Article DDiminution des émissions de CO2 : avec des nouveaux modèles de vie, d’habitats, ou encore des progrès technologiques ? ©trianglePeut-on réduire les émissions de CO2 ? Et comment ? Les progrès technologiques, ou encore de nouveaux mode de vie seraient-ils des solutions ?Dans ce troisième et dernier podcast dont le triptyque est consacré à la mobilité, pollution et transition écologique… nous allons tenter d’éclaircir ces questions.Pour cela, nous sommes toujours avec Maxime Hure, Maître de conférences habilité à diriger des recherches en science politique à l’Université de Perpignan (CDED – Centre du droit économique et du développement) et chercheur associé au laboratoire Triangle.> Écoutez le podcast :https://popsciences.universite-lyon.fr/app/uploads/2025/04/tri3-3_maxime-hure.wav> Lire la retranscription des propos de l’interview :Est-ce qu’en envisageant des progrès technologiques, nous pouvons réduire la pollution, et surtout dans quels domaines ?Maxime Huré – Oui, cette question est complexe mais par exemple aujourd’hui il est question de faire circuler des véhicules (automobile, trains) à l’aide de l’énergie issue de l’hydrogène, il est aussi question de développer les voitures autonomes, de transformer le parc automobile thermique en véhicules électriques, en partant du principe que l’électricité n’est pas produite par la combustion du charbon … Le problème est qu’avec ces innovations, nous restons toujours dans l’amélioration de l’existant, et encore cela est vrai lorsqu’il n’y a pas « d’effets rebonds » d’une innovation technologique, comme par exemple des pollutions décuplées par l’extraction de minerais rares pour certaines technologies, on pense aux batteries des véhicules électriques par exemple. De plus, certaines innovations se heurtent à des résistances sociales des populations et aux standards industriels des entreprises.Mon point de vue est qu’il ne faut pas espérer d’une technologie qu’elle résolve tous les problèmes de mobilité. Il est aussi possible de conduire des recherches dans d’autres directions, complémentaires aux innovations technologiques : analyser les politiques publiques et leurs effets, mais aussi les changements de modes de vie, les modes d’habiter ou encore comprendre le rôle de l’organisation de l’espace et de nos consommations sur les pratiques de mobilité. Les recherches en sciences sociales montrent que les changements sociaux et politiques comptent autant parfois davantage que les changements technologiques et que l’innovation passe nécessairement par ces trois leviers.© PixabayAussi, devrions nous envisager un nouveau mode de vie, d’habiter, ou encore nous orienter vers des transformations plus générales ?M.H. – Alors la transformation des modes de vie appartient à chacun d’entre nous, avec ses possibilités, mais il appartient surtout aux décisions des femmes et des hommes politiques. Donc en tant qu’enseignant-chercheur, mon rôle, modeste, est d’analyser les grandes dynamiques passées et en cours et de les partager avec mes collègues, avec des étudiants et avec les acteurs engagés dans l’action publique et privée. Mon point de vue en ce qui concerne la mobilité est qu’il faut à la fois s’intéresser aux grandes transformations qui vont affecter nos vies quotidiennes dans les prochaines années – raréfaction de certains matériaux et des matières premières fossiles, effets du changement climatique, avec des enjeux d’adaptation, vieillissement de la population – et en même temps étudier des politiques innovantes locales ou des alternatives qui pourraient symboliser des évolutions futures, ce qu’on appelle « les signaux faibles ».On peut aussi questionner quelques changements, qu’on observe actuellement. Le développement des véhicules intermédiaires qui consomment moins de matériaux, donc plus légers vont-t-ils s’imposer, y compris au sein de l’industrie automobile ? La gratuité des transports mise en œuvre dans certaines villes françaises comme Dunkerque, Montpellier ou dans des capitales européennes comme Luxembourg, Tallinn, sera-t-elle au cœur d’un nouveau contrat de société ? Le