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L’intelligence artificielle : nouvelle alliée pour sauver nos ressources en eau ? | #3 – Dossier Pop’Sciences : Les actualités de l’eau

LL’intelligence artificielle : nouvelle alliée pour sauver nos ressources en eau ? | #3 – Dossier Pop’Sciences : Les actualités de l’eau

L’intelligence artificielle (IA) est une alliée discrète mais essentielle dans notre quotidien. Bien que son rôle dans la robotique et la santé soit bien établi, son implication dans la gestion de l’eau l’est beaucoup moins. Pourtant, des réseaux de distribution d’eau aux satellites en passant par le suivi des polluants, l’IA révolutionne notre compréhension et notre capacité à préserver cette ressource. Quels progrès permet-elle ? Sommes-nous prêts à l’intégrer pleinement à notre gestion de l’eau ? Jusqu’où devons-nous lui faire confiance ? Plongeons ensemble au cœur du débat.

Un article rédigé par Sonagnon Donald Boko, Romain Dopierala et Louis Estienne, étudiants du master 2 IWS de Lyon et la classe de terminale BFI du lycée Jean Perrin (Lyon) de Mr Jonatan Christiansen (la liste des élèves est mentionnée en fin d’article) – Avril 2025.

L’eau est une ressource vitale, mais elle fait face à de nombreux défis liés au changement global, notamment l’urbanisation et le changement climatique, qui entraînent des épisodes de pollution, de sécheresse et d’inondation. Pour y répondre, l’intelligence artificielle (IA) propose des solutions innovantes et ouvre de nouvelles perspectives.

En analysant des données fournies ou collectées par des capteurs, l’IA traite l’information, résout des problèmes et détermine les actions les plus adaptées. Ses applications sont variées : l’IA prédictive permet d’anticiper des événements météorologiques ; l’IA embarquée, intégrée dans des objets connectés autonomes, facilite la surveillance des milieux aquatiques et de la biodiversité à distance ; enfin, l’IA générative, désormais bien connue avec des outils comme DALL·E ou ChatGPT, créée du contenu textuel ou audiovisuel.

L’intelligence artificielle suscite des perceptions diverses, influencées par les expériences personnelles et professionnelles de chacun. Si elle transforme déjà notre quotidien, quel est son impact concret sur la gestion de l’eau et de l’environnement ?

Observer et comprendre l’eau depuis le ciel

Grâce aux satellites comme Landsat ou Sentinel-2, il est désormais possible d’observer l’environnement à grande échelle avec une précision inédite en enregistrant diverses images essentielles, c’est la télédétection. Cependant, le traitement d’une telle quantité de données requiert des ressources considérables. C’est ici que l’IA intervient, par exemple, en filtrant les images dès leur acquisition (elle élimine celles où le couvert nuageux est trop important).

Pour le suivi des sédiments fluviaux, l’IA permet de détecter leurs différentes tailles, une tâche laborieuse et ponctuelle sur le terrain. Or, la taille des sédiments est un paramètre clé pour comprendre la dynamique fluviale. Lorsque l’apport naturel en sédiments – qu’il s’agisse de sable, d’argile ou de galets – diminue, le cours d’eau compense en érodant les berges et son lit. Cette érosion fragilise les rives et perturbe l’équilibre entre l’eau de la rivière et la nappe souterraine. Ce phénomène a des répercussions majeures, non seulement sur la préservation des écosystèmes aquatiques, mais aussi sur les usages humains, notamment l’approvisionnement en eau et l’hydro-électricité.

Granulométrie réalisée par Galet ©Styx4D

Ici, l’IA Galet développée par Styx4D permet d’établir la granulométrie d’un banc de galets avec un gradient de couleur (a – sur l’image ci-dessus) : rouge pour les plus grossiers, bleu pour les plus petits. En bas à droite (b – sur l’image ci-dessus), on retrouve un zoom sur le fonctionnement de l’IA, entraînée pour recomposer les galets partiellement visibles, pour avoir une plus juste mesure.

Autre exemple, en agriculture, l’IA analyse des cartes d’humidité des sols et de structure des sols – qui reflète la capacité à retenir l’eau – pour recommander aux agriculteurs le meilleur moment pour arroser et la bonne quantité d’eau à utiliser. Cela assure une meilleure croissance des cultures, tout en préservant les ressources en eau.

