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Pourra-t-on un jour traiter des cancers avec des sous-produits de l’industrie textile ? | The Conversation

PPourra-t-on un jour traiter des cancers avec des sous-produits de l’industrie textile ? | The Conversation

Les cancers sont la cause principale de mortalité précoce dans les pays développés, entraînant près de 1,5 million de décès annuels dans l’Union européenne. Ils constituent un enjeu de santé publique majeur. La diversité de leurs formes, localisations et expressions implique que les traitements mettent en œuvre une grande variété de modalités thérapeutiques complémentaires, des rayons X, chimiothérapie, chirurgie, immunothérapie entre autres.

Parmi l’arsenal des traitements développés pour cibler des cancers de types très différents, la « photochimiothérapie » (dite aussi photothérapie dynamique ou PDT en anglais) utilise l’interaction entre un colorant et une source lumineuse, qui génère des composés chimiques qui sont toxiques pour les cellules.

Ce protocole thérapeutique est utilisé depuis une quarantaine d’années, et de manière croissante depuis le début des années 2000, en milieu clinique principalement pour le traitement de cancers de la peau ou de l’épithélium, mais également dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (une maladie caractérisée par le développement anarchique de vaisseaux sanguins au niveau du centre la rétine conduisant à une dégradation puis une perte progressive de la vue).

La photochimiothérapie présente des avantages en comparaison aux autres chimiothérapies, notamment parce qu’elle permet de cibler plus finement les cellules cancéreuses (par rapport aux cellules saines de l’organisme) par une irradiation lumineuse sélective.

Avec nos collaborateurs, nous avons récemment montré qu’une nouvelle molécule, dérivée d’un colorant abondamment utilisé dans l’industrie, présente des propriétés remarquables pour la photochimiothérapie. Nous espérons qu’elle pourrait être une perspective intéressante dans de futurs protocoles de traitement de cancers par cette méthode.

LLa lumière peut transmettre de l’énergie à son environnement

La lumière est porteuse d’énergie. Cette même énergie qui permet la photosynthèse et apporte à la terre les conditions climatiques propices au développement de la vie est absorbée par les molécules et matériaux qui constituent notre environnement, ce qui leur confère leur couleur. Certaines molécules, appelées « colorants » ou « pigments », présentent des teintes particulièrement vives et caractéristiques qui ont été mises à profit depuis l’aube de l’humanité pour la réalisation d’œuvres picturales ou la teinture de vêtements, comme pour le colorant utilisé comme base moléculaire dans notre étude, en particulier.

fiole de colorant photoluminescent
Le composé de la nouvelle étude est dérivé d’un colorant industriel. À la lumière du jour, il est jaune, mais sous ultra-violets, il apparaît vert : c’est la photoluminescence.
Clément Cabanetos, Fourni par l’auteur

Suite à l’absorption d’un photon, chaque molécule de colorant atteint un état d’énergie élevé, dit « excité », qui est par nature instable : afin de retrouver sa stabilité, la molécule va chercher à se débarrasser de cet excès d’énergie. Généralement, elle vibre fortement et transmet cette chaleur à son environnement.

Elle peut aussi se désexciter en émettant un nouveau photon, d’énergie un peu plus basse que celui absorbé – et donc d’une couleur différente. Ce phénomène est appelé « photoluminescence » et explique par exemple la brillance des vêtements blancs sous l’éclairage ultra-violet des boîtes de nuit.

Lorsqu’aucun de ces deux mécanismes n’est possible, la molécule utilise son énergie excédentaire pour produire des transformations chimiques. C’est ce qu’on appelle la « photochimie », dont les utilisations pratiques couvrent une très large gamme d’applications, allant du stockage de l’énergie à la production de médicaments ou de matériaux polymères.

CComment utiliser la lumière pour attaquer des cellules cancéreuses ?

Une application moins connue mettant en jeu ce processus est la photochimiothérapie. Le concept est relativement simple : une molécule, appelée « photo-sensibilisateur », est appliquée localement sur la zone à traiter, ou injectée par voie intraveineuse. Elle s’accumule dans les cellules cancéreuses, idéalement avec une forte sélectivité (c’est-à-dire qu’elle ne s’accumule pas, idéalement, dans les cellules saines).

Puis, sous l’effet d’une irradiation lumineuse, dont la longueur d’onde peut s’étendre, suivant le type de tumeur à traiter et la profondeur ciblée, du proche UV au proche infrarouge la molécule excitée va transmettre l’énergie absorbée aux molécules voisines, en premier lieu de dioxygène.

Le dioxygène est en effet présent partout dans l’organisme car il est un carburant indispensable à la production d’énergie par la machinerie cellulaire. Mais sa forme excitée, dite « singulet », conduit à un emballement de sa réactivité chimique. Ainsi, produire cette forme excitée « singulet » à proximité de biomolécules aussi importantes que l’ADN ou l’ARN fait l’effet d’une bombe : des cascades de réaction oxydatives conduisent à la dégradation des séquences de bases nucléiques, qui codent l’information génétique. Ceci empêche la production de protéines, enzymes et autres biomolécules indispensables au bon fonctionnement de la cellule.

deux photos de microscopie
Des cellules cancéreuses avant et après traitement par une nouvelle molécule sensible à la lumière. Le colorant rouge est un indicateur indirect de la dégradation cellulaire. La barre d’échelle représente 20 micromètres.
Marco Deiana et Nasim Sabouri, Université de Umea, Suède, Fourni par l’auteur

Devenue non viable, la cellule va rapidement déclencher une cascade de mécanismes qui conduit à sa mort par « apoptose » et à son élimination par le système immunitaire.

