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Réparer les plastiques avec des champs magnétiques pour augmenter leur durée de vie ? | The Conversation

RRéparer les plastiques avec des champs magnétiques pour augmenter leur durée de vie ? | The Conversation

En chargeant certains plastiques de particules magnétiques, il est possible de les chauffer à distance afin de les remodeler. Mathieu Salse/INSA Lyon, Fourni par l’auteur | ©Mathieu Salse/INSA Lyon

L’utilisation excessive des plastiques constitue un exemple frappant de la manière dont les matériaux peuvent devenir une source majeure de pollution. La sobriété matérielle, qui consiste à limiter la consommation de matériaux, constitue donc un levier majeur pour diminuer l’impact de nos sociétés sur l’environnement. Bien qu’il semble désormais utopique de se passer des plastiques, l’espoir réside néanmoins dans le fait qu’une grande partie d’entre eux, dits thermoplastiques, ont la faculté de se déformer ou de s’écouler lorsqu’ils sont chauffés.

Cette propriété permet de les remodeler, offrant ainsi la possibilité de les réparer et de les réutiliser directement, ce qui présente une alternative moins coûteuse qu’un recyclage chimique. Parmi les diverses méthodes qui existent pour chauffer et réparer les plastiques, le chauffage par induction magnétique constitue un moyen rapide et efficace d’échauffer localement la matière. Cette technique, notamment utilisée comme traitement contre certains cancers, peut être également employée pour réparer les plastiques permettant ainsi d’accroître leur temps de vie.

Les matériaux autocicatrisants

Une rapide rétrospective montre que la réparation des matériaux plastiques est un sujet qui passionne la communauté scientifique depuis quelques décennies. Ce sujet a connu un véritable « boom » en 2008 avec la découverte d’un nouveau type de matériau capable de s’autoréparer à température ambiante : les vitrimères. On parle alors d’autoréparation, d’autocicatrisation ou de self-healing en anglais. Bien que de nombreux progrès en chimie ont depuis lors permis de diversifier les solutions, les matériaux autoréparables ne sont pour autant pas véritablement sortis des laboratoires de recherche et peinent toujours, plus de 15 ans après, à trouver leur place dans l’industrie.

Si la raison principale de leur manque d’applicabilité est parfois à chercher au niveau de leur prix et de leur complexité chimique, une autre raison plus fondamentale réside dans l’incompatibilité entre capacité à s’autoréparer et rigidité élevée – la première nécessitant une grande mobilité moléculaire et la seconde de fortes liaisons entre les constituants de la matière. En outre, l’industrie du plastique et ses procédés de fabrication étant arrivés à maturation, c’est tout un écosystème qu’il faut repenser pour inclure la production d’une part significative de matériaux innovants.

Les matériaux guérissables sous champ magnétique

Contrairement au cas des matériaux autocicatrisants qui ne nécessitent aucune intervention extérieure, une stratégie alternative, appelée le stimulus-healing, consiste à apporter de l’énergie pour chauffer et réparer les matériaux thermoplastiques. En fonction du matériau et de l’application visée, le mode de chauffage peut prendre plusieurs formes telles qu’un transfert thermique (par contact direct ou via l’air environnant), une onde acoustique, une micro-onde, un laser ou un champ magnétique oscillant appliqué grâce à une bobine (électro-aimant).

Dans le dernier cas, l’opération consiste à intégrer dans le matériau plastique une faible quantité de particules magnétiques (1 à 5 % de son volume). Ces particules sont en effet capables de transformer le stimulus magnétique oscillant en chaleur au sein même de la matière, grâce à un phénomène appelé hyperthermie magnétique. Pour atteindre des températures de l’ordre de 150-200 °C, il est commun d’utiliser des champs magnétiques ayant une intensité de quelques milliteslas (l’équivalent d’un aimant de réfrigérateur) et une fréquence d’environ 500 kHz (contre 20 à 100 kHz pour une plaque induction standard).

Cette technologie a l’avantage de pouvoir être utilisée sur des matériaux dotés de propriétés mécaniques très différentes, ce qui permet de l’appliquer sur une large gamme de plastiques. En effet, elle a récemment été employée pour traiter des matériaux de grande consommation tels que le polypropylène (utilisé pour faire des pare-chocs de voiture) ou certains polyuréthanes souples (employés comme gaine d’isolation électrique).

Un autre avantage que présente cette technique est de pouvoir lisser une pièce rugueuse pour effacer ses défauts en surface. Cela est particulièrement utile pour des pièces imprimées en 3D dont la rugosité diminue sensiblement les performances mécaniques et rend l’aspect peu attractif.

Inducteur haute fréquence utilisé pour activer l’hyperthermie magnétique permettant le lissage et le renforcement d’une plaque de polypropylène imprimée en 3D. Le bras de l’inducteur est placé au dessus de la plaque de plastique, qui devient lisse et brillant, là où il est encore rainuré autour. | ©Guilhem Baeza/INSA Lyon

Vers le développement à grande échelle

Historiquement, les recherches menées sur l’hyperthermie magnétique ont une visée biomédicale. Cette technique, généralement combinée à la chimiothérapie ou la radiothérapie, est utilisée pour traiter certains types de cancer. Dans ce cas, des nanoparticules magnétiques biocompatibles sont injectées au patient, et la chaleur générée sous irradiation magnétique (+ 6 à 7 °C) tue sélectivement les cellules tumorales.

