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« Construire la ville avec l’eau et non pas contre l’eau » | Visages de la science

«« Construire la ville avec l’eau et non pas contre l’eau » | Visages de la science

Comment contribuer à construire des villes plus durables et résistantes aux effets du changement climatique ? Très active sur le terrain, Sylvie Barraud a pendant des années travaillé avec la métropole du Grand Lyon pour repenser la gestion des eaux pluviales, afin de faire de Lyon “une ville perméable”. Au micro des cœurs audacieux, elle explique comment, notamment grâce aux travaux menés au sein du laboratoire DEEP[1], il est possible d’utiliser cette précieuse ressource pour préserver la biodiversité et améliorer le confort des habitants.

  • Les eaux et la ville

L’hydrologie urbaine est le domaine de prédilection de Sylvie Barraud. « S’il fallait résumer, c’est l’étude du cycle de l’eau en milieux urbaine : toutes les transformations que subissent les eaux, notamment de pluie, des précipitations jusque dans les milieux. »

  • Pour une ville plus résiliente aux effets du changement climatique

« Très longtemps, la Ville a été source d’imperméabilisation. On n’aimait pas avoir les pieds dans l’eau ! Plus on voyait l’eau, plus on l’évacuait rapidement. Toute cette artificialisation des sols urbains a conduit à un certain nombre de problèmes. (…) Aujourd’hui, on cherche à désimperméabiliser », explique l’hydrologue urbaine, enseignante-chercheuse et ancienne directrice du département génie civil et urbanisme de l’INSA Lyon.

  • L’eau n’est pas une contrainte, mais une ressource.

Repenser la gestion des eaux pluviales est-il d’autant plus important que les effets du réchauffement climatique se font déjà ressentir et que l’on fait face à des phénomènes de plus intenses. « Les dispositifs qui font la ville avec l’eau -et non plus contre l’eau- sont de plus en plus utilisés et valorisés auprès des collectivités comme étant des éléments d’adaptation au changement climatique, même si celui-ci imposera certainement de nouvelles règles de conception de ces dispositifs (…) Il va falloir les concevoir sur ces grandes séries climatiques qui seront différentes de celles que l’on a connu précédemment. »

 

Sylvie_Barraud_Coeurs_Audacieux

 

Sylvie Barraud était l’invitée du podcast « Les cœurs audacieux », un contenu audio proposé par l’INSA Lyon (Saison 2 – Épisode 7).

 

Podcast_Coeurs_Audacieux

 

[1] Déchets Eaux Environnement Pollutions

50 ans de la formation en urbanisme à Lyon

550 ans de la formation en urbanisme à Lyon

1973 – 2023 : l’Institut d’urbanisme de Lyon fête ses 50 ans.

L’Institut d’urbanisme de Lyon – IUL – forme des praticien.nes et des chercheur.euses dans les domaines de la production et de la gestion de la ville et de l’espace aménagé. Il s’agit d’un champ d’action complexe, qui mobilise des acteur.trices et des organisations de nature différente (publique, privée), aux logiques (finalités, modes de raisonnement, …), aux systèmes de contraintes (légales, budgétaires, sociales, …) et aux ressources (financières, procédurales, professionnelles, …) extrêmement variables afin de répondre à des enjeux urbains et territoriaux en constante évolution.

L’IUL célèbre le 16 juin ses 50 ans. Au programme de l’après-midi : un temps d’échange autour des enjeux contemporains de la formation aux métiers de la ville avec des ancien·ne·s étudiant·e·s, des professionnel·le·s, des enseignant·e·s et des élu·e·s, la présentation en exclusivité d’une performance proposée par les étudiant·e·s de l’Institut d’urbanisme de Lyon – « Lyon 1973-2023 ». À 19h, un cocktail pour célébrer cet anniversaire sera offert !

Pour en savoir plus :

IUL

Immobilier : la propriété devient de moins en moins abordable, même dans les zones les plus pauvres | The Conversation

IImmobilier : la propriété devient de moins en moins abordable, même dans les zones les plus pauvres | The Conversation

Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, publié en février dernier, on compterait en France 330 000 sans-abris, au moins 4 millions de personnes mal logées et 15 millions de personnes touchées par la crise du logement. Face à cette situation dramatique, l’un des enjeux porte sur les leviers de l’action sur les marchés du logement. Ces dernières années, la production neuve a ralenti (430 000 logements en 2012 à 370 000 en 2022) et la production de logements sociaux continue de se résidualiser (126 000 logements sociaux financés en 2016, 95 000 en 2021, 96 000 en 2022).

