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Éco-anxieux : et maintenant on fait quoi ?

ÉÉco-anxieux : et maintenant on fait quoi ?

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L’actualité climatique vous angoisse, les questions environnementales vous inquiètent et prennent une place très importante dans votre vie ? Mais comment aller plus loin et transformer ce sentiment en moteur de changement et en passage à l’action ? L’alliance Agir ensemble, pilotée par la ComUE Université de Lyon et le Crous de Lyon, vous invite à venir échanger notamment avec Camille Étienne, militante écologiste et Cécile Delolme, directrice de l’ENTPE, autour de ces questions.

La ComUE Université de Lyon, le Crous de Lyon, les métropoles de Lyon et Saint-Étienne, la CASDEN Banque populaire, le RESES et la MGEN, associés au sein de l’alliance Agir ensemble, ont souhaité proposer un événement autour de l’éco-anxiété pour cette année 2024.

L’éco-anxiété peut se définir comme un sentiment de préoccupation, d’inquiétude, d’impuissance, d’anxiété que nous ressentons face aux bouleversements environnementaux actuels. Il touche de plus en plus de personnes, et particulièrement les jeunes : « 59 % des 16-25 ans dans le monde en souffriraient, dont 58 % des jeunes français, selon une étude de la revue The Lancet Planetary Health en 2021 ».

>> Une soirée en deux temps :

  • De 18h à 19h30 :  table ronde Éco-anxieux ? Et maintenant, on fait quoi ?
    Intervenantes : Camille Étienne, militante écologiste ; Cécile Delolme, directrice de l’ENTPE ; Nadège Raffoux, doctorante en psychologie à l’université Lumière Lyon 2 ; un·e étudiant·e (en cours de sollicitation).
    Ce temps aura lieu dans l’amphithéâtre de la ComUE Université de Lyon, au 90 rue Pasteur – Lyon 7e,  et en distanciel (modalités à venir).
    Les inscriptions sont obligatoires pour pouvoir assister à la table-ronde en présentiel.

Je m’inscris

  • De 19h30 à 21h30 : forum avec des structures engagées du territoire pour échanger et se donner des clés de passage à l’action sur le territoire (Anciela, FNE, On the green road…).
    Ce temps aura lieu uniquement en présentiel, au restaurant universitaire des Quais du Crous de Lyon.

>> En savoir plus sur :

la RSE à l’Université de Lyon

Changement climatique et élevage : du bien-être animal à la santé au travail des éleveurs

CChangement climatique et élevage : du bien-être animal à la santé au travail des éleveurs

Peu de travaux ont été réalisés jusque-là sur les conséquences des changements climatiques sur l’élevage et ses acteurs, humains et animaux. C’est l’ambition que poursuivent depuis 2021 des groupes d’élèves de l’ENSV-FVI | VetAgro Sup dans le cadre de leur formation en sciences politiques (Master Politiques de l’Alimentation et Gestion des Risques Sanitaires-PAGERS) en réponse à une commande de la Direction Générale de l’Alimentation (Florence Dépersin) et de la Chaire Bien-être animal (Luc Mounier).

Dirigés par Floriane Derbez, maîtresse de conférences en sociologie à l’Institut Agro (Dijon), deux Groupes d’Études de Politiques Publiques (GEPP) ont mené l’enquête afin de documenter les impacts du changement climatique sur les pratiques d’élevage en lien avec le bien-être animal. Investiguant respectivement la filière « Poules pondeuses » et la filière « Bovin lait », ils ont identifié les adaptations et les innovations des éleveurs en lien avec les conditions de vie de leurs animaux, leurs apprentissages et le travail des émotions dans le contexte fait d’incertitudes et d’inquiétudes quant à l’avenir de leurs filières et des changements climatiques. De manière assez inattendue, ces enquêtes ont aussi fait surgir un questionnement autour de la santé au travail de ces éleveurs qui travaillent dans des conditions rendues plus difficiles au fil des ans.

