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Rire ensemble pour être bien, la leçon des animaux | Un article Pop’Sciences

RRire ensemble pour être bien, la leçon des animaux | Un article Pop’Sciences

Les fêtes de fin d’année approchent. Parfois stressantes, mais aussi sources de plaisir. La joie partagée avec nos proches nous donne à sourire et à rire. Le rire !? Une vocalisation qui exprime bien des messages subtils. Et ce sont les animaux qui en parlent le mieux, d’après Katarzyna Pisanski, chercheuse au CNRS et spécialiste de la voix.

Un article de Caroline Depecker, journaliste scientifique
pour Pop’Sciences – 29 novembre 2022

Le rire est un moyen grâce auquel nous, les humains, exprimons de façon sonore une émotion en général plaisante et qui nous traverse fugacement. Les animaux non humains en sont doués tout autant. Si ce thème fait l’objet de recherches depuis seulement 30 ans, la revue Philosophical Transactions of the Royal Society B y a consacré un numéro spécial en septembre dernier, dans lequel une vingtaine d’experts en dressent le bilan des connaissances.

Katarzyna Pisanski étudie la communication acoustique au laboratoire Dynamique Du Langage – DDL (unité mixte du CNRS et de l’Université Lumière Lyon 2). La biologiste se penche sur les échanges verbaux entre les humains, mais pas seulement.  Ses travaux couvrent l’étude des vocalisations non verbales chez les mammifères, une recherche qu’elle aborde avec David Reby et Nicolas Mathevon au sein de l’Équipe de Neuro-Éthologie Sensorielle (ENES Bioacoustics Research Lab) de l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne. Elle livre ici quelques points clés de la récente revue.

Le rire nous fait du bien. A rire ensemble, ou même seul, on se sent mieux, plus détendu. Comment explique-t-on cet aspect bénéfique du rire sur notre humeur ?

Katarzyna Pisanski – C’est un fait connu, mais peu étudié : le rire a des effets neurologiques positifs en provoquant la libération d’endorphines dans le cerveau. Comme neurotransmetteurs, ces substances sont produites lors d’activités synonyme de plaisir et d’excitation. Elles ont des vertus analgésiques et procurent un doux sentiment d’euphorie. Précisons que cette observation a été faite lors d’études portant sur le rire spontané et involontaire. Or le rire humain est complexe. Il peut être en effet malicieux lorsqu’on se moque gentiment de quelqu’un, ou sarcastique, soit teinté d’une pointe d’ironie. Émis volontairement, le rire s’avère parfois exagéré voire complétement faux.

Groupe d'enfants riant aux éclats

Rire entre amis libère des endorphines, source de bien-être. / ©PxHere / CCO Creative Commons

Un des auteurs de la revue, l’anthropologue anglais R. Dunbar a mis en évidence cette association entre les endorphines et le rire vécu comme expérience sociale en 2017. Il a proposé à des volontaires de regarder des vidéos comiques en compagnie d’amis proches pendant 30 minutes, puis a mesuré la quantité d’endorphines présentes dans leur cerveau en sortie de séance, à l’aide d’une technique d’imagerie cérébrale. Cette valeur était comparée systématiquement à une mesure faite « à blanc », c’est-à-dire avant visionnage et après avoir laissé la personne seule dans une pièce pendant le même temps. Résultat : la production naturelle d’endorphines était supérieure après la partie de rigolade. On peut donc conclure que rire ensemble génère du bien-être, ce qui nous pousse sans doute à renouveler l’expérience amicale !

Le rire aurait pu émerger chez notre espèce comme outil servant à assurer la cohésion sociale des premiers groupes humains. C’est une idée plutôt surprenante ? 

Cette hypothèse publiée par R. Dunbar est intéressante. Elle présente le rire d’un point de vue évolutif, comme à chaque fois qu’on veut en expliquer la fonction. L’idée originale ici : le rire serait né dans la lignée humaine afin de prendre le relai des gestes de toilettage ayant cours chez les autres primates. Et cet événement aurait eu lieu il y a 2 millions d’années, au moment où les groupes d’homininés atteignaient des tailles considérables et migraient depuis l’Afrique vers les autres continents. Chez les singes, le comportement de toilettage réciproque est facteur de lien social entre le donneur et le receveur, car le toucher lent qui accompagne ces gestes occasionne la sécrétion d’endorphines génératrices de bien-être. Chez nous, l’observation reste valable, mais dans un autre contexte, celui des gestes intimes.

Petit singe macaque qui rit.

Le rire comme relais des gestes de toilettage chez les singes, une hypothèse scientifique. / Macaca fascicularis – Thai National Park / Rushen / Flickr

 

Nos cousins éloignés, les primates non humains, prennent 20% de leur temps au maximum pour se toiletter. Car d’autres tâches vitales les attendent comme se nourrir ou chasser. Et puis le toilettage ne peut jouer de rôle cohésif que sur un nombre réduit d’individus, il a donc ses limites. D’où l’idée avancée : passer du toucher au rire comme nécessité pour maintenir la cohésion de populations avançant par millions tout « en riant en chœur ».

Mais je suis plus familière avec une autre approche évolutionniste du rire. Il ne serait pas apparu soudainement au cours de notre histoire évolutive, mais correspond à une vocalisation que nous avons en commun avec les animaux en tant que signal sonore accompagnant le jeu. Je parle ici du rire « primitif ». On peut citer le chiot qui gémit et pousse des grognements alors qu’on essaie de lui arracher le jouet qu’il défend vigoureusement. Ou les chatons qui jouent à se battre à grands coups de pattes tout en cherchant à se mordiller.

Les vocalisations animales signifient alors que l’action engagée n’est nullement agressive, elle est apprentissage, c’est « pour de rire ».  En 2021, une synthèse de Gregory Bryant et Sasha Winkler, des chercheurs en bioacoustique de l’université de Californie, a d’ailleurs montré que ce type de vocalisations était présent chez près de 70 espèces animales dont les vaches, les renards, les phoques, et certains oiseaux. Les rats, quant à eux, émettent des ultrasons quand on les chatouille et poursuivent même le doigt de l’expérimentateur tant ils aiment cela !

>  Quand on chatouille un rat… / National Geographic (vidéo) :

Nous aurions ce rire primitif, synonyme de jeu, en commun avec les animaux ?

Lorsqu’il est spontané, exactement. Un autre papier illustre très bien ce point. La biologiste britannique, Marina Davila-Ross, montre que les muscles engagés dans les expressions faciales de jeu chez différentes espèces animales s’activent pareillement chez l’enfant. Il s’agit de sourire en étirant la bouche, en ouvrant la mâchoire, en retroussant les lèvres de sorte à découvrir les dents. Certaines espèces étudiées nous sont plutôt proches, comme les chimpanzés et les bonobos, mais d’autres bien plus éloignées comme l’ours et le lion. Nous sourions donc de la même manière.

Le sourire précède le rire. En effet, il est difficile de rire sans sourire. Essayez, cela devient très bizarre ! Le sourire et son prolongement, le rire, auraient évolué tout en continuant de porter comme message positif chez les humains : « je m’amuse, rejoins-moi ». Ce sont des signes d’affiliation qui témoignent de notre proximité. En théorie, vous ne souriez pas à quelqu’un si vous ne l’appréciez pas. Le rire humain est toutefois bien plus subtil, car si nous l’utilisons dans notre communication verbale quotidienne, il contient de nombreuses autres intentions.

L’Homme est la seule espèce capable de rire volontairement. Pour plaisanter pour atténuer une douleur, pour séduire entre autres. Ou il rit spontanément, franchement. Comment faites-vous la différence au laboratoire ?

En étudiant les signatures acoustiques des sons et leur perception par les auditeurs. À l’ENES, nous possédons une base de données regroupant plusieurs types de vocalisations non verbales dont des pleurs, des gémissements, des grognements, des cris et des rires. Grâce à leur analyse, nous associons certains paramètres tels que la hauteur du son, la durée et la dureté acoustique, avec l’émetteur qui en est à l’origine. Qualifier son état émotionnel dans le contexte de vocalisation. Évaluer comment la résonance de la voix est déterminée par le canal vocal de l’individu, et définir alors sa taille. Le rire humain volontaire est grave et lent. Le rire spontané se rapproche de celui des grands singes, il est plus aigu et rapide. L’imagerie cérébrale montre que les zones activées sont également différentes : celles associées au langage dans le premier cas et au système limbique, soit le cerveau émotionnel, dans le deuxième cas. Durant une conversation, nous pouvons alterner entre ces deux rires inconsciemment.

Phoque couché qui rit.

Des vocalisations de rire ont été identifiées chez les phoques. / ©Donna Nook_ Flickr

En outre, leurs différences sont perceptibles à l’oreille, du moins pour les auditeurs avertis. Lorsqu’on invite des volontaires à écouter des vocalisations, la majorité d’entre eux identifie si le rire est vrai ou joué, et si les personnes qui rient sont amies ou étrangères. Les technologies actuelles nous permettent de manipuler les vocalisations de sorte à en modifier légèrement la forme. C’est intéressant ! Car cela permet de valider les hypothèses que nous faisons sur le rôle d’une vocalisation non verbale, lors d’expériences de playback.

Nous avons montré par exemple que dans un contexte social agonistique, soit lorsqu’il se sent en compétition et menacé, l’humain module sa voix de sorte à produire une sorte de grognement qui évoque celui d’un animal se préparant au combat. Le signal sonore devient plus grave et « rude », l’information transmise correspond à une agression. Si l’on reproduit artificiellement cette rudesse, un gémissement est perçu de façon plus négative qu’il ne devrait, même celui associé au plaisir sexuel ! C’est le cas aussi pour le rire.
En manipulant expérimentalement les paramètres acoustiques de vocalisations, nous testons directement nos prédictions concernant les fonctions sociales évoluées de ces sons non verbaux.

Rire ensemble signifie que nous faisons partie du même clan. Rire faussement peut-il aider à s’intégrer à un groupe social ou culturel différent ?

Clown grimé avec un masque qui représente une boucje qui rit.

Certains savent imiter le rire. / ©PxHere

Cela peut fonctionner. Et dans ce registre, il existe d’excellents faussaires. Les animaux sont encore une fois de précieux enseignants sur la question ! Ils sont capables en effet de tromper autrui avec leurs vocalisations. Chez beaucoup d’espèces, les mâles vocalisent de façon plus grave que la normale pour paraître plus imposants et duper un prédateur. Leur anatomie vocale leur permet cette plasticité. Côté reproduction, c’est la même stratégie : prendre une plus grosse voix pour séduire les femelles, car celles-ci préfèrent les dominants. D’un point de vue évolutif, rire faussement présente donc des bénéfices.

Bien sûr, l’évolution fonctionne dans l’autre sens. Pour se protéger, les animaux sont équipés afin de détecter les simulateurs et pouvoir les éviter. L’homme a suivi la même trajectoire. Lorsque quelqu’un fait une plaisanterie que l’on ne comprend pas, car on n’a pas les mêmes codes, il est toujours possible de faire semblant. De rire au moment où l’hilarité se déclenche. Rire faussement occasionnerait un bénéfice social. Mais c’est un jeu où certains se surpassent et d’autres pas. C’est selon… !

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Verre ou cristal ? Quand le métal se joue du désordre | Un article Pop’Sciences

VVerre ou cristal ? Quand le métal se joue du désordre | Un article Pop’Sciences

5000 ans d’histoire. On pourrait croire qu’on sait tout de lui, c’est loin d’être le cas. Le verre continue d’étonner les scientifiques par ses propriétés remarquables. À l’occasion de l’Année internationale du verre, Beatrice Ruta, chercheuse CNRS, évoque pour nous les verres faits de métal et leur capacité si singulière à s’écouler.

Un article de Caroline Depecker, journaliste scientifique
pour Pop’Sciences – 29 août 2022

La légende voudrait que les vitraux soient plus épais à la base à cause de l’écoulement du verre au fil des siècles. Ici, un vitrail représentant l’Annonciation, à la cathédrale Notre-Dame (Bourges, 1451). / © Creative Commons

Notre-Dame de Paris, mais aussi Bourges, Chartres, Reims… Pays de cathédrales, la France totalise la plus grande surface de vitraux au monde : soit 90 000 m2, selon l’Institut national des métiers d’art. Une légende voudrait que les vitraux soient plus épais à leur base à cause de l’écoulement du verre au fil des siècles. Plus prosaïquement, les vitraillistes médiévaux ne savaient pas fabriquer de vitres planes : celles-ci étaient inégalement épaisses dès leur origine. Pour autant, l’histoire s’inspire d’un phénomène physique bien réel. En effet, le verre est un matériau qui, même froid, s’écoule de façon extrêmement lente. L’étude de ce phénomène est au cœur des recherches de Beatrice Ruta, chargée de recherche CNRS, physicienne à l’Institut Lumière Matière de Lyon (ILM – CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1).

Pour le maître-verrier, le verre est un matériau, en général transparent, renfermant plus de 60% de silice [voir encadré ci-dessous] et qui peut être façonné à souhait en le soufflant. Pour le scientifique, le terme de verre renvoie à l’état particulier d’un solide dont la structure intime ne présente pas d’arrangements réguliers comme c’est le cas dans un cristal. L’organisation des atomes ressemble à celle désordonnée d’un liquide. « Il existe des verres de toutes sortes, commente Béatrice Ruta. A base de silicates bien sûr, et de minéraux. Les verres de polymères sont très courants, ceux fabriqués à partir de métaux beaucoup moins. Ils constituent l’objet de mes recherches ».

Pareil à un cristal, un verre présente un ordre apparent à petite échelle qu’il perd à grande distance / ©Lucy Reading-Ikkanda – Quanta Magazine

La physicienne dispose sur son bureau quelques échantillons contenant des verres métalliques. Stockées pêle-mêle dans leur emballage plastique, l’apparente simplicité des paillettes argentées rend peu compte du potentiel technologique des matériaux. Découverts dans les années 1960, les verres métalliques possèdent en  effet des propriétés très avantageuses en comparaison de leurs homologues cristallins : résistance à la corrosion, ferromagnétisme exceptionnellement doux, élasticité très élevée, biocompatibilité. Encore onéreux à produire, ils trouvent des débouchés commerciaux surtout pour des applications de miniaturisation : dans le biomédical, l’horlogerie ou encore la microélectronique.

Bien que prometteuse, l’utilisation des verres métalliques est limitée par leur vieillissement, qui altère leurs qualités.

« Comme tous les verres, ces solides sont produits dans un état dit métastable, explique Beatrice Ruta. Avec le temps, et même si on ne peut pas l’observer directement, les atomes changent de position invariablement et les propriétés du matériau s’en trouvent modifiées ».

Alors que la structure du verre semble se détendre, les scientifiques évoquent le terme de « relaxation structurelle » pour décrire ce réarrangement atomique. Comprendre les mécanismes qui le gouvernent permettrait d’anticiper l’évolution naturelle des matériaux.

Pour l’analyse, chaque paillette de verre métallique mesure moins d’un millimètre d’épaisseur. / ©C. Depecker

Les verres métalliques sont obtenus classiquement par technique de trempe. Mais au lieu de silice, c’est un mélange en fusion contenant 3 à 5 métaux différents qui est refroidi brutalement de sorte à « figer » le liquide, avant qu’il ne puisse cristalliser. Pour ce faire, la vitesse de refroidissement de l’alliage métallique est de quelque 1000 degrés par milliseconde. Ce qui se passe à l’échelle atomique, lors de cet engourdissement généralisé de la matière, reste mystérieux pour les chercheurs.
À l’appui d’expériences, des simulations informatiques ont livré des informations surprenantes. Lorsqu’un verre fondu refroidit, ses atomes ralentissent, mais pas uniformément. Certaines zones se figent d’abord, tandis que dans d’autres régions, les atomes continuent à se déplacer de façon fluide. Rien ne vient distinguer les zones à mobilités différentes. Et aucune théorie sur la transition vitreuse n’existe à ce jour qui permettrait d’expliquer ce phénomène de façon satisfaisante, en l’intégrant à toutes les autres bizarreries déjà observées.

Autre exemple. À l’approche de la vitrification, la viscosité, qui traduit la résistance d’un fluide aux changements de forme, devient extrêmement grande. Elle atteint alors une valeur 10 milliards de fois supérieure à celle du métal liquide. « Comment expliquer cette augmentation soudaine ? La question est fascinante ! » s’exclame Beatrice Ruta. Et la chercheuse du CNRS, d’expliquer que la façon dont évolue la viscosité équivaut en quelque sorte à la « signature » du matériau. Elle qualifie son état final et dépend de ses conditions de formation.

