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QQuand les variants bousculent l’effort vaccinal

carte radar montrant l'émergence des lignées du SARS-CoV-2 "L'arbre généalogique" du virus Sars-Cov-2 en juillet 2021. Chaque couleur représente l'apparition d'une lignée différente © Capture d’écran de la plateforme Nextstrain

Article #9 du dossier Pop’Sciences « De la variole à la Covid, les vaccins… »

Sous l’effet du variant Delta, plus contagieux, l’épidémie repart en France, à tel point que l’exécutif parle désormais d’une quatrième vague. Dans cette course de vitesse entre variants et vaccins, en sortirons-nous gagnants ? L’histoire n’est pas écrite mais l’issue positive est inexorable. Qui dépend de la vitesse à laquelle nous nous immunisons.

Un article de Caroline Depecker, journaliste scientifique
pour Pop’Sciences – 24 juillet 2021

«Nous sommes entrés dans une quatrième vague du virus», a lancé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal au sortir d’une conférence de presse consacrée au pass sanitaire, lundi 19 juillet dernier, expliquant que «la dynamique de l’épidémie est extrêmement forte, avec une vague plus rapide et une pente plus raide que toutes les précédentes». Le tableau de bord Covid-19 communiqué par les autorités à cette date concorde : le nombre de nouveaux cas quotidiens dépasse la barre symbolique des 10 000, reflétant l’augmentation de 133% du taux d’incidence au cours des 7 derniers jours (108 personnes infectées par semaine pour 100 000 habitants). En cohérence, le taux de reproduction R du virus est de 1,6, traduisant la reprise épidémique.

Celle-ci s’explique par la progression du variant Delta qui, à la date du 22 juillet, représente 80% des nouvelles contaminations en France, d’après le dernier bulletin de la Haute autorité sanitaire (HAS).

taux de présence du virus Delta en France le 23/07/21

Présence de la mutation L452R (Delta) en France mi-juillet © HAS

Un variant Delta plus contagieux que tous les autres

Ce variant est apparu en Inde et s’est propagé lors de la terrible vague de coronavirus qui y a sévi au mois d’avril. Il est présent aujourd’hui dans 80 pays environ, d’après la plateforme de collaboration génomique Gisaid, et progresse rapidement un peu partout dans le monde. Quasi inexistant en France mi-mai (il représentait 0,2% des prélèvements analysés), le variant Delta supplante progressivement le variant Alpha, majoritaire dans notre pays, car il est 40% à 60% plus contagieux que ce dernier, qui présentait lui-même une contagiosité 50% plus élevée que le virus d’origine ayant déclenché la maladie.
Cité par le quotidien Le Temps, Francis Balloux, spécialiste de l’évolution des virus à l’University College de Londres souligne que, sans la circulation du variant Delta, « les Etats-Unis et l’Europe seraient probablement sortis de la pandémie. Le taux de vaccination et les conditions climatiques ne permettraient plus la transmission d’un variant moins contagieux ».

Variant détecté en Angleterre (Alpha), dans le sud de l’Afrique (Beta), au Brésil (Gamma) ou en Inde (Delta), le virus de la Covid-19 mute sans surprise. En effet, ses mutations suivent un cheminement naturel dont l’objectif est d’assurer simplement sa survie. Elles aboutissent à l’apparition de lignées de virus différentes qui, au gré des avantages sélectifs apportées par les modifications génomiques, arrivent à perdurer, sans poser de problème particulier. Au total, quelques dizaines de lignées du coronavirus existeraient ainsi dans le monde.


Comment apparaissent les mutations et peut-on les contourner ?

Parole donnée à Michèle Ottmann, vaccins (4/5) : adapter les vaccins à l’évolution des virus

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L’affaire se complique quand les mutations présentes sur la lignée sont susceptibles d’affecter :
– la transmissibilité du virus (la facilité avec laquelle il se propage),
– la gravité de la maladie,
– la capacité du mutant à échapper à l’immunité (conférée par une infection antérieure ou par la vaccination),
– ou encore la possibilité d’échapper aux tests diagnostics.
C’est le cas des mutations E484K, E484Q et L452R portées, dans différentes mesures, par les quatre variants cités plus haut. Ce qui leur vaut d’ailleurs d’être qualifiés de « variants préoccupants » par la HAS (ou « VOC, variants of concern par l’OMS).

Ces variants préoccupants contournent-ils la vaccination ?

La bonne nouvelle, c’est que l’efficacité des vaccins disponibles en France aujourd’hui (à savoir Comirnaty® de Pfizer/BioNTech, ARNm-1273® de Moderna, Vaxzevria® de AstraZeneca et celui de Janssen) reste très largement conservée contre les variants Alpha, Beta et Gamma (petit bémol avec le vaccin d’AstraZeneca qui induirait une protection insuffisante contre le variant apparu au Brésil).
Pour ce qui est du variant Delta, objet des attentions du moment, les nouvelles sont plutôt rassurantes de ce point de vue. Une étude menée par Public Health England a conclu ainsi qu’avec deux doses de vaccin Pfizer/BioNTech, une personne est protégée à 88% contre les symptômes du variant Delta. Avec le vaccin AstraZeneca, la protection semble moindre, de l’ordre de 60%.

Y’aura-t-il une fin à la phase pandémique ? Une question d’immunité collective

Oui, c’est l’espoir qu’on peut former. Commentés par le magazine Sciences et Avenir en avril dernier, des travaux de chercheurs américains permettent d’envisager une banalisation du SARS-CoV-2 au fur et à mesure que la population s’immunise, que cela soit par la vaccination ou l’infection. De pandémique, le virus deviendrait endémique et saisonnier, épousant le comportement de ses cousins « cornonavirus du rhume ». Cité dans le même article, Bruno Lina, responsable du Centre national de référence des virus respiratoires à Lyon et membre du conseil scientifique Covid, qualifie ce scénario d’« inexorable ». Tout en reconnaissant qu’aucun « calendrier n’existe » pour en prédire l’arrivée.

Pour que le virus de la Covid-19 s’assimile à un rhume ou à une grippe saisonnière, il faut que la population s’immunise.  Elle l’est, pour l’instant de façon insuffisante. En France, au 23 juillet, seuls 48% des personnes ont rempli le schéma vaccinal complet. Face à l’expansion nouvelle du variant Delta, l’objectif à atteindre a alors été rehaussé à 80% (non plus 60%) dans l’espoir d’atteindre l’immunité collective sensée nous permettre de mettre fin à l’épidémie.

En mai dernier, dans The Conversation, Ed Feil, professeur en microbiologie à l’université de Bath (Royaume-Uni) précise le rôle joué par la contamination dans la dynamique d’apparition des variants. Pour lui : « la probabilité d’événements évolutifs rares conduisant à l’émergence de nouveaux variants préoccupants augmente avec le nombre de personnes infectées ». Vacciner le plus rapidement possible reste donc une priorité.
Il ajoute que, s’il est difficile de prévoir comment pourrait évoluer le SARS-CoV-2, « il est impératif de maintenir le nombre de cas aussi bas que possible partout dans le monde, car les nouveaux variants ne respectent aucune frontière ». Autant d’un point de vue géographique qu’évolutif, notamment en ce qui concerne l’adoption d’une virulence accrue.

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