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Michel Jouvet, au cœur de ses rêves | Visages de la science

MMichel Jouvet, au cœur de ses rêves | Visages de la science

«La lumière des rêves », un documentaire consacré à Michel Jouvet été projeté en janvier au Centre de recherche en neurosciences de Lyon. À cette occasion, nous avons rencontré la cinéaste Marie-Pierre Brêtas. Elle nous livre les points clés du portrait sensible qu’elle a dressé du scientifique à l’écran. Entretien.

Médaille d’or du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en 1989, le neurobiologiste Michel Jouvet a mené des recherches fondatrices sur le sommeil et découvert notamment le sommeil paradoxal (voir encadré en fin d’article). Personnage central du documentaire de Marie-Pierre Brêtas, il l’avait invitée à séjourner chez lui, deux ans avant son décès, le 3 octobre 2017. La réalisatrice y est retournée après cette date pour finaliser son projet audiovisuel. Elle témoigne de sa rencontre avec le chercheur, alors au crépuscule de sa vie.

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Cortex Mag

« Penser à tout » : pourquoi la charge mentale des femmes n’est pas près de s’alléger | The Conversation

«« Penser à tout » : pourquoi la charge mentale des femmes n’est pas près de s’alléger | The Conversation

©Yakobchuk Viacheslav | Selon l’Insee, en 2010, en France, les femmes prennent en charge 64 % des tâches domestiques et 71 % des tâches parentales au sein des foyers.

Mères, travailleuses, attentives à la dimension du soin dans la relation aux autres, beaucoup de femmes ploient sous le poids de la charge mentale. En plus d’exécuter la grande majorité des tâches domestiques au sein de la famille, elles sont souvent celles qui les organisent, les planifient, y « pensent », tout simplement. Et ce d’autant plus que l’éducation des enfants est devenue un enjeu central de notre époque. Cette charge qui leur incombe au quotidien peut être alourdie par les nouveaux outils numériques. Ce vécu intime, cette addition des tâches et leur répercussion, impossibles à quantifier, doivent être appréhendés collectivement.

Comment être une « bonne mère », tout en étant une « professionnelle impliquée », une « amie dévouée » mais aussi une « représentante associative engagée » et une partenaire attentive… en même temps, tout le temps ?

Les rôles sociaux que les personnes investissent tendent à se multiplier ; nos identités se conjuguent dans une dialectique entre notre identité propre et celle tournée vers autrui. En résulte une « charge mentale » démultipliée et parfois incommensurable.

Cette charge mentale, comme un très grand nombre de femmes, il m’arrive moi-même de l’expérimenter dans mon quotidien, en tant que mère de quatre enfants avec une vie professionnelle dense. Sociologue de la famille et de l’éducation, je me suis donc intéressée de près à cette question.

Mais de quoi parle-t-on exactement ? Apparue dans les années 80, la « charge mentale » peut être définie selon Nicole Brais, chercheuse en philosophie à l’Université de Laval qui a théorisé cette notion, comme un « travail de gestion, d’organisation et de planification qui est à la fois intangible, incontournable et constant, et qui a pour objectif la satisfaction des besoins de chacun et la bonne marche de la résidence ».

Mais c’est la sociologue Monique Haicault qui, la première, décrit dans son ouvrage La gestion ordinaire de la vie en deux, la « double journée » des femmes, prises en étau entre le travail domestique et familial et la montée en puissance des exigences professionnelles.

71 % des charges parentales assurées par les femmes

Première caractéristique : la charge mentale affecte le vécu et l’expérience des femmes. Certes, la généralisation du travail féminin, intervenue au XXe siècle, participe d’un mouvement d’émancipation de ces dernières. Mais il ne s’est pas accompagné d’un partage équitable des tâches domestiques et familiales. En effet, selon l’Insee, en 2010, en France, les femmes prennent en charge 64 % des tâches domestiques et 71 % des tâches parentales au sein des foyers.

Il ne s’agit pas seulement du temps passé avec l’enfant, mais du temps à penser à tout ce qui le concerne : tri des vêtements au fil des saisons, gestion du calendrier vaccinal, organisation des vacances à venir, cadeaux à offrir aux goûters d’anniversaire, dates à retenir pour Parcoursup

Cette charge ne permet pas de concilier équitablement vie professionnelle et familiale et nuit au bien-être des femmes, tant elle les oblige à être constamment en alerte.

Il ne s’agit pas seulement de partager équitablement la réalisation des tâches au sein du couple pour partager la charge mentale. Plus diffuse, cette charge est aussi cognitive, car elle résulte davantage d’une réflexion visant la gestion et la planification des tâches domestiques, éducatives et de soin.

On touche ainsi à une seconde caractéristique : cette charge mentale est invisible et a ceci de particulier qu’elle ne se quantifie pas.

La dessinatrice Emma, 2019.

Pour rendre compte de son intensité, souvent invisible, paraît en 2016 Fallait demander, une bande dessinée par l’autrice-illustratrice Emma. La BD, d’abord publiée sur Internet, fait œuvre pédagogique et provoque le débat dans les sphères médiatiques mais également intimes.

L’autrice s’emploie à décrire les soubassements d’une injustice de genre dans un contexte de supposée égalité entre les sexes. L’engouement suscité est aussi lié à une intensification générale de cette charge mentale.