Depuis qu’elle a finalisé son doctorat, il y a 12 ans, la scientifique utilise le rayonnement synchrotron de l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) de Grenoble pour mener à bien ses études. L’infrastructure de recherche a été récemment modernisée et dispose, depuis 2020, du rayonnement électromagnétique le plus puissant au monde. Le faisceau de rayons X produit, mille milliards de fois plus intense que celui issu des dispositifs classiques, est projeté sur des cibles à analyser. Il est capable de sonder la matière à l’échelle de l’angström (soit 1 dixième de milliardième de mètre) et, ce en temps réel. L’utilisation de ce rayonnement est une des rares techniques qui permet aux physiciens de qualifier les mouvements des atomes au sein d’un verre lorsque son état liquide est, à l’image de l’écoulement du miel, extrêmement visqueux.

Dispositif d’analyse situé en bout d’une des lignes de lumière de l’ESRF. / ©B. Ruta

« Il y a dix ans, nos expériences ont livré un résultat inattendu, raconte Beatrice Ruta. Nous avons montré que lors de la vitrification, les atomes d’un verre métallique adoptent un mouvement de type balistique », ce que ne prévoyait aucune des lois en cours.

Normalement désordonnés, les mouvements des atomes semblent se coordonner : les billes de matière se retrouvent tout à coup projetées au sein du matériau comme les balles d’un champ de tir. L’ordre atomique se modifie à courte distance ; d’infimes changements de structure apparaissent. « Pour apporter une explication à ces observations, nous nous sommes inspirés de champs disciplinaires voisins au nôtre, se rapportant à la matière molle », complète la chercheuse. Venant valoriser l’excellence de ses premiers travaux, une médaille de bronze lui a été décernée par le CNRS en 2020. Dans la continuité, elle s’est vu attribuée un financement de recherche par le Conseil européen (bourse ERC starting Grant) pour continuer ses études sur la dynamique microscopique des verres.

En soumettant ses échantillons métalliques à diverses contraintes de température et de pression, Beatrice Ruta s’ingénie à comprendre dans quelle mesure le verre garde en mémoire les stress subis. Avec à la clé, la possibilité de décrire comment ces matériaux vieillissent.

« Car les performances d’un verre, et donc son utilisation potentielle, sont le fruit d’une histoire, celle de tous les événements qu’il a vécus, commente-t-elle. En comprenant comment les propriétés des verres sont altérées avec le temps, on pourrait prévoir, a contrario, les conditions qui leur conféraient la plus grande stabilité ».

Parmi les points d’attention de la chercheuse : la fragilité à la rupture des verres métalliques lors de leur usage répété. Un écueil rencontré par la firme américaine Vitreloy lors de la commercialisation de clubs de golf dans les années 1990.

Contribuer à étoffer des modèles théoriques encore largement incomplets n’est pas le seul attendu du type de recherche menée par Beatrice Ruta. De meilleures connaissances sur les verres pourraient étonnamment intéresser l’industrie pharmaceutique. Modifier la conception de médicament en leur conférant une structure vitreuse et non cristalline serait un moyen, par exemple, d’en améliorer la diffusion dans le corps de patients et, ainsi, de limiter le recours à des solutions injectables.

Beatrice Ruta pose devant les lignes de lumière de l’ESRF, qui en totalise 42 disséminées le long de l’anneau. / © C. Depecker

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Encart

         Le verre, un matériau qui se renouvelle depuis 5000 ans

Le verre de silice – ou « verre », puisque l’usage courant réduit l’appellation au premier terme – existe à l’état naturel. Il constitue le squelette externe des diatomées, de minuscules algues unicellulaires, et se trouve dans plusieurs roches volcaniques. Sous forme d’obsidienne, l’Homme l’a utilisé pour la première fois, il y a 100 000 ans, pour confectionner des outils, des armes coupantes et des bijoux. Les premiers verres synthétiques ont été fabriqués en Mésopotamie, en Syrie et en Égypte dès 3000 av. J.-C. Il s’agissait de verres de surfaces opaques, appelés glaçures, recouvrant des poteries.

La composition d’un verre comprend : pour majorité le vitrifiant, à base de silice SiO2 (il forme le squelette atomique du verre, 60% à 70% de la masse environ), un fondant dont le rôle est d’abaisser la température de fusion du mélange (de la soude Na2O, de l’oxyde de potassium K2O ou de magnésium MgO), un stabilisant (tel que la chaux CaO) qui modifie légèrement la qualité et parfois un colorant en très faible proportion (un oxyde métallique tel que l’oxyde de cuivre CuO qui donne une teinte verte).

Creux, plat, feuilleté, hydrophobe, soufflé, moulé, étiré… Les aspects du verre se sont multipliés au cours de sa longue histoire, alors que ses procédés de mise en forme se sont sophistiqués. Omniprésent au fil des siècles, le verre est encore aujourd’hui utilisé dans tous les secteurs d’activité, économiques et artistiques. Une de ses applications emblématiques, marque de son modernisme, réside dans la production de fibres optiques : des objets qui servent aussi bien à propager l’information à grande vitesse à l’autre bout du monde, qu’à mesurer la pollution en milieu aquatique ou à surveiller l’apparition de lésions cellulaires en cas de suspicion de cancer.

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Recycler les eaux usées de blanchisseries : le projet Life RECYCLO | Un dossier Pop’Sciences – épisode 1

RRecycler les eaux usées de blanchisseries : le projet Life RECYCLO | Un dossier Pop’Sciences – épisode 1

Alors que le recyclage des eaux usées est encore peu présent en Europe et en France, la start-up lyonnaise TreeWater lance un projet de recyclage des eaux usées à destination des blanchisseries. Partenaire du projet, Pop’Sciences vous explique.

42 millions de m3 par an, c’est la quantité d’eau utilisée dans le secteur de la blanchisserie en Europe. Un chiffre non-négligeable, d’autant plus dans un contexte de réchauffement climatique où cette ressource va être amenée à être réduite drastiquement. C’est pour tenter de répondre à ce problème que le projet Life RECYCLO a vu le jour. Lancé en septembre 2021 par la société TreeWater, il fait partie du programme LIFE de la Commission européenne, qui finance les initiatives dans les domaines de l’environnement et du climat. Il a pour objectif de mettre en place un système de traitement des eaux usées de blanchisseries pour les recycler et pouvoir ensuite les réutiliser.

Selon la Commission européenne, les pénuries d’eau vont être amenées à augmenter de 50 % en Europe d’ici 2030. En France, nous en consommons actuellement 148 litres par jour et par personne. Une fois utilisées, les eaux sont traitées puis rejetées dans le milieu naturel. Mais elles ne sont que très rarement recyclées. Dans le monde, la réutilisation des eaux usées est très hétérogène selon les pays. Ce sont généralement les états pour lesquels cette ressource est limitée qui utilisent davantage des procédés de recyclage. Mexico réemploie, par exemple, près de 100 % de ses eaux usées pour l’irrigation. En Israël, le taux de réutilisation atteint 80 %. Mais ces exemples ne sont pas majoritaires. En Europe, alors que l’Espagne et l’Italie réutilisent respectivement 8 et 14 % de leurs eaux, la France n’en réemploie que moins de 1 %. En France, comme dans le monde, le principal usage de ce recyclage est l’irrigation agricole.

Recycler les eaux de blanchisseries

On dénombre environ 11 000 blanchisseries en Europe. Leurs eaux usées finissent le plus généralement dans les réseaux d’assainissement publics et ne sont que très peu réutilisées. Le lavage du linge conduit à l’émission de micropolluants tels que les phtalates (DEHP, DEP…), les phénols, les métaux lourds, les solvants ou les surfactants. Et les stations d’épuration ne sont très souvent pas adaptées au traitement de ces molécules particulières, qui terminent alors leur trajet dans notre environnement. Or, même à faible concentration, ces polluants affectent directement le milieu aquatique, les écosystèmes et donc notre santé. Plusieurs de ces substances sont ainsi des perturbateurs endocriniens, cancérogènes et mutagènes.

Station d’épuration © Shutterstock

Le projet Life RECYCLO propose de traiter les micropolluants présents dans les eaux usées de blanchisserie afin de permettre leur réutilisation dans le processus de lavage du linge. Le procédé RECYCLO est un système d’oxydation avancée, qui associe le peroxyde d’hydrogène et les rayons ultraviolets. Ces derniers vont transformer le peroxyde d’hydrogène en radicaux hydroxyles : ce sont alors eux qui vont détruire les polluants. Les rayons UV désinfectent également l’eau en parallèle. Ce procédé a pour objectif de réduire la consommation d’eau potable des blanchisseries de 50 à 80 %, mais également d’éliminer 90 % des polluants rejetés par le lavage du linge. D’autres procédés de recyclage existent et sont développés en France et dans le monde. Celui de TreeWater présente notamment les avantages de ne produire que peu de résidus de traitement et de dégrader directement les polluants organiques, contrairement à d’autres technologies qui ne font que les enlever.

Des tests, des analyses et une enquête sociologique

Après une première expérimentation réussie dans une blanchisserie du Gard, la Blanchisserie Saint-Jean, ce système breveté poursuit son développement. Le but de ce projet est alors d’achever son industrialisation et de tester sa reproductibilité. Il sera ainsi mis en place dans deux autres blanchisseries : la Fundacio Mas Xirgu en Espagne et Klin SARL au Luxembourg. Le système de la Blanchisserie Saint-Jean sera, quant à lui, transformé en laboratoire in-situ pour préparer le procédé aux nouvelles pollutions émergentes, comme les micro et les nanoplastiques. TreeWater, issue du laboratoire DEEP de l’INSA Lyon, et le Catalan Institute for Water Research de Gérone vont alors réaliser des analyses pour étudier l’efficacité du procédé.

En parallèle de ces essais techniques, une enquête sociologique sera également menée auprès de blanchisseries et de leur clientèle pour évaluer leur perception de la réutilisation des eaux usées dans ce contexte. Cette enquête est alors conduite par Pop’Sciences, qui s’occupe également de la communication de ce projet, à l’interface entre sciences et société.

Le premier prototype sera mis en place à la fin de l’été 2022. Les deux autres prototypes seront installés au début de l’année 2023. Ils seront, ensuite, suivis et étudiés de très près. Les résultats de l’enquête sont, eux, prévus pour l’automne 2022. Un projet à suivre jusqu’en 2024 !

Pour suivre toute l’actualité du projet :

Site de Life RECYCLO

Vous souhaitez savoir comment fonctionne une machine à recycler l’eau, alors découvrez l’épisode 2 du dossier RECYCLO de Pop’Sciences.

Des ressources et actualisations suivront cet article pour compléter ce dossier tout au long de l’année…

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La crise écologique, un défi pour la santé mentale | Un article Pop’Sciences

LLa crise écologique, un défi pour la santé mentale | Un article Pop’Sciences

Alors que l’impact de la crise écologique sur la santé mentale apparaît de plus en plus clairement, chercheurs et praticiens multiplient les initiatives pour définir le phénomène d’ « éco-anxiété » et les réponses à lui apporter.

Un article rédigé par Cléo Schweyer, journaliste scientifique, Lyon,

pour Pop’Sciences – 29-10-2021

« La crise écologique, c’est aussi une crise existentielle » : pour Charline Schmerber, psychothérapeute à Montpellier et co-fondatrice du premier réseau français de thérapeutes dédiés à l’« éco-anxiété », la catastrophe environnementale met le bien-être en crise. Et pas seulement celui des acteurs de première ligne, qu’ils soient salariés ou militants dans des associations environnementales, scientifiques ou journalistes spécialisés.

« Je reçois beaucoup de personnes jeunes, entre 15 et 40 ans, parfois épuisées physiquement et émotionnellement », détaille la praticienne. « Avant 20 ans, elles s’interrogent sur la pertinence de leur choix d’étude ; à 30 ans, sur le sens de leur emploi dans ce contexte, ou sur l’opportunité d’avoir ou non un enfant ; à 40 ans, elles angoissent pour l’avenir de leurs enfants… »

Au moins une personne sur quatre traversera des troubles psychiques à un moment ou un autre de sa vie1. C’est même notre première dépense de santé : 19,3 milliards d’euros par an en France, où les pouvoirs publics estiment que 7,5 % des 15-85 ans ont souffert de dépression au cours des 12 derniers mois.

La crise écologique peut-elle encore noircir cet état des lieux ? C’est la conviction d’un nombre croissant d’acteurs de la santé, qui s’organisent actuellement pour faire inscrire le lien entre environnement et bien-être psychique à l’agenda des politiques publiques.

L’éco-anxiété, un terme déjà ancien

Le terme d’ « éco-anxiété » se rencontre régulièrement dans les médias français depuis 2019. Son usage semble s’être intensifié au cours des deux dernières années, à mesure que les événements climatiques extrêmes devenaient plus fréquents et aiguisaient la prise de conscience du grand public.

Graphique sur les évolution recherches sur eco-anxiété

Evolution des recherches avec les termes « éco-anxiété », « eco-anxiete » et « eco anxiety » dans le moteur de recherche Google, de 2004 (la plus ancienne année prise en compte par l’outil Google Trends) à aujourd’hui.

 

 

 

 

C’est à la journaliste américaine Lisa Leff que revient la maternité, sinon du terme, du moins de son usage médiatique. C’est la première à l’avoir utilisé dans un article pour le Washington Post (en anglais, accès libre) d’août 1990. Elle y décrit comment la géographie particulière d’Anne Arundel, conté situé dans la baie de Chesapeake à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Washington DC, induit « une solide éthique environnementale » chez ses 430 000 habitants. Avec 685 kilomètres de côtes maritimes et quatre rivières sillonnant le paysage, la population y est en effet particulièrement concernée par les risques liés à la gestion de l’eau, inondations et pollution en tête. L’article s’ouvre sur la remarque de Leff que l’éco-anxiété serait devenue, cette année-là, « un mal national » américain.

Trente ans plus tard, l’éco-anxiété s’est implantée dans l’imaginaire collectif occidental et une variété de termes plus ou moins synonymes a fleuri : solastalgie, deuil écologique, burn-out écologique, angoisse climatique, mélancolie du futur… souvent accolés, dans les médias, à l’expression « mal du siècle ». Dans ces usages, elle est synonyme de troubles anxieux ou troubles de l’humeur subis face à la conscience de l’effondrement en cours, ou encore de « stress pré-traumatique », selon l’expression du psychiatre Antoine Pelissolo, à la pensée de ce qui attend l’humanité dans les années qui viennent.

Un foisonnement de définitions scientifiques

Les travaux scientifiques manquent encore, cependant, pour situer clairement l’éco-anxiété en tant que concept opérant pour la recherche scientifique. Cela contribue sans doute à expliquer le scepticisme, voire l’hostilité ou le sarcasme, que la mention de troubles psychiques liés à la situation environnementale a longtemps provoqué en France : « Quand j’ai décidé d’ouvrir mon cabinet aux problématiques d’éco-anxiété, cela a beaucoup surpris mon entourage professionnel et personnel », raconte ainsi Charline Schmerber. Faute d’interlocuteurs, elle-même s’est d’ailleurs tournée vers l’association britannique Climate Psychologie Alliance pour échanger avec d’autres thérapeutes quand elle a commencé à travailler ces questions en 2018.

Une synthèse critique de la littérature disponible, parue à l’été 2021 dans la revue Journal of Climate Change and Health[1] (en anglais, accès libre) relève que l’expression est un « terme-parapluie » englobant « une vaste gamme d’émotions difficiles [challenging emotions] », comme la « peur chronique du désastre environnemental », « la détresse ou l’anxiété associées à la dégradation de ses conditions de vie », ou encore « l’anxiété face à la crise écologique ». Les auteurs regroupent dans le tableau ci-dessous (traduit par nos soins) les différentes définitions rencontrées dans les 68 articles épluchés (retenus parmi 1392 articles moissonnés sur diverses bases de données académiques) :

 

Bibliographie sur éco-anxiété

Bobliographie sur éco-anxiété, suite

Opérationnalisation du terme éco-anxiété dans la littérature scientifique (in Coffey et al., 2021).

Yumiko Coffey et ses co-auteurs relèvent que si les travaux couverts par leur synthèse se concentrent majoritairement sur les jeunes (15-24 ans), aucun ne se penche sur les populations dites indigènes, leur scope restant largement occidental. Des études, non incluses dans cette revue, montrent cependant que ces populations sont particulièrement sujettes aux troubles psychiques provoqués par la dégradation de leur milieu de vie. La destruction environnementale est en effet synonyme pour elles de destruction socio-culturelle, par exemple par l’altération des liens entre les générations face à l’impossibilité de transmettre des savoirs anciens (voir ainsi l’étude exploratoire réalisée en 2013 par Ashley Cunsolo Willox auprès de populations Inuit du Canada, en anglais, accès réservé).

