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Entrepreneurs, comment réussir vos « pitchs » devant vos futurs investisseurs ?

EEntrepreneurs, comment réussir vos « pitchs » devant vos futurs investisseurs ?

Un peu comme dans l’émission Qui veut être mon associé ?, beaucoup de jeunes entrepreneurs à la quête de nouveaux financements se sont un jour retrouvés à « pitcher » leur projet devant des investisseurs. Moments clés de la vie d’entreprises naissantes, les pitchs entrepreneuriaux contribuent à la construction d’une identité entrepreneuriale. Les créateurs s’engagent dans une communication verbale et non verbale qui leur permet de se présenter aux investisseurs en tant que personnes légitimes pour développer leurs idées.

Gérer ce processus de présentation de soi fait partie du catalogue d’un large réseau de consultants, programmes de formations, conférenciers et organisations de support à l’entrepreneuriat. Tous ces acteurs affirment offrir les meilleures réponses au fameux « how to pitch ? ». La littérature académique n’est cependant pas en reste. Elle témoigne d’un intérêt grandissant pour les indices comportementaux de personnalité et de cognition ainsi que pour la rhétorique. Les attitudes qui influenceraient favorablement les investisseurs potentiels sont ainsi mises en évidence.

Pour résumer cette littérature, il convient de puiser dans l’approche dramaturgique introduite en 1959 par le sociologue américain Erving Goffman dans un ouvrage intitulé La présentation de soi dans la vie quotidienne. Il y explique que nous empruntons régulièrement à ce qui relève de performances théâtrales afin de donner un sens aux situations de la vie quotidienne et créer une identité « situationnelle ». Le pitch entrepreneurial n’y échapperait pas : l’entrepreneur « acteur » utilise un dispositif rhétorique, son « texte », des manifestations gestuelles et émotionnelles, son « interprétation », devant les investisseurs, son « public ». C’est sur ces éléments scénographiques que nous revenons dans un numéro à paraître de la Revue de l’Entrepreneuriat.

ÊÊtre pitcheur, c’est être acteur

Parmi l’ensemble de traits étudiés par les chercheurs, c’est l’importance de la « passion » pour son entreprise, la manifestation d’un lien affectif intense et d’une forte implication personnelle, qui a suscité le plus fort consensus. Elle génère un engagement neuronal plus fort auprès des investisseurs et accroît leur volonté de débloquer des fonds. Ceux-ci apprécient en outre les attitudes positives qui signalent une personnalité optimiste et une forte confiance en soi.

Quand elles virent au narcissisme, l’issue s’avère cependant plus ambiguë. Si les investisseurs sur les plates-formes de crowdfunding ne sanctionnent pas les entrepreneurs qu’ils perçoivent comme arrogants et égocentrés, les investisseurs plus impliqués dans la stratégie de l’entreprise, tels que les business angels et les capital-risqueurs, anticipent les difficultés de collaboration future et se montrent plus réservés face à ces profils. Dans tous les cas, à l’encontre du stéréotype populaire de l’entrepreneur fanatique, obtus et déterminé, à la Steve Jobs ou Elon Musk, les études montrent que les investisseurs préfèrent des entrepreneurs humbles qui manifestent une ouverture aux autres, une écoute attentive des suggestions et une forte disposition à suivre les conseils de leurs partenaires présents et à venir.

FFaire appel aux émotions

Le choix rhétorique de l’entrepreneur a également un impact considérable sur sa probabilité d’obtenir des ressources financières. Les entrepreneurs qui se présentent comme des usagers concernés par le produit/service développé par leur start-up sont perçus comme plus convaincants. Ceux qui utilisent un langage figuratif, riche en anecdotes, analogies et métaphores, obtiendraient également plus souvent satisfaction.

Plusieurs études montent également que, contrairement à l’idée rationaliste selon laquelle seuls l’argumentation logique (logos) et les propos conférant de la crédibilité au narrateur (ethos) sont à même de convaincre, l’appel aux émotions (pathos) a toute sa place dans un pitch. L’entrepreneur peut ainsi susciter la colère, l’indignation, la pitié, la joie ou l’espoir des investisseurs potentiels pour les convaincre de le suivre dans son projet. À faire cela, il faudrait cependant éviter d’insister sur les étapes passées, comme celle de l’émergence du projet, pour se focaliser sur l’état actuel de développement ainsi que sur le potentiel de croissance de la start-up.

