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EN SAVOIR PLUS

Archéologie des paysages sonores

AArchéologie des paysages sonores

« Un chantier, cela fait du bruit, et cela a toujours fait du bruit. Mais, dès lors que nous ne disposons d’aucune machine à remonter le temps qui soit vraiment efficace, comment savoir ce qu’entendaient, par exemple, les riverains du chantier de construction de Notre-Dame de Paris en 1170 ? Et les batailles du passé, quels bruits faisaient-elles ? Et les fameux embarras de Paris ? Et les outils des artisans d’autrefois ?
Grâce au progrès technique, une « archéologie » des paysages sonores est récemment devenue possible : elle consiste à « faire entendre l’histoire » en transmutant le passé en bande sonore. L’espace-temps serait-il en train de franchir le mur du son ?
Nous en discuterons ce vendredi 23 février à 16 heures sur France culture, avec Mylène Pardoen, ingénieure de recherche au CNRS, archéologue des paysages sonores. »

Étienne Klein

Pour en savoir plus : émission radio « La Conversation scientifique »

France Culture

PPour aller plus loin

Partie de la cité de Paris vers la fin du XVIIe siècle. / Public domain image

Festival Science et Manga 2021 | Tout est virtuellement possible !

FFestival Science et Manga 2021 | Tout est virtuellement possible !

La bibliothèque universitaire Lyon 1 organise tous les ans un Festival Science et Manga. Le principe de ce festival est d’allier une thématique de recherche et de formation de l’université au manga dont les étudiants sont de grands lecteurs. A cette occasion, sont organisées plusieurs rendez-vous proposant exposition, conférence-débat,  ateliers…

En 2021, la 11e édition a pour thème : Tout est virtuellement possible !

>> Découvrez les vidéos sur la réalité virtuelle intégrées à l’exposition du Festival Science et Manga :

  • Mylène Pardoen, archéologue sonore, chercheure à la Maison des Sciences de l’Homme Lyon Saint-Étienne étudie et analyse les ambiances sonores du passé à partir de différentes sources et propose des modèles virtuels qui permettent de recréer les ambiances sonores comme par exemple celles des rues du quartier du Grand Châtelet à Paris au XVIIIe siècle.

Archéologie du paysage sonore : la réalité virtuelle pour vivre l’histoire

  • Florence Zara, chercheure à l’Université Lyon 1, au sein du Laboratoire d’Informatique en image et systèmes d’information, le LIRIS, travaille à la conception de simulateurs permettant l’apprentissage de gestes médicaux sans risques pour le patient. Elle explique dans cette vidéo comment la réalité virtuelle permet de reproduire le comportement des organes lors d’une ponction.

Simulateur d’apprentissage : la réalité virtuelle en médecine

  • Les recherches de Fanny Lignon, chercheure portent sur les jeux vidéo et leurs implications dans la vie réelle (celle des ados notamment). Elle s’intéresse notamment à des jeux comme Assassin’s creed . Elle travaille sur les représentations des hommes et des femmes dans les images, et en particulier dans les images de jeux vidéo. Elle explique que ce qui se joue dans les jeux vidéo est réel : quand un joueur ou une joueuse agit dans un monde virtuel, il ou elle fait vraiment quelque chose. Il construit des choses, il agit. Ce que l’on fait ou pas dans un jeu a donc des conséquences sur ce que l’on devient, sur ce que l’on pense.

Le virtuel est réel – La réalité virtuelle dans les jeux vidéo

  • La plateforme neuro-immersion dirigée par Alessandro Farné associe des outils immersifs de réalité virtuelle avec des outils classiques de neurosciences cognitives et cliniques afin d’explorer de nouvelles voies de connaissance des fonctions cérébrales.

