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Pourquoi si peu de filles en mathématiques ? | The Conversation

PPourquoi si peu de filles en mathématiques ? | The Conversation

À 17 ans, une fille française sur deux n’étudie plus les mathématiques, contre seulement un garçon sur quatre. Publié en janvier 2024 chez CNRS Editions, « Matheuses – Les filles, avenir des mathématiques » se penche sur ces inégalités pour mieux les combattre.

À travers 10 chapitres, la chercheuse Clémence Perronnet, la médiatrice scientifique Claire Marc et la mathématicienne Olga Paris-Romaskevitch apportent des réponses scientifiques à des questions comme « Faut-il avoir des parents scientifiques pour réussir en maths ? », « Les maths sont-elles réservées aux élites ? » ou encore « Les modèles féminins créent-ils des vocations chez les filles ? »

Ci-dessous, nous vous proposons de lire la conclusion de cet ouvrage conçu aussi bien comme une enquête sociologique qu’un cahier de maths.

Les parcours en mathématiques commencent dès la petite enfance, avec l’influence forte de la socialisation familiale. On a beaucoup plus de chances de s’intéresser aux maths et d’être encouragée dans cette voie lorsqu’on a des parents scientifiques – et surtout, pour les filles, une mère scientifique. Ces héritages familiaux sont purement sociaux et ne reposent pas sur la transmission d’un goût ou d’un talent génétique. Contrairement aux idées reçues, notre intérêt, notre curiosité et nos compétences en mathématiques ne sont jamais déterminés à l’avance par des caractéristiques biologiques. L’intelligence n’est pas innée, et ce n’est pas elle qui fait la compétence en mathématiques : celle-ci ne s’acquiert que par l’entraînement. Ce n’est donc pas parce qu’on est brillant, génial ou naturellement talentueux qu’on devient bon en maths. À l’inverse, c’est au fur et à mesure qu’on les pratique et qu’on s’y investit que l’on nous reconnaît talent et intelligence, parce qu’on investit cette discipline qui détient un important pouvoir symbolique et social.

Il y a néanmoins une très grande inégalité de traitement dans cette reconnaissance, puisque l’intelligence est beaucoup moins facilement accordée aux femmes qu’aux hommes. Les discours pseudoscientifiques qui prétendent prouver l’origine biologique de l’intelligence et les processus d’évaluation à l’œuvre dans le système scolaire desservent systématiquement les femmes. Celles-ci sont toujours considérées comme naturellement moins douées – alors même que des décennies de recherche scientifique établissent que le sexe biologique ne détermine aucunement les capacités cognitives.

Ces inégalités de traitement expliquent la sous-représentation des femmes dans certaines sciences (mathématiques, informatique, ingénierie…) mais aussi leur surreprésentation dans d’autres (biologie, chimie, médecine…). En effet, les disciplines scientifiques ne sont pas investies de la même façon selon la valeur qu’on leur prête dans le monde social. Les hiérarchies disciplinaires, de genre et sociales se croisent pour construire un espace social et sexué des sciences. Au sommet, les mathématiques et la physique sont considérées comme les plus fondamentales et théoriques ; ce sont elles qui recrutent le plus d’hommes et de personnes des classes favorisées. Les champs de l’ingénierie, de la technologie et de l’industrie, associés à l’application et à la technique, ont un recrutement tout aussi masculin mais davantage populaire. Enfin, les sciences du vivant comme la médecine et la biologie, focalisées sur l’activité de soin et de sollicitude, sont les plus féminisées. Cela n’en fait pas des sciences plus égalitaires, puisque la présence des femmes s’y explique toujours par la croyance en des différences de nature entre les sexes (ici, l’existence de qualités féminines liées au care).

Le cas particulier de l’informatique montre bien la façon dont les liens entre genre, savoir et pouvoir produisent des orientations inégalitaires. Loin d’être le résultat de préférences ou de compétences « naturelles », l’absence des filles en informatique est le résultat d’une éviction. Alors qu’elles étaient majoritaires dans cette discipline à ses débuts, les femmes en ont été exclues lorsqu’elle a pris de l’importance et est devenue le lieu d’enjeux de pouvoir économiques et politiques. Aujourd’hui, en milieu scolaire comme en milieu professionnel, les femmes sont confrontées à des comportements sexistes constants de la part de leurs professeurs, camarades et collègues, et leur prétendue incompétence et incompatibilité avec l’informatique servent à justifier leur évincement.

L’absence d’intérêt ou de confiance en soi n’est jamais le point de départ de la situation des femmes en mathématiques : elle est le résultat de leur expérience. Les filles perdent confiance en constatant les efforts infructueux de leurs mères, en rencontrant page après page des personnages qui leur enseignent la résignation face à la domination et en étant la cible quotidienne de violences sexistes et sexuelles dans une société qui leur vante pourtant ses mérites égalitaires. Dans leur vie quotidienne comme dans la fiction, tout indique et rappelle aux filles leur incompétence « naturelle » en mathématiques et les sanctions qui les attendent si elles essayent malgré tout d’investir ce champ du savoir.

