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Un biomédicament pour restaurer l’élasticité des tissus et des organes

UUn biomédicament pour restaurer l’élasticité des tissus et des organes

À la faculté de médecine et de pharmacie Lyon Est, l’équipe de l’unité mixte de recherche 5305 du laboratoire de biologie tissulaire et ingénierie thérapeutique (CNRS/Lyon 1) explore depuis une dizaine d’années la piste du biomédicament pour traiter les personnes atteintes de cutis laxa. Cette maladie rare caractérisée par « une peau ridée, abondante et qui pend, ayant perdu son élasticité, associée à des anomalies squelettiques, du développement et, dans certains cas, à une atteinte systémique sévère1 », concerne 400 familles dans le monde. Pour l’heure, aucune thérapie ne permet de la soigner.

Une protéine de synthèse pour recréer l’élasticité de la peau…

La peau et, plus largement, tous les tissus et organes élastiques du corps humain doivent leur capacité à reprendre leur forme initiale après pincement, étirement ou dilatation à plusieurs facteurs et proté­ines, dont la tropoélastine, précurseur de l’élastine. Sécrétée pendant la croissance, l’élastine a une demi-vie de soixante-dix ans ; cela signifie qu’à cet âge, le corps humain a perdu la moitié de son élasti­cité. Or, cette propriété est essentielle pour notre santé, sa disparition pouvant être la cause d’infarctus, d’anévrisme, ou encore de cécité.

Ce à quoi est parvenue l’équipe lyonnaise relève d’une véritable prouesse de biologie de synthèse et d’ingénierie. Le Dr Romain Debret, docteur en biologie moléculaire et chercheur au CNRS, Fabrice Pirot, PU-PH, pharmacien et coordinateur de la plate­forme hospitalo-universitaire Fripharm implantée à l’hôpital Édouard Herriot, Aurore Berthier, assistante ingénieure bio­chimiste, Marie Hoareau, doctorante en biologie, et Valentin Lequeux, interne en pharmacie aux Hospices Civils de Lyon – HCL, forment l’équipe qui a réussi à fabriquer une protéine synthétique analogue à la tropoélastine naturelle, d’une étonnante stabilité.

Pour obtenir ce résultat, il a d’abord fallu « sélectionner les “meilleurs” exons, c’est-à-dire les zones codantes du gène de la protéine naturelle impliquées dans l’élasticité. Une fois assemblés, nous avons pu démarrer la production et vérifier que les propriétés physico-chimiques de la protéine répondaient bien à nos attentes », résume Romain Debret.

Pour la bioproduction, les biologistes font couramment appel à Escherichia coli, bactérie naturellement présente dans le tube digestif des êtres humains et des animaux à sang chaud. Son génome est modifié par l’introduction d’un gène supplémentaire codant pour la protéine de synthèse. Ensuite, elles fermentent en nombre. Cette étape est assurée par l’Institut Pasteur, à Paris. Et c’est à Lyon que les bactéries sont broyées, puis transférées dans une centrifugeuse afin d’extraire, après plusieurs cycles, la protéine de synthèse la plus pure requise, et ce sans aucun solvant.

Les premiers essais au laboratoire dans l’incubateur de culture cellulaire ont été très encourageants : « Les cellules étaient capables non seulement de reconnaître notre protéine de synthèse, mais aussi de la tisser en fibres élastiques ou de l’associer à des fibres déjà existantes. » Ainsi, les images de microscopie électronique à balayage ont-elles permis d’observer l’autoassemblage de la protéine élastique synthétique en sphère, puis la coalescence des sphères donnant une architecture plus complexe de type polymère ou fibreux.

Les essais suivants sur le poisson-zèbre, sujet de la thèse de doctorat de Marie Hoareau, menés en collaboration avec Élise Lambert, maître de conférence à l’Université Claude Bernard Lyon 1, ont confirmé le comportement attendu. L’injection de la protéine synthétique a mis en évidence sa capacité à se fixer tout au long des parois vasculaires du poisson et de surcroît de façon stable dans le temps et sans toxicité.