En effet, si cette notion est autant discutée aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle englobe de nouveaux registres, à l’instar du care tel que défini par Monique Haicault :

« Le soin, le bien-être, le souci de l’autre et de la relation à autrui composent la part émotionnelle et altruiste de la dimension affective de la vie, plus présente aujourd’hui qu’hier. »

Saturation du travail parental

Enseignante-chercheuse, je mène des entretiens sociologiques auprès de nombreuses femmes. Elles décrivent souvent longuement ce qui s’apparente à une saturation de leur travail parental. Je partage à certains égards leur expérience, tant je sais ce qu’il en coûte d’avoir à penser à tout, pour soi-même mais également pour l’ensemble de sa famille, concernant tous les aspects de la vie intime, scolaire, médicale, sociale.

Beaucoup d’enquêtées évoquent une élévation du référentiel associé au registre éducatif : on a plus d’exigence et on s’investit plus que par le passé dans l’éducation de notre progéniture.

En effet, nos sociétés contemporaines accordent une attention croissante et inédite à l’enfant et c’est sans surprise sur les mères que repose principalement l’application de ces nouvelles normes.

En ce sens, une caractéristique contemporaine de cette « charge mentale » semble d’ailleurs tenir dans l’évolution de la considération des besoins de l’enfant et de sa norme attenante de « bien-être ».

Le tournant pédocentrique, amorcé au début des années 1990, s’est diffusé jusque dans nos psychés et nos affects les plus intimes.

Comme le souligne le sociologue Gérard Neyrand :

« Si aujourd’hui ce n’est plus le mariage mais la venue de l’enfant qui fait famille, cela confère à l’enfant une centralité d’autant plus grande qu’il se fait plus rare qu’autrefois, qu’il demeure plus longtemps chez ses parents, et que l’attachement affectif qu’il engendre n’a jamais été aussi élevé »

D’ailleurs, dans certains cas, la parentalité peut pour ces raisons être vécue comme une expérience de solitude, qui génère un fort sentiment d’incomplétude et d’épuisement. Le fait d’avoir des enfants peut même finir par être appréhendé comme un assujettissement.

Si l’épuisement est d’abord personnel, il met par ailleurs à l’épreuve la conjugalité contemporaine et ses normes de partage et d’équité. Cette charge occupe la discussion de bien des couples, et apparaît nettement comme un des facteurs de délitement de la conjugalité dans les entretiens sociologiques que j’ai pu produire. Ainsi, cette jeune femme raconte :

« On est un jeune couple, tout va bien c’est super c’est merveilleux, l’enfant arrive et là, très rapidement le vent tourne, et là Hermione on va dire qu’elle a six mois et moi je me dis que ça va pas le faire, l’histoire dure encore un an supplémentaire mais ça ne le fait pas, clairement il sert à rien, il me convient plus, il m’aide pas, je me sens seule et je me dis quitte à me sentir seule, autant l’être pour de vrai ! » (Clémence, une enfant de 14 ans, séparée).

Si les couples les mieux positionnés sur l’échiquier social peuvent avoir recours à des services leur permettant d’externaliser un certain nombre de tâches ménagères, domestiques, éducatives, cela ne va pas de pair avec une diminution de cette charge cognitive. Parfois, l’effet peut même être inversé, car il s’agit de penser les conditions (qui, comment, où…) de cette prétendue externalisation de la gestion du quotidien ! Externalisation qui incombe bien souvent à d’autres femmes.

Numéro d’équilibriste

Autre effet paradoxal : celui d’endosser socialement le rôle de gestionnaire, voire de cheffe autoritaire du foyer.

Combien de femmes racontent les reproches qu’elles reçoivent, parfois même accusées de distribuer les rôles et d’occuper une position hégémonique au sein leur famille !

« À force de penser à tout : choix de l’école, choix de la nounou, départ des filles dans ma famille lors des vacances scolaires, organisation des anniversaires des filles, mais aussi des week-ends entre copains, je suis devenue en plus celle qui décide, et qui s’accapare la prise de décision » _(Amélie, deux filles de 7 et 4 ans, en couple).

Et puis, à un autre niveau, l’externalisation ne vient que reproduire des inégalités dans la mesure où ces tâches sont toujours déléguées à d’autres femmes, souvent issues des classes populaires, de l’immigration et qui acceptent des bas salaires.

L’intensification de cette charge mentale et le morcellement de nos rôles sociaux qui en résulte est également à concevoir dans un mouvement d’accélération et de compression des vies privées et professionnelles. Un mouvement notamment rendu possible par les outils numériques et la gestion à distance des tâches, voire des rôles qu’ils permettent.

Je fais par exemple partie de celles qui peuvent à l’occasion télétravailler. Cela me permet de « gagner du temps », d’éviter certains déplacements, parfois de concilier certains impératifs professionnels avec mon travail parental, notamment lorsque mes enfants sont malades.

En résulte cependant un numéro d’équilibriste. Chaque journée peut alors devenir un temps et un espace de négociation avec moi-même, une quête visant à définir la meilleure stratégie possible pour « avancer », limitant autant que possible les sources de perturbations qui me feraient perdre l’équilibre. Par exemple, un déjeuner avec une amie en semaine, un rendez-vous avec une enseignante, une manifestation sportive pour l’un de mes enfants… sont autant d’évènements à même de « gripper » mon organisation, pourtant bien établie.

Reste néanmoins que la conciliation entre tous les espaces-temps constitue le creuset de difficultés quasi universelles de la condition parentale des mères.

Un récent rapport du Haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes décrit ce phénomène et pointe l’un des risques du télétravail pour les femmes : la réduction des opportunités de carrière.

Face à cette mise en concurrence de nos identités et au sentiment de morcellement pouvant en résulter, il nous revient certes de penser à des modes d’organisation équitables dans nos relations avec nos partenaires. Toutefois, circonscrire cette problématique au seul volet intime participe d’un effacement de sa dimension politique et laisse à penser qu’il suffirait d’une bonne organisation au sein du couple pour diminuer cette « charge mentale ».