Lutter contre les fuites d’eau

En France, 20 % de l’eau potable transportée dans le réseau de distribution est perdue. Ce qui représente des millions de litres gaspillés chaque année et engendre un coût économique et environnemental considérable. Ce problème, souvent méconnu, nécessite des solutions efficaces pour limiter ces pertes. Grâce à l’IA intégrée aux capteurs connectés des canalisations, les fuites sont désormais détectées en temps réel avec une grande précision. Ces algorithmes permettent d’intervenir rapidement avant qu’elles ne s’aggravent, réduisant ainsi les coûts de maintenance et anticipant même certaines défaillances avant qu’elles ne surviennent.

Prédire et prévenir les pollutions aquatiques

L’IA joue également un rôle clé dans la surveillance des réseaux d’eaux usées, en aidant à détecter les fuites qui peuvent être sources de pollution. Par exemple, des caméras connectées à des systèmes d’IA sont capables d’analyser l’état des canalisations et d’identifier d’éventuelles défaillances, permettant ainsi d’intervenir avant qu’une fuite ne se produise. L’entreprise suisse Pallon développe notamment des technologies innovantes dans ce domaine.

Évaluation de l’état d’une canalisation d’eau usée ©e.g. Pallon Ltd., Zurich, Switzerland.

Plus largement, la qualité de l’eau est un élément fondamental des écosystèmes aquatiques, et sa pollution constitue une menace majeure pour l’environnement et, par extension, pour la santé humaine. L’IA est essentielle dans l’analyse prédictive des événements futurs et la modélisation de scénarios. Grâce à ses capacités de calcul avancées, elle permet d’identifier le scénario le plus pertinent en fonction des critères définis.

En croisant les données des capteurs de qualité de l’eau et des images satellites, l’IA identifie l’origine des pollutions (industrielles, agricoles ou accidentelles). Elle permet également de suivre et modéliser la dispersion des polluants, afin d’anticiper leur évolution et d’alerter les autorités avant que la situation ne devienne critique.

De même, le réchauffement des cours d’eau met en péril la biodiversité aquatique et exacerbe les effets des pollutions organiques (engrais, rejets des stations d’épuration…). De nombreux organismes, comme les poissons, sont extrêmement sensibles aux variations de température. Là encore, l’IA joue un rôle clé en améliorant la modélisation de la température des cours d’eau selon différents scénarios. Ce qui aide à la mise en place de mesures de protection, telles que la revégétalisation des berges pour limiter le réchauffement de l’eau.

Générer pour mieux gérer

Après avoir exploré l’impact de l’IA embarquée et prédictive sur les sciences de l’eau, penchons-nous à présent sur l’IA générative à travers deux exemples concrets. Pour faire évoluer Galet, vu précédemment, l’amélioration des modèles d’IA a nécessité un entraînement supervisé approfondi. Les images réelles et annotées disponibles ne suffisaient pas : elles étaient trop peu nombreuses, manquaient de diversité et ne permettaient pas une bonne compréhension des surfaces partiellement visibles. Cette limitation a conduit à la décision de générer des images encore plus réalistes que celles utilisées initialement. Grâce à l’utilisation de Stable Diffusion, des images photoréalistes ont été créées, avec des dimensions des galets connues, permettant ainsi d’entraîner le nouveau modèle de manière optimale. Les jeux de données générés par Styx4D sont présentés ci-dessous.

Données d’entraînement générées (à droite) par Stable Diffusion. Les masques colorés (à gauche) sont les contraintes que l’image générée a dû suivre, permettant ainsi de constituer le jeu d’entrainement ©Styx4D.

Un autre domaine où l’IA générative trouve des applications intéressantes est l’aide à la décision. Un exemple concret de cette application est celui des étudiants du Master Integrated Watershed Sciences de H2O’Lyon, qui ont utilisé Fooocus AI pour générer des images à partir d’une image de bonne qualité. L’IA, lorsqu’elle reçoit un « prompt » — instructions données à l’IA pour générer du contenu. — modifie l’image en fonction de ces instructions.

L’implémentation des solutions fondées sur la nature nécessite souvent des supports visuels pour faciliter la communication et la projection de ces aménagements entre les différents intervenants — urbanistes, gestionnaires des eaux pluviales ou citoyens. Par exemple, pour la place Bellecour, les suggestions, étaient l’intégration d’arbres en pot ou en pleine terre, de pelouses, mais aussi l’optimisation de la circulation piétonne au sein de structures végétales (jardins à la française) et l’intégration d’espaces polyvalents tels que des aires de loisirs ou des terrains de sport.