Outre ces populations ayant conservé un lien étroit avec le milieu naturel, la littérature fait apparaître une vulnérabilité accrue chez les personnes ayant été blessées ou malades suite à des événements liés à la crise écologique : les personnes ayant perdu leur logement ou à risque de le perdre en raison d’un risque accru d’inondation ou autre événement climatique extrême ; les scientifiques et les militants travaillant sur les questions environnementales. Les jeunes et les femmes semblent également davantage exposés.

Un point est au centre de ces tentatives de définition et des réactions parfois agacées qu’elles suscitent : le rapport au réel. Peut-on, comme le font certains auteurs, qualifier d’ « excessive » l’inquiétude face à des catastrophes de grande ampleur ? Pour Julie Donjon, co-référente santé mentale à l’IREPS-Auvergne-Rhône-Alpes (voir plus bas), la réponse est clairement non : l’éco-anxiété n’est pas une maladie mais une réaction tout-à-fait logique.

« Il faut informer les praticiens sur la réalité et la gravité de la crise écologique, car la perception qu’ils en ont va orienter leur diagnostic », alerte de son côté Charline Schmerber.

« La souffrance exprimée peut être perçue comme excessive, ou l’environnement comme un objet relais cachant la véritable cause du mal-être, alors qu’on peut considérer comme tout-à-fait rationnel d’être pris par des émotions douloureuses face à l’ampleur de ce qui nous attend. »

Elle est actuellement en train de créer, avec d’autres psychologues, un équivalent français de la britannique Climate Psychologie Alliance, ou de Psy4Future, qui fédère des praticiens germanophones.

Une problématique collective et non individuelle

Autre reproche fait à la récente fortune du terme d’éco-anxiété : la réduction du bien-être psychique à des compétences et déterminants individuels. Une étude de Marks et al., financée par l’association AVAAZ, incluant 10 000 répondants et dont le pré-print a circulé à l’été 2021, montre pourtant que la perception du changement climatique, et le niveau de stress induit par cette perception, sont directement corrélés à l’évaluation de l’action publique par les répondants. Plus les politiques sont perçues comme indifférentes ou inefficaces, et plus le niveau de mal-être est élevé.

« Le terme d’éco-anxiété permet de faire exister médiatiquement certaines préoccupations, mais il est incomplet », relève ainsi Lucie Pelosse, référente régionale Santé-Environnement à l’IREPS Auvergne-Rhône-Alpes.

« La politique de santé publique se focalise beaucoup sur les habitudes individuelles, avec une approche très hygiéniste. En réalité, les déterminants sociaux ont un poids beaucoup plus fort, ce qui exige d’agir sur les conditions de vie.»  

En cela, la notion de « santé globale », qui souligne l’interrelation entre santé humaine et santé environnementale, lui paraît plus pertinente que celle de « santé environnement », « très anthropocentrée ».

Lucie Pelosse travaille depuis 2016 en lien étroit avec l’Agence Régionale de Santé (ARS) pour développer des politiques et actions de promotion en santé basées sur le rapport entre santé et questions environnementales. Pour elle, les problématiques de santé mentale environnement sont encore peu documentées, mais bien réelles :

« La question de l’épuisement professionnel chez les militants et les salariés associatifs est très prégnante, ainsi que l’anxiété chez certains de nos publics. On commence, par exemple, à se demander si des questions comme le suicide des agriculteurs ne pourraient pas être abordées sous cet angle, de même que les troubles du comportement ou la dépression chez les jeunes urbains. »

Les liens multiples entre santé mentale et environnement

Actuellement, les observations des praticiens en santé mentale portent sur deux aspects liés l’un à l’autre : la souffrance induite par la perception de la crise environnementale, d’une part, souffrance qui peut dans certains cas se doubler d’un épuisement professionnel. D’autre part, les praticiens relèvent la prévalence croissante de troubles psychiques provoqués par les conditions climatiques elles-mêmes.

Le site de ressources en santé environnement Agir-ESE a rassemblé une sélection de ressources illustrant la corrélation entre troubles psychiques et phénomènes climatiques : l’agressivité et les violences interpersonnelles augmentent avec les températures, les données abondent sur le lien entre pollution et troubles psychiques et neurodéveloppementaux chez les enfants et adolescents, certains médicaments psychiatriques altèrent les mécanismes de régulation corporelle de la chaleur et rendent d’autant plus dangereux les épisodes de forte chaleur, les troubles anxieux augmentent à chaque épisode de canicule…

Il semble donc y avoir un effet cumulatif de la crise environnementale sur la santé mentale. Même les personnes n’en ayant pas encore pris la mesure peuvent en subir les conséquences, en particulier celles dont les conditions de vie les exposent particulièrement à l’impact du changement climatique. Et les personnes chez qui la prise de conscience de l’urgence écologique provoque des troubles psychiques sont d’autant plus vulnérables à ses effets délétères sur le bien-être. Dans les deux cas, des actions de promotion en santé mentale et de prévention sont nécessaires, en sus d’une offre de prise en charge adaptée. Il n’est pas rare que les personnes sollicitant l’aide d’un professionnel pour faire face à leurs difficultés finissent par jeter l’éponge face à l’incompréhension qui leur est opposée.

Faire émerger une prise en compte spécifique du lien entre environnement et santé, en particulier santé mentale, est à présent à l’agenda de nombreuses organisations. L’appel Healthy Climate, lancé par des associations en santé et santé environnementale du monde entier à la veille de la COP 26 (qui a lieu en novembre 2021), exhorte ainsi les dirigeants à prendre enfin en compte la dimension de santé publique des changements climatiques. La santé mentale figure, pour la première fois, au nombre des points de vigilances soulevés.

Les acteurs de terrain s’organisent et s’outillent

Pour Charline Schmerber, la canicule de juin 2019 a confirmé l’existence d’une demande de prise en charge des troubles anxieux en lien avec la crise écologique : elle a vu arriver dans son cabinet un nombre significatif de personnes exprimant une souffrance restée jusqu’alors plutôt discrète dans sa pratique. C’est ce qui l’a poussée à lancer, via son site www.solastalgie.fr, un questionnaire sur l’anxiété liée à l’environnement, rempli par 1 066 personnes (10 septembre-10 octobre 2019) : « Je souhaitais mieux cerner les caractéristiques de cette anxiété liée à l’environnement », raconte-t-elle.

La restitution de son enquête fait apparaître, de manière cohérente avec ce qui est relevé par ailleurs dans la littérature scientifique, une variété d’émotions : dépression (fatigue, tristesse, perte de la légèreté de vivre), colère, peur, impuissance, culpabilité.

« Les émotions relèvent des compétences psychosociales des personnes », remarque Lucie Pelosse, « compétences dont le développement est un objectif notamment de la Feuille de route en santé mentale publiée à l’issue du Ségur de la santé en 2020. »

Les liens entre santé mentale et environnement apparaissent ainsi à l’interface d’au moins deux types de politiques publiques pour l’instant conçues de manière autonome : la promotion et prévention en santé environnement, et la promotion et prévention en santé mentale.

 

Mots en lien avec les émotions

Termes en lien avec les émotions relevés dans la littérature scientifique (in Coffey et al., 2021).

Un grand nombre d’acteurs de la santé se fédèrent et s’organisent actuellement, d’abord pour s’outiller dans leur propre pratique, ensuite pour faire remonter à leurs financeurs et partenaires publics le besoin de politiques spécifiques.

Comme sa collègue Lucie Pelosse, Julie Donjon, co-référente santé mentale à l’IREPS, estime que mettre au travail les liens multiples entre santé psychique et environnement est actuellement un enjeu fort. Elles organisent jusqu’en décembre 2021 un cycle de webinaires sur ce thème, accessible aux professionnels de la région souhaitant monter en compétence et partager des initiatives.

En parallèle de son activité professionnelle, Julie Donjon est à l’origine avec d’autres professionnelles de la « Psycho-team », un collectif de psychologues volontaires proposant un soutien aux activistes des luttes sociales, féministes et environnementales de la région :

« Certaines actions donnent lieu à des réponses musclées de la part des autorités », relate Julie Donjon. « Les militants, pour certains très jeunes, peuvent être choqués par la violence reçue ou par leur incompréhension d’être ainsi réprimés quand ils estiment œuvrer pour le bien commun ».

Si la Psycho-Team est une initiative personnelle accompagnée dans le cadre de ses activités associatives, son expérience professionnelle dans le champ de la santé mentale l’a amenée à identifier un risque de troubles du stress post-traumatique chez ces militants, risque non pris en charge à ce jour par les dispositifs de droit commun des CUMP (Cellule d’Urgence Médico-Psychologique), ainsi qu’un risque de burn-out.

Le GRAINE Rhône-Alpes, membre du réseau national éponyme d’éducation à l’environnement, a quant à lui développé un kit d’animation en trois séquences, pour accompagner et outiller des publics face aux crises sociales, sanitaires et environnementales. L’IREPS y a apporté une quatrième séance, pour développer les compétences psychosociales en lien avec ces thématiques :

  « Le fait qu’on ait pu commencer à mettre en place des actions financées par nos soutiens est très positif », souligne Lucie Pelosse. « On sent que ça bouge, y compris chez nos partenaires

Vers une meilleure prise en compte de la santé mentale pour tous

Caroline Mignot, chargée de projet en santé mentale à l’ADES du Rhône, alter ego de l’IREPS, se veut optimiste. Pour elle, la crise du Covid-19 est une opportunité de renforcer les actions en santé mentale environnement, car elle a amorcé une évolution bienvenue dans la manière dont le bien-être psychique est perçu :

« Avant le Covid, presque toutes nos actions portaient sur la déstigmatisation et la sensibilisation, pour favoriser un recours plus précoce au soin », rapporte-t-elle. « Aujourd’hui, nos actions sont plus larges, et les partenaires publics paraissent davantage prêts à soutenir la promotion en santé mentale. »

Les professionnels, rappelle d’ailleurs Julie Donjon, parlent plutôt de bien-être que de santé mentale :

« La notion de bien-être souligne le caractère subjectif de la santé : on peut aller bien avec une pathologie bien gérée, comme très mal sans pathologie diagnostiquée. Il s’agit d’un continuum, pas d’un état binaire malade/pas malade, bien/pas bien. »

L’ADES s’apprête à lancer une campagne « Ma santé mentale » dans les transports en commun de la métropole lyonnaise, une opération inédite et difficilement concevable en contexte pré-Covid. La relation à la nature y sera mentionnée spécifiquement, dans la mesure où passer régulièrement du temps en plein air et « au vert » contribue grandement à l’amélioration du bien-être. Le Sytral, syndicat mixte de transports en commun pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise, va également lancer sur son site une page dédiée aux balades nature accessibles en transports, en collaboration avec la Fédération française de randonnée. Une campagne conçue comme un encouragement à la prévention des troubles psychiques liés à l’environnement urbain : il a été démontré que vivre en ville est associé à un risque plus élevé de troubles psychiques, en raison de la pollution, du bruit, de la chaleur, autant de nuisances dont on peut atténuer un peu les effets en passant du temps hors de la ville.

La prise en compte progressive de l’éco-anxiété par les acteurs de la santé se joue ainsi sur deux fronts : identifier et prendre en charges les troubles provoqués par la crise écologique, mais aussi développer les ressources permettant d’améliorer sa propre santé mentale, dans un contexte de risques accrus. A commencer par le caractère pathogène de la ville, lieu de vie de 80% de la population mondiale, et dont la densification paraît pourtant indispensable dans le contexte actuel. Travailler le lien au vivant de populations qui en sont coupées au quotidien, pour accroître leur conscience environnementale et leur offrir l’accès à des ressources naturelles permettant de prendre soin d’elles, apparaissent indispensables pour l’avenir, et inextricablement liés.

Des ressources françaises à structurer

Contrairement à d’autres pays, où des praticiens en santé mentale se fédèrent depuis plusieurs années en réseaux offrant des ressources aux particuliers comme aux professionnels, la France semble un peu à la traîne sur la question des troubles psychiques en lien avec l’environnement. Elle est pour l’instant investie plutôt par le secteur du développement personnel et de la « spiritualité », avec le risque de dérives qui l’accompagne.

Pour commencer à pallier ce manque, IREPS-Auvergne Rhône-Alpes consacrera l’année 2022 a travailler le lien entre santé mentale et environnement, via un dispositif baptisé Emergence, dont le but est de repérer et fédérer les initiatives existantes sur des thématiques encore peu prises en compte par les politiques publiques. Un comité scientifique composé de chercheurs lyonnais est en cours de constitution.

Tous les professionnels le soulignent : on se sort de l’angoisse par l’action, quand le déni ou la sidération ont, eux, tendance à nous paralyser.

« Problème : c’est une réponse qui conduit à l’éco-burn-out, sans d’ailleurs répondre à l’angoisse sinon dans une brève phase euphorique initiale, car on constate vite la faiblesse de nos possibilités, même au sein de mouvements dynamiques et motivés, face aux bulldozers de la dévastation »,

critique un salarié à la Ligue de Protection des Oiseaux et lui-même mis à rude épreuve. Il souligne que les professionnels, dont l’activité professionnelle est bien souvent un moyen pour eux de justement s’engager dans l’action, sont pour l’instant démunis face à leurs difficultés.

Comment éviter de renvoyer encore et encore les individus à leurs propres responsabilités, quand nous vivons un événement collectif d’une ampleur sans précédent ?

« Nous devons nous adapter ensemble à ce que nous n’avons pas su empêcher », conclut Lucie Pelosse. « L’intégration à toutes nos politiques d’une réflexion articulant environnement et santé mentale, de manière transversale, doit absolument être mise à l’ordre du jour ».

 

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Notes

[1] Source : Organisation Mondiale de la Santé

[2] Yumiko Coffey, Navjot Bhullar, Joanne Durkin, Md Shahidul Islam, Kim Usher, Understanding Eco-anxiety: A Systematic Scoping Review of Current Literature and Identified Knowledge Gaps, The Journal of Climate Change and Health, Volume 3, 2021, 100047, ISSN 2667-2782.

PPour aller plus loin

Quand un faisceau de lumière mesure les rayons du Soleil depuis l’ISS | Un article Pop’Sciences

QQuand un faisceau de lumière mesure les rayons du Soleil depuis l’ISS | Un article Pop’Sciences

Thomas Pesquet s’envolera bientôt depuis Cap Canaveral à destination de la Station spatiale internationale. Dans le cadre de la mission Alpha et pour son deuxième séjour en orbite, le spationaute français, testera l’utilisation de LUMINA, un dosimètre à fibre optique mis au point dans les laboratoires de l’Université de Saint-Étienne. Si le dispositif tient ses promesses, notamment en termes de sensibilité de mesure, LUMINA pourrait devenir un outil indispensable à la protection des astronautes vis-à-vis des radiations solaires lorsqu’ils sont en mission dans l’espace.

Un article rédigé par Caroline Depecker, journaliste scientifique

pour Pop’Sciences – 14 avril 2021

Sauf report de dernière minute, le compte à rebours sera lancé le 22 avril. A 6h11 heure de Floride, soit 12h11 en France métropolitaine, l’astronaute de l’Agence spatiale européenne Thomas Pesquet décollera de Cap Canaveral vers la station spatiale internationale (ISS). Il sera accueilli à bord de la capsule Crew Dragon de la firme SpaceX. Après la mission Proxima de 2016-17, ce sera la seconde occasion pour le plus médiatique des spationautes français d’expérimenter les effets de l’impesanteur à quelques 400 km d’altitude. Dans le cadre de cette nouvelle mission, nommée Alpha, sur la centaine d’expériences auxquelles Thomas Pesquet contribuera pendant son séjour de six mois, l’une d’entre elles utilise le tout nouveau dosimètre à fibre optique développé par les chercheurs de l’Université Jean Monnet (UJM) de Saint-Étienne. Ce dispositif est testé dans le cadre de l’expérience LUMINA.

Mission Alpha / © ESA (en anglais)

Protéger les astronautes en route vers Mars des radiations solaires

Pour les agences spatiales, la mesure des radiations, émises principalement par le Soleil, est un réel sujet de préoccupation.
Au sein de l’ISS, son niveau est presque comparable à celui que l’on reçoit lors d’un vol Paris-New-York. « Là-haut, le blindage de la station et la présence des ceintures de Van Allen (une portion de la magnétosphère terrestre) protège les astronautes de niveaux radiatifs trop élevés », explique Rémi Canton, chef de projet de la mission Alpha et responsable du Centre d’aide au développement des activités en micropesanteur et des opérations spatiales (Cadmos), une structure qui dépend du Centre national d’études spatiales (Cnes) de Toulouse. Mais, plus on s’éloigne de l’ISS et de la Terre, et dans le cadre des missions habitées à destination de la Lune ou de Mars, l’affaire est tout autre. « La quantité totale de radiations absorbée par un astronaute est le facteur principal limitant sa carrière. Après un certain temps passé dans l’espace, la dose ionisante maximale tolérable est atteinte, c’est le moment de la retraite. Dans le cas d’un voyage vers Mars, les calculs montrent que celle-ci serait déjà en grande partie atteinte une fois arrivé sur la planète rouge ! », complète l’ingénieur du Cnes. La mise au point de systèmes de protection renforcée (blindages entre autres), mais aussi d’outils capables de mesurer finement les niveaux d’exposition aux radiations et de s’activer en cas d’alerte est donc cruciale pour la santé des spationautes qui pourraient être envoyés en mission spatiale dans le futur.

