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LLa défense des animaux : pourquoi et depuis quand  ?

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Les animaux font partie de votre vie et ils vous intéressent ?

Dans ce troisième et dernier podcast dont le triptyque leur est consacré, nous allons aborder leur défense :  depuis combien de temps existe-t-elle, et pourquoi ? Pour en parler nous sommes toujours avec Jérôme MICHALON, chargé de recherches au CNRS,  à TRIANGLE et à l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne.

> Écoutez le podcast :

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Comment expliquez-vous la mobilisation des humains pour défendre les intérêts des animaux ? Et est-ce que cela fonctionne ? D’ailleurs est-ce récent ?

Jérôme Michalon – Alors une précision importante avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut dire qu’il y a différentes formes de mobilisation pour les animaux. Il y a la protection de la nature, dans laquelle les animaux sont importants à protéger en tant qu’espèces, pour des raisons qui tiennent à la fois au souci de préserver une sorte d’équilibre du vivant, de contempler des êtres très différents des humains et de le faire aussi en préservant au maximum leur liberté et leur indépendance vis-à-vis des humains. Ca c’est la protection de la nature qui est assez différente de la protection animale, où l’on considère les animaux avant tout en tant qu’individus, pas uniquement en tant qu’exemplaire de l’espèce, et surtout en tant qu’individus souffrants. C’est le soulagement de la souffrance animale qui sera au cœur de la protection animale telle qu’elle va se développer au milieu du XIXème siècle.

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Et pourquoi à ce moment-là ?

J.M. – D’une part, à cause de l’affaiblissement de l’autorité de la parole religieuse sur ce qui concerne le vivant, et la nature, donc la « création » divine, et de la montée en puissance de la parole savante. Il devient possible à ce moment là de porter une autre parole sur la nature. D’autre part, à cause d’un contexte particulier, qui est marqué par une très forte accélération de l’urbanisation et de l’industrialisation des sociétés européennes, qui va avoir pour effet d’accroître la proximité entre les humains et les animaux domestiques, dans des villes où ces animaux sont omniprésents et vont générer parfois des tensions assez fortes. La question de l’errance canine, des chiens errants, c’est un très bon exemple : on commence à interdire ces chiens errants qui sont à peu près partout et qui pullulent dans les villes à partir de la fin du XVIIIème siècle, considérant qu’ils génèrent trop de nuisances pour les citadins. Mais les villes sont aussi peuplés d’animaux dits de rente sont également très présents et très visibles dans les villes, notamment les chevaux qui tractent les calèches, les charrettes, et les premiers tramways.
C’est autour de leur sort en particulier que vont se cristalliser certaines inquiétudes de l’élite sociale, aristocratie et bourgeoisie. La maltraitance qui est exercée par les charretiers à l’encontre de leurs chevaux épuisés est fortement dénoncée par ces élites, qui sont souvent des cavaliers, pour qui le cheval est la plus noble conquête de l’homme et ne mérite aucunement d’être traité de la sorte.

Donc ce que vous dites, souligne le fait qu’il y avait un enjeu de classes sociales.

J.M. – Oui, la première période de la protection animale se caractérise par un souci de diffusion des valeurs et des normes sociales qui sont propres aux classes supérieures en direction des milieux populaires, qui sont eux censés manquer d’éducation, de manières, de douceur, en général mais en particulier avec les animaux. On pense que la protection des animaux pourra être finalement un bon instrument pour éduquer, voire civiliser les classes populaires. C’est donc aussi parce qu’il y a cette volonté de diffuser des normes et des mœurs issues des classes supérieures, que le souci de l’animal émerge à cette période.

Est-ce que cela fonctionne ?

J.M. – On peut considérer que la protection animale a donné lieu à beaucoup de lois, qu’elle s’est en quelque sorte institutionnalisée, à travers notamment la création d’un bureau de la protection animale dans les années 1970 en France, au sein du Ministère de l’Agriculture, et on peut considérer que l’idée même que l’on puisse maltraiter un animal sans raison particulière est aujourd’hui largement rejetée. Donc oui, ça a fonctionné, très clairement, ça a des effets sur le monde social. Mais aux yeux des militants, il y a encore énormément à faire. Et notamment les générations de militants plus jeunes dont certains considèrent qu’il faut éradiquer toute forme de rapport d’exploitation avec les animaux.

Les intérêts de l’humain peuvent-ils converger avec les intérêts de l’animal, et si oui dans quel cas ?

J.M. – En théorie, il n’y a rien qui s’y oppose. Il y a des penseurs des luttes sociales qui ont également été des penseurs de la question animale, de la convergence de ces deux luttes là. Mais c’est une question philosophique et je ne suis pas philosophe. La réponse du sociologue pourrait consister à regarder si des personnes s’engagent pour les animaux et s’engagent aussi pour les humains, est-ce qu’il y a vraiment un côté exclusif dans cet engagement. Il pourrait effectivement s’engager dans la cause animale et pour des associations caritatives par exemple. Donc la réponse à cette question n’est pas encore très claire faute d’études larges. Il y a quelque recherches qui ont été menées sur les carrières des militants de la cause animale, de certains militants de la cause animale, et qui nous apprennent qu’une partie d’entre eux sont engagés aussi dans d’autres causes, concernant les humains, la justice sociale, la lutte contre la pauvreté notamment. Mais c’est difficile d’en faire une généralité. L’émergence des partis animalistes tendrait à valider l’idée qu’un engagement pour les animaux se veut exclusif, puisqu’il s’agit de proposer un programme politique pour les animaux d’abord. Mais en fait quand on regarde l’évolution de ces partis, on voit qu’ils s’ouvrent progressivement à d’autres thématiques, comme la redistribution des richesses, la lutte contre les discriminations, la question climatique, etc. Donc le spectre s’élargit et finalement le discours animaliste porte aussi sur des luttes, des enjeux qui engagent des humains.
Dans un autre registre, le concept « One Health » (« une seule santé ») émerge depuis une quinzaine d’années, porté beaucoup par des vétérinaires, mais aussi des médecins et des associations de protection de l’environnement. Ces acteurs qui cherchent à convaincre le grand public et les institutions qu’il y a un intérêt à penser conjointement la santé humaine, la santé animale et la préservation des écosystèmes, en insistant sur les intérêts communs qui existent justement entre nous et les autres vivants, les animaux, les plantes, etc.


Précédemment : Certains animaux ont-ils une place plus favorable … ?

> À suivre…

Le triptyque dont le sujet est les animaux est terminé. Nous vous donnons rendez-vous pour un nouveau triptyque , avec un tout autre sujet.

>> Pour en savoir plus :

Triptyque – Laboratoire Triangle