Réalité virtuelle et neurosciences à Lyon (la RV à l’assaut de situations inédites)

Tout savoir sur le festival :

Science et Manga

 

 

En 2020, la recherche à l’ouvrage pour Notre-Dame | Collections & Patrimoines

EEn 2020, la recherche à l’ouvrage pour Notre-Dame | Collections & Patrimoines

Les chercheurs et chercheuses se sont mobilisés tout au long de l’année sur le chantier scientifique de la cathédrale Notre-Dame. Sauvegarde du patrimoine matériel, modélisation de la structure ou encore études acoustiques… les programmes de recherche posent aussi les premiers jalons de la restauration, en collaboration avec des ingénieurs et des architectes.

Focus sur le chantier « Acoustique » avec Mylène Pardoen, archéologue du paysage sonore à la Maison des Sciences de l’Homme Lyon Saint-Étienne, dans une vidéo proposée par CNRS le Journal.

AA LIRE

Entretien avec l’équipe lyonnaise de scientifiques de retour de leur première mission dans Notre-Dame de Paris.

Un entretien réalisé par Pop’Sciences – 24 juillet 2020 :

Retrouvez le son de Notre-Dame

Retrouver le son de Notre-Dame | Collections & Patrimoine

RRetrouver le son de Notre-Dame | Collections & Patrimoine

Entretien avec l’équipe lyonnaise de scientifiques de retour de leur première mission dans Notre-Dame de Paris.

Un entretien réalisé par Pop’Sciences – 24 juillet 2020

Une reconstruction « fidèle » de Notre-Dame suppose qu’en plus de la remise en état du bâti (la charpente, la flèche…), une restauration acoustique soit mise en œuvre pour restituer aux générations futures ce qu’était le « son » de la plus célèbre des cathédrales avant l’incendie dévastateur d’avril 2019.

De retour de leur première mission scientifique sur le site religieux, Notre-Dame, l’équipe scientifique « acoustique » de la Maison des Sciences de l’Homme Lyon Saint-Étienne nous explique en quoi consiste son travail. Entre technique et émotions, un le récit digne d’une aventure scientifique hors du commun et hors du temps.

Pop’Sciences | Quelle est l’origine de la création du groupe acoustique ?

Mylène Pardoen, docteur en musicologie, spécialiste de l’archéologie du paysage sonore :

Suite à l’incendie qui a détruit la toiture de Notre Dame (ND) de Paris en avril 2019, la communauté scientifique s’est mobilisée autour du CNRS pour participer à sa reconstruction en neuf groupes de travail thématiques = Incendie, Numérique, Structure, Bois/Charpente, Métal, Pierre, Verre, Émotions patrimoniales et Acoustique.

Ce dernier groupe, composé de 6 personnes et… d’un robot – de son petit nom Deep Trekker – regroupe des équipes de parisiens 1 et de lyonnais issus de l’équipe Pôle Image Animée et Audio (PI2A) de la Maison des Sciences de l’Homme Lyon Saint-Étienne 2.

©Chantier CNRS Notre-Dame_Groupe Acoustique

Pop’Sciences | Quels sont ses objectifs ?

Mylène Pardoen :

Le groupe acoustique a deux objectifs :

Réaliser un modèle informatique sonore de ND qui permettra aux équipes d’architectes de les guider dans leurs choix pour la reconstruction de la voute et de la charpente (en donnant des mesures de l’impact acoustique selon le choix des matériaux, de la forme de la voute, etc.). La cathédrale est alors considérée comme un objet résonnant dans lequel un son est généré – par l’éclatement d’un ballon de baudruche, par exemple – dans le but de pouvoir calculer le temps de réverbération (l’écho) propre à la structure de la cathédrale.

Ce volume acoustique est l’espace délimité par l’ensemble des « parois », tenant compte des caractéristiques acoustiques de leur matériaux (pierre, bois….) et des objets s’y trouvant. Lorsque le son est émis, ses ondes se réfléchissent sur les parois comme une sorte de balle de ping-pong, mais avec un léger temps de retard à chaque rebond. C’est ce que l’on nomme le temps de réverbération (ce qui nous semble être un écho). C’est en quelque sorte la caisse de résonance qui permet à l’orgue ou aux choristes de donner à leurs chants une caractéristique particulière (la signature acoustique d’un lieu, qui est unique).