Images générées de la place Bellecour à Lyon selon différents aménagements. ©H2O’Lyon

Ces visuels jouent également un rôle essentiel dans la sensibilisation des citoyens et des responsables politiques aux effets du changement climatique et à son impact sur des espaces urbains emblématiques. Enfin, deux scénarios de catastrophes naturelles ont été générés : une simulation de sécheresse sur le lac du parc de la Tête d’Or et une autre d’inondation dans le quartier de l’Hôtel-Dieu.

Génération d’un scénario de sécheresse sur la lac de la Tête d’Or, Lyon. ©H2O’Lyon

Génération d’un scénario d’inondation à l’Hôtel-Dieu, Lyon. ©H2O’Lyon

Vers une gestion intelligente et responsable de l’eau

L’intelligence artificielle présente un fort potentiel, mais soulève également des défis majeurs, qui ne sont pas uniquement technologiques, mais aussi sociétaux et environnementaux. L’IA, fondée sur des algorithmes, hérite des biais des données utilisées pour son apprentissage. Si ces données sont incomplètes ou biaisées, les résultats peuvent être faussés. Un autre défi majeur est l’effet « boîte noire » : certains modèles d’IA manquent de transparence, rendant leurs décisions difficiles à expliquer, ce qui freine leur adoption en toute confiance. Ces limites alimentent des préoccupations sociétales et éthiques, notamment en matière de transparence et de confiance dans ces technologies.

À cela s’ajoute un enjeu environnemental, particulièrement pertinent dans le domaine des sciences de l’eau : par exemple, l’entraînement de ChatGPT-3 a consommé 1 287 MWh d’électricité, générant 552 tonnes de CO₂, soit l’équivalent de plus de 300 allers-retours Paris-New York !

Malgré ces défis, l’IA peut être une alliée stratégique, à condition d’être encadrée par des principes solides. Elle ne doit pas remplacer l’intelligence humaine, mais la compléter. Sa gouvernance et son développement nécessitent une supervision rigoureuse et des outils de contrôle adaptés. Pour cela, la communauté scientifique a identifié cinq piliers fondamentaux : la justice, pour garantir une représentation équitable des minorités ; l’explicabilité, afin de rendre ses décisions compréhensibles ; la robustesse, pour éviter erreurs et dérives ; la transparence, afin d’assurer un usage responsable ; et la protection des données, pour préserver leur confidentialité.

Quoi qu’il en soit, les sciences de l’eau n’ont pas fini d’évoluer !


Pour aller plus loin


Ont participé au travail d’écriture de cet article, en collaboration avec Sonagnon Donald Boko, Romain Dopierala et Louis Estienne, étudiants du master 2 IWS (par ordre alphabétique) : Al Barazi Omar, Ayadi Aya, Bolitho-Cummins Frédérick, Deglon Thomas, Desire-Piombo Pia, Hainaut Niagara , Mezrar Ilyan, Nedelec-Spencer Gaëlle Anne, Keissy Léna, Petit Melina and Thiery Yaelle.

E-learning Des rivières et des villes

EE-learning Des rivières et des villes

L’urbanisation massive transforme nos territoires à un rythme sans précédent, exerçant une pression croissante sur les rivières et les milieux alluviaux. Ces changements fragilisent les ressources en eau et posent des défis majeurs en termes de résilience et d’adaptation face au changement climatique.

Comment et pourquoi concilier le développement urbain et la préservation des écosystèmes fluviaux ?
Ce cours vous propose d’explorer l’impact de l’urbanisation des plaines alluviales sur la satisfaction des besoins vitaux, les risques sanitaires et environnementaux et la qualité de vie. Vous y découvrirez également des solutions concrètes pour mieux intégrer les rivières dans un développement urbain durable.

Des exemples provenant de différents continents illustreront ce cours et vous donneront une vision globale de ces enjeux.

Ce cours vous permettra d’aborder ces enjeux au travers d’une multitude de disciplines : hydrologie, hydraulique, écologie, géomorphologie, sociologie, droit et sciences politiques.

 > Format 

  • 5 semaines de cours et témoignages
  • 25 vidéos de 6 minutes soit autour de 2h d’investissement par semaine pour les apprenants
  • Des intervenants experts de leur domaine et du monde entier
  • Des quizz pour valider les semaines et un forum
  • 1 webinaire de fin
  • Gratuit avec attestation de suivi
  • Une nouvelle séquence chaque semaine accessible jusqu’au 1er juin.

> Prérequis et langue

  • Ce e-learning s’adresse aux étudiants, professionnels du secteur de l’eau ou toute personne intéressée par ces enjeux
  • Les cours sont accessibles à toute personne ayant de l’intérêt pour le sujet et un minimum de connaissances scientifiques
  • Français pour la 1re édition du 22 avril 2025, puis également anglais et espagnol pour la 2e édition (automne 2025 ou printemps 2026).

>> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site :

H2O’Lyon – Université de Lyon

Toujours plus de consommation d’hydrocarbures pour l’IA ?

TToujours plus de consommation d’hydrocarbures pour l’IA ?

L’intelligence artificielle, et plus généralement le numérique, demandent des capacités énergétiques de plus en plus massives. Comment allier lutte contre le changement climatique, souveraineté et sécurité ?

Au moment où le président américain signait l’executive order visant à assurer la domination américaine sur l’intelligence artificielle, l’irruption du chatbot chinois DeepSeek a semé une vague de panique. Les marchés de la tech et de l’énergie ont accusé le coup, propulsant Nvidia, qui produit des composants essentiels pour l’IA, dans une chute de presque 600 milliards de dollars, la plus grande perte de l’histoire en un jour.

Il a suffit d’une innovation chinoise se revendiquant d’une plus grande frugalité, tant dans son développement que pour son fonctionnement, pour chahuter la course à l’intelligence artificielle. DeepSeek ouvre la voie pour des développements moins gourmands en calcul.

Le développement de l’intelligence artificielle et de manière plus générale de l’industrie numérique est l’une des toutes premières priorités tant pour les États-Unis que pour la Chine.

Dans la rivalité qui se joue entre les deux superpuissances, c’est une nécessité à la fois pour assurer leur sécurité intérieure et pour projeter leur puissance hors frontières. La croissance des besoins énergétiques de ces industries est donc une question secondaire, même si elle doit conduire à une augmentation de la production d’hydrocarbures. Aucune politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne pourra ignorer cet ordre de priorité.

Depuis la COP de Paris, une grande publicité a été accordée à l’objectif de transition énergétique et par conséquent de réduction de l’exploitation des hydrocarbures. Pour autant leur consommation n’a cessé d’augmenter. Les États-Unis, premier producteur mondial, ont continuellement augmenté leur production depuis le mandat du président Obama.

Cette contradiction entre les politiques et les intentions est problématique. Selon le Global Carbon Project, les émissions mondiales de carbone provenant des combustibles fossiles ont atteint des niveaux record en 2023. Un rapport du Programme des Nations unies pour l’Environnement de novembre 2023 estime que les gouvernements prévoient de produire en 2030 le double des combustibles fossiles par rapport à la quantité permise pour limiter le réchauffement à 1,5 °C. Les émissions annuelles mondiales de dioxyde de carbone dépassent 40 milliards de tonnes, principalement issues des combustibles fossiles. Elles ont augmenté de 1,5 % par rapport aux niveaux prépandémiques.

L’élection de Trump marque un tournant

Cette contradiction pourrait toutefois connaître prochainement une forme de résolution, mais dans une forme qui pourrait surprendre. Elle se fera en faveur de l’alignement des discours sur la réalité de l’augmentation des besoins énergétiques, et non l’inverse. Il ne s’agira donc pas de l’alignement des politiques sur les objectifs du développement durable. Les efforts actuels de réarmement sonnent le glas de bien des contraintes environnementales.

L’élection américaine marque un tournant clair dans le discours. Le président nouvellement élu l’a affirmé très clairement dans son adresse inaugurale. « Nous possédons quelque chose qu’aucun autre pays manufacturier n’aura jamais – la plus grande quantité de pétrole et de gaz de tous les pays du monde – et nous allons l’utiliser. »

Un certain nombre de banques avaient déjà quitté l’alliance Net Zero Banking (NZBA) avant même l’investiture, abandonnant ainsi les contraintes environnementales pesant sur leurs investissements. On peut alors s’interroger. La baisse de l’exploitation des hydrocarbures est-elle un objectif réalisable ? La rivalité des États-nations ne le favorise pas. De surcroît, il ne présente aucun intérêt propre pour aucun acteur. La bataille n’est pour autant pas perdue, mais elle doit s’adapter au réel et tirer avantage de la géopolitique au lieu de la subir. Les énergies dites vertes sont avant tout produites localement, elles doivent être promues pour leur contribution à la souveraineté.

Le débat public sur les politiques énergétiques est focalisé sur la durabilité et le changement climatique, alors que la souveraineté et la sécurité nationale restent les principaux moteurs des décisions nationales. La logique du système énergétique actuel est guidée par les enjeux géopolitiques, structurée autour du contrôle des stocks et des flux d’énergie par des mécanismes, tangibles, comme le raffinage, les oléoducs et les tankers, et intangibles, comme les marchés et les assurances.