La dimension collective de la charge mentale

On touche là à une idéologie bien installée dans notre société : les raisons de ce qui nous pose problème sont à chercher dans notre psyché défaillante, comme le décrivent très bien Eva Illlouz et Edgar Cabanas dans Happycratie, comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies.

Dans les discours de la psychologie positive et du développement personnel, la « charge mentale » devient le lieu d’une introspection qui sous-entend uniquement un enjeu individuel. Pareille conception fait cependant l’impasse sur sa dimension collective et sociale : représentations et organisation de la famille, division genrée du travail éducatif, place du travail et de sa valeur dans nos trajectoires de vie…

Si des solutions existent dans des dispositifs de prévention et d’éducation des garçons et des filles afin de les sensibiliser aux stéréotypes et normes de genre, on ne peut cependant pas faire l’économie de penser en termes d’organisation sociale collective.

À ce titre, on peut imaginer l’élaboration de politiques publiques soutenant le travail éducatif et de care, des politiques d’emploi permettant de mieux concilier vie personnelle et professionnelle, notamment à travers la prise en compte des temporalités qu’engage la vie de famille.

Et parce que l’on sait que les femmes sont plus concernées par le travail à temps partiel, on peut envisager des mesures qui favoriseraient des journées de travail moins longues pour les hommes comme pour les femmes, des mesures qui prévoient des congés parentaux à se répartir entre parents, à commencer par un congé paternité révisé, au-delà des 28 jours prévus depuis sa réforme au mois de juillet 2021.

À ce jour, des dispositifs d’entreprise visent à allonger le congé pour le deuxième parent, à l’instar du #Parentalact qui a fait son apparition en 2020.

Réviser le congé paternité à la faveur d’une division équitable du travail éducatif et de care dès l’arrivée de l’enfant permettrait de rompre avec notre organisation familiale adossée à la mère comme parent principal. À un autre niveau, ce type d’incitation résonnerait comme une révolution culturelle pour notre société tant le travail est encouragé et valorisé, bien au-delà de la considération que suscite l’énergie déployée pour élever des enfants.The Conversation

 Autrice : Jessica Pothet, Maîtresse de conférences en sociologie – Université Claude Bernard Lyon 1, chercheuse au laboratoire Max Weber, Université Lumière Lyon 2

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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Journée des femmes et filles de Science

JJournée des femmes et filles de Science

A l’occasion de la journée internationale des femmes et des filles de science, la mission égalité diversité met à l’honneur des doctorantes de l’Université Claude Bernard Lyon 1 !

Venez découvrir les projets de recherches en cours de doctorantes de Lyon 1 sous un format « ma thèse en 180 secondes », entrecoupés de courts métrages de la série « phénoménales » de l’association femmes et cinéma, qui portent sur les femmes en sciences.

Un temps d’échanges clôturera cet événement, ce sera l’occasion de poser toutes vos questions sur le doctorat et sur les thématiques abordées : biométrie, biologie évolutive, géologie, physique, astrophysique, bioInformatique…

En plus, un sandwich vous sera offert et vous pourrez le manger sur place, comme devant la télé.

>> Les intervenantes (doctorantes et marraine)

  • Line COLIN est en deuxième année de doctorat en planétologie au laboratoire de géologie sur le site de l’ENS. Son travail porte sur la formation de la croûte lunaire. Elle a réalisé un modèle de solidification de l’océan de magma lunaire grâce auquel elle regarde la convection dans le manteau lunaire.
  • Solène CAMBRELING fait de la biologie évolutive. Elle travaille sur les causes écologiques et évolutives des variations de patrons de sénescence (vieillissement) de reproduction chez les mammifères mâles.
  • Mélodie BASTIAN est biologiste et fait de la bio-informatique. Elle étudie pour sa thèse l’ADN d’environ 150 mammifères afin de quantifier l’intensité de la sélection naturelle chez chacun et de trouver des facteurs expliquant la variation de cette intensité entre espèces
  • Lisa CHABRIER est en troisième année de doctorat au laboratoire d’informatique en image et systèmes d’information. Le sujet de sa thèse est l’analyse différentielle de réseaux de régulation à partir de données multi-omiques
  • Anaïs LARUE est biologiste. Elle fait une thèse sur la contribution des éléments transposable à la plasticité phénotypique chez Drosophila.
  • Madeleine GINOLIN, en deuxième année de doctorat, prépare sa thèse sur l’impact des biais astrophysiques associés aux Supernovae de Type Ia sur la mesure de la constante de Hubble-Lemaître, au sein de l’Institut de physique des deux Infinis de Lyon.
  • Assile TOUFAILY est doctorante au laboratoire L-Vis, sa thèse porte sur Le sport féminin : enjeux et opportunités, quelles perspectives ? « Étude comparative entre le Liban et la France.
  • L’événement sera marrainé et introduit par Marianne Métois, enseignante chercheuse en géophysique à Lyon 1.

En partenariat avec la mission Culture, l’association femmes et cinéma et des doctorantes de Lyon 1

>> Pour plus d’information rendez-vous sur le site

Université Lyon 1

Le monde des atomes à l’échelle attoseconde | Rencontre avec Anne L’huilier, prix Nobel de physique 2023

LLe monde des atomes à l’échelle attoseconde | Rencontre avec Anne L’huilier, prix Nobel de physique 2023

Anne L’huilier / ©European Research Council (ERC)

Lorsqu’un gaz d’atomes est soumis à un rayonnement laser intense, des harmoniques d’ordre élevé du laser sont émises. Dans le domaine temporel, ce rayonnement forme un train d’impulsions lumineuses extrêmement courtes, de l’ordre de 100 attosecondes, permettant une résolution temporelle exceptionnelle.

