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La botanique de Pitton de Tournefort

LLa botanique de Pitton de Tournefort

©Céline Chagnard

©Céline Chagnard

La bibliothèque universitaire Lyon1 conserve dans ses collections, Institutiones rei herbariæ de Joseph Pitton de Tournefort. Il s’agit d’une troisième édition imprimée à Lyon en 1719 à l’initiative d’Antoine de Jussieu (1686-1758).

Né en 1656 à Aix en Provence, Joseph Pitton de Tournefort est un des plus éminents botanistes du XVIIème siècle. Destiné par son père à une carrière ecclésiastique, il effectue ses études chez les Jésuites, mais à la mort de ce dernier, il décide de se consacrer à sa véritable passion, la botanique. En 1678, il parcourt la Savoie et le Dauphiné en compagnie de Charles Plumier et débute son herbier. L’année suivante, il effectue des études de médecine à Montpellier et poursuit la constitution et l’enrichissement de sa collection en se rendant dans les Pyrénées orientales et en Espagne. Très vite sa renommée est telle que Guy Falgon (1638-1718), médecin de Louis XIV, lui demande de venir à Paris et lui confie en 1683, la chaire de botanique au Jardin des Plantes. Ses cours et ses démonstrations ont beaucoup de succès. Mais grand voyageur, il poursuit ses collectes au cours de différents déplacements dans le sud de la France, en Espagne, au Portugal, aux Pays Bas et en Angleterre. En 1694, il publie son premier ouvrage Éléments de botanique ou méthode pour connaître les plantes en trois volumes. Dans ce livre illustré de 451 planches dessinées par Claude Aubriet (1665-1742), il présente son système de classification des plantes basé sur deux critères : la fleur et le fruit.  L’ouvrage a beaucoup de succès et afin qu’il soit lu dans toute l’Europe Tournefort le traduit lui-même en latin sous le titre Institutiones rei herbariae. En 1696, il reçoit le bonnet de docteur de la faculté de médecine de Paris et en 1700, sur ordre du Roi Louis XIV, il part au Levant pour une grande expédition. De ce long périple qui dure deux ans, il rapporte 1356 nouvelles plantes et 25 genres nouveaux. Cette riche moisson lui permet de rédiger un supplément à ses Institutiones, ce complément illustré de 13 nouvelles planches sera ajouté à l’édition posthume de 1717. C’est à seulement 52 ans, qu’il meurt fauché par une charrette en revenant du Jardin du Roi en décembre 1708.

La classification de Tournefort

Tournefort définit un nouveau système pour classer toutes les plantes à partir de l’examen de la forme des fleurs et de la nature du fruit. Le type de fleur lui permet de déterminer la classe, il en obtient 22. Et à partir de la nature du fruit il définit le genre, élément de base de son système qui en comporte 700. Il classe ainsi plus de 8000 espèces. La simplicité de sa classification séduit de nombreux naturalistes dans toute l’Europe, elle permet d’identifier rapidement un spécimen déjà classé et d’ajouter les nombreuses espèces nouvellement découvertes. Bernard de Fontenelle dira, dans son éloge posthume, que Tournefort a mis de l’ordre dans la « confusion magnifique » de la nature. Et même si son système sera vite abandonné au profit de celui de Carl Linnæus (1707-1778), c’est lui qui crée la nomenclature binominale reprise ensuite par Linné.

©Céline Chagnard

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La réédition lyonnaise de Jussieu

La BU Lyon 1 conserve dans ses collections l’édition lyonnaise des Institutiones rei herbariae, publiée par Antoine de Jussieu (1686-1758) en 1719, plus de dix ans après la disparition de Tournefort. Le premier volume comporte une dédicace au Roi, suivie d’ajouts de Jussieu : une biographie de Pitton de Tournefort et ses commentaires sur la méthode du botaniste. Les 676 pages de textes et d’appendices sont précédées par une liste des noms abrégés des auteurs cités, d’explications sur le système de classement et de la table des 22 classes des genres. A la fin du volume figurent deux index (en latin et en français).  Les deux tomes d’atlas ont un titre-frontispice montrant le Jardin du Roi, ils regroupent les 489 illustrations de Claude Aubriet gravées en taille-douce à pleine page. De format in quarto, les trois volumes sont reliés en veau marbré, les dos à nerfs sont ornés de motifs dorés avec des pièces de titre et de tomaison fauve, les tranches sont rouges.