Un premier travail a été conduit en 2021-2022 par Kahina Boukais, Rébecca Dubost, Antoine Durif, Alexandre Fernandez, Sarah Gallien, Sophie Scheidecker, Jackie Tapprest et Morgane Vallerian. Il explore la manière dont les éleveurs de poules pondeuses perçoivent les modifications du climat et décrit les modifications de leurs pratiques d’élevage dans le but de favoriser le bien-être de leurs animaux. Ces perceptions varient selon les modes d’élevage et les aléas climatiques (vent, orages…) sont le plus souvent appréhendés via le stress qu’ils génèrent chez les animaux (les poules stressées par le vent, la grêle et les orages ou fuyant le soleil…). Si les inondations imposent de garder les poules à l’intérieur et que les chaleurs ont pour conséquence d’augmenter la dépense énergétique (refroidir les œufs, ventiler le bâtiment, augmenter la consommation d’aliments en bâtiment…), il peut aussi s’agir pour les éleveurs de stratégies de choix d’espèces, de techniques agricoles, face au manque d’eau notamment. Les élevages en claustration semblent être avantagés sur les élevages en plein air.

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Au total, certains éleveurs optent pour l’adaptation technique (panneaux solaires, bâtiments  mobiles ou divisés en plusieurs étages, ventilation, ombre sur les parcours, plantation de haies…) et organisationnelle (adaptation des horaires de travail, départs à l’abattoir matinaux,  modification de l’heure de distribution de l’aliment, modification de l’alimentation,  vides sanitaires décalés) qui font converger les conditions de vie pour les animaux et les conditions de travail comme le suggère cet éleveur : « L’hiver je fais la poule : je commence plus tard et je finis plus tôt, et l’été on commence très tôt et on finit très tard ». Un autre éleveur confirme : « On est un peu pareils : l’été on attaque tôt quand il fait plus frais on bosse et puis à midi on fait une sieste ».

Une seconde étude a été menée en 2022-2023 par Alice Cubillé, Laure Fourrier, Célia Maman, Marine Mastain et Margot Saumade en filière « Bovin lait ». Cette étude montre en quoi l’augmentation de fréquence et d’intensité des épisodes climatiques tels que les sécheresses, les inondations, les vagues de chaleur, les incendies, les grêles, constitue une incertitude forte pour les éleveurs qui se projettent difficilement dans l’avenir. Cependant, le rapport pointe aussi de fortes divergences dans les réactions de ces éleveurs, mettant en évidence différents profils. D’un côté, des “pionniers” mènent par anticipation des changements majeurs et structurels et sont alors de véritables acteurs d’une transition. Ils se sentent « prêts », leur anticipation tempère leur angoisse souvent forte quant au futur et aux bouleversements climatiques dans leurs fermes (absence de neige en hiver, modification des saisons, etc.) et la rapidité des modifications observées. D’un autre côté, des éleveurs préfèrent des innovations « incrémentales » et s’adaptent au gré des chocs. Ces derniers soulignent souvent que le métier d’éleveur consiste à se préparer à toute éventualité, préférant les changements progressifs aux transformations radicales.

Le rapport montre que les changements climatiques désignent pour les éleveurs une énième tension pesant sur leur métier. Les principales transformations de pratiques et innovations observées concernent deux “dimensions” de la ferme : les parcelles de cultures et de prairies d’une part et de l’autre, les animaux. Dans la quête d’autonomie fourragère, le changement climatique invite à l’utilisation de nouvelles plantes plus adaptées au climat chaud sec comme le sorgho, de nouveaux mélanges prairiaux ou encore une transformation de leurs parcelles, en s’inspirant de modèles agroforestiers. Concernant les races d’animaux, les éleveurs recherchent une rusticité. Certains éleveurs font le choix d’apporter de nouvelles races et de nouveaux croisements. Ils espèrent ainsi obtenir des vaches plus adaptées au pâturage, plus résistantes aux épisodes de chaleur, plus robustes face aux pathologies. Par ailleurs, la traditionnelle traite biquotidienne est remise en question par des éleveurs qui pratiquent la monotraite ou l’envisagent. En préservant ainsi leurs vaches (monotraite, voire même tarissement pendant la période estivale), les éleveurs espèrent ainsi les aider à passer l’été de manière plus confortable. Les innovations liées aux bâtiments (brumisateur, ventilateur) ne font pas consensus chez les éleveurs, certains critiquant même l’emploi de ces technologies.