Cette technique offre la possibilité de chauffer sans contact ni besoin de faire parvenir la lumière, et fonctionne donc dans des matériaux opaques. Elle offre un grand contrôle, étant donné que la quantité de chaleur dégagée peut être contrôlée par les caractéristiques du champ magnétique, mais aussi par la quantité et la nature des particules stimulables. La localisation des particules permet également de chauffer sélectivement une zone désirée.

Dans le cas de matériaux composites basés sur des plastiques, ces avantages sont tout aussi utiles et posent de nouvelles questions scientifiques à résoudre afin d’améliorer le procédé de réparation.

Des limites qu’il reste à dépasser

Un exemple concerne quelles particules choisir parmi toute la variété de celles qui peuvent être utilisées pour convertir le champ magnétique en chaleur. Les chimistes peuvent jouer sur la composition (fer, cobalt, nickel…), la forme (sphère, cube, bâtonnet…) et la taille des particules magnétiques qui sont autant d’éléments impactant la capacité de chauffe des particules. Par ailleurs, la possibilité de fabriquer ces objets à grande échelle et de manière raisonnée est également un enjeu majeur : la société grenobloise Hymag’in, avec qui nous collaborons, développe par exemple des particules de magnétite issues de déchets de la sidérurgie.

D’autres aspects concernent davantage les physiciens, par exemple les questions liées aux mouvements des particules soumises au champ magnétique. D’une part, les particules ont tendance à se regrouper et à s’organiser en formant des chaînes, ce qui soulève des interrogations sur la réversibilité et l’utilisation répétée de cette technique. Sous l’effet du champ magnétique, les particules se mettent aussi à tourner sur elle-même, ce qui engendre un dégagement de chaleur supplémentaire par friction, dépendant du milieu environnant. Il est nécessaire de quantifier cet effet pour ne pas surchauffer les pièces, ce qui entraînerait leur dégradation.

L’aspect noir des matériaux (lié aux particules magnétiques) rend aussi plus difficile leur utilisation comme pièces visibles, notamment dans l’industrie automobile où la cicatrisation de rayures superficielles sur des pièces colorées représente un réel intérêt commercial. Mais il est aussi possible de réparer en moins d’une minute des caoutchoucs, typiquement des semelles de chaussures ou des joints d’étanchéité, ou même des plastiques durs présents dans des articles de voyage, de sport, ou dans des packagings rigides en tout genre. Finalement, la diffusion des technologies liées à l’hyperthermie magnétique nécessitera l’appui d’industries innovantes, capables d’identifier des applications de niche pour passer de concepts généraux à des produits de haute valeur ajoutée.

Le projet MANIOC est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.The Conversation

Auteurs :

Guilhem P Baeza, Maître de conférences habilité à diriger les recherches en physique des polymères, INSA Lyon – Université de Lyon ;

Laura Ea, Doctorante en Physique des polymères, INSA Lyon – Université de Lyon ;

Mathieu Salse, Doctorant en sciences des matériaux polymères et composites, INSA Lyon – Université de Lyon ;

Simon Fritz, Doctorant en Physique des Polymères, INSA Lyon – Université de Lyon

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

>> Lire l’article original sur le site :

The Conversation

Déplastifier le monde | Pop’Sciences Mag#11

DDéplastifier le monde | Pop’Sciences Mag#11

Matériau polymère aux propriétés exceptionnelles, omniprésent dans l’ensemble des secteurs d’activité de nos sociétés modernes et mondialisées, il n’aura fallu qu’un demi-siècle au plastique pour devenir indispensable, mais également proliférer au point de générer une pollution qui semble hors de contrôle.

Nous sommes addicts au plastique. Chaque seconde l’activité humaine engendre 10 tonnes de ce matériau. Sur les 460 millions de tonnes de matières plastiques générées en 2019, à peine 20 % ont été recyclés, un quart incinérés, le reste a été jeté en décharge ou perdu dans l’environnement.

La métaphore de l’iceberg s’applique parfaitement à la pollution engendrée par ces matériaux. La partie émergée correspond à la pollution visible : celle qui flotte ou s’enfonce dans les eaux du globe, vole au vent, se coince sur les bas-côtés des routes… La partie immergée, plus grande et invisible, se compose d’une gigantesque masse de microparticules que les scientifiques peinent encore à quantifier, mais à propos de laquelle ils s’accordent à dire qu’elle s’immisce à chaque recoin de notre planète : dans l’air, au sommet des massifs et au sein-même des organismes vivants… humains compris.

Dès lors, nous avons souhaité mobiliser les savoirs actuels de scientifiques de nombreuses disciplines pour comprendre l’ensemble de la chaîne de production et de distribution des plastiques, et de gestion de leurs déchets, mais également pour dessiner les contours d’un monde qui pourrait se défaire de sa
dépendance aux plastiques.

Ce nouveau numéro du Pop’Sciences Mag croise les regards de physiciens, géographes, historiens, chimistes et sociologues pour tenter de répondre à une problématique plus complexe qu’il n’y paraît : sommes-nous capables d’enrayer la prolifération indomptée de plastique dans l’environnement ?