Station spatiale internationale / © Pixabay

C’est là qu’intervient LUMINA. « Il s’agit pour nous de valider dans l’espace ce dosimètre capable d’atteindre robustesse inédite à l’environnement. Un outil qui constitue une véritable technologie de rupture », précise Florence Clément, responsable de l’expérience LUMINA au Cadmos.

Détecter les rayonnements en temps réel

Le dosimètre à fibre optique de LUMINA est le fruit d’une collaboration entre le laboratoire Hubert Curien de l’UJM, la société française de hautes technologies iXBlue, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern) et le Cnes.

Son principe ? Sous l’effet des radiations, des défauts apparaissent naturellement dans une fibre optique et affaiblissent sa capacité à propager la lumière : celle-ci s’opacifie progressivement. Lorsqu’on injecte un signal lumineux à l’entrée, la puissance détectée à sa sortie diminue au fur et à mesure de cette opacification. « Cette propriété, qui est plutôt un inconvénient des fibres, nous l’avons détournée utilement comme moyen de mesure, explique Sylvain Girard, chercheur en physique au sein du laboratoire Hubert Curien et responsable scientifique universitaire du projet LUMINA. On est capable en effet de corréler directement la perte de puissance lumineuse observée avec la dose de radiations que la fibre a reçue. Et en jouant sur la composition des matériaux, on arrive à ajuster la sensibilité de détection de la fibre à des niveaux de radiations extrêmement bas ».

Les partenaires de l’expérience LUMINA (de gauche à droite: Sylvain Girard, Nicolas Balcon (Cnes), Pierrick Cheiney (iXblue), Florence Clément (Cnes) / © Cnes – DE PRADA Thierry, 2021

Écusson de l’expérience LUMINA embarquée à bord de l’ISS lors de la mission Alpha. / © CNES/GRARD Emmanuel, 2021

 

 

 

Les doses de rayonnements auxquelles sont soumis les spationautes sont suivies depuis le début de l’occupation permanente de l’ISS, en 2000. Cette mesure est, en général, réalisée par des dosimètres dits « passifs » : ces derniers comptent le nombre de particules ionisantes rencontrées pendant tout le temps de la mission et restituent cette information à postériori, une fois sur Terre. La dose journalière absorbée par le spationaute est ainsi une valeur moyennée. A la différence, LUMINA associée à ses cartes électroniques, constitue un capteur actif qui enregistre chaque seconde la quantité de radiations impactant la station par unité de temps. Ses données sont récupérables à tout moment par Thomas Pesquet ou l’un de ses collègues : pour cela il suffit de se connecter par Bluetooth au dosimètre à l’aide d’une tablette.

Les autres avantages de LUMINA

Ils sont nombreux…
– Son faible encombrement. Avec ses deux bobines de fibres, longues de plusieurs kilomètres et fonctionnant respectivement dans le visible et l’infrarouge, le volume du dispositif de mesure avoisine celui d’un parallélépipède de 27 x 27 x 10 cm.
Il pourrait être facilement réduit pour équiper un satellite ou devenir un système portatif. Ce qui n’est pas le cas de la plupart des systèmes actifs de détection de particules actuels, certains atteignant la taille d’une petite armoire.
– Le verre, matériau principal de la fibre, la préserve des perturbations électromagnétiques.
– La mesure des radiations incidentes se fait indépendamment du flux de particules.
– Le dosimètre répond de la même façon sur une large plage de températures compatible avec celle des missions spatiales (entre -80°C et +120°C).
– Enfin, l’utilisation de la fibre optique permet mesurer la dose déposée par tous types de particules : protons, rayons gamma ou X ou neutrons.

Les expériences de la mission Alpha, embarquée à bord de l’ ISS / © Cnes – GRARD Emmanuel, 2021

« Toutes ces propriétés, couplées à la très grande sensibilité de LUMINA, nous permettent d’imaginer l’utiliser comme système autonome de prévention en cas de tempête solaire, envisage Sylvain Girard. Quelques heures avant l’arrivée d’un tsunami, l’observation de la montée des eaux sert d’alerte aux populations pour se mettre à l’abri. C’est un peu la même idée poursuivie ici : la détection d’une toute petite élévation du niveau des radiations, prémices d’une irruption solaire, serait le signal pour le spationaute d’aller se protéger. Un exemple d’utilisation qu’on imagine parmi d’autres possibles ».

L’utilisation de la fibre optique est onéreuse face aux dosimètres disponibles sur le marché, et dont le coût avoisine les quelques dizaines d’euros. Récente, la technologie doit encore faire ses preuves, mais, dans certains secteurs privilégiés, l’intérêt est d’ores et déjà présent. « Nous avons une dizaine de projets en cours de développement sur le sujet, précise le chercheur de l’UJM. Dans le domaine du spatial, du nucléaire civil ou bien de la médecine. Il s’agit d’une petite révolution en marche ! »

Le planning de travail prévu sur 1 à 5 ans 

Comme la majorité des expériences, LUMINA ne partira pas en même temps que Thomas Pesquet, le dosimètre devrait s’envoler en août depuis Wallops Island, en Virginie (USA), pour rejoindre l’ISS. Ce délai laissera le temps à l’équipe de recherche française de finir les derniers réglages de calibration de l’appareil, à l’aide d’une version jumelle du modèle embarqué dans la station.

Dès l’activation de LUMINA, il est prévu de récolter les données du dosimètre et de les transmettre pour analyse sur Terre de façon hebdomadaire tout d’abord, puis mensuellement, une fois la bonne tenue du détecteur confirmée. Leur exploitation fera l’objet d’un travail de recherche doctoral spécifique avec à la clé, une réponse essentielle : la sensibilité de mesure est-elle bien au rendez-vous pour détecter des niveaux de radiations extrêmement faibles, soit aux alentours de 200 µGy (microGray) ?

Les expériences de la mission Alpha, embarquées à bord de l’ISS / ©Cnes – GRARD Emmanuel, 2021

Idéalement, le Cadmos souhaiterait que cette expérience fonctionne pendant cinq ans. Dans un premier temps, le dosimètre sera seulement utilisé à l’intérieur du complexe spatial. Dans un second temps, il pourrait être adapté pour fonctionner à l’extérieur de l’ISS de manière à comparer les mesures prises dans ces deux environnements différents.

La science à bord de l’ISS

Le vol Crew Dragon-2 s’inscrit dans le cadre de la rotation des équipages de la Station spatiale Internationale. Les quatre astronautes qui s’envoleront à son bord, iront compléter l’équipage de trois personnes déjà en orbite : la station aura atteint alors sa capacité d’accueil maximale. Le but principal de ces expéditions : la science.

Qu’y étudie-t-on ? Rémi Canton : « Il y a deux volets importants dans l’utilisation de l’ISS : l’un est de préparer les futures missions de longue, voire très longue durée. L’autre concerne le travail de recherche fondamentale dans un environnement où règne en permanence la micropesanteur ». Dans le laboratoire spatial, et nulle part ailleurs, il est possible d’observer sur le long terme des phénomènes en physique, sciences de la matière ou de la vie quasi « libérés » du champ de pesanteur terrestre et non plus « écrasés » par lui.
Au-delà des expériences menées en biologie et en médecine pour comprendre les effets des vols spatiaux sur le corps humain, l’ensemble des domaines abordés est vaste : astronomie, mécanique des fluides, sciences des matériaux, mécanique quantique, exobiologie, neurosciences… « Nous n’avons aucun problème à nous renouveler, souligne le scientifique du Cnes. Nous croulons sous les demandes d’expérimentation de protocoles scientifiques. On va dans l’espace malgré l’espace…

Malgré les contraintes scientifiques, logistiques et matérielles importantes pour tout le monde, mais cela vaut le coup ! L’intérêt de la station comme laboratoire de recherche est indéniable. » Pour la mission Alpha, le nombre d’expériences fournies par le Cadmos sera d’une douzaine.

PPour aller plus loin

 

Reprogrammation mentale : une dialectique corps & cerveau | Un article Pop’Sciences

RReprogrammation mentale : une dialectique corps & cerveau | Un article Pop’Sciences

De la découverte de l’incroyable plasticité du cerveau, notamment en situation de handicap, sont nées des approches thérapeutiques totalement innovantes, très  loin des séances de rééducation classiques qui nous paraissent aujourd’hui presque désuètes. Au-delà de comprendre l’auto-adaptation dont le cerveau est capable, les thérapeutes, à l’appui des connaissances neuroscientifiques, parviennent désormais à stimuler ou leurrer le cerveau pour modifier ses réponses à bon escient, à savoir en faveur de l’amélioration du patient. Un pan entier de soins d’un genre nouveau s’ouvre, laissant entrevoir des solutions thérapeutiques jusqu’alors ignorées. Partenaire de la Semaine du Cerveau, Pop’Sciences vous emmène à la découverte de ces nouvelles approches fascinantes.

Un article rédigé par Nathaly Mermet, Docteur en Neurosciences,

journaliste scientifique & médicale, Lyon, pour Pop’Sciences – 17-03-2021

On ne peut aujourd’hui avoir une vision uni-directionnelle ! La dialectique entre le corps et l’esprit combine la façon dont le pouvoir descendant (soit du cerveau vers le corps) s’exerce sur le plan thérapeutique pour la « réparation », la réappropriation de son corps par le patient ET la façon dont le corps renvoie des informations sensitives et proprioceptives au cerveau dans le « sens montant », par exemple en provoquant la sécrétion d’endorphines, les neuro-hormones du plaisir, par le cerveau en réponse à un effort sportif intensif.

La dialectique entre recherche et thérapie

La même dialectique s’opère entre chercheurs et thérapeutes ! Les services de médecine physique et de réadaptation neurologique, tel celui de l’hôpital Henry Gabrielle, accueillent des patients présentant un handicap neurologique, suite principalement à une affection aiguë, afin de les faire bénéficier de programmes de rééducation intensifs visant à maintenir un certain niveau d’autonomie (bilan d’évaluation et reprise de rééducation). Impliquant une équipe pluri-professionnelle ainsi que des plateaux techniques et des méthodes de rééducation innovantes (tapis de marche, posturographie, exo-squelette, imagerie motrice, adaptation prismatique, neuromodulation cérébrale…), ces programmes sont assurés, dans le cadre d’une hospitalisation brève (1 semaine) ou de longue durée (plusieurs mois). Les activités de recherche du service portent quant à elles notamment sur l’étude des mécanismes de récupération et de plasticité cérébrale pour mieux comprendre et rééduquer le handicap neurologique et l’étude des troubles de la conscience après coma. Elle est réalisée en collaboration étroite avec le Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, l’Université de Lyon, l’École Normale Supérieure de Lyon, l’Institut Fédératif de Recherche sur le Handicap, la fondation Neurodis ainsi que les plateformes Mouvement et handicap et Neuro-immersion.

L’analyse du mouvement est historique au laboratoire de recherche adossé au Service de Médecine Physique et de Réadaptation de l’Hôpital Henry Gabrielle. Équipement rare, la plateforme Mouvement et handicap est une plateforme multimodale, qui permet d’analyser autant la vision que la marche, et qui est accessible à la fois aux patients et aux chercheurs. Ces derniers ont ainsi des cas cliniques sous les yeux à explorer, et intérêt réciproque, les patients vont bénéficier d’explorations fort utiles pour leur prise en charge thérapeutique.

Zoom sur la plateforme multimodale Mouvement et handicap

dessin de byciclette dont il manque la moitié

Dessin d’un patient atteint d’héminégligence / ©TLM-Votre santé#9

Parmi les troubles neurologiques « troublants », faisant suite à une lésion cérébrale dans l’hémisphère droit ou une section médullaire, celui de l’héminégligence, une négligence spatiale unilatérale, qui consiste à ne plus avoir conscience de l’hémi-espace controlatéral au côté lésé[Encadré 1]. « C’est un trouble assez difficile à concevoir, car on observe chez certains patients, qui ont des capacités cognitives et intellectuelles intactes, un déficit très particulier dans le registre de l’espace … comme si tout ce qui existe dans l’hémi-espace gauche avait disparu ! » explique le Pr Yves Rossetti, praticien hospitalier dans le Service de Médecine Physique et de Réadaptation de l’Hôpital Henry Gabrielle, et chercheur au sein du  Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CRNL) co-responsable avec Laure Pisella-Rosine de l’équipe Trajectoires créée depuis janvier 20211. Le syndrome d’héminégligence s’accompagne souvent d’une hémiplégie gauche …mais dont le patient n’a pas conscience non plus ! Parmi les causes de l’héminégligence

Pr Yves Rossetti / ©HCL CRNL

on trouve tout type de lésion : d’origine vasculaire, tumorale, traumatique ou encore chirurgicale. Pour essayer de comprendre ce que les neuroscientifiques appellaient « le syndrome majeur de l’hémisphère mineur » les chercheurs ont inventé différents dispositifs pour observer et décortiquer les mouvements avec une extrême précision.

 

 

L’adaptation prismatique : un excellent « cas d’école »

Grâce à un dispositif utilisant des lunettes très particulières dotées de prismes, il est possible de corriger certains troubles en utilisant la plasticité sensori-motrice. Le principe est, grâce aux prismes, de faire dévier les images à droite …et ainsi de réorienter le cerveau du côté gauche! « Les prismes décalent l’environnement visuel, et après plusieurs exercices de pointage sur une cible, le cerveau “trompé” re-calibre les informations visuelles » explique le Pr Jacques Luauté, chef du Service de Médecine Physique et de Réadaptation. Dans un exercice qui consiste à viser une cible visuelle avec le doigt en regardant à travers les lunettes dotées de prisme, c’est la plasticité cérébrale, en particulier la plasticité sensori-motrice, qui est démontrée. Ainsi grâce à des « cures » avec ces prismes on parvient à « corriger » le cerveau des patients héminégligents : on « trompe » le cerveau au niveau sensoriel, en lui faisant parvenir une image décalée grâce aux lunettes qui créent une erreur. Le cerveau modifie alors les coordonnées visio-motrices pour corriger et atteindre la cible. Si on utilise des prismes qui dévient l’environnement du côté droit, et qui ont des effets consécutifs on peut arriver à réorienter le comportement du patient du côté gauche, et donc produire un bénéfice thérapeutique.

Lunettes dotées de prismes

Ces lunettes dotées de prismes permettent de corriger certains troubles en utilisant la plasticité sensori-motrice / ©TLM-Votre santé #9

Pour aller encore plus loin qu’avec les prismes, les thérapeutes utilisent depuis quelques années la stimulation transcrânienne à courant continu, ou tDCS, de l’anglais Transcranial direct current stimulation, qui est une technique permettant de stimuler de manière complètement indolore le cerveau humain. La tDCS modifie l’excitabilité cérébrale à l’aide d’un faible courant électrique (1mA) induit par l’intermédiaire de deux électrodes. « L’objectif de cette technique est d’augmenter l’intensité et la durée de l’effet du traitement obtenu avec les prismes » déclare le Pr Rossetti, expliquant que la légère dépolarisation des neurones va permettre une sur-activation du réseau, et in fine le renforcement de la plasticité. « L’hyperfonctionnement grâce à l’abaissement du seuil de déclenchement facilite l’adaptation et améliore l’effet thérapeutique sur le déséquilibre attentionnel. » rapporte-t-il. Avec des séances de 20 minutes de stimulation électrique les effets obtenus peuvent durer 4 mois[Encadré 2] et la technique pourrait être déclinée aux acouphènes unilatéraux ainsi à la douleur.

Lever les blocages grâce à la reprogrammation neuro-motrice

Un des objectifs majeurs de l’ensemble des recherches au sein des services de réadaptation est le développement de nouvelles méthodes pour améliorer la récupération et amplifier les gains de la rééducation. Jouer sur les inhibitions motrices centrales afin de dépasser les limites de la rééducation classique: telle est l’approche proposée par la startup lyonnaise Allyane . « La reprogrammation neuro-motrice repose sur une triade » explique Shingo Kitada, MKDE kinésithérapeute au sein du Centre de formation de l’Olympique Lyonnais (OL) pour la moitié de son temps, et praticien de la méthode Allyane au sein de la Clinique éponyme : 1/ l’utilisation de l’imagerie et la visualisation mentale, 2/ le ressenti en proprioception, qui consiste en la perception du mouvement et de l’articulation concernée par le patient et 3/ l’utilisation de sons de basse fréquence pour placer le cerveau dans un rythme approprié favorisant l’occurrence de l’imagerie mentale.

