L’arrivée de l’immunothérapie il y a une dizaine d’années a permis des avancées spectaculaires dans le traitement du cancer. Fondée sur la mobilisation des défenses immunitaires pour détruire les cellules cancéreuses, cette approche thérapeutique a considérablement amélioré la survie de certains patients. Elle présente encore des limites.
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« En 2006, une nouvelle molécule est arrivée au service de dermatologie de l’Hôtel-Dieu à Lyon : l’Ipilimumab, se souvient le Pr Stéphane Dalle, onco-dermatologue aux Hospices civils de Lyon. Nous l’avons exploitée sous la forme d’un essai clinique à proposer aux patients atteints de mélanome sévère. » Jusqu’à cette date, en effet, les patients atteints de ce type de cancer de la peau présentaient des facteurs de risques de récidives importants impliquant de faibles chances de survie. « L’Ipilimumab était la première molécule à montrer une efficacité claire et une réponse à long terme, même au-delà de l’arrêt du traitement, poursuit-il. »
Depuis, cette approche n’a cessé de progresser. En 2011, une nouvelle forme d’immunothérapie est arrivée en phase clinique. Il s’agissait des anti-PD1/PDL1 devenus l’immunothérapie de référence contre le mélanome. « Avec les anti-PD1/PDL1, l’efficacité du traitement est passée de moins de 20% à environ 40% », souligne le Pr Dalle.
Pour les oncologues, l’arrivée de l’immunothérapie a révolutionné la prise en charge de patients atteints de cancers avancés, comme le mélanome métastatique. Grâce à ces molécules qui activent le système immunitaire contre les cellules cancéreuses, la survie de ces patients s’est considérablement améliorée.
Le Pr Dalle résume :
On a transformé une maladie mortelle à court terme en maladie chronique avec laquelle on peut vivre pendant des années.
Toutefois, s’ils sont puissants, ces médicaments ne peuvent être administrés à tous les patients. L’espoir suscité par la réussite du traitement contre le mélanome a ouvert les portes à d’autres indications thérapeutiques. Désormais, des immunothérapies ciblent certains types de cancer du poumon ou du rein. Les chercheurs travaillent actuellement à étendre les indications thérapeutiques et espèrent qu’à terme chaque patient bénéficiera d’une immunothérapie adaptée et personnalisée. Découvrez à ce propos l’article paru dans CNRS le Journal qui décrit les mécanismes précis induits par l’immunothérapie. Les patients peuvent ne pas réagir positivement à une administration d’immunothérapie et le résultat escompté de réduction de la tumeur n’est pas au rendez-vous. Soit ils ne répondent tout simplement pas au traitement, soit ils subissent des effets plus néfastes dits de « toxicité ». C’est là un des enjeux majeurs des années à venir pour la recherche scientifique.
« Les trois quarts des patients ne répondent pas à une immunothérapie lorsque celle-ci est administrée en monothérapie » (traitement qui n’a recours qu’à un seul médicament), souligne le Pr Charles Dumontet, directeur de l’équipe Anticorps Anticancer au Centre de recherche en cancérologie de Lyon et oncohématologue aux Hospices Civils de Lyon. L’enjeu de la recherche aujourd’hui est de mieux comprendre le fonctionnement du système immunitaire et de trouver de nouvelles stratégies thérapeutiques. Pour cela, les recherches s’orientent selon deux axes. Il s’agit, d’une part, d’identifier les patients qui risquent de ne pas répondre, de résister, aux immunothérapies et d’autre part, de combiner les traitements d’immunothérapie avec d’autres approches comme la chimiothérapie, la radiothérapie ou les thérapies ciblées.
L’immunothérapie est une innovation très prometteuse dans la lutte contre le cancer, que les chercheurs doivent encore étudier et maitriser pour en révéler tout le potentiel.
Charles Dumontet évoque les espoirs et les enjeux de cette révolution en cours :
Lyon, un centre mondialement reconnu en immunothérapie
Le système immunitaire nous aide au quotidien à combattre les corps étrangers qui nous infectent. Toutefois, il ne parvient pas à lutter contre les cellules cancéreuses, pourtant dévastatrices pour notre organisme. C’est sur ce constat que la recherche a fondé ses travaux en onco-immunologie. La découverte du « traitement du cancer par inhibition de la régulation immunitaire » a valu, en 2018, le prix Nobel de médecine et de physiologie à James Allison (États-Unis) et Tasuku Honjo (Japon). Aujourd’hui, les chercheurs travaillent sur différentes stratégies de traitement. Elles visent à stimuler le système immunitaire ou à modifier les « capteurs » présents sur les cellules immunitaires pour qu’elles puissent reconnaître la tumeur. De très nombreuses équipes de recherche dans le monde travaillent sur ce sujet porteur d’espoir. Auvergne-Rhône-Alpes fait partie des régions mondialement reconnues en immunothérapie, notamment grâce à d’importantes et dynamiques collaborations entre les Hospices civils de Lyon et le Centre de recherche en cancérologie de Lyon du Centre Léon Bérard.
Comme pour toute arrivée d’un nouveau traitement, les habitudes sont bouleversées dans les services cliniques et chez le patient. De nouvelles formes d’effets secondaires sont à gérer et diffèrent des traitements « traditionnels » administrés en cancérologie. Il est important de mieux comprendre et gérer les toxicités spécifiques de l’immunothérapie. Pour cela, les Hospices Civils de Lyon ont créé un réseau venant renforcer le parcours de soin du patient : ImmuCare.
Tout au long de son parcours, que ce soit avant, pendant ou après le passage à l’hôpital, chaque patient est accompagné par des professionnels de santé formés et sensibilisés aux enjeux de l’immunothérapie.