Vers la production de biomédicaments

En cette année 2023, l’équipe de recherche vient de bénéficier d’un deuxième finance­ment par l’Agence nationale de la recherche. Le nouveau projet d’investigation vise à évaluer l’efficacité de la protéine de syn­thèse sur l’emphysème pulmonaire. Cette pathologie se caractérise par la destruction progressive des alvéoles pulmonaires per­mettant l’absorption de l’oxygène. L’enjeu est de formuler la protéine pour l’adminis­trer sous la forme d’un aérosol. « Un défi de taille », soulève le Pr Fabrice Pirot, « car les biopolymères, les macromolécules, les protéines, présentent des problématiques de stabilité. De plus, l’interaction de la protéine avec l’air sera majorée par la voie d’adminis­tration, ce qui nécessite la prise en compte de paramètres thermodynamiques fonda­mentaux qui devront garantir une stabilité à long terme satisfaisante. »

La formule sera testée au sein de l’hôpital Henri Mondor à Créteil par l’équipe du Pr Serge Adnot. Si les essais s’avèrent concluants, ils ouvriront la voie à la prochaine étape : la fabrication, sur la plateforme Fripharm des HCL2, de biomédicaments expérimentaux dans le cadre de tests précliniques avec, en ligne de mire, les essais cliniques.

Auteur : F.F., Direction de la marque et de la communication des Hospices Civils de Lyon – 20 juillet 2023

 

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Notes

(1) Orpha.net / Voir aussi : www.arterylastic.com

(2) www.chu-lyon.fr/fripharm

Pourra-t-on un jour traiter des cancers avec des sous-produits de l’industrie textile ? | The Conversation

PPourra-t-on un jour traiter des cancers avec des sous-produits de l’industrie textile ? | The Conversation

Les cancers sont la cause principale de mortalité précoce dans les pays développés, entraînant près de 1,5 million de décès annuels dans l’Union européenne. Ils constituent un enjeu de santé publique majeur. La diversité de leurs formes, localisations et expressions implique que les traitements mettent en œuvre une grande variété de modalités thérapeutiques complémentaires, des rayons X, chimiothérapie, chirurgie, immunothérapie entre autres.

Parmi l’arsenal des traitements développés pour cibler des cancers de types très différents, la « photochimiothérapie » (dite aussi photothérapie dynamique ou PDT en anglais) utilise l’interaction entre un colorant et une source lumineuse, qui génère des composés chimiques qui sont toxiques pour les cellules.

Ce protocole thérapeutique est utilisé depuis une quarantaine d’années, et de manière croissante depuis le début des années 2000, en milieu clinique principalement pour le traitement de cancers de la peau ou de l’épithélium, mais également dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (une maladie caractérisée par le développement anarchique de vaisseaux sanguins au niveau du centre la rétine conduisant à une dégradation puis une perte progressive de la vue).

La photochimiothérapie présente des avantages en comparaison aux autres chimiothérapies, notamment parce qu’elle permet de cibler plus finement les cellules cancéreuses (par rapport aux cellules saines de l’organisme) par une irradiation lumineuse sélective.

Avec nos collaborateurs, nous avons récemment montré qu’une nouvelle molécule, dérivée d’un colorant abondamment utilisé dans l’industrie, présente des propriétés remarquables pour la photochimiothérapie. Nous espérons qu’elle pourrait être une perspective intéressante dans de futurs protocoles de traitement de cancers par cette méthode.

LLa lumière peut transmettre de l’énergie à son environnement

La lumière est porteuse d’énergie. Cette même énergie qui permet la photosynthèse et apporte à la terre les conditions climatiques propices au développement de la vie est absorbée par les molécules et matériaux qui constituent notre environnement, ce qui leur confère leur couleur. Certaines molécules, appelées « colorants » ou « pigments », présentent des teintes particulièrement vives et caractéristiques qui ont été mises à profit depuis l’aube de l’humanité pour la réalisation d’œuvres picturales ou la teinture de vêtements, comme pour le colorant utilisé comme base moléculaire dans notre étude, en particulier.

fiole de colorant photoluminescent
Le composé de la nouvelle étude est dérivé d’un colorant industriel. À la lumière du jour, il est jaune, mais sous ultra-violets, il apparaît vert : c’est la photoluminescence.
Clément Cabanetos, Fourni par l’auteur

Suite à l’absorption d’un photon, chaque molécule de colorant atteint un état d’énergie élevé, dit « excité », qui est par nature instable : afin de retrouver sa stabilité, la molécule va chercher à se débarrasser de cet excès d’énergie. Généralement, elle vibre fortement et transmet cette chaleur à son environnement.

