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Du CO2 pour un recyclage plus vertueux des batteries

Alors que le recyclage des batteries demeure une problématique importante, une solution utilisant du CO2 issu des industries est en développement. Entretien avec Julien Leclaire, professeur de chimie à l’Université Claude Bernard Lyon 1, chercheur au Laboratoire de Chimie (LCH) et cofondateur de la start-up Mecaware.

Propos recueillis par Ludovic Viévard, rédacteur.

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© Visée.A

 

Vous avez développé une technologie pour le recyclage des batteries. Quel est l’enjeu ?

Julien Leclaire : Les batteries lithium-ion équipent des dispositifs technologiques dédiés à la transition énergétique, dont les véhicules électriques. Or, paradoxalement, elles fonctionnent avec des métaux dont l’extraction a une empreinte sociale et environnementale élevée. Il faut donc à la fois limiter la dépendance de l’Europe vis-à-vis des pays producteurs tout en fournissant ces métaux stratégiques avec un moindre impact. Nous recyclons des batteries en fin de vie qui sont broyées en une poudre, la « Black Mass », contenant graphite, lithium, aluminium, fer, cuivre, manganèse, nickel et cobalt. Tous ces métaux étant intimement agglomérés, il faut les séparer et les rendre réexploitables pour l’industrie. C’est ce que nous faisons, à partir d’un procédé innovant.

 

En quoi votre procédé est-il bénéfique ?

J. C. : Les techniques classiques de recyclage de batteries, qui utilisent des bases et des acides, produisent 10 tonnes de déchets (effluents) par tonne de métaux recyclés. Il y a donc un vrai problème. La technologie que nous avons mise au point allie performances économique et écologique. Comment ? En utilisant le CO2, capté dans les fumées industrielles, comme agent précipitant. Il se combine sélectivement à chaque métal stratégique de façon à l’extraire de la solution dans laquelle il a été dissous. Il y a plusieurs avantages à cela. D’abord, nous donnons une valeur industrielle et économique au captage du CO2, ce qui est une bonne chose car il est obligatoire mais couteux. Ensuite, outre le CO2, notre procédé utilise de l’eau et de l’électricité, mais ne génère quasiment aucun effluent. En bref, on valorise les rebuts de l’industrie et on absorbe et utilise du CO2. Ainsi, on allège considérablement l’empreinte environnementale du recyclage des batteries.

 

Julien Leclaire dans son laboratoire à l’Institut de chimie et biochimie moléculaires et supramoléculaires, où il a développé son procédé. ©UCBL

 

À quel stade du développement en êtes-vous ?

J. C. : En 2021, j’ai cofondé Mecaware pour industrialiser le procédé développé à l’Institut de chimie et biochimie moléculaires et supramoléculaires, et pour lequel on a déposé une demi-douzaine de brevets. Aujourd’hui, le procédé est mature à l’échelle du laboratoire et on est en phase pré-industrielle, avec une installation pilote à Béthune et une première usine qui devrait produire 8 000 tonnes de métaux par an d’ici 2029. L’enjeu est d’automatiser l’ensemble du procédé de traitement pour avoir une continuité du procédé industriel – et non des étapes fractionnées – pour accroître le volume traité. Il y a des défis technologiques car il faut concevoir une installation où se combinent les états gazeux, solide et liquide de la matière ! Nous réfléchissons aussi à la logistique car, contrairement à la technologie classique, la nôtre n’a pas besoin de beaucoup d’espace. L’idée, à terme, est ainsi d’implanter des unités de recyclage dans ou à proximité des usines de fabrication de batteries et limiter encore plus les coûts environnementaux.


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