L’utilisation de sons basse fréquence consolide la reprogrammation_Allyane / ©France 3 AURA_02-2019

Si les deux premières composantes sont relativement “classiques”, la troisième repose sur une approche particulière : celle de provoquer le déclenchement d’ondes Alpha, qui mettent le cerveau dans un état proche de celui dans lequel il se trouve lors de la pratique de la méditation2. « De façon surprenante les ondes cérébrales se calquent sur les ondes sonores » rapporte Shingo Kitada, ancien sportif de haut niveau ds domaine du ski qui a expérimenté la préparation mentale, et qui suite à ses études de kinésithérapie est “tombé dans la marmite des neurosciences”. C’est lors d’un master sur le handicap et l’autonomie qu’il s’est d’ailleurs intéressé à la reprogrammation neuro-motrice. Si dans le sport de haut niveau la préparation mentale est un incontournable (visualisation du slalom en ski de descente avec les caractéristiques des portes, du circuit et de ses courbes pour course moto ou auto, etc.), et se trouve largement boostée par le changement d’état du cerveau, la “méthode” de reprogrammation neuro-motrice peut aussi bénéficier à tout patient atteint de handicap et même moins entraîné à l’exercice de visualisation et de proprioception. « Les personnes à qui on met le casque se détendent spontanément et développent la capacité à “descendre” sur le rythme Alpha qui correspond à un état d’hypovigilance du cerveau » indique Shingo Kitada, précisant que chez le non sportif on peut utiliser les termes du patient s’il a des difficultés à ressentir. Après une prothèse orthopédique (genou, hanche, épaule, mais aussi colonne dans le cas du remplacement de disques vertébraux), qui est une “agression” du corps, de nombreux patients vont garder une douleur qui les conduit à compenser …induisant des douleurs généralisées dans un cercle vicieux infernal.

« La méthode va alors permettre de passer par un côté plus central de la commande motrice afin de se concentrer sur le ressenti du patient, en l’occurrence pour ressentir la bonne activation » explique Shingo Kitada, soulignant que l’approche fonctionne aussi toute autre pathologie impliquant des déficits moteurs, à condition qu’il n’y ait pas de limitations mécaniques et/ou cognitives chez le patient (par exemple, rupture des ligaments croisés antérieurs (LCA) ou entorses de cheville sur le versant traumatique, post AVC et paralysie cérébrale en neurologie).

Utilisation de sons de basse fréquence pour placer le cerveau dans un rythme approprié favorisant l’occurrence de l’imagerie mentale / ©Allyane

Outre en post opératoire, la reprogrammation neuro-motrice peut également être utilisée en amont de l’intervention chirurgicale afin de préparer le cerveau à se concentrer sur la bonne activation musculaire. Un travail de thèse est d’ailleurs en cours afin de mieux comprendre les phénomènes d’activation dans le cerveau. Plusieurs équipes de kinésithérapie sont d’ores et déjà formées à cette méthode dans le domaine du sport de haut niveau (Fédération Française de Ski, Centre national de football de Clairefontaine, LOU Rugby, etc.) et Allyane a établi des partenariats de recherche et soins avec des établissements de référence tels le centre Orthopédique Santy, le centre médico-chirurgical de réadaptation des Massues ainsi qu’avec des associations de patients qui proposent des équipements adaptés (association Ants, salle Eden).

La méthode de reprogrammation neuro-motrice qui s’appuie sur des connaissances récentes en neurosciences et la puissance du cerveau permet permet de gagner en temps et en performance. « On ne remplace pas la rééducation, mais l’approche, très complémentaire, permet de passer des paliers de rééducation »  conclut Shingo.

La réalité virtuelle alliée

Autre approche thérapeutique disruptive faisant du cerveau une “ressource technologique essentielle” : la rééducation en réalité virtuelle. « C’est la recherche de solutions pour aider mes patients qui m’a conduit à la réalité virtuelle » déclare Franck Assaban, kinésithérapeute et entrepreneur, fondateur de la société Virtualis qui transpose le “gaming” aux outils thérapeutiques.

Rééducation en réalité virtuelle / © Virtualis

Spécialisé au départ dans la prise en charge des troubles de l’équilibre en kinésithérapie, il fabrique dans un premier temps de manière plutôt artisanale un équipement de désensibilisation au mal des transports avec un masque d’apiculteur, du fil de fer et du papier journal !« Cela marchait très bien pour reproduire les sensations à l’arrière d’une voiture lorsque l’on n’a pas de vue extérieure » confie t-il, rappelant que dans le mal des transports il y a conflit entre la perception par l’oreille interne et la vision, les deux systèmes étant en interaction permanente. « La technologie intégrant un casque de réalité virtuelle s’est imposée naturellement et rapidement pour la prise en charge des troubles de l’équilibre.  Dans certains aspects de ce type de prise en charge, il n’y a que très peu de solutions nouvelles depuis l’avènement de la boule d’optocinétique médicale dans les années 90 (qui nécessite de travailler dans le noir et dans une pièce dédiée dotée d’un mur hémisphérique …) » rapporte F. Assaban. La technologie VR s’est étendue depuis à de nombreuses autres pathologies pour la rééducation fonctionnelle, la traumatologie, la neurologie, etc. « Le potentiel est énorme » affirme t-il, et les résultats sont étonnants tant en neurologie, qu’en traumatologie, soulignant par ailleurs que la réalité virtuelle ne remplace pas le kinésithérapeute, mais qu’il s’agit d’un outil complémentaire.

Rééducation de l'équilibre en réalité virtuelle / © Virtualis

Rééducation de l’équilibre en réalité virtuelle / © Virtualis

Selon le Pr Rossetti, l’engouement actuel pour la “réalité virtuelle”, qui est davantage un “environnement virtuel”, ne doit pas occulter le besoin de mieux comprendre les mécanismes. « A travers les prismes on a accès à une vraie réalité virtuelle réaliste !» observe-t-il.

A pathologies curieuses, approches thérapeutiques originales …et c’est donc la plasticité sensori-motrice qui va modifier le fonctionnement cérébral et mener à la reprogrammation mentale ! Sachez aussi que la plateforme d’analyse du mouvement située dans le service hospitalier Henry Gabrielle au sein d’un réseau de recherche international est unique au monde : des chercheurs du monde entier viennent y mener des travaux de recherche avec des patients du réseau.

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Notes :

(1) Votre Santé “Mouvement & Handicap” : la plasticité du cerveau en situation de handicap (TLM, juillet 2017) :  écoutez le Pr Y. Rossetti expliquer le syndrome d’héminégligence à 1’44”

(2) Lire aussi La méditation à la croisée des neurosciences et de la psychologie, un article Pop’Sciences, Nathaly Mermet, 27-03-2020

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          Encart 1

         Le mystère des hémisphères… et pourquoi l’héminégligence ?

Notre cerveau est composé de deux hémisphères cérébrales reliées par le corps calleux qui compte quelques 500 millions de neurones et permet la communication entre les deux. Dans l’histoire de la neurologie, la découverte des fonctions s’est faite « grâce » aux lésions :

  • l’hémisphère gauche est celui du langage, de la logique, du raisonnement …il est dit « dominant » ;
  • l’hémisphère droit est dédié à ce qui est plus global : l’esthétique, la représentation …et est qualifié de « mineur ».

 

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Encart 2

Comment récupérer son GPS interne grâce à l’adaptation prismatique ?

Effets sensori-moteurs et fonctionnels à long terme d’un traitement hebdomadaire par adaptation prismatique dans la négligence : un essai randomisé et contrôlé en double insu. Rode G, Lacour S, Jacquin-Courtois S, Pisella L, Michel C, Revol P, Luauté J, Halligan P, Pélisson D, Rossetti Y.Ann Phys Rehabil Med. 2015 Apr;58(2):e1-e15.  Voir la vidéo sur Youtube

PPour aller plus loin

 

Intelligence et réussite : rien n’est tout QI | Un article Pop’Sciences

IIntelligence et réussite : rien n’est tout QI | Un article Pop’Sciences

L’intelligence ne se mesure pas au quotient intellectuel (QI), mais à la manière dont on se débrouille dans la vie : avec sa dernière proposition, la psychologue lyonnaise Fanny Nusbaum relance un sujet qui fâche, les relations entre intelligence hors norme et réussite personnelle.

Un article rédigé par Cléo Schweyer, journaliste scientifique, Lyon,

pour Pop’Sciences – 19-02-2021

Oubliez le quotient intellectuel : en matière d’intelligence, c’est le résultat qui compte. Avec son dernier livre, Le secret des performants (Ed. Odile Jacob), Fanny Nusbaum, chercheuse associée au laboratoire Parcours de Santé Systémique[1] de Lyon et psychologue clinicienne, tourne résolument le dos à l’idée qu’on pourrait être « trop intelligent pour être heureux ». Cette expression, qui sert de titre à un best-seller de la psychologue Jeanne Siaud-Facchin[2], a la force d’une évidence pour de nombreux adultes. Si leur enfant rencontre des difficultés à l’école, si eux-mêmes sont en souffrance, c’est parce que leur quotient intellectuel élevé, leur « haut potentiel », les prive de l’accès au bonheur. Et tant pis si cette idée est très loin de faire l’unanimité chez les spécialistes de l’intelligence, qu’ils soient cliniciens ou chercheurs :

« Dire que l’intelligence se mesure à l’accomplissement personnel, y compris le bien-être, déclenche des réactions indignées ! », s’étonne Fanny Nusbaum.

L’intelligence, une adaptation créatrice ?

Homme montant des escaliers fictifs, entouré 'un nuage des figures de jeu de carte (trèfle, coeur, pique, carreau)

©Pixabay

Il faut dire que sa proposition peut surprendre : l’intelligence ne se mesurerait pas au niveau de quotient intellectuel d’une personne, mais à son niveau de « performance » dans la vie.

« La performance, c’est la capacité à obtenir des succès qui font sens pour la communauté », précise Fanny Nusbaum.

Un footballeur à la carrière internationale, une candidate de télé-réalité transformant sa notoriété d’un jour en revenu pérenne, une créatrice d’association qui fait avancer une cause seraient dès lors plus « intelligents » que la personne à quotient intellectuel élevé qui ne réalise rien. De la même manière que certaines situations nous font nous sentir bêtes, à tout âge et quelle que soit par ailleurs notre situation dans la vie, on peut parfois « entrer en résonnance » avec l’écosystème dans lequel on évolue, être à l’aise avec son environnement au point d’en faire quelque chose de nouveau, quelque chose dont la valeur sera reconnue par les autres. Cet ajustement se manifeste par une sensation d’utilité et de bien-être. Ce qui suggère, selon Fanny Nusbaum, que l’intelligence serait un état et non un trait de personnalité.

On définit classiquement l’intelligence comme la capacité à s’adapter aux situations que la vie nous présente et à résoudre les problèmes qu’elle nous pose : pour Fanny Nusbaum, c’est un peu plus que cela. La personne « en compétence » s’adapte à l’environnement, mais celle « en performance » finit par changer la donne. Quant à celle « en antiphase », c’est-à-dire en difficulté ou en échec, sans doute traverse-t-elle une mauvaise période (fatigue, stress, troubles physiques ou psychiques), ou peut-être a-t-elle tout simplement besoin de repenser sa situation et d’essayer autre chose à la place de ce qui ne fonctionne pas. Les trois états sont passagers, mais certaines personnes sont plus souvent « en compétence » ou « en performance » que d’autres, et pour des périodes plus longues.

©Flickr

QI et réussite, des liens qui fachent

Certes, l’ouvrage de Fanny Nusbaum est une proposition personnelle, et non le compte-rendu de recherches validées par les pairs. Son langage imagé n’est pas celui de la neuropsychologie. Et l’on peut rester sceptique face à une définition de l’intelligence qui enfermerait en quelque sorte celle-ci dans son époque, sans beaucoup de recul sur la manière dont les inégalités socio-économiques peuvent influencer les trajectoires personnelles, ou sur le rôle de la culture dans notre vision de la réussite. Mais à bien y regarder, ne peut-on pas formuler les mêmes réserves à propos du haut-potentiel, du lien entre haut-potentiel et difficultés existentielles ?

Quand on échange autour du QI et du haut-potentiel sans en être spécialiste, on parle souvent de plusieurs sujets différents comme s’il s’agissait d’une seule et même question. Or, il faudrait distinguer les outils de mesure de l’intelligence, les définitions théoriques de l’intelligence sur lesquelles s’appuient ces outils, et les sujets auxquels ces outils sont (ou ne sont pas) destinés. Si l’on décide de prendre au sérieux la proposition de Fanny Nusbaum (au moins le temps de cet article, pour se former une opinion), il faut examiner les critiques qui ont été formulées vis-à-vis du QI, celles concernant la définition du surdon et celles, plus nombreuses encore, qui se portent sur le lien entre surdon et difficultés à vivre. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a de quoi faire.

De l’enfant prodige à l’adulte en souffrance

La mesure de l’intelligence a d’abord été créé pour des enfants en difficulté scolaire. Alfred Binet, le pionnier de la psychométrie (les mesures pratiquées en psychologie), a été missionné en 1904 par le Ministère français de l’instruction publique pour repérer les enfants ayant besoin d’un enseignement adapté. Binet imagine alors un test qui compare les performances de l’enfant avec celles de sa classe d’âge : l’ancêtre du test de quotient intellectuel est né. L’objectif de Binet est à la fois éthique (donner la même chance aux enfants en écartant autant que possible les biais éventuels de l’enseignant qui les évalue) et développemental : il estime qu’après quelques années d’enseignement adapté, les enfants « en retard » pourront regagner l’enseignement général.

Le quotient intellectuel actuel est stabilisé dans les années 1940 par le psychologue américain David Wechsler : les « échelles de Wechsler » sont les tests de QI les plus utilisés par les professionnels. Il reste un score de comparaison. Wechsler l’a élaboré à partir d’un « test alpha » qu’il avait mis au point pour l’armée, qui s’en servait pour orienter les conscrits. Or des hommes au résultat très en-dessous de la moyenne étaient par ailleurs bien intégrés dans la vie active : Wechsler en a conclu qu’il fallait élargir la définition de l’intelligence et intégrer d’autres variables à tester. L’intelligence est vue ici comme le résultat d’un ensemble d’éléments qui fonctionnent ensemble, et non comme une entité unique.

Le QI est généralement stable dans le temps, mais il ne faut pas s’y tromper, souligne Jacques Grégoire[3], un des spécialistes internationaux de la mesure de l’intelligence chez l’enfant :

« A 4 ans, vous n’avez pas les mêmes performances qu’à 12. Si votre score est resté stable bien que vos performances ne soient pas les mêmes, c’est parce que le QI ne mesure pas votre intelligence comme il mesurerait votre taille : il vous situe par rapport aux autres. »

Salle de calsse avec élèves en exame

©Jeremy Barande

Le score de QI peut évoluer, en fonction des conditions de passation du test bien sûr, mais aussi des événements de la vie : « Un enfant non scolarisé à 9 ans qui rencontre enfin des conditions de développement adaptées va gagner des points de QI », souligne ainsi Jacques Grégoire. Qui remarque au passage que le test évalue des productions de l’intelligence (les réponses aux questions) et non l’intelligence elle-même.

En un peu plus d’un siècle, les tests de quotient intellectuel ont été utilisés d’abord pour l’orientation de l’enfant en difficulté, puis également pour le repérage de l’enfant prodige, et enfin élargis au développement personnel de l’adulte en souffrance. Au passage, ils ont gagné un nouveau statut : beaucoup considèrent aujourd’hui le QI comme un indicateur pertinent de la personnalité (« être haut potentiel »), ce qui n’était pas dans l’intention de ses concepteurs.

Ce que nous faisons du QI a évolué

Ici encore, il y a plusieurs angles de questionnement. On peut examiner les critiques épistémologiques formulées au QI et au surdon, c’est-à-dire les critiques qui portent sur la pertinence scientifique des critères utilisés pour les définir, pour les mesurer et pour décrire leur impact sur le devenir des personnes. On peut aussi se demander pourquoi, ou plutôt dans quel contexte, il nous paraît important de mesurer le QI et de savoir si l’on est ou pas « haut-potentiel ».

