En 2019, une association de jeunes scientifiques a pris la mer pour une expédition à la voile baptisée ExploraGyre. Un aller-retour transatlantique de neuf mois
Par Samuel Belaud
> Téléchargez le magazine en .pdf
> Exemplaire papier sur commande (envoi gratuit par la poste)
Association étudiante
L’aventure est née d’une une passion commune pour la navigation et d’une volonté de s’engager contre la pollution des milieux aquatiques. ExploraGyre embarque un équipage d’étudiants volontaires, bien décidés à mobiliser leurs apprentissages scientifiques acquis dans les prestigieuses écoles du territoire (biologie à l’ENS de Lyon, électronique à l’INSA, informatique à Grenoble INP – Ensimag…), au service d’un projet qui “allie le voyage à l’utile”, précise Cédric Jalade, Président de l’association OceaSciences et capitaine de l’expédition. Ils ont saisi une occasion sans pareille d’entrer dans un processus d’apprentissage scientifique en direct et accéléré.
Forts de l’appui d’une équipe à terre pour la communication et les bulletins météorologiques, ils se sont lancés le 30 septembre 2019 depuis Concarneau (56), pour une campagne placée sous le signe de la recherche participative. “Nous avons mis le temps et le matériel dont nous disposions pour alimenter des projets de recherche scientifique déjà opérants.” souligne Cédric.
Au cœur d’un vortex de déchets
Le gyre désigne les vortexs océaniques formés au cœur des océans sous l’influence des courants marins et de la rotation de la Terre. Parmi les cinq gyres océaniques majeurs, celui de l’Atlantique nord est particulièrement exposé à l’accumulation de déchets anthropiques (d’origine humaine) ou biologiques comme les Sargasses, une algue invasive dont la prolifération aux Antilles a autant surpris qu’inquiété le jeune capitaine. En traversant ce vortex, les quatre navigateurs ont pu mener de front des opérations de prélèvements d’échantillons aquatiques, d’étude biologique des poissons pêchés et de sensibilisation auprès des populations rencontrées au cours de leurs différentes escales.
Les échantillons d’eaux de surface récoltés grâce à un filet “manta” ont été transmis au laboratoire de l’association de recherche participative OceanEye, pour une analyse plus fine des composants et des corps étrangers. Quant à l’étude des poissons, le constat a été sans équivoque :
Sur une soixantaine de prises, 24% étaient contaminées par du plastique.
« Autant près des côtes qu’en pleine mer. Malheureusement cela confirme que cette pollution n’a pas de frontières” constate amèrement le capitaine. Les navigateurs ont autant retrouvé du plastique dans les systèmes digestifs des prédateurs que dans ceux de plus petits poisson, confirmant par-là que la pollution aux micro-plastiques est bien répartie dans la chaîne trophique. Les polluants ingérés sont principalement des microfibres issues de morceaux de filets de pêche, ou encore arrachées aux vêtements par nos machines à laver. L’équipage a également croisé beaucoup de déchet plus imposants. Impuissant, Cédric se remémore “la surprise de voir une chaise flotter au milieu de l’Atlantique”.
“Se baigner dans un infini grand bleu, ou voir l’eau ‘’bouillir’’ face à une horde de dauphins qui rejoignent notre bateau n’a pas de prix. La puissance de ce milieu agit comme un aimant », ponctue le président d’OceaSciences, mais pour combien de temps encore ? Si l’Océan reste un environnement captivant et fabuleusement riche, il est également le déversoir des déchets et des restes de nos activités à terre. L’association est actuellement à la recherche d’un nouvel équipage pour reprendre le flambeau. Cédric précise que “la réussite du projet tient à l’engagement total de tous les coéquipiers et à leur complémentarité”.
Avis aux étudiants passionnés et engagés, pour écrire le scénario d’une deuxième saison très attendue.
Dès le 8 juin, depuis chez vous, interrogez-vous sur le devenir de l’Océan au travers d’enquêtes, d’échanges et de nombreux témoignages d’experts, scientifiques et passionnés.