Les besoins énergétiques du numérique sont en continuelle hausse

Le numérique présente une singularité dans l’effort de transition écologique. Ses besoins énergétiques croissent à l’inverse de la plupart des secteurs engagés dans un mouvement de baisse. Ce n’est toutefois pas une anomalie. Les liens entre l’industrie numérique et les questions environnementales sont plus complexes qu’il n’y parait à première vue. La dégradation environnementale a en effet deux conséquences, la nécessaire atténuation et l’inévitable adaptation. Autrement dit, d’une part, la montée des interdépendances entre les activités humaines et l’environnement doit être prise en compte. D’autre part les risques de confrontation croissent avec les difficultés environnementales.

Le numérique est au cœur de la réponse à ces deux défis. Il permet de prendre en compte les interactions avec l’environnement, et de distribuer les ressources avec une connaissance très fine des contraintes tant locales que globales. C’est ce que les plates-formes d’intermédiation, qui orchestrent les marchés entre producteurs et consommateurs de biens ou de services, font déjà dans de nombreux domaines, avec Google, Uber, etc. Distribuer l’électricité produite et stockée par d’innombrables acteurs est impossible sans les plates-formes numériques, qui seules savent orchestrer des marchés avec une connaissance fine et continue de la situation des acteurs. Il est remarquable d’ailleurs que les grands acteurs du numérique investissent désormais directement dans le secteur de la production de l’énergie, nucléaire ou renouvelable, d’abord pour alimenter leurs centres de données, mais à terme probablement comme gestionnaire global de l’électricité.

Les plates-formes sont donc au cœur des solutions. Mais elles sont aussi des instruments de la confrontation. Si l’interconnexion de tous les acteurs de la société a permis des développements extraordinaires, la difficulté de garantir la sécurité du réseau conduit inexorablement à une militarisation de la société dans son ensemble. Les tentatives de régulation sont de peu d’impact sur cette évolution.

Le numérique est devenu après les espaces physiques que sont la terre, la mer ou l’air, l’espace où se déploient les conflits. La guerre en Ukraine en offre la première démonstration avec la généralisation des armes sans pilote, l’utilisation des cryptomonnaies, les nouveaux moyens cartographiques basés sur les smartphones. L’intelligence artificielle connaît, comme de nombreuses technologies par le passé, un développement entraîné par la défense. Il serait illusoire dans cette période de militarisation d’espérer voir la consommation énergétique du numérique baisser.

Alors que faire ? La solution pourrait être dans la recherche de souveraineté. Si la sécurité était acceptée comme l’objectif principal pour tous les États, en particulier par les principaux blocs géopolitiques, la question pourrait alors se ramener à celle de la transition vers une sécurité à long terme dans chacun d’eux. La réponse pourrait être double : construire la capacité des nations à dépendre de l’énergie produite localement, et briser les dépendances énergétiques internationales existantes. Les deux peuvent être atteints en substituant les sources d’énergie locales et les réseaux de distribution intelligents aux modèles de commerce de l’énergie à longue distance existants. Une telle transition est déjà à portée de main, le prix de l’énergie renouvelable par watt ayant considérablement diminué par rapport au prix des autres formes de production d’électricité. Il faut faire de la dure réalité de cette boucle infernale un atout et non un écueil.The Conversation

 

Auteurs :

Stéphane Grumbach, Directeur de recherche Inria, ENS de Lyon

Gary Dirks, Senior Director Global Futures Laboratory, Arizona State University

 Sander van der Leeuw, Emeritus Professor of Anthropology and Sustainability, Arizona State University

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

>> Lire l’article original :

THE CONVERSATION

Au cœur de la savane africaine | Podcast « Qu’est-ce que tu cherches ? »

AAu cœur de la savane africaine | Podcast « Qu’est-ce que tu cherches ? »

Qu’est-ce que tu cherches ? C’est le nom de la série de podcasts lancée par le CNRS. Au micro : des scientifiques racontent leurs quotidiens, expliquent leurs avancées, et vous font pénétrer dans les coulisses de la recherche. Prêts pour une immersion sonore inédite aux côtés de ces experts ?

Au cœur de la savane africaine | Marion Valeix (CNRS) 

Visuel podcast "Qu'est-ce que tu cherches?" Marion Valeix

Embarquez pour un voyage sonore au cœur de la savane africaine, à la rencontre des grands carnivores pour découvrir comment ces communautés s’adaptent à l’effet des changements climatiques. Dans cet épisode de « Qu’est-ce que tu cherches ? » Marion Valeix, écologue CNRS au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive* explique comment elle analyse l’influence des conditions environnementales sur le succès et les tactiques de chasse du lion et de la hyène tachetée.