Survaloriser son produit en le qualifiant de disruptif, c’est-à-dire capable de changer la « manière dont les humains, les écosystèmes ou les sociétés fonctionnent », semble également, et peut-être contre-intuitivement, apprécié. L’exagération s’avère en fait facilement pardonnée et reste perçue comme légitime dans le cadre d’un pitch tant que l’entrepreneur ne dérive pas vers une déformation pure et simple des faits.

À tout cela se mêlent également des stéréotypes. Selon une étude, le style de communication procure un avantage aux hommes entrepreneurs qui parlent généralement de manière plus abstraite que leurs collègues féminins dont le style est plus concret et pragmatique.

SSur scène, sourire (mais pas trop)

Peut-être cela est-il en partie lié avec la mise en scène du discours de l’entrepreneur. Les gestes et l’expression faciale des émotions sont à même d’influencer positivement la réaction des investisseurs. À projet et discours égaux, l’usage d’une gestuelle métaphorique et les sourires, surtout en début et en fin de pitch, accentuent l’image d’un entrepreneur passionné et investi et influent ainsi sur la décision des investisseurs.

La sonorité de la voix a ainsi son importance. Les fréquences basses semblent plus appréciées par les investisseurs que les sons aigus. Elizabeth Holmes, fondatrice de l’entreprise américaine de santé Theranos, condamnée à 11 ans de prison en 2022 pour escroquerie après avoir été longtemps vue comme un « prodige » (c’était le qualificatif employé par l’ancien président Bill Clinton), avait ainsi prétendument travaillé avec un coach pour abaisser la tonalité dans laquelle elle s’exprimait.

La fréquence et la durée des sourires doivent, elles, être maîtrisées. Dans une étude analysant 1460 pitchs déposés sur la plate-forme Kickstarter, des chercheurs montrent que des financements supérieurs sont obtenus avec 3 secondes de sourire sur un pitch moyen de 82 secondes qu’avec plus de 5 secondes en temps cumulé ou, à l’inverse, presque pas de sourire. L’effet négatif du sourire trop fréquent ou trop long est dû notamment à la perception des investisseurs d’un entrepreneur peu authentique ou qui manque de sérieux.

PPour le public, un pitch idéal ?

Toute pièce de théâtre n’existerait pas sans un public. Il prend une importance particulière dans le pitch notamment car tous comportent une partie interactive lors de laquelle les investisseurs posent des questions et discutent avec l’entrepreneur.

La réaction des investisseurs peut être soumise à deux phénomènes complémentaires : l’homophilie, soit la préférence pour ceux qui nous ressemblent et, les attentes stéréotypées, soit la préférence pour les profils qui sont en adéquation avec le préjugé de ce qu’est un bon entrepreneur. Une nouvelle fois, les images préconçues interviennent. Des travaux montrent que, sans s’en rendre compte, les investisseurs posent des questions relatives à la croissance et à l’avantage concurrentiel (le « comment gagner ? ») aux hommes et des questions relatives au risque et aux barrières à l’entrée (le « comment ne pas perdre ? ») aux femmes. Dans la même veine, plusieurs études confirment que les femmes et les personnes issues des minorités sont mieux évaluées lorsqu’ils pitchent une start-up sociale plutôt qu’une start-up commerciale.

Les propos présentés ici laissent entendre qu’il est possible d’atteindre le pitch idéal qui serait parfaitement préparé et performé. Une prémisse fondamentale de l’approche dramaturgique est bien l’idée que la présentation de soi peut être maîtrisée et adaptée pour la scène. Des illustrations pratiques de cette idée figurent ainsi dans tous les modules sur la méthodologie du pitch inclus dans les programmes de formation et accompagnement à l’entrepreneuriat.