©Céline Chagnar

©Céline Chagnard

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion

Bien que critiquée dès la fin du XVIIe siècle et même si elle est peu citée dans L’Encyclopédie, la classification de Tournefort restera populaire jusqu’au XVIIIe siècle et Voltaire écrira que Joseph Pitton de Tournefort  a été « le plus grand botaniste de son temps »1.

Autrice : Livia Rapatel, responsable des fonds patrimoniaux et de la programmation culturelle à la Bibliothèque universitaire Lyon 1

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Note :

[1] : Voltaire, Essay sur l’histoire générale, et sur les mœurs et l’esprit des nations, sl, sn, 1756, VII, p. 301

>> Bibliographie :

  •  L’enseignement d’Antoine-Laurent de Jussieu au Muséum face au renouveau des doctrines de Linné sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, Duris, Pascal, In Le Muséum au premier siècle de son histoire [en ligne]. Paris : Publications scientifiques du Muséum, 1997. Disponible en ligne [consulté le 23 janvier 2024].
  • Les processus classificatoires appliqués aux objets naturels et leur mise en évidence. Quelques principes méthodologiques, Friedberg Claudine, In Journal d’agriculture tropicale et de botanique appliquée, vol. 21, n°10-12, Octobre-novembre-décembre 1974. pp. 313-334. Disponible en ligne [consulté le 23 janvier 2024].
  • Tournefort (1656-1708), Leroy Jean-François, In: Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, tome 9, n°4, 1956. pp. 350-354. Disponible en ligne [consulté le 23 janvier 2024].
  • Botanique, thérapeutique et politique : le cas Pitton de Tournefort, Perez, Stanis. In Le Journal de botanique, n°85, 2019. Numéro thématique : 400e anniversaire de la première requête adressée au roi par Jean Riolan pour la création d’un Jardin des Plantes. Colloque Le jardin des Plantes de Paris (1618-2018) Médecins, apothicaires et botanistes. 20-21 avril 2018. pp. 58-65. Disponible en ligne [consulte le 23 janvier 2024].

>> Autres publications de l’autrice :

  • Concevoir et faire vivre une exposition en bibliothèque universitaire – In Payen, Emmanuelle (dir.), Exposer en bibliothèque : enjeux, méthodes, diffusion, Presses de l’Enssib, 2022 (coll. La Boîte à outils ; 51).
  • L’action culturelle à l’université : l’exemple du SCD Lyon 1. In Colin Sidre (dir.), Faire vivre l’action culturelle et artistique en bibliothèque, Presses de l’Enssib, 2018 (coll. La Boîte à outils ; 43).
  • La Fête de la Science en bibliothèque universitaire, l’exemple de la BU Lyon 1, et Le festival Science et Manga, une manifestation originale de la BU Lyon 1. In Justine Ancelin (dir.), Médiatiser la science en bibliothèque, Presses de l’Enssib, 2016 (coll. La Boîte à outils ; 35).

 

 

>> Aller lire l’article original sur le site :

BU Lyon 1

Portraits et regards d’ethnologues

PPortraits et regards d’ethnologues

Une sélection de films documentaires proposée en écho à l’exposition Le monde en tête, la donation Antoine de Galbert, en collaboration avec le festival international du film ethnographique Jean Rouch.

Plus d’informations sur le site du :

Musée des Confluences

Histoire de collection : rencontre avec Antoine de Galbert

HHistoire de collection : rencontre avec Antoine de Galbert

Un temps d’échange exceptionnel entre Antoine de Galbert, collectionneur et donateur, et Hélène Lafont-Couturier, directrice du musée des Confluences.

Rencontre animée par la journaliste Valérie Duponchelle (Le Figaro), précédée du film « Voyage dans ma collection – Antoine de Galbert » d’Alyssa Verbizh, 2014, 52 min.

