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MMichelin – Clermont-Ferrand, parangon de la ville-usine du 21e siècle

Nulle part ailleurs que dans la capitale auvergnate, la collaboration entre une entreprise, Michelin, et une municipalité n’a sans doute été poussée aussi loin. Ce partenariat atypique construit sur le long terme se matérialise jusque dans la structuration de l’agglomération.

23 novembre 2021, article issu du Pop’Sciences Mag n°9 « Réconcilier industrie et société ».
Grégory Fléchet.

À l’instar du lien étroit entre la ville de Turin et le constructeur automobile Fiat, l’alliance entre Clermont-Ferrand et le groupe Michelin s’est inscrite dans la durée. Débutée en 1889 avec la création de cette entreprise familiale par les frères André et Édouard Michelin, tous deux natifs de la cité auvergnate, cette histoire commune se poursuit depuis en dépit des turpitudes de l’économie de marché. Si le leader mondial du pneumatique a profondément réduit son activité dans son berceau historique, une série de plans sociaux ayant fait passer les effectifs clermontois de près de 30 000 salariés au début des années 1980 à un peu plus de 10 000 aujourd’hui, le poids de la firme dans l’économie locale demeure cependant très important. « L’entreprise, qui reste le premier employeur de la région Auvergne-Rhône-Alpes, génère plusieurs milliers d’emplois indirects et compte 800 sous-traitants uniquement dans le département du Puy-de-Dôme », détaille Thomas Zanetti, maître de conférences en géographie urbaine au laboratoire EVS.

Inauguré en 1921 aux portes du centre-ville, le site de plus de 40 hectares de Cataroux n’est qu’une des sept implantations du groupe Michelin sur le territoire de Clermont-Ferrand

L’ancrage de Michelin à Clermont-Ferrand est non seulement temporel, mais aussi et surtout spatial. Au début des années 2000, l’entreprise occupe encore un peu plus de 8 % de la superficie de la ville, soit environ 350 hectares. Et si le groupe s’est, depuis, résolu à fermer certains de ses sites clermontois, il reste toujours le premier propriétaire foncier privé de la commune et de l’agglomération.

Pour Thomas Zanetti « ce fort ancrage territorial explique en grande partie l’attachement de la population locale et des salariés à cette entreprise transnationale ».

Une firme impliquée dans la construction urbaine

S’inscrivant dans la tradition des villes-usines du 19e siècle, Michelin s’implique depuis sa création dans l’aménagement de l’agglomération clermontoise. Dès la première moitié du 20e siècle, la firme cherche à optimiser la productivité de ses usines en participant à la constitution d’un réseau de communication censé améliorer la fluidité et la rapidité de circulation des hommes et des marchandises. Une logique similaire accompagne l’implantation des grands programmes publics de logement collectif au nord de la ville. « En cherchant à fluidifier les déplacements de la main-d’œuvre vers les usines Michelin, la localisation de ces quartiers d’habitat collectif a été définie en fonction de celle des unités productives de la firme », analyse Thomas Zanetti. Le groupe Michelin bénéficie par ailleurs d’un territoire qui innove à son service.

De nombreux projets récemment mis en œuvre sur l’agglomération ont ainsi pour but de soutenir la capacité d’innovation de la firme. « C’est par exemple le cas d’un quartier numérique hébergeant des startups du secteur de la mobilité, soutenu et financé par l’entreprise, mais également par la métropole et le conseil régional », illustre l’enseignant-chercheur qui redoute toutefois que la financiarisation croissante des activités industrielles du groupe finisse par remettre en cause son ancrage clermontois.


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