Cette vision conduit alors à une standardisation grandissante de la pratique de pitch. Si on peut se réjouir de la possibilité d’avoir des entrepreneurs mieux formés et plus performants, point avec cette homogénéisation le risque d’alimenter encore davantage les stéréotypes entrepreneuriaux, freinant le développement d’une certaine diversité dans l’univers entrepreneurial.The Conversation

 

Auteure : Ivana Vitanova, MCF en Finance, Université Lyon 2, Université Lumière Lyon 2

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original :

The conversation

La Russie envahit l’Ukraine : une guerre de communication

LLa Russie envahit l’Ukraine : une guerre de communication

Dans le prolongement de la semaine de l’Europe organisée par l’Université Jean Moulin Lyon 3, les bibliothèques universitaires Lyon 3 organisent une conférence-débat « Question de société » sur le conflit militaire en Ukraine et son traitement médiatique.

Huit ans après l’annexion de la Crimée par la Russie et le début de la guerre dans le Donbass, la Russie de Vladimir Poutine agresse l’Ukraine le 24 février 2022. Ce plus grand conflit militaire sur le territoire européen depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale s’impose sur les écrans de tous les médias et les réseaux sociaux et bouleverse l’opinion publique aussi bien en Ukraine, qu’en Russie et en France. La conférence vise à contextualiser les événements en cours et à offrir un éclairage info-communicationnel de la guerre. Dans cet objectif, il s’agit de rappeler les origines du conflit et de se pencher sur les éléments de la rhétorique des dirigeants de la Russie et de l’Ukraine et sur le rôle des médias et des réseaux socio-numériques dans la mise en discours et en images du conflit militaire en cours.

Animée par : Valentyna DYMYTROVA, maitre de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Jean Moulin Lyon 3

Pour en savoir plus : 

Université Jean Moulin Lyon 3

 

 

Les émotions et la musique chez les animaux | Pop’Sciences Mag #10

LLes émotions et la musique chez les animaux | Pop’Sciences Mag #10

Chez les animaux aussi, sons et émotions vont de pair. Déjà, dans son ouvrage De l’expression des émotions chez l’homme et les animaux, Charles Darwin pressentait le codage des émotions par les sons. Et en effet, à qui prête l’oreille, la nature offre de véritables paysages sonores truffés d’informations. C’est tout le travail de la bioacoustique de les décrypter.

Cet article est extrait du Pop’Sciences Mag #10 : Sous l’emprise des émotions

Par Héloïse Therrat et Matthieu Martin   |   mars 2022

©Nicolas Mathevon

Les sons nous renseignent aussi bien sur l’état de la biodiversité que sur les interactions entre animaux nous explique Nicolas Mathevon, directeur de l’équipe de neuro-éthologie sensorielle à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne. « La communication animale sert de support aux interactions sociales entre animaux », résume le bioacousticien du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL). Ainsi, par ses vocalises la mésange avertit ses congénères de la présence d’un prédateur ; le hérisson pousse des reniflements rythmiques au cours de sa parade nuptiale ; le singe hurleur marque son territoire par ses cris. Certains sons constituent la signature de l’individu – de même que chaque être humain a une voix, une façon de parler propre – d’autres au contraire transmettent des émotions. Au CRNL, des travaux ont montré que le diamant mandarin – un oiseau originaire d’Australie – pouvait ressentir le stress dans le cri de sa femelle et entrer lui-même dans un état de stress. Les émotions chez les animaux seraient donc bien communicables par les sons.

Mais si les sons provoquent des émotions chez les animaux, qu’en est-il de la musique ? On sait que la musique est très marquée culturellement. Sur ce point, Nicolas Mathevon reste donc prudent : « L’éthologie nous apprend à ne pas nier la personnalité des animaux et à se prémunir de toute approche anthropocentrée », rappelle-t-il. En revanche, les scientifiques s’accordent sur le fait que la musique demande un certain nombre de capacités perceptuelles et d’analyses enracinées très loin dans l’arbre de l’évolution. Il en est ainsi de la perception du rythme, ce qu’a montré une étude menée sur des éléphants de mers en Californie. Les mâles émettent des cris très particuliers destinés à éviter les confrontations avec leurs congénères. En les analysant, des chercheurs ont montré que chaque individu a une signature rythmique propre et une perception très fine du rythme produit par les autres éléphants de mers. Certains animaux auraient donc le sens du rythme. L’origine de la musique se trouverait-elle alors dans la communication animale ? C’est une piste aujourd’hui explorée.