Elle peut aussi se désexciter en émettant un nouveau photon, d’énergie un peu plus basse que celui absorbé – et donc d’une couleur différente. Ce phénomène est appelé « photoluminescence » et explique par exemple la brillance des vêtements blancs sous l’éclairage ultra-violet des boîtes de nuit.

Lorsqu’aucun de ces deux mécanismes n’est possible, la molécule utilise son énergie excédentaire pour produire des transformations chimiques. C’est ce qu’on appelle la « photochimie », dont les utilisations pratiques couvrent une très large gamme d’applications, allant du stockage de l’énergie à la production de médicaments ou de matériaux polymères.

CComment utiliser la lumière pour attaquer des cellules cancéreuses ?

Une application moins connue mettant en jeu ce processus est la photochimiothérapie. Le concept est relativement simple : une molécule, appelée « photo-sensibilisateur », est appliquée localement sur la zone à traiter, ou injectée par voie intraveineuse. Elle s’accumule dans les cellules cancéreuses, idéalement avec une forte sélectivité (c’est-à-dire qu’elle ne s’accumule pas, idéalement, dans les cellules saines).

Puis, sous l’effet d’une irradiation lumineuse, dont la longueur d’onde peut s’étendre, suivant le type de tumeur à traiter et la profondeur ciblée, du proche UV au proche infrarouge la molécule excitée va transmettre l’énergie absorbée aux molécules voisines, en premier lieu de dioxygène.

Le dioxygène est en effet présent partout dans l’organisme car il est un carburant indispensable à la production d’énergie par la machinerie cellulaire. Mais sa forme excitée, dite « singulet », conduit à un emballement de sa réactivité chimique. Ainsi, produire cette forme excitée « singulet » à proximité de biomolécules aussi importantes que l’ADN ou l’ARN fait l’effet d’une bombe : des cascades de réaction oxydatives conduisent à la dégradation des séquences de bases nucléiques, qui codent l’information génétique. Ceci empêche la production de protéines, enzymes et autres biomolécules indispensables au bon fonctionnement de la cellule.

deux photos de microscopie
Des cellules cancéreuses avant et après traitement par une nouvelle molécule sensible à la lumière. Le colorant rouge est un indicateur indirect de la dégradation cellulaire. La barre d’échelle représente 20 micromètres.
Marco Deiana et Nasim Sabouri, Université de Umea, Suède, Fourni par l’auteur

Devenue non viable, la cellule va rapidement déclencher une cascade de mécanismes qui conduit à sa mort par « apoptose » et à son élimination par le système immunitaire.

La photochimiothérapie présente de nombreux avantages, notamment par rapport aux autres chimiothérapies classiquement utilisées dans le traitement du cancer : bien que dans toute chimiothérapie, le traitement soit dès l’origine conçu pour s’accumuler préférentiellement dans les tissus cancéreux, une certaine proportion de la molécule va inévitablement s’accumuler dans des cellules saines, notamment si ces dernières ont des phases de multiplication rapide. C’est ainsi que la plupart de ces traitements s’accompagnent, parmi les effets secondaires les plus visibles, d’une perte des cheveux, et sont généralement mal tolérés par l’organisme.

Dans le cas de la photochimiothérapie, ces effets secondaires sont minimisés par le fait que l’activation du traitement nécessite, en plus de la molécule, un second levier : l’irradiation lumineuse du tissu à traiter.