« Notre vision du QI et ce que nous en faisons a évolué dans le temps », note d’emblée Marianne Woollven. Elle est sociologue au Centre Max-Weber[4] et travaille sur les troubles de l’apprentissage, les fameux « dys ». Elle souligne que le QI est d’abord un outil administratif d’orientation des élèves, puis s’élargit à une valeur d’explication de leur devenir scolaire. Ce dernier point est fortement critiqué par la sociologie à partir des années 1970, notamment avec Pierre Bourdieu et son « idéologie du don ». L’élève dit doué à l’école serait en réalité un « héritier », qui a reçu un « capital culturel » correspondant à un certain niveau de maîtrise de la culture dominante, considérée comme légitime. La psychométrie, selon ces critiques, reflète donc surtout les inégalités sociales.

« Depuis les années 2000, la psychanalyse a reculé face aux sciences neurocognitives », poursuit Marianne Woollven. « Ces approches s’appuient sur des modèles qui vont chercher l’origine des difficultés dans les mécanismes cérébraux. Et en pratique, elles utilisent des mesures de l’intelligence ».

Retour en grâce du QI à l’école, d’autant plus que c’est un indicateur pratique, à l’heure où les politiques publiques cherchent des éléments d’objectivation pour financer l’aide aux élèves à besoins éducatifs particuliers. Prenons trois élèves en difficulté d’apprentissage de la lecture : c’est la mesure du QI qui distingue l’enfant en retard global de développement, le petit dyslexique et l’enfant à haut-potentiel dont les difficultés sont à chercher ailleurs.

Dans ce contexte, comment comprendre le surdon ?

Le surdon, une notion statistique floue

Wikimedia

On est dit surdoué à partir d’un QI de 130. C’est une pure convention statistique, celle de considérer comme hors-norme les scores ayant au moins deux écarts-type à la moyenne : cela donne la forme en cloche de la fameuse courbe de Gauss. La moyenne est fixée à 100 pour le QI. Mais certains scientifiques font remarquer qu’aucune donnée n’indique que les QI seraient répartis selon une courbe de Gauss. D’autant plus que l’indice verbal, une des quatre composantes du QI, est fortement corrélé au milieu social et que la répartition des richesses ne suit pas du tout une courbe de Gauss. Est-ce solide de considérer qu’on est hors-norme à partir de 130, comme si la répartition des QI dans la population était parfaitement régulière, et sans intégrer de marge d’erreur statistique ?

Les difficultés augmentent si l’on prend en compte le mode de calcul du QI : est-ce logique de penser que la moyenne entre des valeurs très hétérogènes décrit correctement l’intelligence d’une personne ? Cela revient à déplacer l’usage du QI sans adapter son mode de calcul. On passe en quelque sorte d’une « psychométrie par le bas », destinée à repérer des retards de développement, à une « psychométrie par le haut », destinée elle à poser des capacités hors-normes (à 100 vous appartenez à 50% de la population, à 130 vous n’êtes plus que dans les 2%).

Pour Anne-Lyse Demarchi, psychologue clinicienne et enseignante à l’Université Lumière Lyon 2, la réponse est claire :

« On teste quatre indices : verbal, mémoire de travail, raisonnement perceptif et vitesse de traitement. Je ne conclue jamais une notion de haut potentiel si les quatre scores sont hétéogènes, par exemple un peu moins de 120 pour les uns et plus de 140 pour les autres. »

De toute manière, pour elle, le vrai sujet n’est pas là :

« Lorsque des parents pour leur enfant ou une personne souhaite(nt) effectuer un bilan psychologique avec une idée de haut potentiel, cela parle de difficultés qui nécessiteront probablement une psychothérapie. »

Car les personnes qui sollicitent un bilan de QI, que ce soit pour leurs enfants ou pour eux, viennent pour résoudre une difficulté : « C’est à l’école que ça coince, ou bien la personne s’est reconnue dans le profil du zèbre ». L’animal rayé est depuis quelques années le totem des hauts-potentiels, ces personnalités « hypersensibles » et décalées par leur manière de réfléchir, de voir la vie, d’entrer en relation avec les autres. Des zèbres intranquilles voire malheureux dans lesquels beaucoup se reconnaissent, mais que les spécialistes peinent à voir : « Cette image du zèbre ne me paraît pas pertinente : le zèbre avec ses rayures ne se fond pas dans la savane, alors que les hauts-potentiels sont souvent dans l’hyper-adaptation, ne se remarque donc pas ! Certes ils sont très sensibles, mais ils ont souvent les compétences émotionnelles et relationnelles qui vont avec. S’ils ne sont pas bien, cela peut être quand ils sont sur-adaptés, à leurs dépens. Les hauts potentiels avec des profils homogènes, on ne les voit pas en cabinet, ou alors ils viennent pour autre chose », affirme Anne-Lyse Demarchi.

Surdon et problèmes, toute une histoire

Bien sûr, les personnes à QI élevé ou très élevé qui rencontrent des difficultés à l’école, au travail ou dans leur vie personnelle existent. Mais aucune donnée ne permet de faire le lien avec le haut potentiel lui-même (et l’autrice de ces lignes doit faire ici un mea-culpa pour avoir écrit le contraire il y a quelques années, sur la foi de documents diffusés par l’Éducation Nationale).

« Il existe des enquêtes portant sur le devenir scolaire de milliers d’enfants en fonction de leur QI », indique Nicolas Gauvrit, mathématicien, chercheur en psychologie et auteur de plusieurs ouvrages sur les enfants à haut-potentiel. « Elles montrent qu’un QI élevé est plutôt associé à une bonne réussite scolaire, et que le taux d’échec est bien inférieur au chiffre de 30% qui circule » (mea-culpa une fois encore). Une autre enquête souvent citée situe ce chiffre autour de 17%, mais : « Elle a été réalisée dans une institution spécialisée pour enfants en décrochage scolaire : 17% d’échec à long terme chez les QI élevés, c’est plutôt bas compte tenu du panel », note Nicolas Gauvrit. « Et l’échec scolaire n’était pas défini précisément. Un enfant qui déçoit les attentes des adultes autour de lui peut se sentir ou être considéré en échec, alors que pour l’institution tout va bien. »

©Pixabay

Pour Marianne Woollven, c’est précisément le rapport à l’école, et au-delà à la réussite sociale, qui se joue dans la manière dont nous investissons le QI et le surdon. « C’est cohérent avec ce qu’on peut appeler une vision chronométrique du développement, qui repose sur le fait de tout faire en temps et en heure, et si possible en avance sur le programme », relève-t-elle. « C’est aussi une manière de se positionner vis-à-vis de l’école en invoquant d’autres critères que les critères scolaires, avec l’idée que l’enfant doit être le plus performant possible dans le système, pour avoir la meilleure réussite après.» Ce rapport de force est principalement mis en œuvre par les parents de classes sociales moyennes et supérieures, qui représentent jusqu’à 60% des adhérents des associations de parents d’enfants à haut potentiel. Ils revendiquent ainsi que l’école prenne en charge leur enfant dans son individualité, et ont recourt à des critères extérieurs pour appuyer leur demande.

Si le haut potentiel est traité par l’école comme un besoin éducatif particulier, remarque Nicolas Gauvrit, c’est ainsi parce que les parents ont dû montrer qu’il causait des problèmes aux enfants, sans quoi l’Éducation Nationale ne se serait pas adaptée. Et qu’ils vont pour cela chercher des psychologues spécialisés à même de poser un bilan objectivant à la fois le QI et les difficultés de l’enfant… créant un biais d’échantillonnage puisque ces cliniciens ne voient les hauts potentiels que lorsqu’ils vont mal. L’association entre haut potentiel et difficultés de vie est donc une construction plus sociale que scientifique.

Pour en finir avec l’intelligence

Dans une société de plus en plus inégalitaire, où le poids des diplômes est plus important qu’il y a 20 ans, où les nouveaux héros de la culture populaire sont des forts en thème un peu dans leur bulle, des scientifiques charmants et débrouillards, des marginaux ayant réussi grâce à « la » bonne idée, pas étonnant que le haut potentiel soit devenu hautement désirable. D’autant plus que cette vision résonne fortement dans notre culture : le lien entre génie et folie, génie et marginalité, remonte aux Grecs et a trouvé son incarnation parfaite dans la figure du clochard céleste du XIXe siècle et du début du XXe siècle. C’est en cela que la proposition de Fanny Nusbaum est dérangeante : elle semble valider la réussite sociale par les mérites personnels, alors qu’on sait (et qu’on veut croire très fort) que cela n’explique pas tout.

DR

Mais acceptons d’y réfléchir encore un instant, en partant du principe qu’une idée vaut surtout par les espaces de possible qu’elle nous ouvre. Quel est finalement le plus gros défaut de notre surinvestissement du QI, notamment le QI élevé, comme indicateur de personnalité ? Cette vision nous enferme dans une image de nous définitive. Dans les années 2000, la psychologue Carole Dweck a soumis des enfants à une épreuve écrite, puis leur a donné leurs résultats en les félicitant. A une partie d’entre eux elle a dit : « Bravo, tu as réussi, tu es très intelligent.e ! ». A l’autre moitié : « Bravo, tu as réussi, tu as fait de gros efforts ! »

Les enfants valorisés pour leur intelligence ont eu tendance à moins bien réussir les tests suivants, et même à revoir un peu à la hausse leur score quand ils l’ont raconté à d’autres. Les enfants dont on a valorisé les efforts ont abordé les autres apprentissages avec une motivation accrue, et ont eu de meilleurs résultats. Dweck en a tiré son modèle du « mindset », ou état d’esprit, et montré qu’un état d’esprit de développement a plus d’impact que le QI sur le devenir individuel. Toute capacité se travaille et peut s’améliorer, y compris les compétences sociales, émotionnelles ou intellectuelles… à condition d’y croire et d’être prêt à y mettre les efforts nécessaires.

C’est d’ailleurs une critique récurrente faite à la définition du haut-potentiel comme trait de personnalité : il semble vous condamner à être « trop » sensible, incompris, inadapté, avec le risque de cesser d’être en mouvement, de ne plus se remettre en question, ou de se remettre en question de manière non pertinente. De ne plus penser collectif, de tout ramener à des caractéristiques individuelles. Et si on en finissait avec l’intelligence ?

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Notes

[1] Université Claude-Bernard Lyon 1

[2] Trop intelligent pour être heureux ? L’adulte surdoué, Jeanne Siaud-Facchin (2008), Odile Jacob, 320 p., 23,50€

[3] Université Catholique de Louvain (Belgique).

[4] Université Lumière-Lyon 2, ENS de Lyon, Université Jean-Monnet Saint-Etienne.

PPour aller plus loin

  • Régulation émotionnelle et haut potentiel, Sophie Brasseur, docteur en psychologie et assistante au Département éducation et technologie de l’Université de Namur – déc. 2013 – enregistrement de la conférence en ligne
  • Les surdoués ordinaires, Nicolas Gauvrit, PUF, 2014 (284 pages, 19€)
  • Le paradoxe des enfants surdoués, Guénolé F., Baleyte J.-M., Revue de neuropsychologie, 2017/1 (Volume 9), p. 19-26
  • La petite noblesse de l’intelligence. Une sociologie des enfants surdoués, Wielfried Lignier, La Découverte, 2012 (360 p., 25€)
  • Le secret des performants, Nusbaum Fanny, Odile Jacob, 2021 (350 p., 22,90€)
  • Hemispheric Differences in White Matter Microstructure between Two Profiles of Children with High Intelligence Quotient vs. Controls : A Tract-Based Spatial Statistics Study, Nusbaum F. et al., Frontiers in Neuroscience, 2017, Volume 11
  • Psychologie du haut potentiel. Comprendre, identifier, accompagner, Gauvrit N. et Clobert N., De Boeck Supérieur, 2021 (512 p.)

Sous le regard des chercheurs, la faune égyptienne se révèle | Un article Pop’Sciences

SSous le regard des chercheurs, la faune égyptienne se révèle | Un article Pop’Sciences

Plusieurs dizaines de millions de momies d’animaux sacrifiés aux dieux égyptiens ont été découvertes dans les catacombes de la vallée du Nil. 2500 d’entre elles ont trouvé refuge à Lyon, au sein des collections du musée des Confluences. Depuis huit ans, elles sont le sujet d’études atypiques de physiciens et de chimistes qui, en collaboration avec les archéologues, cherchent à mieux comprendre le culte dont ces animaux ont fait l’objet. Enquête au pays des thanatopracteurs, point de départ : la réserve Lortet.

Un article rédigé par Caroline Depecker, journaliste,

pour Pop’Sciences – 11 décembre 2020

Le bruit sourd du ventilateur, chargé d’assécher l’air de la pièce, étouffe quelque peu celui des feuilles de papier de soie. De ses mains gantées, Didier Berthet extirpe délicatement un ibis brunâtre du tiroir blanc : il semble dormir paisiblement, d’un sommeil vieux de presque 3000 ans. L’oiseau a les ailes repliées sur son ventre, la tête tournée sur le côté. « Emmaillotés dans leurs bandelettes, certains de nos ibis momifiés prennent alors une forme qui ressemble à celle d’un gros « cornet de glace » », commente le conservateur du musée des Confluences. Il sourit : « C’est ainsi, qu’entre nous, on désigne ce type de momies ».

Ibis sacré momifié, momie « cornet de glace » / © Romain Amiot/LGL-TPE/CNRS

Pénétrer la « réserve Lortet », c’est faire un grand bond dans le temps et l’espace. Arpenter, non les pyramides des Pharaons, mais leur environnement naturel et aller à la rencontre de la faune de l’époque. Crocodiles, chats, chiens, gazelles, musaraignes, poissons, faucons… Rangées soigneusement le long des murs ou dans des étagères, figées, les momies semblent dans l’attente de renaître. Une expérience troublante. Elles sont près de 2500, ramenées d’Égypte au début du 20e siècle par Louis Lortet, alors directeur du Muséum de Lyon. Cette collection est, hors son pays d’origine, la plus importante au monde. Qualifiée d’un point de vue zoologique par le scientifique lyonnais, elle a donné lieu récemment à un vaste programme de recherche associant sciences humaines (égyptologie, archéozoologie) et sciences de la vie ou de la matière. De 2013 à 2018, à travers le projet MAHES, de nombreux experts se sont penchés sur les momies, et ont levé un coin du voile sur le culte dont leurs animaux ont fait l’objet. Les études se poursuivent aujourd’hui, livrant des informations précieuses.

L’industrie funéraire des momies sacrées et ex-votos

Dans les croyances de l’Égypte ancienne, les divinités peuvent s’incarner sous forme animale : l’esprit divin anime le corps de son animal totem, lequel est reconnaissable à certains traits distinctifs. Sacré, celui-ci est élevé et choyé dans un temple avec toutes les attentions dues à un dieu (offrandes, visites des fidèles). Mort, son corps est préservé par momification pour que l’esprit puisse évoluer dans l’au-delà. Associé à une divinité zoomorphe, sans pour autant être son incarnation, un animal momifié aurait pu aussi être offert à un dieu en guise d’ex-voto, c’est-à-dire dans l’espoir qu’une prière soit entendue. « A la différence d’une momie sacrée, dans le cas de la momie votive, l’animal devient important après sa mort, explique Camille Berruyer, archéozoologue doctorante au laboratoire Archéorient1 de Lyon et à l’ESRF2. C’est le médium-cadavre, frais ou pas, qui est utilisé pour certains rites dont on ne sait pas grand-chose en réalité. » Cette différence de statut jouait-elle sur les pratiques liées à la momification ? Pour la chercheuse, « la question est complexe et reste largement ouverte ». Et elle n’est pas la seule.

Paul Tafforeau, scientifique ESRF, paléontologue et Camille Berruyer, doctorante, sur la ligne BM05 de l’ESRF, lors de l’étude d’une autre momie.
/ © Pierre Jayet

Plusieurs dizaines de millions de momies animales ont été mises au jour dans des catacombes de la vallée du Nil et témoignent d’une intense ferveur religieuse. Pendant les 1000 ans qu’a duré cette véritable « industrie » funéraire (du 7e siècle av. J.-C. jusqu’à l’époque romaine, 1er-3e siècle ap. J.-C.), comment les Égyptiens se sont-ils approvisionnés en matière première ? Des traces archéologiques témoignent du recours à l’élevage intensif pour certaines espèces dont les animaux domestiques : les « fermes à chats » en sont un bon exemple. Pour la faune sauvage, la réponse s’avère plus délicate.