Isabelle Bonardi
Directrice Culture, Sciences et société – ComUE Université de Lyon

Avec la participation des instituts et établissements suivants : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux, École Centrale de Lyon, École Urbaine de Lyon, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Institut national des sciences appliquées (INSA) Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1 (UCBL), Université d’Aix-Marseille, Université Jean Monnet Saint-Étienne, Université de Liège, Université Lumière Lyon 2, Université de Picardie – Jules Verne, Université de Reims.

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Pop’Sciences Mag#11

Un espoir pour percer les mystères de la pollution plastique à l’échelle moléculaire | Pop’Sciences Mag#11

UUn espoir pour percer les mystères de la pollution plastique à l’échelle moléculaire | Pop’Sciences Mag#11

Pour évaluer les effets cachés de la pollution plastique sur les écosystèmes aquatiques, il est nécessaire de s’intéresser à la structure moléculaire des micropolluants libérés dans l’eau lorsque le plastique se dégrade. Pour repérer ces substances, les chimistes mettent en œuvre des analyses chimiques ciblées qui permettent d’identifier des molécules déjà connues. En parallèle, ils ont recours à des techniques de pointe plus performantes, les analyses non ciblées, dans le but d’étudier de nouveaux contaminants encore inconnus et potentiellement toxiques.

Par Marie Privé,

Pop’Sciences Mag #11 | Déplastifier le monde ? | Novembre 2022.

Infographie analyses chimiques plastique milieux aquatiques - SBELAUD- BD

Dans quelle mesure les eaux sont-elles polluées par les substances chimiques issues des plastiques qui se désintègrent ? S’il est encore trop tôt pour apporter des réponses précises à cette question, celle-ci fait l’objet d’un intérêt grandissant afin de mieux comprendre l’impact de la pollution aux micro et nanoplastiques sur l’environnement. Dispersées par le vent, par les eaux de ruissellement ou directement rejetées par les stations d’épuration, les substances chimiques liées aux activités humaines se retrouvent en grande partie dans les milieux aquatiques. Fabriquées à l’origine par l’industrie chimique pour notre confort (médicaments, pesticides, colorants…), ces molécules, une fois rejetées dans la nature, se transforment en micropolluants organiques pour la faune et la flore. Les phtalates, par exemple, couramment utilisés pour assouplir les matières plastiques et reconnus comme perturbateurs endocriniens, sont des micropolluants omniprésents dans le milieu aquatique. D’après un rapport de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), ils ont été retrouvés dans 95 % des eaux de surfaces continentales évaluées[1].

On ne trouve que ce que l’on cherche

Pour détecter cette pollution au niveau moléculaire et ainsi évaluer l’état chimique d’une rivière ou d’un cours d’eau, les chercheurs utilisent habituellement la spectrométrie de masse[2] selon une approche dite “ciblée”. Cette technique d’analyse chimique permet de détecter et de quantifier des micropolluants dans un échantillon d’eau, de sédiment ou de boue. « Ça, c’est la partie visible de l’iceberg, observe Cécile Miège, chimiste et directrice adjointe de l’unité de recherche RiverLy (Centre Inrae Lyon-Grenoble Auvergne-Rhône-Alpes). On ne retrouve que des molécules déjà connues et que l’on a décidé de chercher. » Bien que performante, l’analyse ciblée ne permet de détecter qu’une minorité des micropolluants potentiellement toxiques. Avec cette méthode, l’état chimique d’une rivière est évalué sur la base d’une cinquantaine de substances préalablement connues. « En une seule analyse non-ciblée, on peut recueillir des informations sur plusieurs milliers de molécules, relève Cécile Miège. C’est une méthode d’exploration plus globale et sans a priori. » À terme, les chercheurs peuvent ainsi déterminer la formule brute d’un micropolluant inconnu. L’objectif ? Découvrir de nouveaux contaminants et identifier les plus préoccupants, afin d’œuvrer à leur réduction.

De nombreuses nanomolécules à passer au crible

Technique encore coûteuse et chronophage, l’analyse chimique non-ciblée n’est utilisée que depuis très récemment dans le cadre de la surveillance des milieux aquatiques. Si cette nouvelle méthode n’est pas encore directement appliquée aux matières plastiques, elle pourrait à l’avenir permettre de mieux décortiquer leurs structures moléculaires et leurs interactions avec l’environnement : « Aux polymères de base s’ajoutent une vaste gamme d’additifs et de colorants, ce qui rend la composition des plastiques très complexe, note la chimiste. On suspecte qu’ils regorgent d’un magma de nombreuses nanomolécules encore inconnues, d’où l’intérêt de développer l’exploration des matières plastiques en analyse non-ciblée»

[1] Institut national de l’environnement industriel et des risques. Résultats de l’étude prospective 2012 sur les contaminants émergents dans les eaux de surface continentales de la métropole et des DOM (2014).

[2] Technique physique d’analyse très puissante et sensible qui permet de détecter et d’identifier des structures moléculaires par mesure de leur masse.