* Elle a réalisé une grande partie de ses recherches au Laboratoire de biométrie et biologie évolutive (LBBE, CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1 / Vétagro Sup) de Villeurbanne.

>> Écoutez cet épisode sur votre plateforme préférée :

 QU’EST-CE QUE TU CHERCHES ?

 

PPour aller plus loin:

De l’eau du moulin à celle de demain

DDe l’eau du moulin à celle de demain

Le changement climatique a pris une importance particulière ces dernières années. Le climat tend à se réduire à 2 saisons : une saison humide et une saison sèche, parfois si longue qu’elle a fait craindre une pénurie d’eau. Deux options s’opposent sur la marche à suivre pour éviter la panne sèche. La première est basée sur la restauration de rivières « sauvages » en éliminant tous les aménagements des hommes. L’autre au contraire en maintenant les petits ouvrages, comme les seuils de moulins anciens, qui sont identiques à ceux que les castors avaient construit pendant des millions d’années.

En se basant sur des travaux scientifiques, il apparaît que certaines fonctionnalités écologiques sont effectivement restaurées dans les deux cas, mais les plus nombreuses ne se manifestent que s’il y a présence de petits ouvrages. Un avantage supplémentaire de cette option est la production potentielle d’hydroélectricité quand le seuil apporte l’eau à un moulin.

Pour analyser concrètement l’impact de ces approches, le cas du département de la Loire est présenté. Les deux seuls bassins versants sans problème d’eau sont équipés d’un barrage qui permet de faire du soutien d’étiage et d’éviter les assecs des rivières. La biodiversité aquatique y est remarquable. Tous les autres bassins versants, soit 90% de la surface du département, sont d’ores et déjà en manque d’eau, et ce, même si tous les prélèvements étaient supprimés (irrigation, eau potable, évaporation, abreuvement, industrie). La question de l’avenir de ces territoires se pose sachant que la loi française donne deux priorités : en un, l’eau potable, et en deux, le milieu aquatique. Agriculture et industrie ne sont pas prioritaires. Sachant que les agences de l’eau comme la police de l’environnement sont défavorables à la construction de barrages, l’avenir de ces territoires est discuté.

Organisé par : L’eau à Lyon & la pompe de Cornouailles, association de mise en valeur du patrimoine industriel.

>> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site :

L’eau à lyon

À quoi servent les limites planétaires ? | The Conversation

ÀÀ quoi servent les limites planétaires ? | The Conversation

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les limites planétaires sans oser le demander, c’est justement le thème du webinaire proposé par The Conversation France.

Drôle de limites que les limites planétaires. On vous en parle généralement pour vous annoncer qu’on les a dépassées. Elles sont au nombre de neuf et nous permettent de penser la crise environnementale au-delà du seul changement climatique. Car elles fixent divers seuils au-dessus desquels les conditions de la vie sur terre sont sérieusement menacées. Mais quelles sont ces limites ? Comment les mesure-t-on ? Qu’est-ce que ce cadre de pensée permet ? Les limites planétaires ont-elles elles aussi des limites ?

Intervenants :

>> Pour plus d’information rendez-vous sur le site :

The conversation

« Face à la transition écologique, nos sensations et émotions sont utiles. Elles expriment nos aspirations profondes »

«« Face à la transition écologique, nos sensations et émotions sont utiles. Elles expriment nos aspirations profondes »

Chiffres vertigineux, données du GIEC et de l’IPBES inquiétants, et éco-anxiété : dans une ère où l’utilitarisme déconnecte l’Humain de son environnement et où la vision occidentale privilégie la rationalité au détriment de la sensibilité, émerge un nouveau paradigme. Et si nos sens permettaient de mieux « préserver » et donner envie de « prendre soin de » ? 

Dans le cadre de la conférence Archipel, Thomas Le Guennic, professeur agrégé de sciences économiques et sociales au Centre des Humanités de l’INSA Lyon et Magali Ollagnier-Beldame, chargée de recherche en sciences cognitives, laboratoire ICAR UMR CNRS 5191, ont proposé un atelier « d’initiation à l’écologie sensible » ; un champ scientifique en émergence. Ils expliquent pourquoi il est intéressant de s’attarder sur l’équation suivante : homo sapiens = homo sensibilis

Pédagogie, recherche ou même politique publique, l’écologie sensible est une approche qui semble applicable à toute activité humaine. Comment la définiriez-vous ? 

