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Les Ateliers de la danse : un chantier monumental en terre crue

En 2026, à Lyon, sortira de terre ce qui est annoncé comme le plus grand bâtiment en pisé de France : les Ateliers de la danse. Ce futur lieu dédié aux pratiques artistiques sera construit grâce à cette technique à base de terre crue, dont est spécialiste l’entreprise PRÌA Construction. Antoine Gouachon, architecte et cofondateur de l’entreprise, nous fait visiter l’atelier de pré-fabrication des blocs de pisé destinés à l’édifice, situé à Vienne (Rhône).

Par Samantha Dizier, journaliste.

Photos : Vincent Noclin

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© Visée.A

UN PROJET D’ENVERGURE

51 mètres de long, 43 mètres de large, 18 mètres de haut. Pour cette imposante construction, 1450 blocs de pisé, de la terre crue compactée, seront nécessaires. Cette technique présente de nombreux avantages : « construire en béton consomme beaucoup d’énergie, alors que le pisé a une empreinte carbone incroyablement basse, rapporte Antoine Gouachon. De plus, il permet une très bonne régulation thermique. » Un atout majeur dans un contexte de réchauffement climatique.

© Vincent Noclin

 

DE LA TERRE RÉUTILISÉE

Sous cette imposante bâche noire, se trouvent les 4000 tonnes de terre nécessaires pour réaliser l’ensemble du chantier. Cette ressource provient d’une carrière située à 12 kilomètres de celui-ci. De cette carrière sont extraits des matériaux pour réaliser du ciment. Pour les atteindre, il est nécessaire d’enlever une couche de terre argileuse, alors inutilisée : un déchet pour la carrière, mais une mine d’or pour le pisé. « Rien n’est ajouté à la terre et elle n’est pas cuite. Ainsi, sa seule empreinte carbone provient de son transport », précise Antoine Gouachon.

© Vincent Noclin

 

© Vincent Noclin

DU SUR-MESURE

Les plus anciennes traces de construction en terre crue remontent au Néolithique[1] en Mésopotamie. Le pisé se fabrique traditionnellement sur le site de construction : on compacte de la terre entre deux planches en bois pour monter des murs. Pour un chantier aussi important, il est plus aisé de pré-fabriquer des blocs de pisé, et de les assembler ensuite sur le site. Cinq coffrages ont été conçus spécialement pour ce projet. Ceux-ci permettent de créer des blocs de tailles très diverses : 1000 types de blocs différents vont ainsi être produits.

© Vincent Noclin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COUCHE PAR COUCHE

Pour concevoir un bloc de pisé, des couches de terre de 11 centimètres d’épaisseur sont successivement empilées dans un coffrage. Une première couche est d’abord placée sur un casier sur lequel elle est répartie de manière homogène et régulière. Elle est ratissée. Puis, elle est versée au fond du coffrage.

© Vincent Noclin

 

DU BÉTON D’ARGILE

Les opérateurs tassent, ensuite, la couche avec un fouloir pneumatique, jusqu’à ce que celle-ci ne fasse plus que 5 à 6 centimètres d’épaisseur. « La terre utilisée est un mélange d’argiles, de limons, de sables, de graviers et de cailloux. Quand on compacte tous ces éléments, ils se placent les uns à côté des autres et l’air est chassé, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’espace vide. Cela crée un véritable béton d’argile », nous explique Antoine Gouachon. La superposition de couches fines donne alors une grande densité au bloc et une importante résistance à la compression : un gage de solidité.

© Vincent Noclin

 

 

© Vincent Noclin

SOUS CONTRÔLE

Chaque bloc est pesé et mesuré pour vérifier sa densité. Sa teneur en eau doit, en effet, être de 7 %, pour garantir une bonne cohésion et un bon compactage. Des échantillons de terre sont également prélevés deux fois par jour et analysés par des chercheurs de l’École nationale des travaux publics de l’État. Si un bloc ne correspond pas, il est détruit et sa matière réutilisée. « Le travail avec la terre est ainsi infini », s’enthousiasme Antoine Gouachon. Sur le long terme, le futur bâtiment peut être considéré comme une ressource de 4000 tonnes de terre en plein cœur de Lyon si l’édifice venait à devoir être déconstruit.

 

© Vincent Noclin

 

OBJECTIF 2026 ET AU-DELÀ

Une fois terminés, les blocs sont stockés, avant d’être acheminés sur le site lyonnais. L’élévation des murs a débuté fin septembre et devrait se terminer à l’été 2026. « C’est la première fois que je vois un chantier avec autant de suivis et de contrôles, rapporte Antoine Gouachon. Cela participe à la recherche, à la connaissance de ce matériau. Ce chantier peut aussi avoir une portée politique, pour convaincre de l’intérêt de cette technique et pour donner envie de réaliser de nouveaux projets. »

© Vincent Noclin

 


Notes

[1] Le Néolithique au Proche-Orient s’étale de 12 000 à 7 000 av. J.-C.


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