PPour aller plus loin :

Les milieux aquatiques au bord de l’overdose

Dans la jungle des plastiques verts | Pop’Sciences Mag#11

DDans la jungle des plastiques verts | Pop’Sciences Mag#11

Qu’ils soient biosourcés, biodégradables ou compostables, les polymères élaborés à partir de biomasse végétale prétendent offrir des alternatives durables aux matériaux plastiques issus des hydrocarbures. Sont-ils pour autant parés de toutes les vertus que leur prêtent leurs promoteurs ?

Par Grégory Fléchet,

Pop’Sciences Mag #11 | Déplastifier le monde ? | Novembre 2022.

Gobelets en bioplastiques compostables, retrouvés lors d'une campagne de ramassage de déchets sur une plage de New-York (USA)

Gobelets en bioplastiques compostables, retrouvés lors d’une campagne de ramassage de déchets sur une plage de New-York (USA) / ©Brian Yurasits

L’un des principaux griefs adressés aux plastiques fabriqués à partir de combustibles fossiles tient à leur robustesse exceptionnelle. Abandonnés dans la nature, ils peuvent alors persister des centaines, voire des milliers d’années, sans se dégrader. Si n’importe quel emballage plastique finit par se fragmenter sous l’action du rayonnement solaire et des intempéries, les molécules qui le constituent ne peuvent en revanche réintégrer aucun des grands cycles biogéochimiques de la biosphère. Depuis quelques années, des polymères d’un nouveau genre prétendent offrir des alternatives durables aux plastiques conventionnels. Qualifiés le plus souvent de biosourcés, ces produits issus de la transformation de ressources végétales représentent actuellement 1 % de la production mondiale de matières plastiques. « Parmi ces produits, un peu plus de la moitié se contentent de reproduire des polymères conventionnels comme le PET ou le PE ce qui ne leur octroie en rien un caractère biodégradable puisqu’ils se comportent de la même manière que n’importe quel plastique dérivé des hydrocarbures », constate Frédéric Dubreuil, maître de conférences en physique-chimie à l’École Centrale de Lyon et chercheur au laboratoire de tribologie et dynamique des systèmes (CNRS).

Le plastique compostable promis à un bel avenir

À peine plus de 40 % de ces polymères biosourcés sont par ailleurs véritablement biodégradables. « Il s’agit en majorité de films bioalimentaires élaborés à partir d’amidon de maïs ou de pomme de terre, dont le pouvoir plastifiant résulte de l’incorporation de composés organiques d’origine naturelle comme le glycérol ou le sorbitol », précise le chercheur. L’acide polylactique (PLA) constitue environ 10 % de ces plastiques “écologiques”. Présenté par les industriels de la plasturgie comme la première alternative naturelle au polyéthylène (PE), le PLA n’est pas à proprement parler un plastique biodégradable selon Nathalie Gontard : « bien que les promoteurs du PLA le présentent comme un matériau compostable, l’opération de compostage doit être réalisée à une température de 60°C. Ce qui implique de mettre en place une filière industrielle spécifique. » Quid, enfin, de l’impact environnemental des différents plastiques élaborés à partir de la biomasse végétale ? « Les seules substances véritablement inoffensives une fois retournées à l’état de rebuts sont les plastiques biodégradables en conditions naturelles comme les polyhydroxyalcanoates (PHAs) », tranche la directrice de recherche. Bien qu’ils ne constituent pour l’instant qu’une infime partie de la grande famille des bioplastiques, les PHAs semblent promis à un bel avenir. Car, contrairement aux autres polymères biosourcés, dont la production entre directement en concurrence avec celle de nos ressources alimentaires, les PHAs peuvent être élaborés à partir de simples résidus agricoles.


PPour aller plus loin

Recyclage. L’illusion d’un modèle vertueux

Bouteille en plastique, crachant de la fumée par le bouchon

Déchets sauvages : la persistante stigmatisation des plus pauvres | Pop’Sciences Mag #11

DDéchets sauvages : la persistante stigmatisation des plus pauvres | Pop’Sciences Mag #11

En matière de déchets et particulièrement dans le cas du plastique, la responsabilité de la pollution incombe encore largement aux consommateurs, notamment à travers l’injonction au tri sélectif. Mais cette culpabilisation est telle que ces derniers développent ensuite une attitude sociale ambiguë, qui consiste à rejeter à nouveau la faute sur d’autres citoyens plutôt que de regarder à la source du problème. Et comme bien souvent, ce sont ceux qui génèrent le moins de déchets, c’est-à-dire les populations défavorisées, qui souffrent le plus de cette stigmatisation.

Par Samuel Belaud,

Pop’Sciences Mag #11 | Déplastifier le monde ? | Novembre 2022

Le sociologue Denis Blot (Université de Picardie – Jules Verne) explique qu’on ne sait finalement pas vraiment comment les déchets se retrouvent dans la nature et que face à cette méconnaissance, nous avons tendance à convoquer des stéréotypes sociaux plutôt que de nous tourner vers les raisons profondes de la contamination. Pour le chercheur, « à de très rares exceptions, dans mes études de terrain, ce sont toujours les populations reléguées qui sont désignées comme responsables des pollutions : les roms, les sdf, les ‘’cassos’’… ». Il s’agit d’un préjugé social prégnant, « qui date de l’hygiénisme de la fin du 19e siècle », précise-t-il, qui veut que les plus pauvres négligent plus que les autres la salubrité de leur environnement. Cette « frontière morale »[1] comme définie par Pierre Paugam, confine les débats autour de la responsabilité environnementale à l’échelle des consommateurs ; et occulte le rôle joué par l’industrie dans la dissémination des plastiques.