Venez découvrir le monde des atomes à l’échelle attosecondes, lors de deux rendez-vous exceptionnels !

Intervenante : Anne L’huillier, pionnière de cette science qui permet d’étudier le mouvement des électrons à une échelle de temps extrêmement courte. Ses travaux lui ont valu de recevoir en 2023 le prix Nobel de physique.

  • Mercredi 16 janvier à 16h | Conférence de physique – Amphithéâtre Astrée, Campus LyonTech – la Doua

Les impulsions attosecondes permettent d’étudier la dynamique des électrons dans les atomes, à l’aide de techniques interférométriques. Quelques exemples seront présentés, allant de la mesure de retards à la photoionisation, à la caractérisation de l’état quantique d’un électron. Cette présentation donnera une brève perspective historique sur ce domaine de recherche.

>> Informations et inscription

  • Jeudi 1er février à 16h30 | Rencontre – ENS de Lyon – Amphithéâtre Mérieux – Campus Monod

Anne L’Huillier donnera une conférence tout public sur ses travaux de recherche. La conférence sera suivie, à 18h, d’une table-ronde sur les femmes dans les sciences, en présence d’Isabelle Vauglin, astrophysicienne au CRAL et présidente de l’association Femmes & Sciences.

>> Informations et inscription

PPour aller plus loin

Pour boire, les dauphins doivent manger des poissons | The Conversation

PPour boire, les dauphins doivent manger des poissons | The Conversation

Pour tous les amoureux des animaux, le mois de septembre 2023 restera un mois noir. Sur les berges du lac Tefé, un affluent de l’Amazone au Brésil, 130 dauphins roses (Inia geoffrensis), 23 dauphins tucuxi (Sotalia fluviatilis), mais également des milliers de poissons ont été retrouvés sans vie.

Brésil : plus de 120 dauphins roses retrouvés morts (France 24).

Selon les propos des membres de l’Institut Mamirauá, un centre de recherche en partie financé par le ministère brésilien des Sciences, recueillis par le Parisien : « Il est encore tôt pour déterminer la cause de cet événement extrême, mais selon nos experts, il est certainement lié à la période de sécheresse et aux températures élevées du lac Tefé, dont certains points dépassent les 39 °C ».

Et si ces dauphins, véritables icônes de la faune brésilienne, étaient morts de soif ? Cela semble improbable, me diriez-vous, puisqu’ils ont accès à de l’eau en abondance. Mais, savez-vous comment les dauphins s’hydratent ? Boivent-ils réellement l’eau dans laquelle ils vivent ? La réponse est non, voyons donc comment ils maintiennent un niveau d’hydratation correcte.

Les dauphins vivant dans les océans ne boivent pas l’eau de mer

Pour les dauphins d’eau douce, c’est encore un mystère puisqu’aucune étude scientifique ne s’est, à l’heure actuelle, intéressée à la question. En revanche, nous possédons des informations précieuses sur la manière dont les dauphins vivant dans les océans s’hydratent.

Contrairement à ce que nous pourrions penser, les dauphins ne boivent pas l’eau salée dans laquelle ils vivent puisque pour eux, comme pour nous, un excès de sel peut être mortel. Dans notre étude récemment publiée dans la revue scientifique Journal of Experimental Biology, nous avons confirmé que les dauphins ne boivent pas de l’eau de mer contrairement aux poissons osseux (le thon, le hareng ou encore la sardine), aux tortues marines et aux oiseaux marins. En effet, boire de l’eau de mer nécessite de disposer d’un moyen de se débarrasser de l’excès de sel, et certains animaux marins disposent pour ce faire d’organes appelés glandes à sels.

Les dauphins en sont dépourvus, et leurs reins ne sont pas capables d’éliminer une quantité trop importante de sels. Mais alors, comment s’hydratent-ils ? Les dauphins ne boivent pas « volontairement » comme nous pourrions l’imaginer, ils s’hydratent de manière indirecte grâce à l’eau contenue au sein de leurs proies (entre 70 et 85 % de la masse totale chez les poissons) et de l’eau produite au niveau des mitochondries, des organites situés dans les cellules, qui produisent de l’eau, appelée eau métabolique, issue de la dégradation des molécules organiques ingérées par l’animal (glucides, protéines, lipides).

La question de l’hydratation chez les dauphins agitait l’esprit des scientifiques depuis près d’un siècle. Les premières études physiologiques réalisées au milieu du vingtième siècle avaient montré qu’ils ne buvaient pas, mais les expériences se basaient uniquement sur des dauphins à jeun et donc privé d’une source d’eau : la nourriture.

Aujourd’hui, c’est l’eau des proies et l’eau métabolique qui sont considérées comme les deux principales sources d’eau chez les dauphins, mais leurs contributions respectives restent inconnues, en particulier chez les animaux nourris. Pour déterminer la proportion respective d’eau provenant des proies, de l’eau métabolique et de l’eau salée environnante chez les Odontocètes (les cétacés à dents tels que les dauphins, les orques ou encore les cachalots en opposition aux Mysticètes, les baleines à fanons), nous avons analysé la composition isotopique de l’oxygène (18O et 16O, tous deux des atomes d’oxygène, mais dont la masse diffère par leur nombre de neutrons au sein de leur noyau) de l’eau contenue dans leur corps afin de déterminer son origine.