Redonner la parole | Visages de la science

RRedonner la parole | Visages de la science

« Je voulais lui permettre de s’exprimer pleinement »

Comment favoriser la communication avec une personne qui ne sait ni parler, ni écrire ? La réponse est donnée par Alexandros Sidiras Galantes, étudiant en 5e année du département télécommunications, services et usages de l’INSA Lyon et créateur de l’application « PicTalk », qui permet aux personnes non-verbales de communiquer avec leur entourage grâce à un simple smartphone.

La solution de communication alternative qu’il a imaginé en mettant en œuvre ses compétences de futur ingénieur a largement séduit le jury des Coups de Pouce Passion de la Fondation INSA Lyon.

Alexandros a créé cette application mobile pour permettre à son petit frère handicapé de dialoguer avec son entourage, au plus juste de sa pensée.

>> Lire l’interview sur :

INSA Lyon

Le radio-amateurisme

LLe radio-amateurisme

Public : Dès 7 ans.

Le radio club de Lyon F8KLY (connu aussi comme REF69) basé à Lyon Fourvière forme les personnes à l’activité de radio-amateurisme.

Cette activité s’appuie pleinement sur la science, mais aussi sur la nature pour ses liaisons longues distances.

Au programme de cet atelier de découverte :

  • Explication du fonctionnement d’une radio
  • Liaison VHF avec des radio-amateurs
  • Liaison décamétrique avec des radio-amateurs du monde

Atelier proposé par le radio-club de Lyon F8KLY, et animée par René Buttin.

 

Retrouvez l’enregistrement de l’atelier :

Nous nous excusons pour le quadrillage de mise au point de la caméra resté à l’écran durant l’enregistrement, mais qui ne ternit en rien le contenu de l’atelier !

 

Cet atelier s’inscrit dans le cadre de la Fête de la science 2020.

Il s’intègre à la programmation du Village des Sciences des Monts-du-Lyonnais 2020, organisé par l’association CréAct’IV Sciences.

 

CréAct’IV Sciences

Retrouvez les autres activités de la Fête de la science 2020 à revivre depuis chez vous

La télégraphie

LLa télégraphie

Public : Dès 7 ans.

Radio-amateur de la Fidésienne de Télégraphie, rattachée au REF 69, le radio-club de Lyon, Jean-Louis Maire est un passionné qui vous fera découvrir la télégraphie et son histoire avec passion.

Atelier proposé par la Fidésienne de Télégraphie, et animée par Jean-Louis Maire.

 

Retrouvez l’enregistrement de l’atelier :

Nous nous excusons pour le quadrillage de mise au point de la caméra resté à l’écran durant l’enregistrement, mais qui ne ternit en rien le contenu de l’atelier !

 

Cet atelier s’inscrit dans le cadre de la Fête de la science 2020.

Il s’intègre à la programmation du Village des Sciences des Monts-du-Lyonnais 2020, organisé par l’association CréAct’IV Sciences.

 

CréAct’IV Sciences

Retrouvez les autres activités de la Fête de la science 2020 à revivre depuis chez vous

Quel est le devenir de l’humain face au numérique

QQuel est le devenir de l’humain face au numérique

A l’heure de l’intégration massive des technologies numériques, il devient vital de savoir si c’est l’homme qui gère le(s) système(s) ou si l’homme est devenu dépendant pour ne pas dire esclave d’un monde qui le domine.

En effet, les procédés industriels ont développé des outils informatique, puis numériques qui ont envahit nos activités et modes de communication.

Pour tenter de répondre à cette question, deux experts nous donneront leur point de vue et nous éclaireront sur les perspectives que nous pouvons entrevoir autour des sujets suivants :

> Comment le numérique transforme notre relation à la matière et à autrui ?

Les nouveaux matériaux ont des propriétés souvent modulables et portent en eux-mêmes la logique de leur structure (calcul numérique). Ainsi, avec la connectique, ils deviennent interactifs. Leur action se déploie au-delà de leurs propres limites physiques . Peut-on concilier complexité des matériaux et soutenabilité des matières ?