Du chiffonnier (à gauche) aux enfants ramasseurs d’ordures (à droite), la figure du collecteur de déchets n’a pas réellement évolué depuis deux siècles. Le bas de l’échelle sociale tient toujours le rôle et la corporation souffre des mêmes attributs discriminants : insalubre et indésirable. © Eugène Atget (1899) © Jonathan McIntosh (2004)

Cette distinction prégnante entre la négligence des pauvres et la propreté des autres, montrerait donc que les discours dominants de l’écologie sont encore construits autour d’une morale qui appartient essentiellement aux classes aisées. Dans un article paru en 2015[2], Jean-Baptiste Comby précisait que ces discours et cette morale contribuent « à un mépris de classe qui, en matière d’écologie, se manifeste toutes les fois où l’on s’étonne du fait que, malgré leurs « vieilles » voitures ou leurs logements « mal » isolés, les modes de vie des moins privilégiés présentent tendanciellement une empreinte écologique plus faible que ceux des autres milieux sociaux ».

Ce sont pourtant bien les 10 % des personnes les plus riches qui génèrent près de la moitié des gaz à effets de serre sur Terre[3]. Ce déni « de la distribution sociale des pollutions » telle que le chercheur le décrit, occulte la véritable responsabilité des industriels dans la crise écologique, il écarte les populations les plus pauvres de la construction d’une morale environnementale et, in fine, entretient le statu quo du tout plastique.

  • [1] Paugam, S. et al. Ce que les riches pensent des pauvres, Le Seuil, Paris, 352 p. (2017).
  • [2] Comby, J. À propos de la dépossession écologique des classes populaires. Savoir/Agir, 33 : 23-30, (2015).
  • [3] Chancel, L., Piketty, T., Saez, E., Zucman, G. et al. World Inequality Report 2022, World Inequality Lab, p.122 (2022).

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Le paradoxe de la civilisation plastique

Des microplastiques sur les pentes des glaciers | Pop’Sciences Mag #11

DDes microplastiques sur les pentes des glaciers | Pop’Sciences Mag #11

Grâce aux courants atmosphériques, les plastiques voyagent sur de longues distances et polluent des sites que nous pensions encore préservés. Sur le massif du Mont Blanc, la contamination est généralisée.

Par Caroline Depecker,

Pop’Sciences Mag #11 | Déplastifier le monde ? | Novembre 2022

Sur le toit des Alpes, la neige est immaculée. Mais à y regarder de plus près, elle contient, elle aussi, des microplastiques. Une expédition scientifique s’en est assuré l’année dernière, en allant prélever l’eau de fonte des 18 plus grands glaciers du massif du Mont Blanc. « Quel que soit le site de collecte, on y a retrouvé du plastique, explique David Gateuille, enseignant-chercheur[1] à l’Université Savoie Mont Blanc et référent scientifique de la mission. Si on considère l’ensemble des bassins versants couverts par les torrents glaciaires étudiés, c’est 80 % du massif qui est concerné par cette contamination dont l’origine est en partie atmosphérique. »

Lors des prélèvements dans les torrents glaciaires, le filet retient des particules aussi fines que l’épaisseur d’un cheveu. ©Zimy Da Kid

Organisée par Aqualti et Summit Foundation, deux associations française et suisse, l’opération s’est déroulée en juin 2022. Pendant cinq jours consécutifs, les membres de l’expédition Clean Mont Blanc ont appliqué un même protocole : disposer un filet en forme d’entonnoir, fermé au fond par une « chaussette », au milieu du courant alimenté par le glacier. La largeur de la maille est de 50 microns – soit 50 millièmes de millimètre – l’épaisseur d’un cheveu. Après avoir filtré un volume d’eau suffisant pour récupérer de la matière, le filet est retiré et placé dans un bocal. Une quarantaine d’échantillons ont été ainsi récoltés. La suite se déroule au laboratoire. Une fois les débris organiques et minéraux éliminés, le nombre de particules plastiques et leurs natures sont déterminés par analyse infrarouge.

Sans surprise, les polymères identifiés correspondent aux matériaux de nos biens de consommation les plus courants, à savoir le polyéthylène, le polypropylène et le PET de nos bouteilles plastiques. « Les quantités mesurées avoisinent celles que nous observons dans les lacs d’altitude, soit 10 microparticules pour 1 000 litres d’eau », observe David Gateuille. Ces valeurs sont faibles, environ cent fois moindres que celles relevées dans des lacs de plaine et de milieu urbain, pour lesquels les sources de pollution directes sont nombreuses.

Le scientifique continue : « Pareillement, on observe une forte variabilité des mesures : certains torrents présentent des concentrations 10 fois plus élevées que d’autres, sans explication évidente. Ce jeu de données est inédit. Il nous reste à l’étayer ».

