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Projet Marti : l’application multilingues qui prépare vos consultations aux urgences

PProjet Marti : l’application multilingues qui prépare vos consultations aux urgences

L’application Marti c’est un outil qui permet aux patients allophones ou ayant des troubles du langage (sourds-muets, dysarthrie, aphasie, …) de réaliser une anamnèse sans la barrière de la langue. Elle a été développée par des internes en médicine. Nous avons rencontré Quentin Paulik, à l’initiative de cette application.

Bonjour Quentin, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Quentin Paulik, je suis interne en médecine générale à Lyon. Il me reste un an d’internat, mais je suis actuellement en année de recherche pour le projet Marti.

D’où vient l’idée du projet Marti ?

L’idée nous est venue en 2018, avec Iliès Haddou, actuellement interne en anesthésie-réanimation et co-fondateur de l’outil, au cours de nos diverses expériences en stage dans les services d’urgences pendant l’externat. Il arrive quotidiennement que personne dans le service ne parle la langue de certains patients étrangers. L’interrogatoire est alors difficile et souvent interrompu rapidement du fait du manque de temps, ce qui induit un risque élevé de mauvais diagnostic et donc de mauvaise prise en charge. Aux urgences, la compréhension des symptômes, des antécédents, ainsi que de l’histoire du malade, sont incontournables pour effectuer un bon examen clinique puis surtout un bon diagnostic. Or, en France, il y a chaque année 22 millions de passages aux urgences, dont plus de 5 % concernent des patients allophones ou ayant des troubles du langage (sourds-muets, dysarthrie, aphasie…). L’accès aux interprètes professionnels est rare, et les outils de traduction peu utilisés, car chronophages. Or, cette barrière de la langue peut induire des erreurs médicales parfois graves, car l’anamnèse (antécédents, symptômes, allergies…) est essentielle pour une prise en charge médicale réussie.

Que signifie ce nom ?

Le projet est né au Hacking Health Lyon en novembre 2018, événement organisé par le cluster i-Care et qui rassemble chaque année une centaine de participants se réunissant autour de problématiques de santé, afin de proposer des projets innovants dans le domaine.

Iliès et moi sommes arrivés à cet hackathon avec cette problématique, sans idée précise de l’outil pour y répondre. Nous avons été rejoints pendant le hackathon par Axelle et Mélanie (ergothérapeutes), Mathilde et Claire (designers), Xavier et Adam (informaticiens). Le dernier jour, avant de présenter le projet devant un jury d’experts, il nous fallait absolument trouver un nom. Marti, qui est en réalité l’acronyme de Moyen d’Accès Rapide A la Traduction de l’Interrogatoire, est né. On aime le personnifier en un patient italien qui pourrait bénéficier de l’outil.

Peux-tu nous expliquer le fonctionnement de l’application ?

Marti est une application Web sur tablette pour les services d’urgences, permettant au patient allophone (non francophone) de réaliser sa propre anamnèse « virtuelle », de manière autonome pendant son temps d’attente aux urgences. Plusieurs canaux de communication sont utilisés : du texte dans la langue du patient, mais aussi des pictogrammes, afin de dépasser la barrière de la langue, quel que soit le handicap du patient. Cette borne amovible et tactile est proposée par l’infirmier(e) d’accueil au patient allophone au moment de son arrivée aux urgences. Celui-ci remplit alors ces informations dans la salle d’attente, puis un compte-rendu PDF est automatiquement transmis au médecin qui prendra en charge le patient.

Avez-vous bénéficié d’aide extérieure ?

Bien sûr, un projet de cette ampleur ne peut pas se construire seul dans son coin. Tout d’abord, nous avions cette chance au début de venir d’horizons différents. Malheureusement, les choses font qu’on ne peut pas s’investir à 8 dans un tel projet, avec les mêmes attentes, contraintes et la même vision. C’est pourquoi aujourd’hui nous sommes 3, Iliès en tant que directeur médical, Clémence en tant que designer-graphiste, et moi-même en tant que CEO.

Depuis le Hacking Health Lyon, nous avons le soutien du comité organisateur, i-Care LAB, qui nous met en relation avec les bons interlocuteurs de l’écosystème entrepreneurial. Nous avons également le soutien depuis le début de la faculté de médecine Lyon-Est, que je remercie, et notamment son doyen, Pr Rode. Nous avons aussi travaillé avec plusieurs agences informatiques.

L’outil a pu être expérimenté aux urgences pédiatriques de l’hôpital femme-mère-enfant une première fois en juin 2021, grâce à une collaboration avec les Hospices civils de Lyon. Plusieurs services ont collaboré : la direction du groupement hospitalier est, la direction informatique (DSI), la direction de la recherche et de l’innovation (DRCI), et le service des urgences avec des médecins urgentistes, des infirmières et auxiliaires de puériculture et enfin les cadres.

Avez-vous bénéficié de financement ?

Oui, grâce à un financement de la SATT lyonnaise (Société d’accélération du transfert de technologies) Pulsalys, nous avons pu travailler pendant 6 mois avec une chercheure en linguistique interactionnelle du laboratoire ICAR (sous la tutelle du CNRS, de l’ENS de Lyon et Université Lumière Lyon 2) pour tester les arborescences, pictogrammes et maquettes au sein de populations allophones et préparer l’expérimentation aux HCL. La traduction en 11 langues de notre prototype a aussi été réalisée grâce à ce financement, par des traducteurs professionnels d’ISM-Corum et d’Aradic.

En tant que jeunes médecins, avez-vous rencontré des difficultés à lancer un tel projet ?

Oui, on ne peut pas dire que cela soit facile. Déjà, cela n’est pas encouragé au cours de nos études : nous n’avons aucune formation ni même incitation à découvrir le monde entrepreneurial, et l’ampleur des connaissances à ingurgiter nous laisse peu de temps pour nous y aventurer. Ensuite, cela n’est pas forcément bien vu dans le monde médical, je passe parfois pour un fou, ou un commercial qui veut faire du business, tel un visiteur médical… Alors que mon but est avant tout de faire un outil qui soit utile pour les médecins. Enfin, on ne peut pas dire que le monde médical et notamment hospitalier soit le plus propice au développement d’innovations technologiques : il y a beaucoup de craintes et de conservatisme dans ce milieu, ce qui explique, je pense, le retard technologique qui existe par rapport au monde de l’entreprise.

Comment voyez-vous le développement de votre application ?

Le développement de ce prototype a été très chronophage pour nous, avec une arborescence de plus de 250 questions créées, retravaillées, réorganisées, ainsi que 480 pictogrammes également testés au sein de populations migrantes via des associations… Tout cela nous a pris deux ans. Donc avant de poursuivre son développement pour les urgences « adultes », et pour une version ambulatoire pour les médecins généralistes et pédiatres, nous voulons d’abord nous assurer du besoin et ainsi créer une première version commerciale pour les services d’urgences pédiatriques.

Quelles sont vos ambitions pour la suite pour le projet marti ? Ou d’autres projets ?

L’ambition est de se déployer dans un maximum de services d’urgences, qu’ils soient publics ou privés, pour faire profiter de l’outil à un maximum de patients.
Ensuite, nous aimerions créer une version ambulatoire pour les médecins généralistes et pédiatres confrontés aux mêmes problématiques en consultation : celle-ci sera adaptée à leur exercice, et le questionnaire pourra contenir des questions de suivi/prévention personnalisables par le médecin, pour couvrir un large champ de sujets sans lui faire perdre de temps.

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