Les isotopes de l’oxygène comme traceurs des sources d’eau

Pour cela nous avons mesuré la composition isotopique de l’oxygène de l’eau contenue dans le plasma sanguin et de l’urine de quatre orques, Orcinus orca, et de neuf grands dauphins, Tursiops truncatus, nés et élevés en structure zoologique. Ces valeurs ont été comparées à celle de l’eau contenue dans leurs proies et celle de l’eau environnante (eau du bassin dans lequel ils vivent) et ceci pendant un an et à intervalles réguliers.

Prise de sang sur un grand dauphin, Tursiops truncatus.

Prise de sang sur un grand dauphin, Tursiops truncatus. / ©R.Amiot au Zoo Marineland, Fourni par l’auteur

Puis dans un second temps, ces données ont servi à alimenter un modèle mathématique permettant de prédire les contributions des différentes sources d’eau des cétacés.

Les résultats isotopiques obtenus et ceux de la modélisation indiquent que l’eau des proies constitue la source principale d’apport d’eau chez les orques et les grands dauphins (61–67 % des apports totaux), suivie par l’eau métabolique (28–35 % des apports totaux). La production d’eau métabolique étant significativement plus élevée chez les orques dont le régime alimentaire est plus riche en lipides. Le reste étant de l’eau de mer environnante ingérée accidentellement et de la vapeur d’eau inhalée lors de la respiration.

Contributions relatives de chacune des sources d’eau chez les orques et les grands dauphins.

Contributions relatives de chacune des sources d’eau chez les orques et les grands dauphins. / ©Nicolas Séon, Fourni par l’auteur

Nos recherches apportent de nouvelles informations sur la physiologie des cétacés, avec des implications majeures concernant les problématiques de conservation concernant ces organismes. En raison du fait que ces animaux tirent de leur nourriture l’eau permettant de les maintenir hydratés, la surpêche dans certaines régions du monde et le réchauffement climatique actuel qui affecte la distribution des proies des cétacés s’affichent comme des défis majeurs pour la préservation de la biodiversité marine.

>> Les auteurs :

Cet article a été coécrit par Isabelle Brasseur, Responsable Éducation – Recherche et Conservation à Marineland Côte d’Azur.

Nicolas Séon, Docteur en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN);

Peggy Vincent, chercheuse CNRS en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)

et Romain Amiot, Chargé de Recherche, Université Claude Bernard Lyon 1

Le projet OXYMORE est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.The Conversation

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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Philippe Connes, la recherche dans le sang | Visage de la science

PPhilippe Connes, la recherche dans le sang | Visage de la science

Le 29 septembre, Philippe Connes, spécialiste de la rhéologie du sang et de l’étude de la drépanocytose au Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité (LIBM), a été récompensé par la médaille Fahraeus1. Cette distinction honore ses recherches novatrices à la frontière entre biophysique, physiologie et médecine. Les travaux de Connes ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les patients atteints de drépanocytose.

À bien des égards, le sang n’est pas qu’un simple liquide. Sa fonction de transport de l’oxygène, vital au bon fonctionnement de notre organisme, repose notamment sur d’étonnantes capacités à s’écouler efficacement dans les artères, les veines et la microcirculation. Une mauvaise circulation du sang dans l’organisme est d’ailleurs source de nombreuses complications (maladies cardiovasculaires, ischémies, thrombose…). C’est pourquoi ses propriétés d’écoulements sont de plus en plus étudiées, ce qui constitue aujourd’hui un domaine de recherche à part entière, la « rhéologie du sang ».

« Historiquement, les traitements cliniques des maladies du sang ont fait abstraction de la rhéologie du sang », rappelle Philippe Connes. Issu d’un parcours en STAPS2, ce chercheur est devenu spécialiste des propriétés rhéologiques du sang et de l’étude de la drépanocytose au Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité (LIBM). L’objectif de ses recherches dans ce domaine : comprendre comment des variabilités de la rhéologie du sang participent à la variabilité clinique de la drépanocytose.

En effet, cette maladie génétique héréditaire qui affecte les globules rouges présente de nombreuses manifestations cliniques, avec des gravités variables. Un constat que Philippe Connes a pu observer de près, lorsqu’il était chercheur en Guadeloupe, à l’université des Antilles. À l’époque Maître de conférences des Universités, puis chercheur Inserm, il a commencé à collaborer avec des médecins du CHU pour étudier cette maladie.  « Pour lancer une étude clinique, j’ai assisté pendant un an à toutes les consultations cliniques des patients drépanocytaires pour expliquer notre projet. J’ai énormément appris au contact des patients et des médecins » se rappelle-t-il.

La drépanocytose présente des perturbations importantes de la rhéologie du sang. En particulier car la maladie affecte le globule rouge. Longtemps considéré comme un simple « sac d’hémoglobine », il joue en réalité un rôle essentiel dans les propriétés rhéologiques particulières du sang. « Contrairement à l’eau, il n’y a pas une seule viscosité du sang. Cette dernière dépend des contraintes que l’on applique au liquide. Plus elles sont fortes, plus la viscosité du sang diminue ». C’est ce que l’on appelle un fluide rhéofluidifiant. Une propriété d’autant plus importante que le sang doit circuler efficacement dans des canaux très fins pour délivrer l’oxygène aux tissus.

Les propriétés rhéofluidifiantes du sang sont notamment liées à la capacité des globules rouges à se déformer – ces derniers pouvant ainsi circuler même dans les vaisseaux les plus petits de l’organisme –, et à leur capacité à s’agréger ou se désagréger.

Or, la drépanocytose est une maladie du globule rouge ayant pour origine une mutation génétique qui affecte l’hémoglobine. Cette protéine qui transporte l’oxygène au sein du globule rouge va polymériser en condition désoxygénée chez les patients drépanocytaires, provoquant une perte de déformabilité et d’élasticité, ainsi qu’un fragilité importante.