L’équipe embarquée dans le projet Clean Mont Blanc n’en est pas à son premier projet scientifique dédié à l’étude de sites isolés. En 2019, avec la campagne Plastilac, son action s’était concentrée sur neuf lacs alpins situés à plus de 1 800 mètres d’altitude, difficiles d’accès et, à l’image des glaciers, éloignés de l’activité humaine. « Caractériser la pollution des torrents glaciaires s’inscrit naturellement dans la continuité de cette campagne, commente David Gateuille. Puisqu’ils les alimentent en eau, les glaciers constituent une source de contamination des lacs en microplastiques. L’intérêt, c’est d’en évaluer les flux entrants ». Le rôle du manteau neigeux comme zone de stockage temporaire des polluants est également une autre question investiguée.

[1] Laboratoire environnements, dynamiques et territoires de montagne – Edytem. (CNRS ; USMB)


PPOUR ALLER PLUS LOIN :

Microplastiques, maxi-risques ? Une approche systémique à privilégier

Journée FabLab « Mon précieux plastique »

JJournée FabLab « Mon précieux plastique »

Le rendez-vous créativité et innovation de la Fabrique de l’Innovation

Pendant cinq jours, de Villeurbanne à Saint-Étienne, la créativité et l’innovation seront à l’honneur avec de nombreuses animations gratuites mêlant petites et grandes entreprises, plateformes technologiques, ateliers de prototypage et acteurs académiques à l’occasion du rendez-vous Meet & Fabrik.

Une journée est accessible à tout public le 17 juin : la Journée FabLab « Mon précieux plastique ».

>> Au programme :

  • Démonstration d’un mini-circuit de recyclage plastique
  • Flash conférence avec des entrepreneurs :

► au FabLab de la Doua : Johé Bruneau du collectif Precious Plastic –  Un modèle open source et DIY pour créer de nouveaux objets à partir de plastique recyclé ;
► au FabLab de Saint-Étienne : Clara Spetebroodt, Fondatrice de Plas’tri – Une scannette portable intelligente pour identifier les différents polymères plastiques.

  • Visite guidée du FabLab.
  • Atelier pratique pour fabriquer soi-même de nouveaux objets à partir de plastique recyclé :

► au FabLab de la Doua : « L Game Challenge » – Construisez vous-même le « Jeu du L » créé par le psychologue Edward de Bono et familiarisez-vous avec les méthodes expérimentales du recyclage plastique ;
► au FabLab de Saint-Étienne : « Et la lumière fut ! » – Apportez la lumière à votre espace de travail, avec votre lampe bureau à réaliser dans notre FabLab (découpe laser, impression 3D, injection plastique).

  • Exposition des projets réalisés au FabLab.

Pour en savoir plus :

Journée FabLab à Villeurbanne

Journée FabLab à Saint-Etienne

La pollution par microplastiques est partout, mais on connaît mal ses effets sur la faune

LLa pollution par microplastiques est partout, mais on connaît mal ses effets sur la faune

[…] On connaît les effets néfastes des macroplastiques sur la faune. Les animaux peuvent ingérer de gros morceaux ou s’enchevêtrer dans des objets en plastique, tels que du matériel de pêche, et s’étouffer ou mourir de faim. S’il ne fait aucun doute que les macroplastiques sont nocifs pour la faune, les impacts des microplastiques sont plus subtils.

De nombreuses études démontrent que les microplastiques peuvent affecter l’expression des gènes, la croissance, la reproduction ou la survie des animaux, mais d’autres concluent qu’ils n’ont pas d’effets négatifs. L’absence de consensus clair rend plus difficile l’adoption de politiques efficaces pour réduire la pollution par les plastiques. […]

Un article The Conversation – 12 février 2020

Lier l’article :

The Conversation

Fragmentation en eaux douces : sur la trace des microplastiques dans le Rhône | Un article Pop’Sciences

FFragmentation en eaux douces : sur la trace des microplastiques dans le Rhône | Un article Pop’Sciences

Cotons-tiges, gobelets, verres et assiettes en plastique…Suite à l’adoption de la loi Pacte, ces produits à usage unique sont interdits à la vente depuis le 1er janvier 2020. Une mesure visant à freiner l’un des fléaux de notre société moderne : la pollution par les déchets plastiques. En 2019, la fondation Tara a mené une expédition visant à cerner le phénomène dans les cours d’eaux européens dont le Rhône : le sujet mobilise les acteurs scientifiques de la région.

Un article rédigé par Caroline Depecker, journaliste, pour Pop’Sciences – 7-02-2020

10 tonnes chaque seconde…

Par sa légèreté, son étanchéité et son caractère bon marché, voilà 70 ans qu’il incarne notre mode de consommation de masse. Quelques 10 tonnes de plastiques seraient mises en circulation chaque seconde dans le monde. Et à 45% pour un usage unique. En France, seuls 22 % des déchets plastiques sont recyclés1, les autres sont incinérés ou bien enfouis, mais pas que.