Why science is for me (The Royal Society, 2020).

Ces sanctions sont les plus fortes pour les adolescentes noires, arabes ou asiatiques et issues des milieux populaires, qui expérimentent une triple discrimination sexiste, raciste et classiste. Les mathématiques sont les plus élitistes des sciences, mais leur aspiration universaliste produit une illusion de neutralité qui minimise le poids de la classe et de la race dans les parcours. La norme du désintéressement dissimule ainsi les conditions matérielles privilégiées qui sont nécessaires à la pratique des mathématiques pures, les plus valorisées.

Faire le choix des mathématiques quand on est une fille impose une transgression des normes de genre et un inconfort que seules les adolescentes les plus favorisées peuvent tolérer – non sans sacrifices. L’absence des groupes dominés en sciences est produite structurellement. Elle n’est ni une affaire de parcours individuels ni un phénomène purement psychologique. Les femmes, les personnes des classes populaires et les personnes non blanches ne s’autocensurent pas en sciences : elles sont censurées socialement par le poids des rapports de domination.

Dans ce contexte, des actions en non-mixité comme les stages des Cigales peuvent jouer un rôle important. En protégeant pour un temps les filles des violences sexistes, elles leur permettent de se consacrer pleinement à la pratique des mathématiques. Elles favorisent également une prise de conscience des inégalités et mettent en avant des modèles de femmes scientifiques encore trop rarement accessibles pour les adolescentes.

Néanmoins, ces actions ne feront progresser l’égalité qu’à condition de renoncer aux croyances en la différence « naturelle » entre les sexes, et de reconnaître les autres rapports de domination structurant le champ scientifique. Si elles peuvent suspendre temporairement les rapports sexistes, les actions en non-mixité de genre n’échappent ni à l’élitisme ni au racisme. Faute de prendre en compte l’ensemble de ces rapports sociaux, elles bénéficient davantage aux filles des classes les plus favorisées.

©CNRS éditions

Pour avancer vers l’égalité et réaliser véritablement leur ambition universelle, les mathématiques doivent repenser complètement leur histoire, leur fonctionnement et leur sens. Pour servir l’intérêt général, elles doivent refuser d’élever une minorité au détriment de la majorité. Cela impose de prendre conscience de la façon dont la pratique actuelle des maths rend impossible l’accès de tous et toutes aux savoirs et aux carrières.

Parce que les inégalités sont sociales et structurelles, les outils pour les résorber doivent l’être également. Les actions ponctuelles et périphériques à destination des groupes sociaux exclus sont nécessairement insuffisantes. Les mathématiques ont besoin d’une transformation interne et collective des pratiques, fondée sur le refus de construire la discipline sur la réussite personnelle de quelques individus jugés exceptionnels, et sur le rejet systématique de toutes les approches naturalisantes des femmes et des hommes, mais aussi des questions de goût, de talent et de mérite.The Conversation

 

Auteure :

Clémence Perronnet, chercheuse en sociologie rattachée au Centre Max Weber (UMR 5283), ENS de Lyon

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

>> Pour lire l’article original rendez-vous sur le site :

The conversation

Matheuses. Les filles, avenir des mathématiques | Sciences en résonance

MMatheuses. Les filles, avenir des mathématiques | Sciences en résonance

Matheuses : Les filles, avenir des maths est une rencontre entre trois univers : celui des femmes, celui des mathématiques et celui de la sociologie.

Rendez-vous à la bibliothèque du site Monod pour une présentation de l’ouvrage de Clémence Perronnet, Claire Marc et Olga Paris-Romaskevich dans le cadre du cycle Sciences en résonance.

Rencontre animée par  : Christine Détrez, écrivaine et sociologue du genre, Centre Max Weber (CNRS, Université Lumière Lyon 2, ENS de Lyon, Université Jean Monnet Saint-Étienne)

Vente de livres par un libraire durant l’événement.

En savoir plus :

Bibliothèque Diderot

 

L’affaire 3.14

LL’affaire 3.14

Quand le théâtre et la science se rencontrent…  L’île logique propose de la vulgarisation par des spectacles autour des sciences théoriques, des mathématiques et de la logique. Les clowns de la compagnie offrent des spectacles pour tous les âges, des tout-petits aux adolescents !

  • M. Pi est arrêté pour usage illégal des mathématiques… Il a cherché à comprendre, il a réfléchi, il a douté… Une comédie musicale pour aborder les maths du lycée de façon burlesque !

A partir de 14 ans

Plus d’informations

Tours de magie ou mathématiques ?

TTours de magie ou mathématiques ?

Si certains tours de magie demandent des heures de travail et de manipulations, d’autres ne sont que des tours mathématiques ou de simple logique. Découvrez comment la science épaule la magie à travers un spectacle de vulgarisation scientifique.