Plus fragiles, la durée de vie des globules rouges chez ces patients est d’environ 20 jours, au lieu de 120 jours chez une personne normale. « Cette condition met le système de production des patients à rude épreuve pour essayer de compenser cette perte plus rapide des globules rouges », souligne Philippe Connes.

Cette maladie se révèle donc extrêmement complexe à étudier, nécessitant des approches pluridisciplinaires pour mieux comprendre la variabilité des manifestations cliniques observées.

Nommé Professeur des universités en 2014, et fort de son expérience de collaborations avec des CHU, Philippe Connes a contribué à structurer une communauté scientifique à Lyon dans le domaine de la rhéologie du sang et des maladies rares du globule rouge. En 2017, les Hospices Civils de Lyon ont ainsi obtenu une labélisation d’un centre de référence constitutif des maladies rares du globule rouge et de l’érythropoïèse, structuré autour de quatre acteurs. Son équipe « Biologie Vasculaire et du Globule Rouge » au LIBM (UCBL), un laboratoire de diagnostic des maladies de l’hémoglobine et du globule rouge la drépanocytose (P. Joly, Hospices Civils de Lyon), l’IHOPe et l’hôpital Mère-Enfant (Y. Bertrand/K Halfon-Domenech, Hospices Civils de Lyon) et le service de médecine interne de l’hôpital Edouard Herriot (A. Hot, Hospices Civils de Lyon).

Pour l’intéressé, cette dynamique réunissant recherche fondamentale, clinique et translationnelle est essentielle pour travailler sur ces pathologies cliniques. L’étude de la rhéologie du sang et du globule rouge permet d’amener de nouvelles perspectives pour les cliniciens. « Le taux d’hématocrite constitue un critère clinique pour évaluer la viscosité du sang. Or, quand on fait les mesures de viscosité, les deux paramètres ne sont pas systématiquement corrélés. On oublie souvent la rhéologie du sang ou la mesure directe de la viscosité du sang », abonde Philippe Connes.

Avec un parcours atypique, ses recherches en rhéologie du sang, à la frontière entre biophysique, physiologie et médecine, ont vocation à aider les cliniciens à utiliser d’autres critères et des traitements plus pertinents pour les patients drépanocytaires, espère l’intéressé. Une contribution scientifique aujourd’hui reconnue internationalement. Le 29 septembre, Philippe Connes a ainsi reçu la médaille Fahraeus décernée par la Société Européenne d’Hémorhéologie Clinique et de Microcirculation.

Le lien qu’il cultive depuis plus de 15 ans avec les médecins joue pour beaucoup dans cette réussite, reconnait le lauréat. Bien plus qu’une opportunité scientifique, pour ce chercheur le contact avec les médecins est aussi une motivation. « Au-delà du fait de mieux connaitre la maladie, le fait de voir que le médecin fait appel à la recherche et collabore avec nous, ça donne du sens à notre travail. C’est là que ça devient magique et excitant » !

Les manifestations cliniques de la drépanocytose

La drépanocytose a la particularité de se manifester différemment d’un patient à l’autre mais aussi chez le même patient en fonction des différentes périodes de la vie. Les complications de cette maladie se présentent chez les patients sous forme chronique (ulcères aux jambres, insuffisance rénale, hypertension pulmonaire, anémie, douleurs, fatigue et retard de croissance…) ou bien sous forme aigüe (priapisme, crise vaso-occlusive douleureuse,accident vasculaire cérébral).

D’après une étude de l’Inserm (2015), la drépanocytose est la maladie génétique la plus fréquente en France, avec 1 cas pour 765 naissances en région parisienne, mais la fréquence est encore plus élevée dans les départements d’Outre mer (1 cas pour 465 naissances).


1. Fahraeus : Éminent chercheur médical suédois. Il a mené des recherches pionnières sur le sang, notamment la découverte du taux de sédimentation des érythrocytes et l’utilisation de l’ultracentrifuge. Ses contributions notables incluent les effets Fåhræus et Fåhræus–Lindqvist. Professeur à l’Institut Karolinska et à l’Université d’Uppsala, membre de la Royal Swedish Academy of Sciences, il a reçu la médaille Poiseuille en 1966.

2. STPAS : Sciences et Techniques de la Prévention des Activités Sportives, est un parcourt universitaire qui focalise sur l’application des principes scientifiques pour prévenir les blessures et améliorer les performances sportives. Ces programmes forment des professionnels compétents dans la promotion de la sécurité et du bien-être des athlètes tout en optimisant leurs capacités.

>> Pour en savoir plus rendez-vous sur le site :

Université Claude Bernard Lyon 1

Salle de diffusion des savoirs de l’Observatoire de Lyon

SSalle de diffusion des savoirs de l’Observatoire de Lyon

 L’Observatoire de Lyon s’est doté d’une nouvelle salle d’atelier à destination notamment du public scolaire. Le service de diffusion des savoirs de l’Observatoire y propose des ateliers en astronomie et en géologie. 

Le service valorise les thématiques de recherche dans les disciplines du Centre de recherche astrophysique de Lyon – CRAL – et du Laboratoire de géologie de Lyon.

>> Les thématiques :

  • Terre
  • Planètes
  • Environnement

 

>> Pour plus d’informations pour chaque niveau rendez vous sur :

observatoire de Lyon : Primaire

Observatoire de Lyon : Collège

observatoire de Lyon : Lycée

La science attoseconde, un nouveau monde à explorer

LLa science attoseconde, un nouveau monde à explorer

Le prix Nobel de physique 2023 a distingué la science attoseconde, dont on doit la naissance aux lauréats Anne L’huillier, Pierre Agostini et Ferenc Kausz. Mais qu’est-ce que c’est l’attoseconde ? Et en quoi son développement suscite un tel engouement ?