La photochimiothérapie présente de nombreux avantages, notamment par rapport aux autres chimiothérapies classiquement utilisées dans le traitement du cancer : bien que dans toute chimiothérapie, le traitement soit dès l’origine conçu pour s’accumuler préférentiellement dans les tissus cancéreux, une certaine proportion de la molécule va inévitablement s’accumuler dans des cellules saines, notamment si ces dernières ont des phases de multiplication rapide. C’est ainsi que la plupart de ces traitements s’accompagnent, parmi les effets secondaires les plus visibles, d’une perte des cheveux, et sont généralement mal tolérés par l’organisme.

Dans le cas de la photochimiothérapie, ces effets secondaires sont minimisés par le fait que l’activation du traitement nécessite, en plus de la molécule, un second levier : l’irradiation lumineuse du tissu à traiter.

En revanche, le traitement par photochimiothérapie est limité par la profondeur de pénétration de la lumière, ce qui restreint son utilisation aux cancers superficiels de la peau (carcinomes), ou accessibles par endoscopie (cancers de la vessie, de la prostate, de l’œsophage, des poumons…) ou encore en appui à une intervention chirurgicale d’exérèse (c’est-à-dire retrait) de la tumeur notamment par coelioscopie.

Dans ce cadre, les travaux pionniers d’une équipe française Inserm du CHU de Lille ont conduit au développement d’une approche novatrice alliant microchirurgie et photochimiothérapie pour le traitement du glioblastome, l’une des formes de tumeurs cérébrales les plus agressives.

UUne nouvelle molécule prometteuse pour la photochimiothérapie

Ainsi, nous avons développé avec nos collègues du CNRS, de l’université d’Anjou, de l’ENS, de l’université de Yonsei en Corée du Sud et de l’université d’Umea en Suède une nouvelle molécule dont les premières études semblent indiquer une efficacité exceptionnelle en photochimiothérapie.

simulation moléculaire
Interaction du colorant (orange) avec des petits fragments d’ADN (bleu) – modélisation moléculaire.
Natacha Gillet, Fourni par l’auteur

Cette molécule a été conçue selon le principe du « surcyclage », c’est-à-dire la valorisation par modification chimique d’une molécule existante afin de lui apporter de nouvelles propriétés.

La molécule que nous avons utilisée est un colorant jaune utilisé à la tonne depuis les années 1970 comme colorant pour l’industrie textile et plastique. Nous avons fonctionnalisé ce colorant en lui ajoutant des groupements chimiques, ce qui la rend extrêmement photosensible et capable d’exciter la forme singulet du dioxygène.

Au contact des cellules cancéreuses (in vitro, sur cellules cancéreuses ou ex vivo sur des organoïdes tumoraux de pancréas de souris), le colorant s’accumule spécifiquement au sein des « exosomes ». Les exosomes sont des compartiments cellulaires surexprimés dans les cellules cancéreuses, qui sont impliqués dans la communication intercellulaire, et très probablement dans les processus de diffusion des cancers par métastase.

Nous avons identifié, à l’intérieur de ces exosomes, que la molécule de colorant modifié interagit avec des fragments spécifiques d’ADN. Sous irradiation par lumière bleue, ces fragments se dégradent fortement, ce qui conduit à une mort cellulaire. De façon cruciale, cette mort cellulaire est atteinte à des concentrations du colorant photosensibilisateur 10 à 100 fois inférieures aux composés utilisés cliniquement, généralement accumulés dans le noyau ou les mitochondries des cellules (des compartiments considérés comme les rouages essentiels de la machinerie cellulaire).

En revanche, en l’absence d’irradiation, aucune toxicité n’est observée même à des concentrations élevées de la molécule, ce qui laisse espérer des effets secondaires modérés en comparaison aux traitements PDT existants, par exemple la temoporfin. Bien que le chemin soit encore long avant une utilisation clinique, cette molécule et plus généralement le ciblage des exosomes pour la PDT apparaissent riches en promesses.The Conversation

 

Article publié sur The Conversation le 14 juin 2023

Cyrille Monnereau, Docteur en chimie et science des matériaux, professeur associé, ENS de Lyon et Clément Cabanetos, CNRS researcher, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

À l’Ecole de l’Anthropocène revient au Rize avec sa 5e édition

ÀÀ l’Ecole de l’Anthropocène revient au Rize avec sa 5e édition

Cinq journées pour comprendre, imaginer, construire les possibles autour du changement global.