TLG : Je dirais que c’est une approche qui permet de compléter toute connaissance théorique des relations entre les humains et les « autres qu’humains » vivant sur la Terre, à partir de la sensorialité et de la corporéité. Nous connaissons beaucoup de choses sur la nature grâce à la démarche scientifique, mais nous n’avons plus l’habitude, en tant que membres de sociétés occidentales, modernes et urbanisées, d’une approche sensible et émotionnelle de celle-ci. Par exemple, il y a plusieurs façons de percevoir un arbre : il peut représenter un organisme qui capte du Co2 ; il peut représenter un stock de planches ; ou il peut aussi être un être à part entière, qui a le droit de vivre pour lui-même. Il est très inhabituel pour nous, européens occidentaux, de ne pas considérer le vivant comme une ressource définie par son coefficient d’utilité plutôt que comme un être vivant égal à nous-même. Cette approche sensible de la nature est traditionnellement et magistralement portée par les arts, aujourd’hui encore au sein de nos sociétés. Ce qui prouve que nous n’avons pas totalement oublié et que la situation est plus riche et complexe. Ce dont nous avons certainement le plus besoin aujourd’hui est de mettre en relation ces perspectives. Par exemple que la contemplation esthétique de la nature puisse informer la connaissance scientifique, et inversement. Actuellement, de nombreux artistes trouvent ainsi une profonde inspiration dans les recherches en biologie. Elles sont pour eux un point de départ à une proposition artistique et à un regard très riche sur le vivant.

MOB : J’ajouterais que l’écologie sensible est un champ scientifique en émergence, une future interdiscipline peut-être ! Elle se place notamment à la croisée des sciences cognitives, des sciences humaines et sociales et des sciences du vivant. Plusieurs travaux1 en philosophie, géosciences, biologie, anthropologie et en éco-psychologie mettent en évidence notre perte de contact avec l’expérience de la nature et du vivant. Ce déficit présente des conséquences : en vivant dans un monde que nous percevons « désanimé », nous développons un peu de la nature, nous craignons l’altérité ou nous sommes même éco-anxieux ; autant de raisons que bon nombre d’entre nous expérimentent au quotidien et qui poussent à explorer le monde vivant à travers nos sens.

Face aux conséquences du changement climatique, le « rapport au sensible » gagne timidement du terrain dans le débat public, interrogeant particulièrement nos représentations du « vivant ». Avez-vous des exemples de changements dans la perception de la relation entre l’homme et la nature ?

MOB : On peut aujourd’hui percevoir que ces représentations commencent à évoluer : la philosophie de l’environnement est une branche scientifique très dynamique ; ou encore dans le domaine du droit, certains juristes travaillent sérieusement à donner des droits aux fleuves, aux forêts ou aux océans. (…)

 

>> Lire la suite de l’article sur le site :

insa Lyon

 

[1] Dont ceux de Abram, Albrecht, Pyle, Ingold, Fisher.

L’enseignant qui façonne l’ingénieur de demain | Visages de la science

LL’enseignant qui façonne l’ingénieur de demain | Visages de la science

L’ingénierie n’est-elle qu’affaire de technique ? Romain Colon de Carvajal, fait partie de ces scientifiques pour qui l’ingénierie est bien sûr une affaire de technique, mais aussi d’éthique et de philosophie. Enseignant en génie mécanique à l’INSA Lyon, il est aussi spécialiste des low-techs. Selon lui, il est temps de préparer demain, et pour cela, il faut que les ingénieurs sortent du rang et partent à la reconquête de leur liberté.

  • Les low-techs comme médium pédagogique

Au sein de l’école d’ingénieur lyonnaise, Romain Colon de Carvajal met un point d’honneur à initier ses étudiants à la philosophie « low-tech ». « À partir du moment où l’on a bien compris les usages et à qui est destiné un produit technique, je dirais qu’on conçoit low-tech. (…) Le low-tech permet d’explorer une piste concrète et de mettre en lumière la chaîne de responsabilité, plus facile à appréhender lorsqu’un objet technique est plus simple », introduit l’enseignant au micro des « Cœurs audacieux ».

