SSemaine de l’industrie 2024 : Emmanuel Macron a-t-il eu un moment saint-simonien ? Au cœur de l’œuvre de Saint-Simon, l’industrie occupe une place centrale. Alors que débute la Semaine de l’industrie, dans quelle mesure Saint-Simon a-t-il inspiré la politique d’Emmanuel Macron ? Retour sur la pensée d’un auteur français majeur trop méconnu. Saint-Simon y apparaît comme un penseur de l’économie, du social, mais aussi du politique. Ni libéral, ni socialiste, mais terriblement moderne.En mai dernier, le 7ᵉ sommet Choose France 2024 a rappelé les nombreuses mesures en faveur de la réindustrialisation mises en œuvre par l’État : fiscalité attractive, investissements dans l’innovation avec France 2030, dans l’industrie verte et dans les compétences, délais d’implantation des sites industriels réduits, simplification et numérisation des procédures… De son côté, la semaine de l’industrie qui se déroule du 18 au 24 novembre 2024 a pour objectif de faire naître des vocations chez les jeunes en changeant leur regard sur l’industrie et ses métiers grâce à l’organisation d’événements sur l’ensemble du territoire national.L’an prochain la mission des commémorations nationales de l’Institut de France a décidé d’honorer la mémoire du philosophe et économiste Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825), philosophe, économiste et militaire français. Ce dernier est aussi le fondateur du saint-simonisme, une école de pensée qui eut un impact considérable dans le développement économique de la France et de ses colonies jusqu’au point de qualifier le XIXe siècle de siècle des saint-simoniens. Certains ont vu dans le président Emmanuel Macron le reflet de la pensée de Henri de Saint-Simon. En témoigne selon ces auteurs la volonté qui semble venue de Saint-Simon de liquider les réalités anciennes afin de leur substituer, sur tous les plans, un « nouveau monde » fluide, ouvert, sans identités ni barrières, afin que rien ne vienne gêner le mouvement perpétuel des individus et des biens qu’exige la mondialisation. Mais qu’en est-il vraiment ?L’entreprise et l’industrie sacraliséesHenri de Saint-Simon souhaitait laïciser le politique, poursuivant ainsi le travail des Lumières et de la Révolution, sans pour autant sacraliser l’État. La nouvelle force qui se substitue à l’arbitraire du pouvoir politique c’est l’industrie. La nouvelle force qui se substitue à l’inégalité des ordres nobiliaires, c’est le travail. La manifestation de la force du travail et de l’industrie est la construction d’infrastructures d’intérêt public maillant dans leur réseau le territoire national.C’est l’entreprise qui se trouve sacralisée en tant que nœud conférant au système sa solidité, sa résistance et son adaptabilité. Saint-Simon ne va pas concevoir une religion politique autour de la figure de l’État, mais une religion industrielle autour de la figure de l’Entreprise. La problématique à laquelle répondent ses écrits est la suivante : « comment occuper le vide créé par la critique de la religion et de l’État associé ? »Abeilles contre frelonsLa doctrine politique qu’il fonde est l’industrialisme qui n’est ni le libéralisme ni non plus le socialisme de certains de ses disciples comme Pierre Leroux. Ce qui pour Saint-Simon définit l’industrie c’est l’activité de production utile qu’elle soit théorique ou pratique. L’industrie forme un seul et vaste corps dont tous les membres se répondent et sont pour ainsi dire solidaires. Saint-Simon donne une définition très large de l’industriel : l’agriculteur, le savant, l’artiste, ou le banquier sont des industriels dans la mesure où ils contribuent à la production de richesses contrairement aux oisifs que sont les hommes politiques, les légistes, les nobles, les religieux, les fonctionnaires ou les militaires.Les industriels sont les « abeilles » opposées aux « frelons ». Ce ne sont pas des consommateurs, mais des producteurs de biens et de services matériels satisfaisant les besoins des membres de la société. Par le travail, la classe industrielle qu’ils constituent est en contact direct avec la nature et produit toutes les richesses par son travail.Ni libéral, ni socialisteSaint-Simon à partir de 1821 soulignera combien le libéralisme n’est pas l’industrialisme. Le parti libéral vise un changement d’hommes à l’intérieur du système féodalo-militaire, comme l’a montré la Révolution avec l’exercice du pouvoir par les légistes et les métaphysiciens coalisés, alors que le parti industrialiste vise le changement du système social. La conception libérale de l’égalité est formelle et arbitraire alors que la conception industrialiste évalue l’utilité productive concrète et mesurable de chacun.L’industrialisme de Saint-Simon est un utilitarisme moral qui valorise les productions pour leur contribution utile à la société. L’industrialisme consacre la valeur du travail créateur de richesses et célèbre la classe des travailleurs. Saint-Simon a pour objectif « d’améliorer le plus possible le sort de la classe qui n’a point d’autres moyens d’existence que le travail de ses bras ». L’amélioration du sort de la classe des travailleurs, la « classe la plus pauvre », passe par l’expansion des entreprises qui accroissent l’offre de travail. Le projet d’émancipation des hommes doit être achevé par la libération des forces productives propriétaires des outils et détentrices