Les outils numériques mettent tout « à portée de nos doigts » (tactilité digitale). Ils transforment le rapport de l’individu à son propre corps, sa représentation, sa relation aux autres (coprésence digitale). Quels nouveaux modèles imaginer pour représenter ce monde hybridé par les technologies ?

La crise sanitaire a accéléré la nécessité de la transformation numérique : télé-travail, télé-enseignement, télé-médecine… Il a fallu identifier de nouvelles façons de communiquer. N’y a-t-il pas un risque que le « tout digital » s’impose comme une nouvelle norme après la crise ?

> Les relations entre corps et espace au fil du temps : technique et formes de représentation

Le développement des technologies numériques modifie la relation humaine au monde : tant à l’espace physique – les objets, l’architecture, la ville – qu’à l’espace social – son propre corps et celui des autres.

On se propose alors de questionner l’histoire de l’espace architectural à partir du corps humain : ses proportions, ses dimensions et sa représentation.

Ainsi, au fil du temps, l’art et l’architecture ont rôle attribué un rôle au corps humain. On soulignera donc, les étapes signifiantes de ce parcours marqué par l’évolution technique. De là, se façonnent réciproquement l’humain et l’espac.

Intervenants :

  • Christine Browaeys, ingénieur et sociologue
  • Alessandro Vicari, architecte

Organisée par :  IESF Lyon RA

En savoir plus :

IESF – Ingénieurs et scientifiques de France

Comment les femelles bonobos dirigent la société

CComment les femelles bonobos dirigent la société

Une récente étude de l’Université de Lyon/Saint-Étienne montre que lorsqu’elles mangent, les femelles bonobos ont tendance à mettre en évidence leur postérieur ! Cette posture inconfortable ferait partie d’une complexe stratégie de communication au sein de cette espèce qui utilise le sexe comme outil social…

Les bonobos et les chimpanzés sont les deux espèces vivantes les plus proches de l’humain. Ces deux espèces montrent de nombreux points communs, mais aussi des différences assez frappantes !  Bonobos et chimpanzés vivent dans de grands groupes et lorsque les femelles atteignent la maturité sexuelle, ce sont elles qui partent pour rejoindre de nouveaux congénères. Un tel système devrait favoriser les liens sociaux et les alliances « politiques » entre mâles qui, quant à eux, restent toute leur vie dans leur groupe natale. Contrairement aux chimpanzés qui suivent cette règle générale de la dominance des mâles, chez les bonobos ce sont les femelles qui sont dominantes…  Mais comment font-elles ?

Même si elles ne sont pas apparentées, les femelles bonobos créent des liens sociaux très forts entre elles. Bref, elles sont copines ! On remarque que les comportements sexuels jouent un rôle majeur dans le renforcement des relations et alliances « féministes ». Et pour être plus sexy, l’évolution les a équipées d’une véritable arme secrète

Photographie d'un comportement sexuel entre deux femelles bonobos.

Comportement sexuel entre deux femelles bonobos. Photo prise au parc La Vallée des Singes (France) par Elisa Demuru.

Chez plusieurs espèces de primates, le gonflement périodique des parties génitales des femelles est une norme et il atteint son maximum lorsque la femelle est fertile. Chez les bonobos pourtant, ce gonflement dure plus longtemps que nécessaire pour signaler la période de fertilité. Il est donc presque impossible pour les mâles d’associer ce gonflement des parties génitales à une fertilité effective chez la femelle. Les mâles ne peuvent donc pas s’appuyer sur ce signal pour tenter de s’accoupler avec une partenaire au moment le plus propice. En décourageant ainsi les mâles du groupe, les femelles les empêchent d’entrer en concurrence et de s’affronter pour obtenir les faveurs de la femelle. De cette manière, les femelles bonobos obtiennent un climat social plus paisible au sein de la communauté, et surtout, elles sont moins victimes de harcèlement de la part des mâles.