Prélèvement de micro-plastiques à l’aide de filet manta depuis le pont de Richmond (UK) en amont de Londres / ©Boris Eyheraguibel

Prélèvement de micro-plastiques à l’aide de filet manta depuis le pont de Richmond (UK) en amont de Londres / ©Boris Eyheraguibel

Dès les années 1970, les scientifiques ont lancé l’alerte : au-delà des macro-déchets, ce sont des débris plastiques plus petits, de l’ordre du millimètre, qui s’accumulent dans les océans. Ces derniers auraient déjà stocké 110 millions de tonnes de plastiques représentés à 90% par des microplastiques : des fragments dont la taille est inférieure à 5 millimètres. Ils en recevraient 8 millions de tonnes nouvelles chaque année. Leur origine ? Une étude datée de 20162 suggère que 80% d’entre eux viennent de la terre et transitent par les fleuves3 : un sujet connu, mais insuffisamment documenté jusqu’à présent. Des travaux réalisés la même année 4 ont montré, par exemple, que la Seine charriait davantage de microfibres synthétiques que de microfragments (constitués surtout de polyéthylène), tandis qu’une recherche anglaise5 a souligné que 66 % des déchets présents dans la Tamise sont des microplastiques.

Pour pallier cette lacune de données scientifiques, en 2019, de mai à novembre, la goélette scientifique Tara a parcouru les quatre façades maritimes européennes et prélevé des échantillons dans neuf des principaux fleuves d’Europe. Son objectif :  évaluer la concentration en microplastiques charriés de la sorte, ainsi que leur impact sur les organismes marins.

Préparation de nasse contenant différents plastiques avant immersion dans le fleuve. / ©Boris Eyheraguibel

Préparation de nasse contenant différents plastiques avant immersion dans le fleuve. / ©Boris Eyheraguibel

« Nous avons remonté le Rhône depuis son embouchure jusque Arles, la première grande ville rencontrée » indique Boris Eyheraguibel, de l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand, qui a fait partie de l’expédition. La collecte des microplastiques s’est faite à l’aide d’un filet de type Manta à maille fine, de 300 micromètres, ou encore grâce à des prélèvements sur les berges. « Nous avons encore échantillonné des nasses contenant différents types de plastiques -et pour certaines des moules quand la salinité était suffisante- qui avaient été volontairement immergées un mois avant notre passage », précise le chimiste. Ce sont ainsi 2700 échantillons prélevés sur 45 sites situés entre terre et mer qui sont désormais aux mains d’une quarantaine de chercheurs répartis sur 17 laboratoires partenaires.

L’exploitation de ces échantillons devrait durer deux à trois ans. « Ils vont transiter d’un laboratoire à l’autre pour subir différents traitements et ce n’est qu’une fois l’ensemble de ceux-ci réalisés que nous pourrons avoir une vision globale, qualitative et quantitative, de la pollution aux microplastiques », complète Boris Eyheraguibel. «  On peut d’ores et déjà penser qu’elle est élevée : des macrodéchets comme des cotons tiges, des emballages alimentaires, des bouteilles, des bouchons… abondaient en effet sur les berges visitées, or on sait qu’ils se fragmentent sous l’effet mécanique des vagues et des rayons ultraviolets du Soleil. Ce processus a été largement étudié en mer et nous pensons le vérifier à large échelle aujourd’hui en eau douce. »

De fait, 100% des prélèvements remontés à bord de Tara et observés une première fois au microscope témoignait de la présence de microfragments plastiques. En quantifiant les déchets et en identifiant leur nature au laboratoire, les chercheurs espèrent, d’une part, augmenter leurs connaissances sur le processus de fragmentation en faisant le lien entre la quantité de macrodéchets rencontrés et celle de microplastiques, et, d’autre part, caractériser l’origine de ces derniers : beaucoup de résidus en polyéthylène téréphtalate témoigneraient, par exemple, d’une pollution majeure aux bouteilles plastiques, des fragments de polyéthylène ou polypropylène à des emballages… Supposée, la contamination des eaux par des microbilles utilisés dans certains cosmétiques et dentifrices a bien été observée.

 

La plastisphère, des communautés microbiennes vivant à la surface des plastiques.

Un premier lot d’une vingtaine d’échantillons est en cours d’analyse au laboratoire Biométa* de Boris Eyheraguibel. Ces derniers ont été congelés dans de l’azote liquide dès leur arrivée à bord de la goélette : une étape importante afin de préserver les communautés microbiennes vivant à la surface des plastiques, ce qu’on appelle la « plastisphère ». Une quinzaine de bactéries marines sont d’ailleurs connues pour digérer les polymères afin de produire leur propre énergie. « Les microbes de la plastisphère intègrent ces derniers dans leur métabolisme en les dégradant progressivement, explique le scientifique. Après avoir éclaté les cellules des microorganismes récoltés, nous analyserons l’ensemble des molécules qu’ils avaient préalablement produites, ce qui nous permettra « in fine » de déterminer les mécanismes de la dégradation microbienne. » Les scientifiques s’attendent à trouver davantage d’espèces bactériennes capables de dégrader les plastiques dans les fleuves qu’en mer et qui le feraient encore plus efficacement.