des capacités.La critique du consommateur oisifL’entreprise est identifiée à la modernité, au Nouveau Monde que Saint-Simon avait découvert en 1779 en Amérique et au système social à venir. Saint-Simon célèbre l’industrie contre les Églises et le vieil appareil étatique du système féodal et militaire. Il identifie société et industrie, conformément au traité d’économie politique de J.B. Say qui nomme « entrepreneur d’industrie, celui qui entreprend de créer pour son compte, à son profit et à ses risques, un produit quelconque ». La société légitime est formée des « hommes industrieux ».La glorification de l’industriel producteur va de pair avec la dénonciation de son terme opposé, le consommateur non producteur. Saint-Simon instaure un clivage majeur interne dans l’ordre temporel selon le critère du travail productif : plus que la propriété, c’est le travail qui démarque les gouvernants des gouvernés. La société légitime est celle de l’industrie et de la production définie par le travail ; la société illégitime est pour l’essentiel installée dans et autour de l’État, ce sont les purs parasites non producteurs qui vivent de la rente publique.Saint-Simon intègre dans le social le clivage production/consommation de l’économie politique classique. Ce clivage lui permet d’identifier la seule fonction utile du gouvernement, à savoir la protection de l’industrie : il doit empêcher les fainéants de voler le travail des industriels. Le gouvernement rend un service à la société en veillant à la sécurité de ceux qui produisent, mais il reste ambivalent. Soit il est analysé du point de vue de l’Industrie et il est son nécessaire gardien, soit il est analysé comme pouvoir politique, et il devient arbitraire et inutile : « La matière du gouvernent c’est l’oisiveté ; dès que son action s’exerce hors de là, elle devient arbitraire, usurpatrice et par conséquent tyrannique et ennemie de l’industrie ».Un pouvoir réduit de l’ÉtatEn fait la politique nouvelle visée par Saint-Simon est une économie politique, voire une économie du politique qui dépasse la division entre économie et politique telle qu’elle est définie par Jean-Baptiste Say. En même temps qu’il politise l’industrie, Saint-Simon dépolitise le gouvernement réduit à un simple service : son approche de l’économie est politique et celle de la politique est économique. La vérité du politique est dans la science et la science de la production.La science politique positive n’est pas une théorie du pouvoir, comme chez Machiavel, mais de la définition des intérêts généraux de la société. Le pouvoir de l’État est très réduit, car il est exclu du pouvoir spirituel qui revient aux intellectuels qui produisent les connaissances de leur temps, il est limité au pouvoir temporel de protection des industriels. Le politique est expulsé du pouvoir de l’État, pour s’incarner dans le travail productif, matériel ou intellectuel. C’est la société et non le gouvernement « qui seule peut savoir ce qui lui convient, ce qu’elle veut et ce qu’elle préfère ». Saint-Simon désacralise l’État et le pouvoir politique au profit de la société et de l’industrie.Ainsi pouvons-nous voir une résurgence de cette influence saint-simonienne non seulement dans sa « politique de l’offre » du président Emmanuel Macron, mais aussi dans la chasse à l’oisiveté qu’il mène en lançant en janvier 2024 l’« acte II d’une loi pour la croissance » et une nouvelle réforme du marché du travail.> L’auteur :Patrick Gilormini, Economie & Management, UCLy Cet article est republié sous licence Creative Commons.>> Lire l’article original :The Conversation
QQui est le Diable ? | Livre Les Presses Universitaires de Lyon – PUL – vous invitent à découvrir Qui est le diable ? une exploration captivante des multiples visages du diable à travers l’histoire, la culture et la religion.De l’Antiquité à la culture populaire contemporaine, le personnage du diable, toujours présent, évolue et se transforme au gré des mutations religieuses et sociales. Polymorphe, il n’en est pas moins durablement identifiable.Comment la figure satanique a-t-elle émergé dans la littérature biblique, s’est-elle affirmée au cours du Moyen Âge, a-t-elle traversé les réformes, les révolutions scientifiques et la rationalité des Lumières pour faire peau neuve sous forme symbolique, puis dans la culture de masse, du heavy metal aux comic books ? Quelle forme le Malin prend-il et quel rôle lui assigne-t-on, selon les époques, les lieux et les mentalités ? Est-il un auxiliaire divin ou un adversaire de la Création ? Un sombre tentateur ou l’idéal d’un individualisme libérateur ?Les vecteurs par lesquels il est dépeint ici sont aussi variés que les littératures savante et populaire, la théologie, le folklore, le cinéma ou la bande dessinée. Dans cette synthèse thématique et chronologique, l’auteur propose ainsi un panorama des multiples visages du Diable et de ses manifestations au cours des âges dans le monde occidental.> Visionnée la rencontre dessinée avec Philippe Martin.Un échange animé par Emmanuel Taïeb, professeur de science politique à Sciences Po Lyon et mis en dessin par Lou Herrmann (Cité Anthropocène). De l’Antiquité à la culture populaire contemporaine, le personnage du Diable, toujours présent, évolue et se transforme au gré des mutations religieuses et sociales. Polymorphe, il n’en est pas moins durablement identifiable. >> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site : PUL©DR