Au-delà de ces chiffres, la situation s’explique aussi par le blocage de la chaîne du logement du fait du ralentissement de l’accession à la propriété dans un contexte de hausse des prix. La part des primo-accédants tend à diminuer au profit de celle des propriétaires ayant fini de rembourser leur emprunt.

Dans ce contexte, nous avons mené une enquête financée par le programme ANR WIsDHoM (Wealth Inequalities and the Dynamics of Housing Markets) portant sur les aires urbaines de Paris, Lyon et Avignon. Nous relevons que dans ces trois zones, l’accès à la propriété est devenu la norme, tout en étant moins abordable, creusant ainsi les inégalités.

UUne diminution générale de l’abordabilité

Dans chacune des trois agglomérations, nous avons sélectionné quatre communes aux tendances de marché contrastées et nous y avons mené une enquête par voie postale auprès des propriétaires résidents (1 427 réponses). Les résultats tirés de cette enquête ne concernent donc pas l’ensemble des trois agglomérations mais des secteurs de marché spécifiques.

Le sens général de l’évolution ressort sans équivoque : l’abordabilité, entendue comme le rapport entre les prix et les revenus, a diminué partout.

Dans les trois agglomérations, les communes où un mois de revenu suffit pour acquérir un mètre carré sont de plus en plus reléguées dans les périphéries alors que le périmètre de celles où il faut plus de deux mois de revenu pour un mètre carré ne cesse de s’étendre.

Le processus est le plus marqué pour l’agglomération parisienne, dont la ville centre et la première ceinture étaient déjà peu abordables en 2002. Les niveaux d’abordabilité sont un peu meilleurs dans les deux autres agglomérations (plus pour Lyon que pour Avignon toutefois), mais la situation se détériore significativement.

Abordabilité des maisons : ratios prix – revenus localisés de 2002 à 2018

 

Cette diminution de l’abordabilité a eu pour conséquence une triple évolution : une plus grande sélectivité sociale des marchés, une mobilisation plus importante des propriétaires pour leur parcours d’accession, et une recomposition de la géographie des parcours patrimoniaux.

La sélectivité sociale peut être mesurée par la hausse de la part des ménages à dominante cadre parmi les acquéreurs, part qui passe de 27 % avant l’inflation immobilière à 43 % après 2008. Cette hausse est surtout importante dans la première période de hausse des prix de l’immobilier à Paris et à Lyon, alors qu’elle est plus continue à Avignon.

On observe également une certaine convergence : les écarts entre les terrains de l’enquête dans les trois agglomérations sont moins élevés après 2008. Même si les niveaux de prix sont très différents d’une agglomération à l’autre, l’évolution de l’abordabilité produit des résultats assez similaires en termes de filtrage social par le marché du logement.

LLe poids des transmissions intergénérationnelles

La deuxième conséquence porte sur les ressources mobilisées par les ménages pour devenir propriétaires, dans des logiques d’accumulation patrimoniale. Les catégories sociales qui parviennent encore à devenir propriétaires doivent s’engager dans des parcours d’accession à la fois plus longs et plus contraignants que par le passé.

La durée moyenne des emprunts ne cesse de s’allonger dans les trois agglomérations : 15,7 ans pour les acquéreurs d’avant 2000, 20 ans après 2015. Dans le même temps, la part de ceux dont l’apport est inférieur à 25 % du prix d’achat passe de 30 % avant 2000 à 25 % après 2008. Ce rôle déterminant de l’apport initial renvoie à la proportion croissante d’acquéreurs bénéficiant de la revente d’un autre bien immobilier.

Un tiers des acquéreurs des années 1980 et 1990 étaient déjà propriétaires avant d’acheter. Ils sont près de 60 % après 2008. Le découplage des prix et des revenus n’est ainsi tenable que par cette réinjection du patrimoine issu de la revente de biens immobiliers pour financer les acquisitions suivantes, au détriment des primo-accédants. Dans cette dynamique, l’agglomération d’Avignon comble progressivement l’écart avec les métropoles parisienne et lyonnaise, et les dépasse même après 2008.

