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Agenda

Séminaire

Homme - société / Sciences politiques

06 décembre 2024 De 14h à 17h

Bibliothèque Diderot - ENS de Lyon

FFranz Kafka, un écrivain allemand entre tradition juive et modernité pragoise

La Bibliothèque Diderot de Lyon et l’Université Grenoble Alpes ouvre le bal de leur séminaire inter-laboratoires 2024-2025 L’espace littéraire de Berlin à Vladivostok avec la première séance du programme!;

Pour avoir toute  la programmation 2024-2025 du séminaire : ici

> Le Programme de la journée : 

  • « Was habe ich mit Juden gemeinsam ? » Franz Kafka, écrivain de la tradition juive interrompue. Marie-Odile Thirouin.

L’essai de Philippe Zard sur les judaïsmes apocryphes (De Shylock à Cinoc, Classiques Garnier, 2017) éclaire d’un jour nouveau la vocation de Kafka à la grande littérature, dans la situation historique qui était la sienne – celle d’un écrivain juif issu de la bourgeoisie germanophone pragoise, dans un contexte bilingue et binational largement sécularisé. Ce contexte a disparu au fil des catastrophes du XXe siècle, vite remplacé par divers contextes imaginaires plaqués sur l’œuvre de Kafka par une critique parfois peu scrupuleuse. Outre le vide laissé par la disparition violente du monde juif des pays tchèques, le caractère fragmentaire de l’œuvre de Kafka a favorisé ce type d’interprétations hasardeuses. Or depuis les années 1990, l’accès aux archives tchèques et la refonte éditoriale complète de l’œuvre de Kafka en ont profondément renouvelé l’approche critique, comme en témoigne l’ouvrage de Philippe Zard. Ce renouvellement ne consiste pas à expliquer l’œuvre par la biographie de l’auteur, ni à la réduire à sa dimension juive. Il permet, d’une part, de se débarrasser des contextes inventés et, d’autre part, de remettre à leur juste place les interrogations de Kafka quant à son identité juive brouillée, interrogations qui ont pris de l’ampleur avec le temps. Des exemples concrets, tirés des romans et nouvelles comme du Journal de Kafka, donneront une idée de la manière dont cet héritage juif morcelé informe discrètement l’œuvre de l’écrivain.

  • « Der Klang meines Deutsch » : l’écriture post-monolingue chez Franz Kafka. Myriam Geiser.

Franz Kafka grandit à Prague, ville appartenant jusqu’en 1918 à la Monarchie autrichienne des Habsbourg. En tant que juif germanophone, il parle le « Prager-Deutsch », l’allemand de Prague, c’est-à-dire un allemand aux contours perméables, sujet à des influences linguistiques diverses. Comme l’a montré Marek Nekula dans une étude minutieuse des « langues de Kafka » (Franz Kafkas Sprachen – « in einem Stockwerk des innern babylonischen Turms », 2003), les interférences perceptibles dans ses écrits relèvent autant du contexte plurilingue immédiat dans lequel l’auteur évolue que de ses propres stratégies poétiques et stylistiques (« Selbststilisierung »). Son rapport à la langue allemande (qu’il qualifie de ‘langue maternelle’) est complexe et doit être interrogée en lien avec son ethos d’écrivain juif. En atteste une réflexion sur « l’impossibilité d’écrire en allemand, l’impossibilité d’écrire autrement, l’impossibilité d’écrire, l’impossibilité de ne pas écrire », formulée dans une lettre à son ami Max Brod datant de 1921. Pour Yasemin Yildiz (Beyond The Mother Tongue, 2012), ce dilemme est relié à une crise moderne plus généralisée du « paradigme du monolinguisme » (postulant l’idée d’une corrélation étroite entre origine, langue et identité). Selon elle, l’écriture littéraire de Franz Kafka – d’expression exclusivement germanophone – relève d’une « condition post-monolingue » basée sur la coexistence de plusieurs langues et l’abandon du concept de l’identité monolingue. Face aux multiples interrogations quant à son appartenance aux univers juif, tchèque, allemand, Kafka définit sa « germanité » propre (Maïa Hruska), et revendique par là sa place légitime dans le monde littéraire allemand. Ma contribution souhaite mettre en lumière la façon dont cette conscience post-monolingue introduit une prise de distance et une réflexivité permanente dans le processus même d’écriture. La position décentrée de son œuvre fait de Kafka l’un des parrains d’une littérature germanophone transculturelle, comme l’affirme par exemple Narvid Kermani, né en 1967 en Allemagne de parents iraniens : « il n’y a pas de plus grande responsabilité pour moi que d’appartenir à la même littérature que le juif pragois Franz Kafka » (Zwischen Koran und Kafka : West-östliche Erkundungen, 2014).

>> Les intervenantes : 

  • Myriam Geiser, maîtresse de conférences en études germaniques à l’université Grenoble Alpes (ILCEA4)
  • Marie-Odile Thirouin, maître de conférences honoraire en littérature comparée à l’université Lumière Lyon 2

 

>> Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site : 

Bibliothèque Diderot

Université Grenoble Alpes | Campus Saint-Martin-d’Hères | Tour Irma, Salle de réunion 225, 2ème étage

51 Rue des Mathématiques, 38400 Saint-Martin-d'Hères, France