Mais le sexe chez les bonobos ne sert pas seulement pour la reproduction, il est aussi un important outil social qui n’a pas des frontières d’âge ou de genre. Ce gonflement est donc également très attirant pour les femelles bonobos ! Et ça tombe bien, parce que le sexe entre femelles renforce leurs liens. En brouillant les signes de fertilité et en partageant des liens sociaux-sexuels forts entre elles, les femelles bonobos limitent l’agressivité des mâles et arrivent à être les cheffes de leur groupe… double victoire ! Et comme ce gonflement est si important, il vaut mieux le montrer le plus possible.

Dans une nouvelle étude publiée dans le journal scientifique Scientific Reports, quatre chercheurs du laboratoire Dynamique du Langage (Université de Lyon) et de l’Équipe de Neuro-Éthologie Sensorielle (Université de Saint-Étienne) ont démontré que les femelles bonobos adultes ont tendance à adopter une posture inconfortable donnant plus de visibilité à leur postérieur, surtout lorsque le gonflement est à son maximum. Cette posture avec le postérieur « en haut » serait un amplificateur, qui fonctionne comme une sorte de publicité « extra » pour un signal déjà existant, c’est-à-dire le gonflement génital.  Les mâles adultes et les individus immatures, quant à eux, ne montrent pas de préférence pour cette posture. Ces résultats renforcent l’hypothèse que manger avec le postérieur en haut serait une vraie stratégie de communication complexe des femelles bonobos, qui les aide à conserver leur ascendant sur le groupe.

Photographie d'une femelle bonobo qui rend son gonflement génital plus visible en mangeant avec le postérieur en haut.

Femelle bonobo qui rend son gonflement génital plus visible en mangeant avec le postérieur en haut. Photo prise au parc La Vallée des Singes (France) par Elisa Demuru.

À l’origine de cette étude financée par le LabEX ASLAN, le projet collaboratif ADYN-BONOBO qui a comme objectif d’étudier la communication chez les bonobos à travers une approche multidisciplinaire basée sur l’éthologie, la bioacoustique, la phonétique, et les sciences de la complexité.

Rédaction : Rémi Léger, assistant de communication du LabEx ASLAN

[Regards sur…] La crise sanitaire et la reconfiguration de l’information

[[Regards sur…] La crise sanitaire et la reconfiguration de l’information

Relai de la rhétorique guerrière initiée par le gouvernement comme des controverses scientifiques, les médias ont proposé pendant l’espace du confinement un contenu informationnel entièrement tourné vers les effets et les enjeux de la gestion de l’épidémie.

Mathias Vallex, docteur en sciences de l’information et de la communication de l’Université Lumière Lyon 2 (ELICO), analyse comment la crise sanitaire a reconfiguré la diffusion et notre consommation de l’information.

 

Prévention et réactions face au coronavirus. Étions-nous prêts ?

PPrévention et réactions face au coronavirus. Étions-nous prêts ?

En septembre 2016, l’Université de Lyon s’associait au Lyonbiopôle pour une consultation citoyenne de grande ampleur sur les épidémies – en simultané dans 8 pays européens. Au regard de la crise sanitaire actuelle, les résultats de l’époque sont éloquents.

L’objectif de la consultation était que, dans chacun de ces 8 pays, des groupes de citoyens représentatifs de la population fassent remonter aux autorités leurs recommandations liées à la prévention et la réaction des autorités publiques lors d’un risque épidémique et d’une épidémie. 425 personnes ont participé à ces journées dans toute l’Europe et l’ensemble des résultats de la consultation sont accessibles ici.

11 mai 2020, par Samuel Belaud

Photo by Martin Sanchez

La consultation citoyenne, qui s’inscrivait dans le cadre du projet européen ASSET, visait à identifier l’approche que les citoyens européens considéraient la meilleure pour communiquer sur les épidémies et gérer une crise sanitaire de grande ampleur. Près de quatre ans plus tard, les opinions et les attentes qui étaient ressorties de l’étude sont très riches d’enseignement. Au regard de ce que la population espérait de la gestion de crise épidémique, quelles sont les réussites et les échecs actuels des modes de gouvernance de la crise du Covid-19 ?

Annuler les J.O ? Oui !

