générant des déchets inutiles, réduire la quantité de matériaux consommés, réutiliser les objets aussi longtemps que possible plutôt que d’en acheter de nouveaux, recycler les déchets qui ne peuvent être réutilisés et rendre à la terre nos déchets organiques via le compostage. »
En appliquant tout ou partie de ces préceptes, certaines collectivités sont parvenues à abaisser de manière significative la part de leurs ordures ménagères résiduelles. Souvent citée en exemple, la ville de Milan a instauré, dès 2010, un système de récupération en porte-à-porte de ses déchets alimentaires particulièrement efficace. Avec 103 kg collectés par habitant chaque année, ce sont 88 % du total des biodéchets générés par la capitale lombarde qui se retrouvent aujourd’hui déviés du flux d’ordures ménagères pour être valorisés sous forme de biogaz* ou de compost. L’initiative a également permis à Milan de réduire ses émissions de CO2 de 9000 tonnes par an.
Difficile remise en cause du consumérisme
Le mouvement « Zéro déchet » a aussi fait des émules parmi les collectivités françaises. Investie dans cette démarche depuis 2012, l’agglomération de Besançon voit aujourd’hui ses efforts porter leurs fruits. Chaque année, un habitant y produit, en effet, 136 kg d’ordures ménagères résiduelles alors que la moyenne nationale s’établit autour de 240 kg. En parallèle du tri à la source de ses déchets alimentaires, la métropole franc-comtoise est la première communauté urbaine française de plus de 100 000 habitants à avoir mis en place la tarification incitative. Basée sur le principe du « pollueur-payeur », celle-ci consiste à moduler la taxe sur les ordures ménagères en fonction de la quantité produite par chaque foyer.
« En faisant reposer la réduction des déchets sur les seuls citoyens, ce genre de mesure absout d’une certaine manière le système consumériste ** de toute responsabilité dans la production de ces rebuts, que les collectivités sont ensuite tenues de prendre en charge », déplore Laurence Rocher, professeure en études urbaines à l’Université Jean Moulin Lyon 3. S’il est un déchet qui symbolise cette difficile remise en question du productivisme, c’est sans nul doute l’emballage plastique à usage unique. Alors que la récente extension des consignes de tri *** a permis d’augmenter de 15 % le recyclage des plastiques au niveau national, la mesure n’a en rien résolu la question de leur niveau de production qui ne cesse pour sa part d’augmenter. Car si le levier législatif reste le plus à même de réduire à la source ce flux de matériaux polluants, encore faut-il qu’il ne soit pas systématiquement mis à mal par le lobbying forcené des industriels de l’agroalimentaire et de la plasturgie.
Notes
* > Ce gaz produit par fermentation de matières organiques peut être brûlé pour produire de la chaleur ou de l’électricité. Une fois purifié, le biogaz peut également servir de carburant aux véhicules roulant au gaz naturel.
** > Mode de vie axé sur la consommation, caractérisé par une tendance à acheter systématiquement de nouveaux biens.
*** > Depuis le 1er janvier 2023, cette nouvelle disposition légale permet de déposer l’ensemble de ses emballages dans le bac dédié au tri sélectif.
POUR ALLER PLUS LOIN
- Recyclage, une idée simple à l’épreuve de la complexité, par Ludovic Viévard, Pop’Sciences Mag #16, novembre 2025.
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