Ces relevés actuels seront comparés à des enregistrements réalisés lors d’un concert qui avait eu lieu dans ND en 2013, pour permettre de retrouver l’acoustique d’avant sa destruction.

Pendant la mission, seule la partie de la nef a fait l’objet de relevés (le chœur, bien qu’accessible, n’est pas dégagé et le transept, dont le sol est très abimé, était trop complexe à aborder pour le robot et les trépieds). Le robot servait essentiellement à accéder à la nef qui est encore aujourd’hui inaccessible par mesure de sécurité (risque potentiel de chute de pierres ou de la charpente en bois) pour pouvoir positionner deux trépieds à roulettes comportant chacun 2 micros ambisoniques et 2 micros omnidirectionnels nécessaires à l’étude du temps de réverbération de l’onde sinusoïdale (le son produit par le ballon).

©Chantier CNRS Notre-Dame_Groupe Acoustique

©Chantier CNRS Notre-Dame_Groupe Acoustique

Le second objectif est de documenter au niveau sonore le chantier de Notre-Dame ou autrement dit de réaliser une évaluation perceptive et représentative de l’environnement sonore de ND, en installant des capteurs qui enregistreront les ambiances sonores, 24h sur 24, pendant toute la durée du chantier de déblaiement et de reconstruction. Cette captation viendra agrémenter les informations disponibles sur ce bâtiment et continuer à raconter son histoire. Ainsi, seront collectés les bruits du chantier : ceux des corps de métiers qui vont se succéder, mais aussi ceux des oiseaux circulant librement dans le bâtiment… Tout cela agrémente le modèle sonore de ND.

©Chantier CNRS Notre-Dame_Groupe Acoustique

Joachim Poutaraud, assistant ingénieur en spatialisation sonore :

Cette pratique de l’étude du paysage sonore permet d’étudier la relation de l’Homme avec les sons de son environnement. On évalue des « marqueurs sonores », des sonorités signalétiques qui vont nous permettre de cartographier l’environnement sonore de la cathédrale.

Mylène Pardoen :

C’est l’histoire sonore du chantier. On peut repérer les porosités – des interférences qui existent entre les ambiances internes de la cathédrale et celles venant de l’extérieur qui sont le reflet des activités urbaines essentiellement – et la pollution sonore qui rentrent dans la cathédrale pour préserver sa quiétude. Car, quand on sort, on est agressé par le bruit tant la sérénité de la cathédrale est encore présente.

Ce second objectif fait écho aux travaux de Mylène Pardoen, archéologue des paysages sonores qui reconstitue des ambiances sonores du passé.

Avec le modèle virtuel créé, on pourra recréer une acoustique de n’importe quelle époque de ND : par exemple, au Moyen-Âge, on peut retrouver tous les éléments sonores qui étaient présents à cette époque dans ND en prenant en compte l’évolution de l’urbanisme, si le tissu urbain a changé ou non, si les rues ont été modifiées. Après, il faut retrouver qui travaillait autour, les corps de métiers, les bruits des gestes et des outils utilisés.  Mes sources sont les almanachs de l’époque pour recherche la localisation des artisans, les registres administratifs. Il n’y avait pas d’historique des précédents chantiers de ND. Tout le travail sera valorisé tout au long de la mission par des reportages, des enregistrements et des vidéos.