Plus d’informations sur le site du :

Musée des Confluences

Sésame, ouvre-toi ! | Collections & Patrimoine #1

SSésame, ouvre-toi ! | Collections & Patrimoine #1

Voilà quatre ans que Françoise Khantine-Langlois, chercheure associée au Laboratoire Sciences, Société, Historicité, Éducation et Pratiques – S2HEP, a porté son dévolu, son intérêt et sa curiosité sur ce mystérieux objet. Au sein des Collections de Physique de l’Université Claude Bernard Lyon 1, il cohabite depuis plus d’un siècle avec près de 200 autres appareils anciens de physique et de physiologie. Le temps d’une séance photo, il leur vole la vedette.

On le découvre soigneusement rangé dans une boîte en bois qui épouse ses dimensions. De tout son long, le cylindre y est parfaitement lové, maintenu par deux petites cales. Est-il fragile ? Sans doute puisqu’on observe qu’il héberge en son sein des petits tubes en verre remplis d’un liquide rosé.

Ce sont vraisemblablement des tubes scellés identiques aux 24 autres alignés à ses côtés dans la boîte.

En main, l’objet est lourd et semble pouvoir s’ouvrir au niveau du piton à œil. Jusqu’ici, il résiste. Durant plusieurs années, l’objet est présenté à des spécialistes sans que personne ne déchiffre ce qu’il est et comment l’ouvrir. Il circule de main en main. Comme pour le pot de confiture, qui aura la dernière main heureuse ?

Clic. Clic. Un dernier tour de force, un peu de dégrippant, et il livre enfin ses premiers secrets. Une inscription gravée indique : Thermomètre à minima de Duclaux. Sans elle, il aurait été difficile de le définir tant il ne ressemble à aucun autre thermomètre.

Un thermomètre à minima permet de connaître la température minimale sur une période, une journée, par exemple. Outil idéal pour percevoir les variations de températures. Sous l’effet du froid maximal, puis du réchauffement progressif, un marqueur garde la trace de la température la plus basse.

Françoise Khantine-Langlois suppose que celui-ci a été réalisé par Emile Duclaux, physicien, biologiste et chimiste français, entre 1873 et 1878, alors qu’il enseigne la physique à la faculté des sciences de Lyon. Il est plausible que la conception de ce thermomètre soit liée à ses recherches de l’époque. En effet, disciple de Pasteur, Emile Duclaux s’est intéressé à la fabrication du fromage et de la bière. Suspendu par son piton à œil, ce thermomètre pourrait avoir vocation à être plongé dans une cuve de brassage ou fromagère pour surveiller la température.

Mais l’enquête continue, car cet objet n’a pas dévoilé… tous ses secrets.

Si vous possédez des éléments qui permettent de la faire avancer, voire de la résoudre, vous pouvez contacter Françoise Khantine-Langlois à francoise.langlois@univ-lyon1.fr

 

Aller plus loin :

Lors d’une séance du Conseil d’Administration, M. Debray présente « un thermomètre d’un nouveau genre imaginé par M. Duclaux » (page initiale 275)

 

Cet article a été réalisé dans le cadre du projet Collections & Patrimoines mené par la Direction Culture, Sciences et Société de l’Université de Lyon. Il est le premier d’une série d’épisodes qui ont pour intention de donner à voir les collections et patrimoines scientifiques et artistiques des établissements d’enseignement supérieur. Plus d’informations auprès de camille.michel@universite-lyon.fr

Crédit photographique : Vincent Noclin

Les fouilles : de la collecte à la restitution scientifique et muséographique

LLes fouilles : de la collecte à la restitution scientifique et muséographique

En plus de la conservation des biens patrimoniaux et de la diffusion des connaissances liées aux collections qui leur sont confiées, les musées ont parmi leurs missions principales celle d’enrichir le patrimoine.

Avec Didier Berthet, chargé des collections Science de la Terre au musée des Confluences.

Plus d’infos sur le site du musée des Confluences

Découvrez l’ensemble de la programmation A midi au musée des Confluences