Réponses avec Vincent Loriot, enseignant-chercheur à l’université Claude Bernard Lyon 1 et membre de l’Institut Lumière Matière, l’un des trois laboratoires en France à savoir produire des impulsions de lumière attoseconde.

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SCIENCES POUR TOUS   

L’égalité femmes-hommes dans le sport français : une chimère ?

LL’égalité femmes-hommes dans le sport français : une chimère ?

À la veille des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en juillet 2024, certaines parties prenantes de l’événement vont sans doute accentuer la communication sur les valeurs choisies comme étendard vertueux de cette olympiade. Parmi elles, l’égalité entre les femmes et les hommes (F/H) occupe une place de choix, car ces jeux seront les premiers de l’histoire olympique à être paritaires (autant d’hommes que de femmes parmi les athlètes en compétition, mais aussi parmi les relayeurs et relayeuses de la flamme olympique, et – presque – parmi les salariées et salariés du comité d’organisation avec 52 % de femmes).

Dans cette perspective, cette olympiade propose également plus d’épreuves mixtes ; un logo à l’effigie de Marianne (porte-parole de la devise républicaine) ; une mascotte en forme de bonnet phrygien que les internautes ne manquent pas de comparer avec un clitoris.

Enfin, ces jeux candidatent au nouveau label d’État Terrain d’égalité (lancement en 2022) en vue de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes et de lutter contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles dans le domaine de l’événementiel sportif. Bien que volontaires, ces mesures sont-elles les signes d’une politique aboutie d’égalité entre les femmes et les hommes dans le mouvement olympique et/ou représentatives de la situation des femmes dans le mouvement sportif français ?

Parcours de combattantes

La parité des athlètes aux JOP 2024 est assurément un élément clé de la communication égalitaire des instances olympiques quand on sait le parcours de combattantes nécessaire, d’une part à l’intégration des femmes dans ses grands événements et à leur lente augmentation numérique dans l’ensemble des disciplines olympiques. Alors que Pierre de Coubertin, en 1912, juge l’arrivée des femmes dans le programme officiel des JO, « impratique, inintéressante, inesthétique et, nous ne craignons pas d’ajouter incorrecte », il faudra toute la persévérance et la pugnacité d’une femme, Alice Milliat, pour s’opposer à l’idéologie androcentrique de l’institution olympique ; organiser – comme alternative – des Jeux mondiaux féminins entre 1922 et 1934 et fédérer les dirigeantes internationales du sport autour de la cause des femmes dans et par le sport.

Ainsi, le premier combat pour les sportives fut de conquérir le droit d’accès aux fédérations sportives nationales (le droit d’obtenir une licence sportive), et ensuite aux compétitions internationales comme les JO (le droit de performer). Ainsi, pas de femmes licenciées à la fédération française de cyclisme jusqu’en 1948 et pas de femmes cyclistes aux JO avant 1984. Pas de femmes licenciées à la fédération française de football jusqu’en 1970 et pas de footballeuses aux JO avant 1996.

Quantitativement, la progression des femmes parmi les athlètes fut lente, irrégulière jusqu’à la dernière décennie du XXe siècle où le sujet de l’égalité F/H dans le sport gagne en légitimité et visibilité lors de la déclaration de Brighton en 1994 (sous l’égide du groupe de travail international femmes et sport) ; de la conférence mondiale sur les femmes de Beijing en 1995 (sous l’égide de l’ONU) ; puis de diverses commissions et projets au sein du Comité international olympique.

Au final, c’est en 2012 (JO d’été) et 2014 (JO d’hiver) que toutes les disciplines olympiques (mais pas forcément toutes les épreuves) sont autorisées aux femmes comme aux hommes. Néanmoins, encore aujourd’hui, le ratio femmes/hommes demeure très variable en fonction des délégations olympiques et en fonction des disciplines sportives (par exemple à Tokyo en 2021, seules six fédérations internationales – le canoë, le judo, l’aviron, la voile, le tir et l’haltérophilie – ont adopté des quotas équilibrés d’athlètes entre les femmes et les hommes).

Des inégalités persistantes

De plus, si cet objectif de parité des athlètes aux Jeux olympiques de Paris constitue l’un des leviers clés de la promotion, à l’international, du sport vers les femmes, il s’avère décalé avec la situation des sportives dans la plupart des pays. En France, par exemple, les femmes représentaient 39 % des licences sportives en 2020 (chiffre au plus haut avant la pandémie de Covid-19), mais elles n’étaient que 32,8 % dans les fédérations olympiques françaises (et majoritaires dans seulement 4 fédérations olympiques sur 39 : les fédérations de danse, de gymnastique, de roller et skateboard et celle d’équitation). Certes, la progression des licences sportives repose principalement sur l’arrivée de femmes et davantage de jeunes filles – avec +8,1 % de licences féminines contre +2,5 % de licences masculines entre 2012 et 2017 – mais il demeure une importante division sexuée dans l’adhésion aux sports en France.

S’il n’est plus possible d’imputer ce constat à des politiques d’exclusion (inégalités d’accès) – comme ce fut le cas par le passé – sans doute révèle-t-il les effets – moins directs – d’inégalités de traitement (moindres ressources matérielles, financières et humaines) et de reconnaissance (moindre valeur et dignité) persistantes qui continuent à être largement défavorables à l’engagement des femmes et des filles dans le sport.

