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Eau, Villes

Micropolluants : comment mieux les traiter à la sortie des villes

À travers nos produits de consommation, nous relarguons des micropolluants dans nos eaux usées qui s’accumulent in fine dans les stations d’épuration. Ces infrastructures sont-elles équipées pour y faire face ? Réponse d’Hélène Métivier, chercheuse au laboratoire Déchets Eaux Environnement et Pollutions (DEEP) de l’INSA Lyon et spécialiste du traitement de l’eau.

Propos recueillis par Caroline Depecker

 

>>> Version à feuilleter en ligne : cliquez ici

>>> Ou téléchargez le pdf du Pop’Sciences Mag #12 :

 

Hélène Métivier © Laboratoire DEEP (INSA)

Comment fonctionne une station d’épuration des eaux usées (STEP) ?

Une STEP est une usine qui, placée en sortie de commune, traite l’eau alors que celle-ci a été utilisée. Une fois traitée, l’eau doit répondre à des normes de qualité, de sorte à ne pas perturber le milieu dans lequel on la rejette, soit une rivière ou un fleuve. Deux grands types de procédés sont utilisés. Le premier, sous forme d’un grand bassin de décantation, vise à éliminer les matières en suspension, c’est-à-dire les petits solides qui contribueraient à envaser le cours d’eau en aval si on les laissait. Un traitement secondaire consiste à employer des bactéries choisies pour leur capacité à digérer les substances dissoutes. Sous l’action de ce procédé biologique, les composés azotés et la matière organique sont largement dégradés. Pour les matières phosphorées, une action physico-chimique complète le traitement précédent. Enfin, on sépare les bactéries qui se sont nourries de la pollution pour rejeter une eau relativement propre : les boues bactériennes récupérées sont valorisables différemment selon leur nature.


Réceptacles de nos produits de consommation (résidus de médicament, cosmétiques, produits d’entretien…), les STEP constituent l’une des sources émettrices principales en micropolluants. Comment y traite-t-on le problème ?

Rien n’est prévu, ou presque, à ce sujet. Installées dès les années 70, les STEP n’ont pas été conçues pour traiter les
micropolluants, qui sont une problématique plutôt récente : elles en retiennent seulement une petite partie. Certes,
la DCE 2000 a listé des substances prioritaires dont il faut surveiller la dissémination, mais sans fixer d’objectif de
traitement, pour le moment. L’idée est plutôt de réguler leur utilisation. Les usines de potabilisation obéissent, elles, à
une règlementation contraignante vis-à-vis de la micropollution. Elles utilisent du charbon actif ou de l’ozonation pour
abattre la teneur en polluants. Dans le premier cas, on peut atteindre un abattement – une réduction – de 70 % de la
micropollution. En couplant les deux procédés, un taux de 90 % est envisageable. La Suisse a d’ailleurs opté pour cette
solution et en a équipé plusieurs de ses grosses stations d’épuration. L’Europe pourrait suivre cet exemple.


Dans le cadre de vos travaux de recherche, qu’envisagez-vous comme solution ?

En France, il y a beaucoup de petites STEP qui fonctionnent de façon autonome : si un technicien intervient, c’est pour vérifier que tout se déroule bien. Ce sont ces cibles qui nous intéressent. Depuis un an, nous testons un pilote qui
équipe une station du Jura, utilisant des filtres plantés de roseaux pour épurer ses effluents. Notre installation, légère,
se situe en sortie du dernier lit de roseaux et repose sur un procédé d’oxydation avancée : l’eau traverse un gros tube
contenant du peroxyde d’hydrogène (au pouvoir oxydant très important, NDLR) dans lequel plusieurs lampes diffusent
un rayonnement ultraviolet. Au cours de nos campagnes d’échantillonnage, nous avons pu suivre une quarantaine de
micropolluants. Après passage par le pilote, les résultats sont très variables selon la nature des molécules : entre 40 % et 90 % d’abattement. Soit une moyenne de plus de 50 %. Éliminer totalement les micropolluants est une illusion, mais nous pouvons toujours espérer améliorer ces premiers chiffres.

 


 

Pour aller plus loin

« Polluants chimiques : un impact irréversible sur la ressource ? » par Caroline Depecker, Pop’Sciences Mag #12, novembre 2023.

 

Pilote d’un procédé d’oxydation avancée implanté en sortie de filtre planté de roseaux pour le traitement des micropolluants, testé par le laboratoire DEEP dans une station du Jura – Photos : © Laboratoire DEEP (INSA de Lyon). 

© Laboratoire DEEP (INSA de Lyon). 

Filtre planté de roseaux, à côté du pilote du laboratoire DEEP. © Laboratoire DEEP (INSA de Lyon).

 

Filtre planté de roseaux après faucardage (fauchage des végétaux qui
bordent les cours d’eau).
© Laboratoire DEEP (INSA de Lyon). 

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