Ces innovations reposent sur de nouvelles connaissances qui s’acquièrent et se construisent au sein d’environnements familiaux et professionnels différents où les partages d’expériences divergent. Les éleveurs peuvent en effet suivre des formations, obtenir des accompagnements techniques (les techniciens de la collecte de lait) ou échanger entre pairs au sein d’associations. Parmi les freins cités par les éleveurs dans la transformation de leurs pratiques vers des modèles plus durables, ceux-ci citent les Chambres d’agriculture, l’insuffisance de mesures et d’aides nationales et européennes encourageant les pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement, mais aussi la lourdeur administrative qui rend leurs démarches administratives difficiles à gérer et pénibles au quotidien.

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Enfin, plusieurs éleveurs envisagent une cessation de leur activité. Le changement climatique est la goutte d’eau qui fait déborder l’élevage. La filière bovine laitière française, encore grandement extensive, appelle à une réflexion sur la santé globale de la ferme en la resituant dans son environnement socio-économique. Finalement, penser l’avenir de l’élevage impose d’approfondir de façon concomitante l’exploration du bien-être des animaux et la santé au travail des éleveurs, à l’aune des changements climatiques en cours. C’est le projet d’un travail à démarrer à l’automne 2023.

Auteurs :  

Sébastien Gardon, inspecteur de santé publique vétérinaire, ENSV-FVI | VetAgro Sup

Amandine Gautier, chargée de mission, ENSV-FVI | VetAgro Sup

Mariam Godde, Chargée de mission Institut One Health, ENSV-FVI | VetAgro Sup

>> Lire l’article original :

Changement climatique et élevage

 

Changements climatiques et dates de naissance

CChangements climatiques et dates de naissance

Chez les herbivores, la date de naissance est loin d’être un hasard. Elle est le fruit d’une savante combinaison entre le besoin de protéger les nouveaux-nés des prédateurs mais aussi de leur apporter suffisamment de nourriture pour assurer leur croissance. Et pour ce faire, toutes les espèces n’ont pas joué les mêmes cartes !

Avez-vous déjà entendu parler de ces faons retrouvés seuls par des promeneurs, comme abandonnés dans la forêt ? Ne les dérangez surtout pas, ils sont en fait cachés et c’est normal ! Chez les mammifères herbivores à sabot, qu’on appelle aussi ongulés, il existe deux façons de s’occuper de ses petits pendant leurs premières semaines de vie. « A la dure », quand le nouveau-né doit se mettre sur ses pieds dès sa naissance et suivre sa mère par tous les temps, comme le font les zèbres. On parle alors d’espèces du type « follower », littéralement « suiveur ». Ou bien « à la pacha », quand la mère laisse son petit dormir toute la journée, bien caché entre les herbes hautes, et ne vient le déranger que pour le faire téter, comme c’est le cas pour les chevreuils. Cette fois il s’agit de « hiders », qu’on pourrait qualifier de « maîtres du cache-cache ». Mais derrière ces deux méthodes d’éducation aux antipodes l’une de l’autre se cachent des implications bien plus importantes qu’on pourrait le croire.

« Hiders » et « followers »

La girafe, malgré ce qu’on pourrait croire au vu de sa grande taille, fait partie des « hiders » car elle cache son petit dans un bosquet ou des hautes herbes pendant une à trois semaines après sa naissance /©Lucie Thel, Parc Kruger – Afrique du Sud

La plupart des herbivores constituent un mets de choix pour les carnivores, particulièrement un bébé sans défense. C’est pourquoi ces mères du règne animal ont mis en place des stratégies pour protéger leurs petits des prédateurs. Les « hiders », en plus de cacher leurs petits, ont opté pour des naissances étalées dans le temps. On retrouve cette stratégie chez les espèces dont les membres vivent en petit groupes, voire seuls. Bilan : des petits peu nombreux mais très bien cachés, les prédateurs seront bien chanceux s’ils parviennent à les débusquer ! A l’opposé, les « followers » observent un pic de natalité très resserré dans le temps. Les prédateurs disposent alors d’une telle abondance de proies qu’ils ne les mangeront pas toutes, et loin s’en faut ! C’est souvent le cas des espèces qui vivent en très grands groupes. On peut citer notamment l’exemple du gnou, espèce chez qui plus de 80 % des jeunes naissent sur un laps de temps de deux à trois semaines.