Dorénavant, les restrictions à l’égard des femmes prennent la forme d’une absence de sections féminines dans le club sportif choisi à proximité ; d’une offre d’activités, d’horaires, d’équipements, de budget ou d’encadrement (parfois tout à la fois) restreinte. Ces inégalités de traitement vont de pair avec un système de représentations culturelles qui, non seulement entretient la distinction entre la catégorie, socialement construite, des femmes et celle des hommes (autour de ce que « doit être » une femme ou un homme) mais davantage les hiérarchise (Clair, 2015). Ainsi, dès le plus jeune âge, sous les effets d’une socialisation genrée qui se joue dans plusieurs instances, dont les médias, les filles sont davantage encouragées à être lectrices, musiciennes ou sédentaires plutôt que sportives – ou danseuses, gymnastes, athlètes plutôt que footballeuses, rugbywomen ou boxeuses.

Les filles sont davantage incitées à participer, à coopérer et à entretenir leur(s) forme(s) plutôt qu’à se battre, se dépasser et performer. Les filles intériorisent une représentation déclassée d’elles-mêmes qui justifierait qu’elles valent moins et donc mériteraient moins de moyens que les hommes. Ainsi, au-delà de la seule parité numérique des athlètes, d’autres critères d’égalité devront être mobilisés pour juger de l’égalité entre les femmes et les hommes comme les usages des espaces sportifs, la qualité des commentaires médiatiques, et plus largement le droit à la reconnaissance de la dignité de toutes les personnes.

Le leadership féminin à la traîne

De plus, en matière d’égalité, il convient également d’interroger la situation des femmes hors de l’aire de compétition, notamment dans les fonctions de direction (politique et/ou technique) du sport. Bien que peu médiatisé, le sujet mobilise le législateur français, comme la gouvernance du mouvement olympique, depuis une vingtaine d’années.

Au sujet de l’égalité d’accès aux fonctions électives du sport, la France est à l’avant-garde avec, en l’espace de huit ans, deux lois ambitieuses : celle du 4 août 2014, puis celle du 2 mars 2022 fixant l’exigence de parité dans les conseils d’administration des fédérations sportives pour 2024 et dans les conseils d’administration des ligues sportives régionales pour 2028. En l’espace de quelques olympiades, ces politiques ont fait bondir la représentation des femmes dans les instances dirigeantes du sport français (passant de 27,4 % en 2009-2012 à 40,3 % en 2021-2024).

Mais ces résultats numériques ne sont que l’arbre qui cache (mal) la forêt des inégalités, car en matière de politique sportive, le plancher colle. En France, seules deux femmes (5,7 %) sont, en 2023, présidentes d’une fédération olympique et pour les autres, nous manquons cruellement d’études sur les fonctions qu’elles occupent dans les CA ; les mécanismes de résistance qu’elles rencontrent et/ou les stratégies de contournement qui limitent un partage efficace du pouvoir. « Car ce n’est pas tant le pouvoir des nombres, qui, somme toute, fait la différence, mais bien le nombre au pouvoir ».

Enfin, les mondes de l’entraînement sportif et/ou de l’arbitrage révèlent également d’importantes inégalités entre les femmes et les hommes. En France, le pourcentage de femmes entraîneurs de haut niveau stagne durablement entre 8 % en 2006 et 11 % en 2020. Dans ce secteur professionnel, la mixité (et encore moins la parité) n’est pas à l’ordre du jour, et ce d’autant plus que la situation des femmes est encore mal connue. Si les travaux de la sociologue Caroline Chimot font encore figure d’exception, ils sont actuellement prolongés au sein du LVIS par des recherches en cours sur les carrières et conditions de travail des femmes entraîneurs, sur les raisons de leur moindre durabilité dans le métier et sur les formes de leadership qu’elles développent en lien (ou non) avec les perceptions/réceptions dans l’écosystème sportif.

Ainsi, sans vouloir minimiser la portée politique et culturelle de cette décision historique, espérons que la parité aux JOP de Paris 2024 ne sera pas « le dernier pas vers une parité historique aux JO » mais une étape de route vers des politiques et pratiques permettant l’inclusion des personnes minorisées sur le plan de l’ordre de genre à partir d’un travail critique sur les pratiques et politiques à l’œuvre et/ou de l’ancrage épistémique et idéologiques des dirigeants du sport en France et au-delà.

Auteure : Cécile Ottogalli-Mazzacavallo, Maîtresse de Conférences en histoire, Université Claude Bernard Lyon 1

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. >> Lire larticle original.

 

 


Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». https://www.fetedelascience.fr

>>> Retrouvez tous les événements en métropole lyonnaise et Rhône sur popsciences.fr

Co-construire la recherche avec les usagers en cancérologie

CCo-construire la recherche avec les usagers en cancérologie

Cancers, corps et sciences sociales

Une conférence organisée dans le cadre du séminaire Cancers, corps et sciences sociales : l’activité physique comme révélateur de dynamiques plurielles (2023).

La mise en place de recherches participatives et communautaires pose de multiples challenges aux équipes qui s’y engagent. Nous nous appuierons sur des expériences menées dans des mondes de recherche fondamentalement différents autour de la prévention du VIH, de la prise en charge des cancers ou encore des maladies vectorielles pour illustrer ces questionnements et perspectives.

Intervenantes :

  • Marie Préau, professeure de psychologie (Université Lumière Lyon 2, P3S) ;
  • Charlotte Bruneau, post-doctorante en sociologie (Université Claude Bernard Lyon1, L-ViS).

Pour en savoir plus :

Co-construire la recherche