Sur les traces des oiseaux migrateurs

Publiée en septembre, une étude confirme ce que suggèrent des fresques murales : les Égyptiens pratiquaient de façon massive la chasse aux ibis et aux rapaces afin d’honorer, respectivement, Thot (dieu de la science et inventeur de l’écriture) et Horus (dieu protecteur des pharaons). Une pratique qui a dû exercer une pression écologique forte sur l’avifaune de l’époque. Pour arriver à cette conclusion, des scientifiques de l’Université Claude Bernard Lyon1 et du C2RMF3 ont effectué des mesures sur des fragments de plumes et d’os, prélevés sur onze momies d’ibis et neuf de rapaces. Ils en ont déterminé les compositions isotopiques, c’est-à-dire l’abondance relative en différentes versions (« lourdes ou légères ») d’éléments chimiques comme l’oxygène, le carbone, l’azote ou le strontium, et les ont comparées à une même analyse faite sur des momies d’Égyptiens contemporains des oiseaux. Leur hypothèse de travail : si les volatiles – migrateurs à l’état sauvage – étaient issus d’élevage, leur alimentation devait être homogène et d’origine locale. Cette homogénéité devrait transparaître alors dans la composition isotopique des restes d’animaux momifiés et être similaire, ou inférieure, à celle des humains. « Or, la variabilité isotopique, et donc alimentaire, observée chez les oiseaux est supérieure à celle des hommes, explique Romain Amiot, paléontologue et géochimiste au laboratoire de géologie de Lyon (LGL-TPE4) qui a participé à l’étude. Cette observation est compatible avec un environnement changeant où les oiseaux picorent ce qu’ils trouvent sous leur bec. Certaines signatures « exotiques » évoquent le comportement migratoire des rapaces sur de longues distances, les ibis voyageaient, eux, le long du cours du Nil ». Le scénario probable ? Les oiseaux étaient chassés, puis embaumés peu de temps après leur capture. « Nous n’avons pas trouvé, en effet, d’éléments suggérant une captivité prolongée, précise Romain Amiot. Mais nous ne pouvons être catégoriques, vu le peu d’échantillons prélevés afin de préserver la valeur patrimoniale des objets étudiés ».

Momie-ossement d’ibis à la patte cassée / © Caroline Depecker

 

Autopsies virtuelles de sauriens

La découverte d’ibis momifiés, à l’état d’œuf ou de juvénile, suggère que les échassiers ont pu aussi avoir été élevés. Ce que confirme Didier Berthet : « Nous avons, en section ostéologie, le squelette d’un ibis dont la patte cassée s’est ressoudée. En milieu sauvage, un oiseau blessé de la sorte n’aurait pu survivre : on a donc pris soin de lui ». Pareil schéma peut être brossé pour les crocodiles. On estime qu’une quarantaine de sauriens sacrés ont été entretenus en même temps dans des temples afin d’honorer Sobek, le dieu de l’eau et de la fertilité. On sait encore que des éclosoirs et nurseries destinés aux reptiles existaient. Cependant, en 2019, une équipe de chercheurs, dont Camille Berruyer faisait partie, a apporté la preuve que des crocodiles sauvages étaient chassés pour confectionner les momies. Une première. En utilisant la micro-tomographie à rayons X, une technique d’imagerie non destructive disponible à l’ESRF, la chercheuse et ses collaborateurs ont reconstitué l’image 3D d’une momie de crocodile vieille de 2000 ans. L’autopsie virtuelle du saurien, âgé de 3 ou 4 ans, a révélé que l’animal était mort d’un coup unique porté à la tête et qu’il avait mangé, pour dernier repas, une souris et plusieurs insectes. Un faisceau d’indices suggérant une vie sauvage au moment du décès.

Momies de bébés crocodiles rassemblées en « brochettes »
/ © Caroline Depecker

 

Élevage, chasse… Les Égyptiens n’hésitaient pas enfin à recourir aux charognes pour confectionner les momies votives. C’est l’éclairage nouveau qu’a apporté la chercheuse sur les crocodiles, en février dernier. « L’aspect extérieur d’une des momies prévues à l’étude nous avait alertés, relate-t-elle. Très mal conservée et sans bandelette, elle semblait réduite à l’état de peau tannée. On devinait un début d’incision sous la gorge. Tout cela nous indiquait que son mode de préparation était anormal ». Les images 3D révèlent que, de façon inhabituelle, tous les organes, les muscles et la majorité des os du saurien ont été retirés. La cavité interne du crâne, difficilement accessible, n’a pu être aussi bien nettoyée que le reste du corps.

En prêtant attention aux micro-détails de la membrane crânienne toujours présente, la chercheuse observe la présence d’insectes nécrophages, de 3e escouade, restés collés. « C’est à partir d’un cadavre putréfié depuis plusieurs semaines que cette momie a été préparée. Toutes les opérations qu’a subi l’animal lors de sa momification visaient à ce qu’il ne pourrisse pas davantage », conclut Camille Berruyer.

Insectes nécrophages radiographies dans un crane de crocodile (adulte en vert, larves en brun et œufs en bleu), rendus 3 D / © ESRF

La signature en carbone des baumes

Les momies « démaillotées » de Lyon sont de couleurs différentes : certaines sont brun clair, d’autres plus sombres. Des différences de coloration associées aux baumes utilisés pour les fabriquer. A partir d’une vingtaine de spécimen d’espèces variées, issus de la collection, la composition générale de ces pâtes a été déterminée. Comme pour les humains, elle renferme de la résine de pin, aux propriétés antimicrobiennes, ainsi que de la cire d’abeille, des graisses animales ou des gommes végétales. Pourrait-on aller plus loin ? Dans le cadre des travaux de Romain Amiot, les fragments d’oiseaux investigués ont dû être « lavés » avant analyse, donnant lieu à des fractions liquides enrichies en baume et isolées. Une étude préliminaire, portant sur quatre d’entre elles (associées à un ibis et trois rapaces issus de sites différents) a montré des variations intéressantes dans la formulation des baumes. « Au contraire des rapaces, l’ibis a été embaumé sans résine de pin, commente Vincent Grossi, géochimiste au LGL-TPE4 qui a encadré l’étude. Et, d’après nos observations, le taux de carbone 13 (un des isotopes du carbone) de certaines molécules contenues dans ces baumes pourrait constituer un indicateur traduisant différentes recettes ou ateliers de momification. Ce sont de premiers résultats, mais ils nous motivent pour en savoir davantage ». La suite est prévue au printemps 2021.

Sous le regard curieux des chercheurs, les momies animales de Lyon continueront donc à nous relater leur histoire. En attendant, qu’un jour, elles puissent faire l’objet d’une exposition à la mesure de leur valeur au musée des Confluences.

Grandes momies animales (crocodiles, béliers …) conservées dans la réserve Lortet
/ © Caroline Depecker

 

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Notes :

1 Laboratoire Archéorient, environnements et sociétés de l’Orient ancien

2 ESRF – European Synchrotron Radiation Facility : installation européenne de rayonnement synchrotron située à Grenoble

3 LGL-TPE – Laboratoire de Géologie de Lyon : Terre, Planètes, Environnement

4 C2RMF – Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France

PPour aller plus loin

Diversité d’acteurs pour préserver la biodiversité des pollinisateurs | Un article Pop’Sciences

DDiversité d’acteurs pour préserver la biodiversité des pollinisateurs | Un article Pop’Sciences

Le constat est sans appel : les insectes pollinisateurs(1) tendent à disparaître, or ce déclin a des conséquences importantes sur nos vies : à l’échelle mondiale, près de 90 % des plantes sauvages à fleurs dépendent du transfert de pollen par les insectes. A l’échelle de l’Europe, ce sont 84% des cultures qui dépendent de la pollinisation. Les pollinisateurs jouent un rôle indispensable dans la production alimentaire et donc la subsistance des populations humaines. Préserver les insectes c’est avant tout prendre soin de leur habitat. CQFD : sauver les pollinisateurs, c’est œuvrer pour préserver la biodiversité du vivant et le bien-être de tous…

Un article rédigé par Nathaly Mermet, Docteur en Neurosciences,

journaliste scientifique & médicale, Lyon, pour Pop’Sciences – 30-11-2020

Tout un chacun a pu le constater en roulant en rase campagne au crépuscule : alors qu’il y a encore 10 ans en arrière le pare-brise ou la visière du casque était crépi d’insectes … cette « nuisance » n’est plus d’actualité ! Une observation assez basique, mais témoin de la diminution importante des insectes dans notre environnement.

Un modèle scientifique et poétique : le champ de lavande

©Pixabay

Ah … les champs de lavandes, teintés des couleurs de la Provence, aux parfums enivrants et égayés par le chant de ses habitants.

« Mon terrain d’expérimentation, ce sont les champs de lavandes. Été après été, j’ai été littéralement subjuguée par l’environnement sonore qui règne au milieu d’un champ quand je prélève les odeurs de fleurs » se rappelle le Dr Florence Nicolè, enseignante-chercheure au sein du Laboratoire de Biotechnologies Végétales appliquées aux Plantes Aromatiques et Médicinales – LBVpam à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne (UJM).

« Mes recherches portent sur l’étude des Composés Organiques Volatils (COVs) des lavandes, qui deviennent, après distillation, ce que l’on nomme huile essentielle de lavande. Ces composés émis par les plantes constituent une sorte de langage que nous cherchons à comprendre.»

Terrain expérimental à Chenereilles (Loire) en juillet 2020. Au premier plan, ce que l’on nomme la « pieuvre » (du fait de ces nombreuses « tentacules ») est un dispositif expérimental qui permet de capturer les odeurs émises par les inflorescences de 6 plantes différentes en même temps. Au deuxième plan, le laboratoire mobile que l’on protège du soleil et qui permet de stocker les échantillons de nectar à -78°C. / ©Florence Nicolè

« Plus de 200 molécules ont été identifiées chez la lavande. Certaines de ces molécules sont destinées à attirer les pollinisateurs. Récemment, nous avons lancé un projet de recherche multidisciplinaire et collaboratif pour faire le lien entre cette diversité de la chimie des lavandes et la diversité des insectes que l’on entend. » révèle-t-elle, soulignant que jamais personne n’a évalué le potentiel d’hébergement de la biodiversité des insectes et des araignées au sein d’un champ de lavandes, alors que ce dernier présente une réelle valeur écologique en tant qu’hébergeur d’une communauté d’arthropodes très diversifiée !

Les recherches du LBVpam visent globalement à mieux comprendre les mécanismes de production, de sécrétion et le rôle des composés organiques volatils chez les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM), et une attention toute particulière est portée parmi ces COVs aux composés terpéniques. Ainsi les trois groupes « fétiches » de PPAM des chercheurs sont-ils les roses (dont le parfum subtil est émis par les cellules épidermiques des pétales), les pelargoniums ou géraniums dont l’huile essentielle est utilisée en parfumerie et la grande famille odorante des lamiacées, parmi lesquelles les lavandes et la sauge (qui émettent des COVs grâce à des trichomes glandulaires).

Prélèvement d'insectes

Pour recenser les insectes dans les champs de lavandes, on effectue 15 minutes de prélèvements avec deux filets fauchoir. Les bourdons, certaines abeilles et les papillons sont directement comptés et relâchés. Les filets sont ensuite vidés dans une cage adaptée qui permet d’observer, de trier et de recenser les différentes espèces. La majorité des insectes sont relâchés dès qu’ils sont comptabilisés. / ©Hugues Mouret

« Notre projet de recherche actuel a deux finalités : trouver des méthodes et indicateurs plus simples pour évaluer la biodiversité des insectes et relier cette biodiversité avec celle des molécules émises par les plantes » déclare-t-elle, évoquant les fastidieux recensements de biodiversité qui impliquent chaque année beaucoup de temps, d’énergie et mobilisent de nombreuses personnes (dont des étudiants du master Éthologie de l’UJM dans le cadre de projets pédagogiques), et sont jusqu’à présent l’unique recours. L’idée développée en ce moment par les chercheurs vise à définir un indice de biodiversité acoustique des insectes, mis au point sur le modèle expérimental de la lavande. Auparavant emblématiques de la Drôme et des Alpes de Haute-Provence, les cultures de lavande « remontent vers le nord » et sont désormais de plus en plus étendues en Rhône-Alpes-Auvergne et jusque dans la Beauce. La Provence aux portes de Paris en lien avec le changement climatique ? Une « opportunité » pour les chercheurs stéphanois, à l’instar de Florence Nicolè, chercheure de terrain avec un goût prononcé pour la recherche appliquée qui affirme « on ne peut comprendre son modèle biologique sans sortir du laboratoire ; un travail d’écologue de terrain et un bon sens de l’observation sont nécessaires ».

Paysage sonore

Sandrine Moja, enseignante-chercheure au LBVpam impliquée dans ce projet, effectue des prélèvements de nectar sur les fleurs de lavande avec des microcapillaires en verre d’une contenance de 1 à 20 uL. C’est un travail de précision qui nécessite de la concentration. Certaines plantes ont été ensachées alors que les fleurs étaient encore en bouton pour éviter tout contact avec des pollinisateurs. Cela permet d’étudier l’influence de l’absence de pollinisateurs sur la composition du nectar. / ©Florence Nicolè

La recherche d’un « indice de biodiversité acoustique » implique de facto une certaine multidisciplinarité, pour ne pas parler de « biodiversité de chercheurs » ! A la poésie du paysage visuel se mêle ainsi celle du paysage sonore. Aussi, la complémentarité des compétences des laboratoires de biologie animale – Equipe de Neuro-Ethologie Sensorielle, ENES – et végétale – LBVpam –  de l’UJM s’impose-t-elle afin de créer des outils innovants utilisables par les industriels et les collectivités. Centrée sur la bioacoustique, à savoir la science des signaux sonores (animaux et humains), l’activité de l’ENES s’ancre dans l’éthologie (soit l’étude des comportements) à travers une longue tradition à la fois en neurosciences, focalisée sur les mécanismes des communications acoustiques, et en écologie. Le développement d’outils bioacoustiques pour évaluer la biodiversité s’inscrit donc naturellement au cœur de ses compétences, lesquels permettent également les mesures d’impact des environnements abiotiques et biotiques sur l’évolution des communications. « L’analyse de la complexité des profils sonores enregistrés permet de calculer des indices de diversité du signal sonore. Cette diversité sonore constitue un indicateur de la diversité des organismes qui génèrent le son » explique Florence, indiquant qu’il sera possible de comparer ses indices de diversité sonores entre des milieux ou avant/après l’application de mesures de gestion. A plus long terme, une perspective serait de réussir à identifier certaines espèces à partir d’un paysage sonore complexe. Un catalogue de sons reliant une espèce à un profil sonore sera créé et grâce au machine learning les chercheurs espèrent qu’il sera possible d’isoler un signal sonore spécifique à partir d’un profil complexe où se mêlent des dizaines d’espèces, comme un instrument de musique est repéré dans un orchestre.

Des collaborations multiples pour créer de nouveaux indices de mesure de la biodiversité

« La collaboration étroite avec des spécialistes de la reconnaissance des insectes, en l’occurrence à travers l’association Arthropologia qui réunit des entomologistes professionnels et passionnés, nous est par ailleurs indispensable » indique F. Nicolè. Agissant au quotidien pour le changement des pratiques et des comportements en menant des actions pédagogiques en faveur des insectes (auxiliaires, pollinisateurs, décomposeurs), Arthropologia est une association naturaliste qui œuvre pour la connaissance et la protection des insectes et de la biodiversité.

Scaeva pyrastri / © Hugues Mouret – Arthropologia

Issoria lathonia / © Hugues Mouret – Arthropologia

« Depuis plusieurs années nous collaborons avec Veolia sur un ancien site de stockage de déchets pour la réalisation d’inventaires de biodiversité effectués par les étudiants du master Éthologie de l’UJM. Ce projet de recherche innovant est le prolongement de cette collaboration pédagogique » déclare Florence. Ce projet vise à permettre à l’industriel de valoriser des sites de gestion des déchets et de disposer d’un indicateur simple et innovant de biodiversité des insectes pour évaluer l’effet de différentes mesures de gestion [encart 1].

Au-delà de l’expérimentation avec le partenaire industriel, « les indices de biodiversité sonores que nous allons définir dans ce projet pourront trouver des applications au sein de tous les sites industriels et auprès des communes qui souhaitent mettre en place des actions en faveur des pollinisateurs » appelle de ses vœux Florence Nicolè.

Comprendre les interactions chimiques pour développer des moyens de lutte biologiques

Cicadelles, Hyalesthes obsoletus, sur une tige de sauge sclarée (le plus etit est le mâle) / ©Florence Nicolè

Outre le phénomène de réchauffement climatique qui impacte sa physiologie et sa distribution géographique, est apparue chez la lavande une maladie qui dessèche la plante : des bactéries se développent dans le phloème, le tissu conducteur de la sève élaborée qui transporte l’eau et les nutriments. Les bactéries se multiplient et créent des bouchons, provoquant un stress hydrique à l’origine du dépérissement de la plante. La bactérie responsable, le phytoplasme du Stolbur, a pour principal vecteur un insecte piqueur suceur de la famille des hémiptères et qui ressemble à une petite cigale : la cicadelle (Hyalesthes obsoletus). Ce dépérissement à phytoplasme touche massivement les cultures de lavande et de lavandin, aussi bien en plaine qu’en montagne et tant en agriculture conventionnelle que biologique.