En revanche, le traitement par photochimiothérapie est limité par la profondeur de pénétration de la lumière, ce qui restreint son utilisation aux cancers superficiels de la peau (carcinomes), ou accessibles par endoscopie (cancers de la vessie, de la prostate, de l’œsophage, des poumons…) ou encore en appui à une intervention chirurgicale d’exérèse (c’est-à-dire retrait) de la tumeur notamment par coelioscopie.

Dans ce cadre, les travaux pionniers d’une équipe française Inserm du CHU de Lille ont conduit au développement d’une approche novatrice alliant microchirurgie et photochimiothérapie pour le traitement du glioblastome, l’une des formes de tumeurs cérébrales les plus agressives.

UUne nouvelle molécule prometteuse pour la photochimiothérapie

Ainsi, nous avons développé avec nos collègues du CNRS, de l’université d’Anjou, de l’ENS, de l’université de Yonsei en Corée du Sud et de l’université d’Umea en Suède une nouvelle molécule dont les premières études semblent indiquer une efficacité exceptionnelle en photochimiothérapie.

simulation moléculaire
Interaction du colorant (orange) avec des petits fragments d’ADN (bleu) – modélisation moléculaire.
Natacha Gillet, Fourni par l’auteur

Cette molécule a été conçue selon le principe du « surcyclage », c’est-à-dire la valorisation par modification chimique d’une molécule existante afin de lui apporter de nouvelles propriétés.

La molécule que nous avons utilisée est un colorant jaune utilisé à la tonne depuis les années 1970 comme colorant pour l’industrie textile et plastique. Nous avons fonctionnalisé ce colorant en lui ajoutant des groupements chimiques, ce qui la rend extrêmement photosensible et capable d’exciter la forme singulet du dioxygène.

Au contact des cellules cancéreuses (in vitro, sur cellules cancéreuses ou ex vivo sur des organoïdes tumoraux de pancréas de souris), le colorant s’accumule spécifiquement au sein des « exosomes ». Les exosomes sont des compartiments cellulaires surexprimés dans les cellules cancéreuses, qui sont impliqués dans la communication intercellulaire, et très probablement dans les processus de diffusion des cancers par métastase.

Nous avons identifié, à l’intérieur de ces exosomes, que la molécule de colorant modifié interagit avec des fragments spécifiques d’ADN. Sous irradiation par lumière bleue, ces fragments se dégradent fortement, ce qui conduit à une mort cellulaire. De façon cruciale, cette mort cellulaire est atteinte à des concentrations du colorant photosensibilisateur 10 à 100 fois inférieures aux composés utilisés cliniquement, généralement accumulés dans le noyau ou les mitochondries des cellules (des compartiments considérés comme les rouages essentiels de la machinerie cellulaire).

En revanche, en l’absence d’irradiation, aucune toxicité n’est observée même à des concentrations élevées de la molécule, ce qui laisse espérer des effets secondaires modérés en comparaison aux traitements PDT existants, par exemple la temoporfin. Bien que le chemin soit encore long avant une utilisation clinique, cette molécule et plus généralement le ciblage des exosomes pour la PDT apparaissent riches en promesses.The Conversation

 

Article publié sur The Conversation le 14 juin 2023

Cyrille Monnereau, Docteur en chimie et science des matériaux, professeur associé, ENS de Lyon et Clément Cabanetos, CNRS researcher, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Carte blanche à 3D.Fab

CCarte blanche à 3D.Fab

La recherche s’invite à la BU Sciences Lyon 1.

La BU donne carte blanche à Christophe Marquette et à l’équipe de 3d.FAB (Fabric of Advanced Biology), la plateforme de prestation en impression 3D dédiée au domaine de la santé adossée à l’ICBMS (Institut de Chimie et de Biochimie Moléculaire et Supramoléculaire). Cultiver des cellules humaines, créer des tissus humains par impression 3D, les rendre manipulables par les chirurgiens et donc greffables, ce sont les activités du laboratoire 3d.FAB.

Durant cet atelier, vous pourrez toucher des tissus, voir des cellules, peut-être même regarder battre des tissus cardiaques.

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