Intervenant : Clément Sire, directeur de Recherche CNRS, laboratoire de Physique théorique – IRSAMC à l’Université de Toulouse.

Plus d’informations sur le site du :

Musée des Confluence

Si les mathématiques nous étaient contées

SSi les mathématiques nous étaient contées

Les mathématiques existaient-elles déjà au Néolithique? Qui était vraiment Pierre de Fermat ? Que restera-t-il du travail des statisticiens sur la pandémie de Covid-19 ? Voici le genre de questions sur lesquelles se penche une discipline aussi précieuse que vivante : l’histoire des mathématiques.

Saviez-vous qu’au sein des équations, le signe d’addition « + » a d’abord été écrit en toutes lettres avant que le symbole ne fasse ses premières apparitions aux Pays-Bas, au XVIe siècle ? Que le concept de fonction qui hante le parcours des collégiens/lycéens n’est apparu qu’une centaine d’années plus tard, réunissant courbes et nombres qui existaient indépendamment depuis des millénaires ? Si vous pensez que de par leur nature, les mathématiques se gravent dans le marbre au fur et à mesure des découvertes, vous faites fausse route.

Les maths sont en constante transformation. Comprendre leur évolution, c’est un des enjeux de l’histoire des mathématiques, une discipline carrefour qui s’abreuve d’histoire, de sociologie, de linguistique ou encore d’anthropologie, qui fait partie intégrante de l’histoire des sciences en France. Si la communauté nationale ne compte qu’une centaine de représentants en poste, dispersés à travers le pays, elle n’en est pas moins une des plus dynamiques au monde. « Notre particularité ? C’est notre capacité à nous inspirer des méthodologies développées dans les domaines des sciences humaines et sociales », précise Sébastien Gauthier, co-coordinateur du Groupement de recherche en histoire des mathématiques du CNRS et chercheur à l’Institut Camille Jordan.

Lire l’article sur CNRS Le journal

Médiation en sciences informatiques et mathématiques | Appel à projets

MMédiation en sciences informatiques et mathématiques | Appel à projets

La Fondation Blaise Pascal – FBP a pour vocation de structurer, promouvoir, soutenir, développer et pérenniser l’ensemble des actions de diffusion scientifique en mathématiques et/ou en informatique à destination de toute personne en France.

La FBP poursuit quatre objectifs majeurs :

  1. atténuer les disparités sociales et géographiques ;
  2. lutter contre les préjugés et les stéréotypes sociaux et de genre qui empêchent certains jeunes de se
    lancer dans des études en informatique et en mathématiques ;
  3. améliorer la perception générale des sciences formelles, notamment auprès des jeunes scolarisés, en
    améliorant la compréhension de leur impact, de leur utilité et de leur vitalité ;
  4. augmenter globalement le flux d’étudiants effectuant des études longues dans un domaine scientifique.

L’appel à projets de l’hiver 2020-2021 de la fondation Blaise Pascal (FBP), sous égide de la fondation pour l’Université de Lyon, est ouvert.

Pour cet appel, le conseil scientifique de la FBP portera une attention particulière (mais non exclusive) à trois types d’actions :

  •  les actions de médiation en science informatique sous tous ses aspects et non spécifiquement ciblées
    sur la programmation informatique. Ces actions pourront, par exemple, porter sur l’intelligence
    artificielle, la cybersécurité, les réseaux, la science des données, etc. ;
  • les actions en mathématiques et informatique en direction des femmes ;
  • les actions en mathématiques et informatique en direction de publics habituellement éloignés
    (géographiquement ou socialement) des actions de médiation scientifique.

Éligibilité

  • Porteurs éligibles | Est éligible pour porter des projets toute structure de droit privé ou public. La structure juridique proposant un projet doit être clairement identifiée dans le texte du projet.
  • Actions éligibles | Sont éligibles toutes les actions de médiation, diffusion, popularisation ou vulgarisation des mathématiques et/ou de l’informatique, menées sur le territoire national français. Ne sont donc pas prioritaires les actions qui concernent uniquement les pratiques pédagogiques dans le cadre purement scolaire. Les actions de formation professionnelle ne sont pas éligibles.
  • Dépenses éligibles | Seules les dépenses effectuées entre le 1er février 2021 et le 1er mars 2022 seront éligibles (des dépenses hors délai pourront être envisagées sous réserve d’accord préalable de la FBP). La demande de subvention devra se situer entre 1 000 et 10 000 €.
  • Versement de la subvention | La subvention sera versée directement à la structure porteuse du projet. Les subventions de la fondation seront versées sous forme de prestations de service, ou via une convention de reversement. Par ailleurs, le logo de la fondation Blaise Pascal devra être mentionné dans toute communication ayant trait au projet soutenu et sur tous les supports utilisés.

Date de clôture de l’appel à projet :lundi 7 décembre 2020 à minuit

En savoir plus :

Fondation Blaise Pascal