Dans ce contexte, le maintien des primo-accédants sur le marché passe par deux canaux distincts : les prêts aidés comme le prêt à taux zéro ou le prêt à l’accession sociale d’une part, les transmissions intergénérationnelles d’autre part. Les premiers connaissent surtout un essor entre 2000 et 2007 où 41 % (contre 19 % auparavant) des primo-accédants enquêtés en bénéficient. Ils refluent ensuite à 31 %, reflet de l’évolution des terrains étudiés (certains sortant du zonage de ces dispositifs) et de du niveau social des acquéreurs (ces prêts aidés étant versés sous condition de revenus).

Le poids des transmissions intergénérationnelles pour les primo-accédants augmente quant à lui surtout après 2008. Alors que 18 % en bénéficiaient pour constituer un apport avant 2000 et 14 % entre 2000 et 2007, ce sont 33 % des primo-accédants qui mobilisent cette source après 2008. Sur des secteurs spécifiques de marché, les retournements des modes d’acquisition peuvent être rapides et la substitution des transferts intergénérationnels aux politiques d’aides à l’accession est un facteur renforçant les inégalités.

LLes inégalités sociospatiales se redessinent

L’évolution de l’abordabilité affecte aussi, et c’est la troisième conséquence, la géographie des mobilités résidentielles. 39 % des acquéreurs d’avant 2000 ont acheté dans la commune où ils résidaient, 29 % après 2008.

Ce mouvement est continu dans les agglomérations de Lyon et d’Avignon, alors qu’il semble se retourner après 2008 à Paris. Un élément d’explication tient au fait que les ménages déjà propriétaires de l’agglomération parisienne réinvestissent plus souvent dans la même commune que ceux des deux autres agglomérations. 67 % des acquéreurs issus de la même commune étaient déjà propriétaires dans les communes autour de Paris, contre 46 % à Lyon et 30 % à Avignon.

Une partie des propriétaires franciliens semblent parvenir à mieux tirer parti des hausses de prix pour se maintenir dans leur commune alors qu’à Lyon et Avignon ils changent de localisation pour poursuivre leur parcours résidentiel. Les différentiels d’abordabilité enclenchent donc des mobilités géographiques et redessinent les inégalités sociospatiales. Ces effets ne peuvent être saisis qu’en étant attentifs aux interactions avec les autres déterminants des trajectoires patrimoniales.

En combinant une approche systématique des marchés dans trois agglomérations différentes, mais aux dynamiques convergentes, à une enquête plus ciblée sur des secteurs de marché contrasté, on peut voir comment la réduction générale de l’abordabilité, passant par la médiation de facteurs patrimoniaux (durée d’emprunt, apport initial, transmissions intergénérationnelles, revente d’un logement précédent), affecte les profils et les parcours des propriétaires. Ce faisant, on peut mieux caractériser le blocage de l’accession à la propriété en y distinguant trois dimensions : un filtre social de plus en plus puissant, un surcroit de mobilisation de ressources et une contrainte de localisation grandissante.The Conversation

 

Publié  sur The Conversation le 11 avril 2023

Renaud Le Goix, Professeur en géographie urbaine et économique, Université Paris Cité et Loïc Bonneval, Maître de conférences en sociologie, Université Lumière Lyon 2

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original :

The Conversation

La technique au service de la poésie d’un lieu | Visages de la science

LLa technique au service de la poésie d’un lieu | Visages de la science

« Nu ». C’est l’adjectif évocateur que Grégoire Arthuis, ingénieur et architecte diplômé de l’INSA Lyon, et son associé ont choisi pour nommer leur agence d’architecture et d’ingénierie. Une référence au corps humain qui rappelle aussi un élément essentiel lorsqu’il s’agit d’ouvrages de construction : la structure. 

Après sept ans de double-cursus en école d’ingénieur et un diplôme d’architecte, Grégoire Arthuis sait tirer parti de sa biculture pour s’affranchir des conventions et des contraintes techniques. Chaque projet a ainsi rendez-vous avec une constante : inscrire l’ouvrage dans une unité capable de traverser les âges. Plusieurs distinctions ont d’ailleurs déjà salué ce goût de « l’essentiel ». La dernière en date : le prix de la Première Œuvre de l’Équerre d’Argent 2022 pour une passerelle à Brides-les-Bains. Entretien avec un ingénieur-architecte qui fait du « projet d’après », celui de ses rêves.