 

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Encart

Les chiffres clefs de la mission au niveau technique

Pour la mission :

– 350 Kg de matériel répartis en 6 flight cas pour : le matériel de diffusion et de captation pour l’acoustique, le matériel de captation pour les ambiances sonores,  l’ensemble des matériels pour documenter notre travail (GoPro, caméra JVC, micro binaural…) ;

– 8 kits EPI (2 combinaisons pour les frileux) ;

– 1 pistolet d’alarme et 8 cartouches (pour l’étalonnage) ;

– des ballons à gonfler et à faire éclater (également pour l’étalonnage) ;

– des kits d’éclairage ;

– 4 trépieds à roulettes.

©Chantier CNRS Notre-Dame_Groupe Acoustique

Nos 4h sur site représentant une distance de déplacement d’environ 20 km par personne (uniquement dans l’enceinte polluée au plomb. C’est ce que l’on nomme la zone sale.).

Pour l’équipe lyonnaise, le bilan vidéo représente : 47 min de rushs JCV ; 31 min de GoPro ; 90 Go de vidéos immersive (images robot, GoPro sur micros, timelapse). Le bilan audio : 6,52 Go de fichiers ambisoniques (soit près de 3h d’enregistrement).

Pour l’équipe équipe parisienne : 12h de vidéo (toutes caméras confondues, dont celles du robot) ; 110 Go de fichier audio (pour l’élaboration du modèle acoustique et ses volumes).

Voir la vidéo réalisée par Christian Dury lors de leur première entrée dans ND : Emotion en entrant – 10 juillet 2020.

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Pop’Sciences | Pourquoi est-ce important de reconstituer l’ambiance sonore de ND ? Qu’avez-vous ressenti en entrant dans ND ?

Mylène Pardoen :

Il est important de toucher du doigt les porosités et de les mettre en parallèle avec notre ressenti, nos émotions. Le confinement que nous venons de subir nous a fait prendre conscience de la dimension bruyante de nos villes, de nos vies. Des bruits ont ressurgit, les bruits de la nature ont ré-émergés. J’étais bien pendant le confinement ! Aujourd’hui il y a du « surbruit » comme si on voulait faire fuir la Covid comme quand on faisait le charivari pour faire fuir la peste …

Joachim Poutaraud :

Notre rapport au bruit dépend du contexte. Quand on s’intéresse, par exemple, aux paysages sonores indiens dans les quartiers type bidonville (Dharavi, Bombay) la perception du bruit est différente : les habitants de ces quartiers ont peur du silence, un espace sans son est un espace mort. Proverbe indien : « qui mendie en silence, meurt de faim en silence ».

Reconstituer l’ambiance sonore de ND c’est finalement lui rendre son âme.

Pop’Sciences | L’anecdote qui vous reste de cette expérience !

L’anecdote de Joachim : « le moment où on a déposé le boitier (pour enregistrer les sons du chantier) sous la rosace sud, on était à 10 cm des vitraux, voir les motifs de si près était extraordinaire… »

L’anecdote de Mylène : « ce fut un moment intense et la récolte très riche. Un souvenir inoubliable : les chaussures fendues de Joachim à force de marcher ! »

L’anecdote de Christian Dury – Ingénieur, Co-responsable du Pôle Image Animée et Audio : « je fais partie des rares personnes au monde à m’être retrouvé 5 minutes presque tout seul à 3 heures du matin dans ND endormie… »

L’équipe de Pop’Sciences ne manquera pas de vous faire vivre cette aventure scientifique. Rendez-vous lors d’un prochain retour de mission pour en savoir plus sur l’évolution des enregistrements, des relevés et de la construction du modèle sonore de Notre-Dame…

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Notes :
[1] l’équipe « Lutheries – Acoustique – Musique » de l’Institut Jean Le Rond d’Alember
[2] La Maison des Sciences de l’Homme Lyon Saint-Étienne est sous tutelles des établissements suivants : CNRS / Université Lumière Lyon 2 / Université Jean Moulin Lyon 3 / Université Claude Bernard Lyon 1 / Université Jean Monnet Saint-Étienne / École normale supérieure de Lyon / Science Po Lyon

 

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