A présent que la sécurité des petits est assurée, la mère doit se préoccuper de les nourrir.

Une stratégie de naissance liée aux ressources alimentaires

Élever un petit demande beaucoup d’énergie, surtout pendant les premiers mois suivant la naissance. La mère doit en effet s’alimenter suffisamment pour subvenir à ses propres besoins, mais aussi produire le lait qui assurera ceux de son petit. Un herbivore peut se nourrir d’herbe ou de feuilles. L’herbe a la merveilleuse capacité de pousser très rapidement aussitôt qu’elle reçoit de l’eau. Dès que le temps passe au beau fixe, elle a tendance à dépérir : c’est le cas notamment dans les paysages de savane en Afrique de l’Est et Australe, souvent caractérisés par la succession de saisons humides et de saisons sèches. Au contraire, les arbres et arbustes poussent lentement mais sûrement en puisant l’eau stockée dans le sol, disponible toute l’année. Ainsi, les herbivores qui préfèrent l’herbe mettront plutôt bas au moment précis où celle-ci est abondante et riche en nutriments, tandis que ceux qui préfèrent les feuilles mettront plutôt bas sur une période bien plus étendue.

Le buffle profite de la saison humide, période où l’herbe est riche en protéines, pour mettre bas et ainsi assurer des ressources suffisantes pour la croissance des veaux. /©Lucie Thel, Parc Kruger – Afrique du Sud

Influence des changements climatiques…

Faire en sorte que son petit naisse au bon moment par rapport à la ressource alimentaire pour lui assurer une bonne croissance, mais aussi par rapport aux autres petits pour le protéger des prédateurs, vous l’aurez compris, n’est pas chose facile pour une femelle herbivore.

Les périodes de naissance qu’on observe aujourd’hui sont le fruit d’une longue et lente sélection naturelle. Toutefois, avec les bouleversements que connaît notre planète à cause des changements climatiques, ces formidables adaptations sont remises en cause ! Les saisons sont fortement perturbées, les crues et sécheresses plus fréquentes et dévastatrices, les prédateurs disparaissent… Les chercheurs d’aujourd’hui se demandent comment ces changements vont affecter les espèces d’ongulés sauvages, selon leurs stratégies de naissance. Dans le cadre des recherches qui sont menées sur ces thématiques, je réalise une thèse (3 ans de recherches au Laboratoire de Biométrie et Biologie Évolutive de Lyon), afin d’établir les meilleures méthodes permettant de décrire précisément ces périodes. Ces connaissances nous permettront de mieux comprendre les raisons qui font qu’on observe ces périodes de naissance et pas d’autres, ou encore comment celle-ci pourraient évoluer avec le temps, en lien avec les changements climatiques.

Article écrit par Lucie Thel, doctorante au Laboratoire de Biométrie et Biologie Évolutive

(Université Claude Bernard Lyon 1, HCL, CNRS, Inria, VetAgro Sup)

Article publié dans le cadre des dossiers  « Les doctorants parlent de

leur recherche » en partenariat avec Pop’Sciences

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Sources

– Estes, R. D. (1976). The significance of breeding synchrony in the wildebeest African Journal of Ecology, Wiley Online Library, 14, 135-152

– Lent, P. C. (1974). Mother-infant relationships in ungulates The behaviour of ungulates and its relation to management, International Union for Conservation of Nature and Natural Resources, Morges, Switzerland, New Series, 24:1-940 (V. Geist and F. Walther, eds.), 1, 14-55

– Rutberg, A. T. (1987). Adaptive hypotheses of birth synchrony in ruminants: an interspecific test The American Naturalist, University of Chicago Press, 130, 692-710

– Ryan, S.; Knechtel, C. & Getz, W. (2007). Ecological cues, gestation length, and birth timing in African buffalo (Syncerus caffer) Behavioral Ecology, Oxford University Press, 18, 635-644

– Sinclair, A.; Mduma, S. A. & Arcese, P. (2000). What determines phenology and synchrony of ungulate breeding in Serengeti ? Ecology, Wiley Online Library, 81, 2100-2111

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