  • Pour une technologie juste, adaptée

« Pour moi, concevoir low-tech, c’est déjà concevoir intelligemment. Je montre qu’il est nécessaire d’avoir une bonne adéquation entre la réponse technologique et le besoin. Le point de départ est de questionner le besoin. Et ce questionnement peut aller très loin : on peut vraiment remettre en cause certains besoins, comme caractériser le côté gadget de certains produits par exemple, qui serait un travers du high-tech. »

  • Une question de responsabilité et de liberté

« La société actuelle demande à l’ingénieur de travailler sur plusieurs échelles de valeurs : l’utilité sociale, le prix, la valeur environnementale, la performance, le contenu scientifique… On ne le forme pas à jongler entre ces échelles de valeurs. Et souvent, il y a des conflits de valeurs : il existe des produits complètement inutiles socialement, mais très sympas à construire d’un point de vue technique. Et quelle liberté les ingénieurs ont d’aller d’une échelle à l’autre ? »

 

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Enseignant au département génie mécanique de l’INSA Lyon, Romain Colon de Carvajal était l’invité du podcast « Les cœurs audacieux », un contenu audio proposé par l’INSA Lyon (Saison 1- Épisode 2)

 

 

 

Romain Colon de Carvajal Podcast

La ville de demain, une nouvelle biodiver-Cité ?

LLa ville de demain, une nouvelle biodiver-Cité ?

Pendant longtemps, ville et biodiversité ont entretenu des relations difficiles. L’urbanisation, avec la densification dans certains territoires des populations humaines sous l’effet de leur démographie et de changements des organisations sociales, a engendré une perte toujours plus grande d’habitats naturels hébergeant chacun une biodiversité spécifique.

Comment créer aujourd’hui des espaces plaisants à vivre pour toutes et tous, performants dans leur manière de rendre des services multiples, adaptables et résilients face aux défis de l’Anthropocène, qui ont démontré aux décideurs comme aux citoyens qu’un changement de paradigme est nécessaire. Il n’est plus possible de concevoir une métropole comme un territoire largement découplé de la nature, mais bien d’imaginer des territoires urbains et péri-urbains comme des socio-écosystèmes où humains et non-humains peuvent vivre en harmonie…

Dans ce nouveau dossier Sciences pour tous, des chercheurs et des chercheuses posent un regard sur la ville de demain, et sur l’importance de renouer avec notre environnement, de lui faire de la place et de le faire durer.

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SCIENCES POUR TOUS   

« Construire la ville avec l’eau et non pas contre l’eau » | Visages de la science

«« Construire la ville avec l’eau et non pas contre l’eau » | Visages de la science

Comment contribuer à construire des villes plus durables et résistantes aux effets du changement climatique ? Très active sur le terrain, Sylvie Barraud a pendant des années travaillé avec la métropole du Grand Lyon pour repenser la gestion des eaux pluviales, afin de faire de Lyon “une ville perméable”. Au micro des cœurs audacieux, elle explique comment, notamment grâce aux travaux menés au sein du laboratoire DEEP[1], il est possible d’utiliser cette précieuse ressource pour préserver la biodiversité et améliorer le confort des habitants.

  • Les eaux et la ville

L’hydrologie urbaine est le domaine de prédilection de Sylvie Barraud. « S’il fallait résumer, c’est l’étude du cycle de l’eau en milieux urbaine : toutes les transformations que subissent les eaux, notamment de pluie, des précipitations jusque dans les milieux. »

  • Pour une ville plus résiliente aux effets du changement climatique

« Très longtemps, la Ville a été source d’imperméabilisation. On n’aimait pas avoir les pieds dans l’eau ! Plus on voyait l’eau, plus on l’évacuait rapidement. Toute cette artificialisation des sols urbains a conduit à un certain nombre de problèmes. (…) Aujourd’hui, on cherche à désimperméabiliser », explique l’hydrologue urbaine, enseignante-chercheuse et ancienne directrice du département génie civil et urbanisme de l’INSA Lyon.

  • L’eau n’est pas une contrainte, mais une ressource.

Repenser la gestion des eaux pluviales est-il d’autant plus important que les effets du réchauffement climatique se font déjà ressentir et que l’on fait face à des phénomènes de plus intenses. « Les dispositifs qui font la ville avec l’eau -et non plus contre l’eau- sont de plus en plus utilisés et valorisés auprès des collectivités comme étant des éléments d’adaptation au changement climatique, même si celui-ci imposera certainement de nouvelles règles de conception de ces dispositifs (…) Il va falloir les concevoir sur ces grandes séries climatiques qui seront différentes de celles que l’on a connu précédemment. »

 

Sylvie_Barraud_Coeurs_Audacieux

 

Sylvie Barraud était l’invitée du podcast « Les cœurs audacieux », un contenu audio proposé par l’INSA Lyon (Saison 2 – Épisode 7).

 

Podcast_Coeurs_Audacieux

 

[1] Déchets Eaux Environnement Pollutions