télétravail va-t-il se généraliser, s’amplifier ? Ces questionnements renvoient fondamentalement à des arbitrages politiques, sur la manière dont nos gouvernants vont permettre ou pas à ces évolutions de s’imposer.Cependant, tout cela a un coût ?M.H. – Oui, la question des coûts de ces transformations doit être posée. Mais sur ce point, je ne suis peut-être pas le mieux placé pour vous répondre, d’abord parce que je ne suis pas économiste de formation ; mais aussi parce que le financement des infrastructures de transport relève de décisions politiques. J’aimerais ajouter un point au sujet des changements dans nos modes de vie. Il me semble intéressant de toujours avoir en tête des points d’appui aussi historiques pour penser éventuellement des ruptures et même parfois les continuités dans nos sociétés.C’est-à-dire ?M.H. – Nous avons déjà fait face à des grandes périodes de restriction des mobilités – on pense souvent à la Seconde Guerre mondiale. Et l’histoire nous enseigne qu’il nous faut laisser du temps pour analyser les effets de certaines ruptures. Prenons l’exemple de la pandémie de covid-19. Rappelons quand même, qu’en l’espace de quelques semaines, nous avons tous été confinés, à l’exception de quelques corps de métier, sans même que l’État ait eu recours à l’armée pour faire respecter cette contrainte tout à fait exceptionnelle.Et donc avec des collègues, on a trouvé cela assez incroyable comme point d’appui pour lancer des recherches.. et avec des collègues de la revue Métropolitiques, Jean-Baptiste Frétigny et Thomas Pfirsch, en partenariat avec le Forum Vies Mobiles, nous avons entrepris de rassembler des recherches et des points de vue sur les effets de la pandémie sur les mobilités dans un dossier spécial de la revue Métropolitiques en pensant la question : Comment penser les mobilités dans un monde post-covid ?On s’aperçoit avec un peu de recul que, malgré la rupture des confinements, les contributions mettent plutôt en avant des continuités de dynamiques déjà à l’œuvre avant la pandémie, comme le développement massif du transport aérien, qui se fait d’ailleurs sous forme d’une revanche des consommateurs et des compagnies aériennes ou encore la permanence des déplacements automobiles dans certains contextes territoriaux.Mais ce dossier, ce qui est intéressant, c’est qu’il montre aussi des changements à analyser sur le long terme comme l’accélération de la pratique cyclable dans certains territoires. Et même on a d’autres évolutions qui préfigurent peut-être de changements plus radicaux dans nos modes de vie, comme le développement massif du télétravail depuis la pandémie. Quels pourraient être les effets du télétravail sur les déplacements quotidiens ? Sur l’organisation du travail, sur les activités de loisir ? Mais aussi sur l’économie de l’immobilier de bureau ou sur la redynamisation de certains territoires ruraux ? Il pourrait y avoir une redistribution aussi des habitants sur le territoire.Et vous actuellement, vous travaillez sur quel projet de recherche ?M.H. – Actuellement, plusieurs recherches, sur l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de mobilité, en particulier à l’échelle territoriale. Mes travaux s’appuient essentiellement sur des méthodes qualitatives, sources écrites, réalisation d’entretiens, d’observations, sur les dynamiques politiques et institutionnelles dans les politiques de mobilité, mais aussi la circulation d’idées, de pratiques et de politiques à différentes échelles.Pour vous donner deux exemples, je suis impliqué dans une recherche collective visant à comprendre les freins et les leviers à la mise en œuvre d’un rationnement (le mot est un peu fort) ou d’un encadrement carbone des mobilités au sein de diverses organisations publiques et privées. Autre exemple, je travaille aussi sur les politiques en faveur du vélo dans différents contextes territoriaux, à la fois urbains, mais aussi sur les espaces plus périphériques et ruraux.Précédemment : mobilité et écologie : comment concilier les enjeux politiques et sociaux ? > Pour en savoir plus :Triptyque – Laboratoire Triangle