Collecte de macro-dechets plastiques dans la laisse de mer à l’embouchure de la Tamise (UK) en aval de Londres / ©Boris Eyheraguibel

Collecte de macro-dechets plastiques dans la laisse de mer à l’embouchure de la Tamise (UK) en aval de Londres / ©Boris Eyheraguibel

« Notre deuxième contribution à la mission concerne la recherche des polluants organiques fixés sur les morceaux de plastiques (pesticides, antibiotiques, hydrocarbures, PCB…) ou celle de leurs additifs (plastifiants, retardateurs de flammes, antimicrobiens, etc.) qu’ils relarguent naturellement, complète Boris Eyheraguibel. Ce travail sera associé à l’évaluation, par un laboratoire partenaire, de la toxicité engendrée par les mêmes échantillons. »

Les effets des microplastiques sur les organismes vivants sont pour l’heure peu connus : ils peuvent conduire de façon mécanique à une occlusion intestinale des espèces animales et impactent sérieusement la croissance du zooplancton – l’un des premiers chaînons de la chaîne alimentaire aquatique – en réduisant considérablement son appétit. Pour ce qui est de la toxicité chimique, on sait que certains de leurs additifs comme lebisphénol A et les phtalates sont des perturbateurs endocriniens. A cette date, plusieurs échantillons de plastiques « témoins », issus des nasses immergées pendant un mois lors de la mission Tara, présenteraient – d’après la fondation éponyme – des signes de toxicité significatifs.

Fortement médiatisée ces dernières années, la pollution aux plastiques investit désormais les laboratoires.

Assimilés à des capteurs passifs susceptibles de fixer les polluants organiques, les microplastiques miment le comportement des sédiments, ce qui a donné l’idée à Marina Coquery, responsable de l’équipe du Laboratoire de chimie des milieux aquatiques au sein de l’unité de recherche Riverly du centre INRAE** basé à Villeurbanne, d’intégrer cette problématique dans le cadre du réseau de l’Observatoire des Sédiments du Rhône qu’elle co-pilote aujourd’hui. « Ce réseau comprend une dizaine de stations de mesure où l’on collecte les sédiments en suspension pour analyser ensuite les contaminants qu’ils renferment, explique-t-elle. Situées dans le corridor rhodanien ainsi qu’en aval des principaux affluents du fleuve, elles nous fournissent une bonne image de la contamination du bassin en micropolluants organiques ainsi qu’en métaux trace. Opérationnel depuis dix ans, ce réseau permettrait de suivre les plastiques moyennant peut-être quelques adaptations. »

Les études aboutissent à la naissance du projet Déchets plastiques sur le continuum Rhône-Méditerranée

Poursuivant cette dynamique, la chercheure a initié avec la Zone atelier du bassin du Rhône le projet Déchets plastiques sur le continuum Rhône-Méditerranée soutenu par l’Observatoire Hommes-Milieux Vallée du Rhône. Son objectif : déterminer les apports du fleuve en micro et macroplastiques dans la mer Méditerranée. En décembre dernier s’est tenu la première étape de ce projet : un atelier participatif réunissant les associations actives sur le sujet, mais aussi les partenaires opérationnels comme la Métropole de Lyon, l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (RMC), ou E.D.F.

« Plutôt que d’engager immédiatement une action de recherche supplémentaire, nous désirions réunir les acteurs de terrain concernés – une trentaine – afin qu’ils échangent sur leurs expériences et leurs savoirs. Nous avons été étonnés des connaissances déjà accumulées. Nous voulions aussi faire émerger les questions principales qu’ils se posaient et ébaucher des pistes de réponse. ». Après traitement, ces dernières donneront lieu à un plan d’actions non disponible à ce jour. La suite du projet est attendue pour mars prochain avec un 2e atelier réunissant cette fois-ci des acteurs scientifiques locaux susceptibles d’apporter leur contribution à ce dernier. A l’Agence de l’eau RMC, les sollicitations viennent de toute part afin de mieux cerner le sujet de la pollution liée aux plastiques. « C’est une bonne chose qu’il y ait de plus en plus d’actions engagées dans ce sens. Cependant, il est nécessaire aujourd’hui de se mettre ensemble afin de réfléchir collectivement ! » conclut Marina Coquery.

 

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Notes

* L’équipe Biométa est un laboratoire de l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand – Université Clermont Auvergne, CNRS, Sigma

**INRAE : Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

 

(1) Stoppons le torrent de plastique !  – Guide à destination des décideurs français pour sauver la Méditerranée – WWF Rapport 2019

(2) Plastics in the marine environment – eunomia, Dr Chris Sherrington, June 2016

(3) Plastic pollution – Hannah Ritchie and Max Roser, Sept. 2018, University of Oxford  (Carte concernant l’apport des fleuves en micropolluants)

(4) Premières investigations sur les microplastiques en Seine, Rachid Dris, Lisa Lahens, Vincent Rocher,Johnny Gasperi, Bruno Tassin, Université Paris-Est – Laboratoire eau environnement et systèmes urbains – Rapport 2016

(5) Large microplastic particles in sediments of tributaries of the River Thames Horton, Alice & Svendsen, Claus & Williams, Richard & Spurgeon, David & Lahive, Elma. (2016). , UK – Abundance, sources and methods for effective quantification. Marine Pollution Bulletin. 114. / 10.1016/j.marpolbul.2016.09.004.

 

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