LLa Société des Comics La Société des Comics est une exposition scientifique sur l’univers du comic book, la première exposition à s’intéresser ouvertement à la dimension sociale des comics, qui vise à montrer en quoi les comics sont le reflet des grands changements sociaux et historiques de notre société.Elle invite à s’interroger sur les évolutions de ces représentations sociales, historiques ou morales à travers les points de rupture dans l’histoire et l’industrie du comic. Miroir social extrêmement révélateur, le comic book révèle les thèmes forts de l’époque, les tensions et les paradoxes qui la travaillent mais aussi les attentes, les espérances qui agitent les esprits et les cœurs.Superman, symbole d’un peuple qui s’éveille du cauchemar de la crise de 1929, Batman protecteur de Gotham city, Wonder Woman qui incarne la vision conservatrice des relations hommes-femmes, Captain America icône patriotique des américains dans le combat contre le nazisme, Black Panther représentant des communautés noires, Hulk victime de l’atome, tant de super-héros confrontés aux dérives et aux évolutions de la société humaine. Les « nouveaux » super-héros apparus dans les années 1960 marquent encore davantage cette prise en compte des évolutions de la société : la crainte liée au progrès technique (notamment au nucléaire), la guerre froide, l’accent mis sur les problèmes de racisme ou de drogue et plus récemment la prise en compte de l’homosexualité ou le terrorisme.Cette dimension sociale des comics est abordée selon trois angles transversaux qui se complètent mutuellement :la place de la science dans les histoires et univers développés dans les comics. Les comic books s’inscrivent pleinement dans une tendance que l’on retrouve dans tous les médias de masse, reflétant les espoirs et les peurs qui traversent une société, à une époque donnée. Bien que celle-ci soit parfois un peu « maltraitée », la science n’en demeure pas moins une inépuisable source d’inspiration narrative et visuelle. Elle est souvent le moteur de nombreuses intrigues (ex. origine des super-pouvoirs, voyages dans le temps ou dans des dimensions parallèles, etc.) ;des questions proprement politiques (et géopolitiques) qui sous-tendent ces productions, donnant à voir notamment comment les États-Unis envisagent leurs rapports avec un monde de plus en plus multipolaire (ex.: les comics après le 11 septembre et le Patriot Act). Œuvre de propagande pour certains, les comics sont avant tout le thermomètre des relations des États-Unis avec le reste du monde de la seconde guerre mondiale jusqu’à nos jour ;la manière dont un certain nombre d’évolutions et de faits sociaux ont pu être abordés dans les comics tout au long des XXe et XXIe siècles (ex. représentations de la femme, évolution des mœurs, racisme, etc.) et comment ils ont été reçus aux États-Unis. Les comics permettent de retracer l’évolution d’un certain nombre de valeurs et de débats propres à la société américaine. […]Ce catalogue se veut la trace, illustrée et enrichie, de cette immersion fascinante dans la société des comics.Cette exposition s’est tenue du 22 septembre au 29 novembre 2018 à l’Université Jean Moulin Lyon 3.Lire la suite :La Société des Comics©Université Jean Moulin Lyon 3
FFace aux IA, faut-il sauver le travail ? Une révolution technique, sociale et économique est en cours pour les entreprises et les travailleurs, au fur et à mesure des fulgurantes innovations proposées par l’Intelligence Artificielle. Chacun d’entre nous pourrait être exposé, à plus ou moins long terme, au remplacement de tout ou partie de ses activités par un algorithme, un robot ou un logiciel. Les études d’impact se multiplient et offrent des scénarios plus ou moins « crépusculaire » pour le travail tel que nous le connaissons aujourd’hui.En collaboration avec le Mouvement UP, nous proposons un grand débat ouvert pour tenter de comprendre les grands bouleversements juridiques, sociaux et économiques que le développement des Intelligences Artificielles promet pour le travail des générations à venir.À quelles mutations des organisations du travail devons-nous nous préparer ? À quel point accepter et avoir confiance dans les décisions prises par tel robot ou tel algorithme ? L’intelligence Artificielle mettra-t-elle fin au salariat ? Participera-t-elle au déclin du droit social tel que nous le connaissons ?Le moment est venu de penser le travail du futur et de proposer les bases d’un nouveau contrat social.Gratuit et sur inscription Posez vos questions sur « Travail & I.A » en commentaire de la page Facebook de l’événement ! ❺ d’entre elles seront sélectionnées et posées à nos invités pendant la soirée !<Invités :Sylvaine Laulom | Professeure de droit privé – Directrice de l’Institut d’Études du Travail de Lyon – CERCRID (UMR 5137) – Université Lumière Lyon 2 Émilie Ducorps-Prouvost | Avocat au Barreau de Paris, spécialisée en droit du travail – Cabinet Soulier Cyril Couffe | Docteur en sciences cognitives – Université Lumière Lyon 2. Directeur de la Chaire « Talents de la transformation digitale » – École de Management de Grenoble. Pascal Corpet | Directeur Technique chez Bayes Impact Jérôme Chemin | Secrétaire national de la CFDT Cadres – en charge des questions numériques