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Ville et Vivant

Des végétaux injustement mis à l’index

Parce qu’elles viennent d’ailleurs, les plantes qualifiées d’invasives heurtent notre conception de la biodiversité. Accusées de concurrencer les essences autochtones, ces espèces qui affectionnent les terrains les plus inhospitaliers peuvent se révéler fort utiles en milieu urbain. Passage en revue des atouts de quelques pestes végétales citadines.

Par Grégory Fléchet

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©Visée.A et Flor Labanca

 

La renouée du Japon (Fallopia japonica)

© Descheemacker.A – Conservatoire botanique national du Massif central. Via la Métropole de Lyon

Comme son nom le laisse deviner, cette espèce est originaire de l’archipel nippon où elle pousse sur le passage des coulées de lave des nombreux volcans. Arrivée en Europe par bateau au début du 19e siècle, la renouée du Japon s’y propage de manière exponentielle à partir des années 1970, avec une préférence notable pour les bords de cours d’eau aménagés par l’homme.

À Lyon, elle affectionne tout particulièrement les enrochements installés le long du Rhône. Si on lui reproche parfois d’accentuer l’érosion des berges, la renouée aurait plutôt tendance à les stabiliser grâce à ses rhizomes, vaste réseau de tiges souterraines qu’elle déploie sur plusieurs mètres de profondeur.

Capable de pousser sur des sols pollués aux métaux lourds et à l’arsenic, elle accumule ces substances toxiques dans ses rhizomes qui font alors office de filtres anti-pollution. Vers le début de l’automne, les fleurs de la renouée offrent aux insectes pollinisateurs une source de nectar indispensable à un moment de l’année où les plantes mellifères[1] se font rares.

L’ailante glanduleux (Ailanthus altissima)

© Perera.S-Alizari –  Conservatoire botanique national
du Massif central. Via la Métropole de Lyon.

Cet arbre originaire d’Extrême-Orient colonise les milieux désertés par la plupart des représentants du règne végétal. Capable de pousser à travers le béton ou l’asphalte, il n’est pas rare de l’observer sur la façade de certains immeubles décrépits. Tolérante à la salinité et à la sécheresse, l’espèce s’accommode également de polluants atmosphériques comme le dioxyde de soufre ou le mercure qu’elle absorbe dans son feuillage. L’ailante supporte par ailleurs des températures supérieures à 40°C. Toutes ces caractéristiques en font une essence parfaitement adaptée à l’environnement minéral des villes modernes. Cet arbre pourrait ainsi contribuer à les végétaliser à moindre frais tout en atténuant les îlots de chaleur urbains dans les quartiers les plus exposés au phénomène.

 

 

Le buddleia de David (Buddleja davidii)

© Descheemacker.A-Conservatoire botanique national du Massif central

Plus connu en France sous l’appellation d’arbre aux papillons, cette plante arbustive se pare chaque printemps de belles grappes de fleurs mauves dont le nectar très parfumé attire une foule d’insectes pollinisateurs. Bien que ses feuilles se révèlent toxiques pour la plupart des chenilles de papillons, celles du sphinx à tête de mort et de la cucullie du bouillon blanc s’en délectent sans danger. En ville, le buddleia de David croît spontanément sur les délaissés urbains : remblais de chemins de fer, friches industrielles, parking à l’abandon, etc. Capable de revégétaliser les gravats de démolition à base de ciment ou de chaux, cette espèce pionnière enrichit en matières organiques les sols les plus ingrats par la décomposition de sa végétation. Ayant un besoin impérieux de lumière pour s’épanouir, Buddleja davidii laisse sa place à des végétaux plus imposants sitôt que ceux-ci commencent à lui faire de l’ombre. L’espérance de vie de cette espèce excédant rarement une vingtaine d’années, il suffirait donc de s’armer d’un peu de patience pour voir le milieu se diversifier.

Le robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia)

© Perera.S-Alizari. Conservatoire botanique national du Massif central. Via la Métropole de Lyon.

Figurant parmi les tout premiers végétaux nord-américains introduits en Europe au 17e siècle, cet arbre élancé peut atteindre trente mètres de haut. Doté d’un mode de reproduction végétatif très efficace, le robinier faux-acacia produit de nouveaux plants par drageonnage, via un réseau de tiges souterraines qui se déploie sur un vaste périmètre à partir d’un unique arbre parent. Son système racinaire tout aussi développé a été mis à contribution pour fixer et restaurer des terrains gravement dégradés par les activités humaines. À Saint-Étienne, le robinier a ainsi été planté sur d’anciens terrils pour prévenir le risque d’érosion de ces imposants monticules de déchets miniers. Il y forme désormais de véritables massifs forestiers. Entre avril et mai, les grappes de fleurs blanches du robinier offrent une abondante source de nourriture aux abeilles sauvages et domestiques.

 

 

 


Notes

[1] Désigne les plantes dont le nectar est utilisé par les abeilles pour élaborer le miel.


POUR ALLER PLUS LOIN

  • L’espace urbain, foyer méconnu du vivant, par Grégory Fléchet, Pop’Sciences Mag #13, juin 2024.
  • Jiguet, F., Vivent les corneilles, Actes Sud (2024).
  • Thévenin, T., Les plantes du chaos, Éditions Lucien Souny (2021).
  • Gilsoul, N., Bêtes de villes, Fayard (2019).
  • Muratet, A., et Chiron, F., Manuel d’écologie urbaine, Les Presses du réel (2019).
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NUMERO 13 | JUIN 2024
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