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CComment vit-on dans un tiers lieu social et solidaire : les Grandes Voisines.

Les Grandes Voisines : vous connaissez ?

C’est un tiers lieu social et solidaire et dans ce troisième et dernier podcast dont le triptyque  leur est consacré , nous découvrirons la méthodologie utilisée avant de nous concentrer sur les hébergés, écouter le point de vue des institutionnels et enfin, nous nous interrogerons sur l’avenir de ce type de lieux.

Pour en discuter, nous sommes avec Salomé COUSINIE, doctorante en 4ème année à Triangle, dont le sujet de thèse est « Les Grandes Voisines, un tiers lieu redéfinissant le rapport au politique et à l’engagement des participants« . 

En route, direction Francheville pour notre dernier rendez-vous avec les Grandes Voisines.

> Écoutez le podcast :

> Lire la retranscription des propos de l’interview :

Vous avez passé beaucoup de temps chez les Grandes Voisines pour étudier les personnes, leurs relations, l’organisation des travailleurs, les relations avec l’extérieur, la création d’événements…Concrètement, comment avez-vous fait ? Comment se déroulait votre quotidien au Grandes Voisines ?

Salomé Cousinié – J’ai en effet passé presque deux ans à aller aux « Grandes Voisines », à raison de deux à trois journées par semaine. Et je travaillais auparavant dans un des services qui a déménagé sur le site donc je connaissais déjà un peu les associations et les salariés, ce qui a facilité mon entrée sur le terrain. Je faisais essentiellement ce qu’on appelle des « observations participantes », c’est-à-dire que je participais et j’aidais aux activités à destination des personnes hébergées ou aux porteurs de projet. Je faisais aussi des observations non-participantes lors des différentes réunions par exemple, auxquelles j’ai pu assister. Enfin, j’ai mené plusieurs entretiens avec les différents participants des Grandes Voisines, des élus et d’autres personnes ayant travaillé dans des lieux similaires.

Aussi, qu’en est-il ressorti concernant les personnes hébergées ? Est-ce qu’elles participent à la vie du site ? Est-ce qu’elles en ont envie ? Comment l’expliquez-vous ? Est-ce lié au fait qu’il y a des services qui sont différents de ceux existants dans un centre d’hébergement plus « classique » ?


S.C. – Les personnes hébergées peuvent participer à l’organisation de la vie du site par le biais d’instances collectives et aussi profiter des activités qui leur sont proposé. Mais, en effet, la difficulté est que ces personnes ont d’autres priorités comme celles d’obtention de titre de séjour, d’un logement, de trouver un travail, l’école pour les enfants, etc. Dans ces conditions, il n’est pas évident d’être disponible en termes d’emploi du temps mais aussi mentalement pour participer à la vie du site (quand on est en souffrance, participer à des activités ou à l’organisation du site peut être compliqué et demander énormément d’énergie). C’est tout le paradoxe du principe de « participation », principe qui pour le dire rapidement, est de rendre actrice de son accompagnement la personne accueillie. Ca c’est une obligation dans plusieurs dispositifs du domaine du médico-social mais sa mise en œuvre est complexe. Donc si le tiers-lieu leur donne davantage de possibilités d’activités et de participation à l’organisation du site, il n’en reste pas moins que les difficultés liées au contexte social et administratif des personnes concernées restent les mêmes que dans n’importe quel centre d’hébergement. Il faut rappeler quand même qu’à la différence des autres personnes qui sont présentes sur le lieu, les hébergés n’ont pas la possibilité de choisir d’y être ou non, elles sont obligées d’accepter l’unique proposition d’hébergement qui leur ait faite dans le Rhône, que ce soit un tiers-lieu ou un hébergement plus classique.

© Les grandes voisines

Quel est le regard des décideurs institutionnels et des associations gestionnaires sur ce lieu ? À quelles difficultés peuvent-ils faire ? 


S.C. – Alors ce type de lieu permet d’expérimenter de nouvelles manières de mettre en œuvre l’accueil des personnes en situation de précarité et migrantes, ce qui est donc intéressant pour les pouvoirs publics et les associations gestionnaires notamment si cela leur permet de réévaluer les budgets. Puis si l’occupation temporaire de locaux existe depuis longtemps dans le champ de l’hébergement d’urgence, l’organisation en « tiers-lieu » donne l’impression de favoriser en plus d’autres approches du travail social et de correspondre donc aux nouvelles normes, aux évolutions de ce champ d’action. Les difficultés, elles résident plutôt dans le fait que les associations et structures, à qui cette mission d’accueil a été déléguée par les pouvoirs publics, acceptent de modifier leur fonctionnement habituel et leur organisation habituelle. De plus, le site étant grand, les activités très diverses et variées, un public extérieur pouvant être présent lors d’événements, etc., il n’est pas toujours aussi facile de protéger, autant qu’ils ne souhaiteraient les personnes hébergées que ce qu’ils aimeraient (par exemple un filtrage à l’entrée n’étant pas toujours possible).

N’est-ce pas un peu du gaspillage financier, émotionnel, affectif, social…qu’ensuite supprimer ce lieu ?


S.C. – Cette question se pose pour nombre de dispositifs d’action publique temporaires et bien sûr « les Grandes Voisines » n’y échappent pas. Il s’agit d’un dispositif expérimental en quelque sorte qui permet donc de tester de nouvelles manières de faire, de penser le travail social mais aussi le travail en collectif. Il est donc difficile de parler de « gaspillage » puisque dans tous les cas, pendant sa durée, donc six ans ici, de nombreuses personnes auront bénéficié de ce lieu et auront essayé de mettre en place d’autres types d’accompagnement, d’actions. Cependant, si on regarde ça d’un point de vue plus « macrologique » (donc au niveau de l’action publique ici), on peut en effet se demander ce qui fait que les pouvoirs publics continuent de ne vouloir être que dans l’expérimentation et de ne pas chercher à pérenniser ce type de dispositifs. En fait comme pour l’accueil des migrants, il s’agit encore une fois de politiques de l’urgence, une gestion sur des délais courts et de proposer des « pansements » pour des problème structurels. Certains acteurs du site critiquent d’ailleurs le fait de parler d’expérimentation, comme si il s’agissait d’un laboratoire, alors que l’on parle aussi des vies de personnes en situation de vulnérabilité.

Quelle conclusion tireriez-vous de cette expérience des Grandes Voisines ?

S.C. – Alors la mise en œuvre d’une telle expérience demande beaucoup d’énergie, mais du fait que ce soit une expérience, ça permet quand même de réfléchir à des nouvelles modalités d’action. Cela autorise aussi de proposer des nouveaux services et une nouvelle conception de l’hébergement et d’autant plus ici auprès d’un territoire qui était peu enclin au départ à accueillir des centres d’hébergement.


Précédemment : l’humain au coeur des Grandes Voisines

> À suivre…

Notre triptyque concernant les Grandes Voisines est terminé …Rendez-vous jeudi prochain pour un tout nouveau sujet !

>> Pour en savoir plus :

Triptyque – Laboratoire Triangle