Florence, en collaboration avec l’Institut de chimie de Nice, le CRIEPPAM et le Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive de Montpellier (CEFE), a montré que les plantes infectées par les bactéries ont une odeur différente et qu’une molécule caractéristique des plantes infectées attirent préférentiellement l’insecte vecteur.

« Nous pensons que les bactéries modifient la chimie de la plante et lui font produire des composés qui vont attirer l’insecte vecteur, favorisant ainsi la dispersion de la bactérie. On parle de théorie de manipulation de l’hôte et c’est un phénomène qui a déjà été démontré dans d’autres cas de maladie à phytoplasme transmis par des insectes vecteurs. Dans notre cas, la démonstration expérimentale reste à mener mais nous faisons face à des verrous méthologiques (la difficulté à contrôler l’infection des plantes). »

Alors qu’il n’existe à ce jour pas de moyens de lutte biologique efficace contre cette maladie, l’idée est née de détourner la communication chimique des plantes pour contrôler les populations d’insectes vecteurs. Par exemple, utiliser des composés chimiques de plantes infectées pour créer un piège olfactif (à l’image de nos plaquettes collantes pour piéger les mites alimentaires !) qui déroutent les cicadelles des champs de lavandes. Autre possibilité : planter en bordure de champs des plantes “sacrifice” qui produisent des composés très attractifs pour les cicadelles et jouent le rôle de « paratonnerre » pour les lavandes. Tout un pan de recherche consiste à comprendre les voies de biosynthèse de ses composés chez les lavandes, ainsi que les régulations qui se mettent en place en cas de stress hydrique ou d’infection bactérienne.

« D’autres COVs fortement émis par la plante malade sont le lavandulyl acétate et le linalol, de la famille des terpènes, qui participent à l’attraction des pollinisateurs » indique Florence, précisant qu’il est donc nécessaire d’étudier l’effet des conséquences du dépérissement et de la mise en place de pièges olfactifs sur la biodiversité des communautés d’arthropodes présents dans les champs de lavandes.  Ce qui est déjà clairement établi c’est que les pesticides de synthèse décriés depuis près de 40 ans ne peuvent être utilisés pour lutter contre la maladie du dépérissement de la lavande. En effet, le pic de vol des cicadelles correspond à la pleine floraison des lavandes et donc à une abondance maximale de pollinisateurs. C’est aussi la période de transhumance des abeilles domestiques dans les champs de lavande pour la production du miel de lavandes. Il est donc inenvisageable de tuer toute la biodiversité des insectes présents sur la lavande alors qu’on ne cible que les cicadelles.  De plus, plus globalement, les pesticides de synthèse ont un impact néfaste sur la biodiversité, la qualité de l’eau, des sols et la santé, et que les actions politiques internationales[encart 2] et locales[encart 3] doivent défendre la biodiversité.

Prairie fleurie

©Piqsels

« Nous avons choisi le champ de lavandes comme terrain expérimental, car c’est un terrain que nous connaissons très bien. Cependant, nous savons qu’une communauté de plantes diversifiées permet une plus grande diversité de pollinisateurs » insiste Florence, fascinée par le langage des plantes et qui avoue rêver de trouver la pierre de rosette de la communication des plantes et de disposer d’un traducteur ! Elle souligne que les abeilles domestiques sont la partie émergée de l’iceberg, mais qu’il reste à comprendre et évaluer la valeur écologique d’un champ. Ce qui nous amène à la conclusion « évidente » : la biodiversité doit appeler la biodiversité dans une spirale vertueuse qui est une transposition de l’Évolution.

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Note :

(1) Pollinisateurs… les acteurs de la pollinisation ! Rappelons que la pollinisation consiste au transport d’un grain de pollen d’une étamine (soit l’organe reproducteur mâle de la plante) vers un pistil (soit l’organe femelle) d’une autre fleur de la même espèce, assuré par le vent ou les animaux, dont essentiellement les insectes.

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          Encart 1

         Cas d’école : comment Veolia bénéficie de recherches menées à l’UJM

Plantations par les employés de Veolia, volontaires, des plants de lavandes et de lavandins. Ces plants serviront en 2021 à mesurer l’indice de biodiversité sonore des insectes qui pourra être comparer aux autres sites étudiés (Chenereilles, CRIEPPAM, Site Explora au cœur de la ville de Saint-Etienne). / ©Veolia

« Un projet innovant, en collaboration avec l’Université Jean Monnet (Saint Étienne) est actuellement mené sur notre site de Montbrison, qui est un centre de tri et déconditionnement de biodéchets industriels principalement alimentaires, où 170  plants de lavandes et de lavandins ont été plantés par les salariés en mai 2020, sous la direction attentive de Florence Nicolè » déclare Camille Ginestet, Chef de projets / Coordinateur biodiversité à la Direction Technique Rhin Rhône de Veolia Recyclage & valorisation des déchets. Veolia accompagne financièrement le projet de recherche mené par l’Université, en fournissant un terrain expérimental, des plantes et de la main d’œuvre. Dans ce mutualisme à bénéfices réciproques, les chercheurs vont essayer par le biais d’enregistrements sonores, de créer un indicateur simple et innovant de mesure de la biodiversité des insectes. En parallèle des recherches qui seront menées sur la communication chimique des lavandes et l’analyse de la qualité du nectar, les communautés d’arthropodes seront recensées et les signaux acoustiques émis par ces communautés seront inventoriés. « Chez les insectes, il est possible de détecter différents types de sons : stridulation pour les grillons, sauterelles, criquets ou coléoptères, percussion chez les termites, bourdonnement des ailes chez les moustiques, bourdons et abeilles… » rappelle Camille. Le projet, qui implique de façon volontariste les salariés de Veolia dans un “Team building vert” sur leur lieu de travail,   permettra à Veolia, s’il aboutit à une application développable, de valoriser des sites de gestion des déchets et de disposer d’un indicateur simple et innovant pour évaluer l’effet dans le temps des différentes mesures de gestion des espaces non imperméabilisés sur les sites.

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Encart 2

         Une prise de conscience internationale portée par l’UICN

Généraliser les pratiques et techniques alternatives à l’utilisation des pesticides de synthèse

Une recommandation pour généraliser les alternatives aux pesticides

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          Encart 3

        Action politique locale

Outre la végétalisation des espaces publics et privés, la politique de la Métropole de Lyon affiche la mise en place d’un plan pollinisateurs. En faisant l’acquisition de foncier, elle souhaite multiplier les sentiers-nature accessibles au public tout en protégeant les espaces naturels de son territoire. A l’instar du nouveau sentier nature « Retour aux sources » qui relie Cailloux-sur-Fontaine à Fontaines-Saint-Martin le long du ruisseau des Vosges et s’inscrit dans la stratégie à long terme de la métropole en matière de lutte contre le réchauffement climatique, de végétalisation et de protection et préservation des espaces naturels du territoire.

PPour aller plus loin

Patrimoine géologique : des histoires particulières racontées par les cailloux | Un article Pop’Sciences

PPatrimoine géologique : des histoires particulières racontées par les cailloux | Un article Pop’Sciences

Notion assez peu connue, celle de patrimoine géologique fait référence aux sites naturels dotés d’un intérêt géologique …ou parfois même de “curiosités géologiques” comme des traces de vie antérieures (par exemple, des empreintes de pas de dinosaures !) ou des mouvements particuliers de la Terre, dont la mémoire est gravée de façon spectaculaire dans les paysages. Pourquoi est-t-il important de protéger et valoriser ce patrimoine au-delà des sites naturels déjà recensés? Les Géoparcs en font leur cheval de bataille !

Un article rédigé par Nathaly Mermet, Docteur en Neurosciences,

journaliste scientifique & médicale, Lyon, pour Pop’Sciences – 29-10-2020

De l’échelle micro- à macroscopique, l’exploration du patrimoine géologique fait appel à toutes les disciplines des sciences géologiques qui consistent à « parler de la Terre » (du grec geo-logos, racine de la géologie) : sédimentologie, paléontologie, minéralogie, tectonique, géomorphologie, pétrologie, stratigraphie, hydrogéologie, etc. sont à la source de la collecte d’indices. Celles-ci s’inscrivent dans un champ d’exploration encore plus vaste que sont les géosciences [encart 1].  « Le travail du géologue est d’apporter les connaissances de base sur la compréhension des processus et phénomènes géologiques, et de construire le socle du savoir qui servira à l’interprétation » rappelle Clément Cazé [voir minibiographie – encadré ci-contre], chargé de projet Géoparc Beaujolais [encart 2]. Parfois dénommé « géopatrimoine », le patrimoine géologique se distingue du patrimoine naturel dans le sens où il englobe à la fois les sites naturels présentant un intérêt géologique, mais aussi les « objets » symbolisant la mémoire de la Terre : roches et minéraux, structures, indices des climats anciens et d’évolution des sols ou sous-sols et bien sûr, traces de vie (fossiles, habitats, mines…). Une subtilité pleine de sens.

 

De la protection à la valorisation : l’enjeu du juste équilibre

Fossiles Espace Pierres Folles, Saint-Jean-des-Vignes@deBeauxLentsDemains

Le caractère patrimonial, scientifique, pédagogique, historique ou autre d’un territoire peut justifier de son recensement dans le cadre d’un inventaire du patrimoine naturel. Il va alors s’agir de trouver le compromis « parfait » entre la valorisation, qui passe par la communication auprès du public, et la protection eût égard à sa fragilité. « Dès lors que des sites deviennent connus, se pose le problème de la (sur)fréquentation et de dégradations potentielles » pointe C. Cazé, soulignant que l’enjeu de l’inventaire d’un territoire est avant tout de mieux connaître pour mieux protéger. Mieux le prendre en compte dans la protection des espaces est le leitmotiv des Géoparcs. Par exemple, les empreintes fossilisées de pas de dinosaures, à l’instar de la piste d’un théropode gigantesque datant de -155 millions d’années (traces du site de Loulle, dans le Jura, et de Plagne, dans l’Ain), représentent un patrimoine fragile voué à disparaître s’il n’était pas protégé. « Dans le Beaujolais comme ailleurs, il existe des sites naturels sensibles pour la faune et la flore qu’il nous appartient d’identifier pour les préserver » insiste-t-il.

Géoparc mondial UNESCO : un nouveau label pour quoi et pour qui ?

La carrière de Glay et sa pierre calcaire de couleur dorées. Saint-Germain-Nuelles / ©Gael Fontaine

Des mal pensants pourrait imaginer que lorsque l’on n’a pas le Mont Blanc sur son territoire, il faut s’inventer une distinction ! L’idée en est loin : « Géoparc » est un réseau mondial lancé à l’échelle européenne en 2000 qui rassemble aujourd’hui 161 Géoparcs à travers 44 pays, dont 7 en France. Il convient de poser les définitions pour comprendre la différence : le statut de Parc Naturel Régional (PNR) est octroyé par l’État et les collectivités, et une charte d’engagement est signée par tous concernant le développement et l‘aménagement du territoire (par exemple, pour soutenir les agriculteurs sur les territoires ruraux). Les Parcs Nationaux concernent quant à eux des territoires protégés de l’action de l’Homme, tels les Cévennes, les Calanques de Cassis, de Marseille ou encore de Piana. Enfin, le label territorial de Géoparc est donné par l’Unesco. « Il faut déposer un dossier de candidature argumenté pour obtenir ce label, accordé pour 4 ans, et souvent les PNR sont aussi labellisés Géoparc » indique C.Cazé, soulignant que pour le Géoparc du Beaujolais, dont c’est la seule distinction, elle est précieuse [encart 2].

Des pierres aux pouvoirs magiques ?

Minéraux de Lantignié / ©Jean-Claude Fourez

Le Géoparc du Beaujolais recèle plusieurs anciennes mines dans lesquelles il est encore possible de trouver de magnifiques cristaux de fluorite et barytine, et si l’objectif des chercheurs est de faire parler les cailloux pour comprendre le patrimoine géologique, la fascination pour les pierres et minéraux mène aussi à certains fantasmes pour leur attribuer des propriétés plus ou moins exotiques. Une tendance actuelle forte dans nos sociétés en manque de repères qui ont besoin de se rattacher à la Terre et aux pierres …mais certaines croyances sont parfois bien loin de la science.

Ainsi les défenseurs de la lithothérapie racontent qu’« une pierre portée en bijou ou au creux de la main enclenche un processus de résonance vibratoire qui stimulera les minéraux dans le corps pour pallier d’éventuels dysfonctionnements organiques ! » La revendication portée est que « chaque pierre possède une vibration qui lui est propre et nous pénètre de son énergie en activant nos portes énergétiques, c’est-à-dire nos chakras ».

Qu’en pense les géologues ? Le vrai du faux avec Vincent Balter, Directeur de recherche au sein du Laboratoire de Géologie de Lyon – Terre Planètes et Environnement (LGL – TPE) à l’ENS de Lyon  [voir minibiographie ci-contre]. « Une pierre est une structure cristallographique qui se répète et qui ne vibre pas si on ne l’excite pas. La lithothérapie n’a donc aucun fondement scientifique » dénonce-t-il, rappelant par ailleurs qu’il faut certaines conditions physiques, notamment un dipôle, pour créer un champs magnétique… démontant un autre argument parfois avancé. « Au laboratoire, nous sommes très rationalistes et, autant le créationnisme est un combat, car les dérives peuvent être dangereuses, autant la lithothérapie ne fait pas débat » déclare-t-il, soulignant que dans la mesure où il n’y a pas de remboursement par la sécurité sociale elle ne porte pas préjudice à la société ! La réponse scientifique est donc sans appel : sauf à avaler les cailloux et donc à absorber les minéraux dont ils sont riches (fer, manganèse, soufre, etc.) il n’y a aucune incidence sur la santé à les toucher. Nombreuses sont en revanche les pierres utilisées en joaillerie et mises en valeur dans des parures très esthétiques…

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          Encart 1

          Les géosciences : des sciences braquées sur notre planète Terre

Rassemblant toutes les disciplines de l’étude de la Terre et de son fonctionnement, les sciences géologiques, ou géosciences, couvrent 4 champs : la lithosphère (croûte terrestre), l’hydrosphère (ensemble des eaux à la surface du globe), l’atmosphère (couche d’air permettant la vie) et enfin la biosphère (faune et flore vivant sur Terre).

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          Encart 2

         Zoom sur le Géoparc du Beaujolais

« La démarche pour aller chercher le label Géoparc mondial UNESCO a quasiment démarré de zéro pour le Beaujolais, dont la géologie n’est à première vue pas visible comme dans le massif alpin, par exemple » déclare Clément Cazé, ajoutant : « Mais la géologie du Beaujolais s’exprime dans les paysages, les milieux naturels ou agricoles, elle est visible dans le patrimoine bâti des villages, et est de fait une grande composante de l’identité du territoire ».

Le Géoparc du Beaujolais répond en effet au concept de Géoparc qui repose sur la notion de patrimoine géologique au service du développement des territoires ruraux et véhicule 4 grandes valeurs que sont la protection, l’éducation, la valorisation et le travail en réseau. « Nous développons une étroite collaboration au sein des réseaux et abordons ensemble des aspects techniques de fond lors des rencontres scientifiques telles la RST (Réunion des sciences de la Terre) » précise Clément Cazé. « La reconnaissance par l’UNESCO nous apporte une certaine notoriété et nous conforte dans la démarche de mise en valeur de notre patrimoine et de nos sites géologiques » se réjouit-t-il.

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PPour aller plus loin

  • 27e édition de la Réunion des Sciences de la Terre (RST) : reportée du 18 au 22 oct. 2021 au centre de Congrès de Lyon impliquant l’Université Claude Bernard Lyon 1, le Laboratoire de géologie de Lyon, Terre, Planètes, Environnement – LGL – TPE (CNRS, ENS de Lyon, UdL, UCBL), l’ENS de Lyon et l’Université Jean Monnet Saint-Étienne – UJM.

Organisée depuis 1973 sous l’égide de la Société Géologique de France, la RST est LE congrès national bisannuel qui couvre l’ensemble des géosciences, rassemblant les acteurs du monde industriel, de l’enseignement et de la recherche. Il s’agit d’un moment de prédilection pour transmettre les résultats des dernières études, présenter les grands axes de développement et communiquer en matière de savoir-faire et d’innovation. L’occasion aussi pour les professionnels du secteur de rencontrer les spécialistes des différents domaines des géosciences, créer une dynamique d’échanges, prendre contact avec de futurs partenaires et communiquer sur les métiers et carrières des Sciences de la Terre.

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