Article LLes animaux : pourquoi certains bénéficient d’une place plus favorable …ou pas ? ©triangleLes animaux font partie de votre vie ? Vous aimeriez en savoir un peu plus dans ce domaine…et les découvrir sous l’angle sociologique ?Alors, cliquez sur play du deuxième podcast, dont le sujet est les animaux. Pourquoi ? Car vous allez apprendre que certains animaux bénéficient d’une place plus favorable dans notre société, et pourquoi, et comment…Et plus encore.Et pour développer ce sujet, nous sommes avec Jérôme MICHALON, chargé de recherches au CNRS, à TRIANGLE et à l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne. > Écoutez le podcast :https://popsciences.universite-lyon.fr/app/uploads/2025/04/tri2-2_jerome-michalon.wav> Lire la retranscription des propos de l’interview :En matière d’animal, certains animaux bénéficient-ils d’une place plus favorable que d’autres ?Jérôme Michalon – Oui, on peut dire que certains individus animaux ont des devenirs très différents : entre un chien qui passe son existence auprès d’humains aimants et attentionnés, sans connaître la faim, ni le froid, et sans craindre pour sa vie, comparé cela à un poulet entassé dans un hangar sans lumière, où le seul horizon est un engraissement rapide pour un abattage précoce, il y a des conditions qui ne sont pas comparables. Et je ne parle ici que des animaux domestiques, pas des animaux sauvages. Les raisons de ces différences sont multiples et complexes, elles tiennent autant à des représentations que l’on a des animaux et de leur usage, héritées souvent de schèmes de pensée religieux ou populaires, ou même parfois savants, mais également tributaires des conditions de vie et de travail des humains, ou des choix économiques et politiques. C’est extrêmement multifactoriel. Et ce qui est intéressant pour rebondir sur la question initiale, c’est que ce qui varie aussi c’est la définition même de ce que serait une place « favorable » pour l’animal.Et comment la définiriez-vous de ce fait ?© PixabayJ.M. – Je ne la définie pas mais c’est vrai qu’on a tendance à considérer que finalement par exemple les animaux de compagnie, le statut d’animal de compagnie c’est censé représenter la place la plus favorable pour un animal, puisqu’il est effectivement aimé, choyé, individualisé, il est extrait à l’obligation de travail. D’un certain point de vue, c’est assez favorable, et pourtant même ce statut là, cette condition là soulève de plus en plus de critiques venant dénoncer ces conditions de vie de certains animaux de compagnie, de certains chiens, de certains chats parce qu’on considère que le fait d’être enfermé dans un appartement, sans contact avec ses congénères ou avec un environnement naturel, sans possibilité d’exercice physique, c’est parfois décrit, par certains vétérinaires, comme une forme de maltraitance. Selon la vision que l’on a de la « nature authentique » d’un animal, on pourra considérer qu’être un animal sauvage soumis à la prédation, à la faim et au froid, luttant pour sa survie, c’est préférable au sort d’un caniche sur un canapé.En tant que sociologue, je n’ai pas à me prononcer sur ce qui serait bon ou pas pour les animaux, d’une part parce que je n’ai pas la compétence pour le faire, mais d’autre part, parce que l’inflation de postures normatives sur la question animale fait vraiment partie de l’objet que j’aimerais documenter, à savoir la manière dont se construit une forme de consensus social autour de l’importance du souci de l’animal. Et pour étudier cela, il est difficile d’être à la fois observateur et acteur.Revenons aux animaux de compagnie, le contexte économique et social actuel peut-il modifier la place des animaux de compagnie ? Et si oui comment ?J.M. – La possession d’animaux de compagnie ne peut pas être déconnectée du contexte économique et social. Initialement, la pratique du « pet keeping » concernait les aristocrates britanniques en l’occurrence puis s’est diffusée au XIXème siècle vers la bourgeoisie ; bref, c’est à l’origine une affaire de personnes qui ont du temps libre et des moyens économiques importants très clairement. Au XXème siècle, on assiste à une forme de « démocratisation » de la possession d’animaux de compagnie, en direction des classes moyennes. On ne peut donc pas déconnecter cette évolution des avancées sociales notamment les congés payés, la réduction du temps de travail, la hausse toute relative des salaires etc. Sans cela, il n’y aurait sans doute pas eu de temps de loisir dédié à l’entretien d’un animal qui n’a pas d’utilité directe, qui n’a pas d’utilité productive notamment. Donc il n’y aurait pas eu de marché pour les animaux de compagnie, et cela, je pense que c’est important de le souligner à quel point l’industrie pour l’alimentation des animaux de compagnie a eu un impact énorme sur l’augmentation du taux de possession, et aussi sur sa légitimité sociale. Parce que j’ai bien étudié dans ma thèse comment cette industrie avait soutenu les pratiques de médiation animale, dont je parlais dans le podcast précédent, de pratiques de soin par le contact animalier, pour diffuser en fait une sorte de contre-discours, qui viendrait répondre à une critique récurrente qui est celle de l’inutilité des animaux de compagnie, donc en gros de la relation de soin aux animaux, qui est souvent qualifiée d’excessive, de narcissique voire de misanthrope, avec la figure du propriétaire de chien replié sur lui-même, qui préfère la compagnie de son caniche à celle de ses congénères. C’est une critique récurrente, à laquelle la médiation animale vient répondre, en montrant que des relations de soin aux animaux, des relations bienveillantes, peuvent également bénéficier à d’autres humains et à la société dans son ensemble. C’est pour ça que je défends l’idée que pour comprendre ce qu’est un animal de compagnie, d’un point de vue sociologique, il est important d’intégrer la critique dont la relation affective et personnalisée à certains animaux fait l’objet, depuis pratiquement ses débuts et aujourd’hui encore.De ce point de vue, le contexte n’a pas tant changé puisque des journalistes me sollicitent toujours régulièrement pour commenter la hausse des dépenses pour les animaux de compagnie, avec une commande implicite : il faut que je vienne valider scientifiquement l’idée que les propriétaires ont définitivement perdu la raison, perdu le sens commun, puisqu’ils en viennent à consacrer tant d’argent à des non-humains. Commande à laquelle je ne réponds évidemment pas, mais qui vient mettre en lumière le fait que la critique de l’excès de soin aux animaux est encore très forte !Et vous Jérôme possédez-vous un animal ?J.M. – J’ai une chatte, mais je ne sais pas si je la « possède » réellement, elle ne serait pas d’accord avec cette idée, je pense. La question du pourquoi, tout simplement parce que j’ai été élevé avec des chiens et avec des chats, et dans une culture globalement pro-animaux comme beaucoup de personnes de ma génération. Effectivement, j’ai un animal de compagnie parce que je suis le fruit de l’évolution que j’essaie d’analyser par ailleurs.Précédemment : Cause animale : pourquoi fait-elle l’objet de recherches récentes ?> À suivre…Le troisième et dernier podcast dont le triptyque concerne les animaux abordera le sujet de la défense des animaux.>> Pour en savoir plus :Triptyque – Laboratoire Triangle