Les participants étaient invités à se prononcer sur l’équilibre entre sécurité, santé publique et libertés individuelles. Globalement, l’ensemble des citoyens s’entendait sur l’importance de réduire l’activité et les déplacements, bien que 30% des français se prononçaient a priori contre la fermeture des services publics (contre 14% dans les autres pays européens). Conscients des grands principes de sureté publique en cas d’épidémie, les répondants affirmaient quasiment d’une seule voix la primauté des soignants et des plus fragiles dans l’accès aux soins spécifiques à la / aux maladie/s causée/s par le virus.

Suivant l’intuition des participants à la consultation de 2016, les olympiades japonaises initialement prévues à l’été 2020 ont bel et bien été déprogrammées du calendrier des grands événements internationaux.

Informer sur le nombre de cas et de décès ? Certainement pas….

En temps de crise, difficile de conjuguer : communication, information et transparence. Pour éviter certains écueils dans les stratégies d’information actuellement à l’œuvre, les enseignements de cette consultation n’ont d’ailleurs pas tous été tirés dès lors qu’on se penche sur l’ordre d’importance des informations que les répondants s’attendaient à recevoir en cas de crise. Pour seulement 2% des répondants (0% pour la France), il s’agissait de connaître la quantité de contaminations et de décès… Loin des décomptes et classements quotidiens – télévisés et très largement commentés – actuellement à l’œuvre un peu partout autour du globe !

Un des objectifs de l’exercice de consultation était de dresser un panorama des sources d’information et des canaux de communication à privilégier en cas de crise et des niveaux de confiance qui leur étaient accordés. Malgré certaines faiblesses, alors récentes, dans les process d’information sanitaire (en septembre 2016, l’épidémie d’infections liées au virus Zika battait son plein et les critiques sur la gestion de crise de la grippe H1N1 de 2009 n’étaient pas retombées – en particulier en France), les répondants affichaient une meilleure confiance dans les relais d’informations classiques : grands médias, organismes de santé publique et médecins généralistes.

Une confiance à rebâtir autour des acteurs de santé publique et de recherche

La figure tutélaire du médecin généraliste reste pour une grande majorité d’européens la porte d’entrée vers une information de santé la plus fiable. Mais cette confiance s’effrite au fur et à mesure que l’on remonte la chaine de responsabilité sanitaire : vers les autorités étatiques et les organismes de recherche. Le souhait d’avoir affaire à des institutions de santé publique totalement indépendantes est d’autant plus important que la méfiance des lobbies est grande. Dès lors, à la lecture détaillée des résultats, les gouvernances européennes ont eu tout intérêt à développer des processus d’informations clairs, transparents et moins basés sur de l’immédiateté anxiogène que sur le temps long de la réflexion et de la concertation.

Tiraillés entre le temps long de des recherches scientifiques et l’impatience du résultat.

Un paradoxe surgit entre la volonté (affichée en 2016) de se fier au temps long de la recherche scientifique et l’insoutenable effort (actuel) d’être contraints d’attendre les résultats scientifiques sur des traitements ou des vaccins. Hydroxychloroquine en tête, nombre de sondés contemporains souhaitent accélérer les processus classiques de la science et outrepasser quelques étapes pourtant indispensables à la fiabilité du-dît traitement. En 2016, alors non concernés directement par l’urgence pandémique, les répondants n’en attendaient pas tant :

Les niveaux d’appréciation des risques et de confiance différaient parfois beaucoup entre la France et l’Europe. Les vaccins en particulier faisaient l’objet d’une défiance plus forte chez certains français, rassemblant, selon-eux, des risques à la fois sanitaires et sécuritaires qui ne prévalent pas sur les bénéfices que nous pourrions tirer d’une couverture vaccinale généralisée. Pourtant dans le cas du Covid-19, l’immunité de groupe (le virus circule et atteint au moins 70% de la population, de telle sorte que la propagation du virus s’interrompt) tant convoitée par l’ensemble des états ne pourra pas être atteinte de si tôt. Tant et si bien que l’immunité collective vaccinale demeure pour l’instant l’échappatoire le plus fiable… Mais il faudra patienter au moins 18 mois avant d’espérer qu’un vaccin efficace et fiable soit proposé.

De quoi relativiser certains résultats de 2016 :