Du 24 au 28 janvier 2023, l’École urbaine de LyonUniversité de Lyon et ses partenaires proposent la 5e édition de l’événement « À l’École de l’Anthropocène » accueillie, pour la seconde année, au Rize à Villeurbanne. L’exploration de la question anthropocène, pour tous les publics, se poursuit à travers une diversité féconde de formats et d’acteurs. L’anthropologue Tim Ingold sera l’invité d’honneur de cette édition placée sous le signe de la fragilité, du soin et de la relationnalité.

Au programme, soirées débats, conférences, performances – cours publics – ateliers, séminaires – balades et visite de l’exposition « ça se trame à Villeurbanne » – portraits de figures de l’écologie – cartes blanches à des collectifs – rencontres à la médiathèque du Rize avec des auteurs autour de leur parution récente – programmation cinéma adulte et jeunesse au Comoedia – programmation de Radio Anthropocène.

PROGRAMME

>> Pour en savoir plus : ecoleanthropocene.universite-lyon.fr

Un événement produit par : l’École urbaine de Lyon/Université de Lyon,

En partenariat avec : le Rize, le LabEx IMU (Intelligences des Mondes Urbains) et Cité anthropocène.
Une programmation préparée en collaboration avec : October Octopus.

Partenaires : Ville de VilleurbanneMétropole de LyonCentre national d’études spatiales (CNES)Laboratoire Environnement Ville Société (EVS)Comœdia SERLMaison du projet Gratte-Ciel Centre-VilleLyonBD FestivalCentre de Culture Contemporaine de Barcelone (CCCB)Ville de LyonRadio Bellevue WebLyon Music.

 

Escape Game « La contre révolution industrielle »

EEscape Game « La contre révolution industrielle »

Comment se sensibiliser de manière ludique aux conséquences de la surexploitation des ressources ? Zafiro, Mohamed et Marius viennent de 3 continents différents et ont construit ensemble un Escape Game dans le cadre du projet PrODDige avec le SCD et On The Green Road. Ils vous invitent à le tester le samedi 4 juin à la Maison de l’Environnement.

Vous faites partie d’un petit groupe qui a décidé de mettre fin aux exactions d’un grand conglomérat industriel. Au cours de cet Escape Game, réalisez 3 missions pour mettre la main sur des documents compromettants qui vous permettront de révéler au grand public les drames qui se jouent tous les jours à cause de la surexploitation des ressources et la recherche du profit : travail des enfants, assassinat de militants écologistes…

Explorez les conséquences de l’industrie minière, de l’industrie agroalimentaire et de l’industrie textile tout en découvrant des alternatives plus éthiques sur le territoire lyonnais. Votre esprit d’équipe et votre instinct seront vos meilleurs alliés !

Inscrivez-vous en famille ou avec vos amis !

3 sessions sont organisées le 4 juin à la Maison de l’Environnement (Lyon 7e) et d’autres bientôt.

Pour en savoir plus :

Maison de l’Environnement

Le textile Made in France a-t-il une chance ? | Interview Pop’Sciences

LLe textile Made in France a-t-il une chance ? | Interview Pop’Sciences

Au travers de son nouveau magazine et de 3 entretiens croisés, Pop’Sciences interroge les conditions d’une réconciliation entre l’industrie et la société.

Pierric Chalvin, délégué général d’UNITEX Auvergne-Rhône-Alpes et Victorien Pliez, docteur en histoire contemporaine, nous éclairent : peut-on parler d’un réveil du textile made in France ? Quels défis cette filière doit-elle relever pour sortir des modèles industriels dominants, que ce soit écologiquement, socialement et économiquement.

> Pour aller plus loin, lisez le nouveau Pop’Sciences Mag :

Réconcilier industrie et société

Fête de l’industrie

FFête de l’industrie

Dans le cadre de la fête de l’industrie, les associations Silk me Back, Vive la TASE !, Symphomix, et Carton-Pâte Records organisent conjointement une journée découverte de l’Ensemble Industriel Remarquable de Vaulx-en-Velin.

Des visites guidées de l’ancienne usine Tase seront proposées au public (sur inscription).

Kimono Naomi Collins - Isabelle Moulin_Collection Soieries Bonnet-Silk me Back_Photo Stéphane Rambaud à l’Usine Tase

Kimono Naomi Collins – Isabelle Moulin_Collection Soieries Bonnet-Silk me Back_Photo Stéphane Rambaud à l’Usine Tase

L’usine TASE a été construite en 1924 par la famille Gillet, initialement teinturiers ayant fait leur fortune sur le noir, pour y faire fabriquer ce que l’on appelait, au grand dam des soyeux lyonnais, la soie artificielle devenue rayonne ou viscose. L’usine TASE est une véritable colonie industrielle installée à la campagne, proche du Rhône et de l’usine hydroélectrique Cusset. Elle est conçue sur le modèle britannique, rassemblant unité de production, habitations ouvrières, infrastructures liées aux soins et aux loisirs.

A son apogée en 1929, l’usine comptait près de 3 500 salariés. A la suite de nombreuses crises qui touchèrent notamment la production de viscose, la TASE ferma ses portes en 1980. Elle est aujourd’hui classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Vive la Tase !

Fête de l'industrie-Vive la Tase- 7 juillet 2018