En 2010, vous sortez de l’INSA Lyon avec un double diplôme ingénieur-architecte en poche. Alors « ingénieur », vous décidez de compléter vos apprentissages avec un Master à l’ENSA Paris-Malaquais, devenant ainsi pleinement « architecte ». Avez-vous choisi votre camp entre les deux fonctions ?
Avoir suivi un double cursus ingénieur-architecte permet une liberté folle : celle de ne pas avoir peur des contraintes techniques et même d’en jouer. Il me semble qu’il est illusoire de croire que l’on peut être ingénieur et architecte à la fois. Je l’ai longtemps cru en étant étudiant mais ce sont deux métiers distincts, avec des charges de travail et des responsabilités différentes. (…)

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Histoire de la Société Académique d’Architecture de Lyon

HHistoire de la Société Académique d’Architecture de Lyon

La Société Académique d’Architecture de Lyon est l’une des plus anciennes sociétés savantes encore en activité de France. Formée par des architectes majeurs du XIXe siècle, comme Antoine Marie Chenavard (1787-1883) et Louis-Pierre Baltard (1764-1846), elle a profondément marqué la scène architecturale lyonnaise.

Ces travaux historiques, ces concours et ses conférences en font une référence unique pour les architectes, dès son origine. Riche de plus de 190 ans d’histoire et d’archives, la Société Académie d’Architecture de Lyon est un sujet de recherche à part entière. Pourtant, l’histoire même de ce groupement est peu connue. Cette conférence est l’occasion d’éclairer la naissance de la Société, à la fin des années 1820, et sa vie jusqu’à l’aube de la Troisième République. Cette recherche inédite révélera le rôle majeur joué par le groupement dans l’institutionnalisation de la profession d’architecte.

 

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Archives Municipales de Lyon

Le patrimoine Tony Garnier, entre reconnaissance et fragilités

LLe patrimoine Tony Garnier, entre reconnaissance et fragilités

L’œuvre de l’architecte et urbaniste Tony Garnier, Grand prix de Rome et auteur de l’ouvrage de référence Une Cité industrielle (1918), est à la fois méconnue et mal protégée dans la ville qui l’a vu naître.

Elle recèle pourtant de véritables joyaux de l’architecture du XXe siècle à Lyon : la Halle qui porte désormais son nom, la Cité des États-Unis, l’hôpital Édouard-Herriot (malgré ses transformations lourdes par les Hospices civils de Lyon), l’ancienne École de tissage, les trois villas de Saint-Rambert ou encore l’ancienne Vacherie du Parc de la Tête d’Or…

Cette conférence permettra de mieux connaître l’héritage bâti de Tony Garnier dans toutes ses dimensions et de mesurer les enjeux d’une protection accrue de cette oeuvre qui compte parmi les fleurons du patrimoine moderne à Lyon malgré les démolitions malheureuses qu’elle a subi.

 

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Archives municipales de lyon

Contre la métropole barbare, les Français·es à la recherche d’« espaces pirates » | The Conversation

CContre la métropole barbare, les Français·es à la recherche d’« espaces pirates » | The Conversation

ZAD Notre Dames des Landes. La recherche d’espaces éloignés de la métropolisation touche de nombreux habitants. ©Rue89 Strasbourg/Flickr, CC BY-ND

De Sydney à Paris, de Montréal à Rio, de Genève à Berlin, la multiplication des luttes contre la gentrification et les ségrégations urbaines fait aujourd’hui écho aux nombreuses actions de désobéissance civile contre les effets écologiques d’une société de consommation particulièrement développée dans les grandes villes.

Par ailleurs, de l’Italie au Mexique, de la Bolivie à l’Allemagne et à l’Afrique du Sud, les résistances n’ont cessé de se déployer sur les 20 dernières années contre des grands projets d’équipement, d’extraction et/ou d’exploitation nécessaires à la généralisation des modes de vie urbains occidentaux.

Ces collectifs très médiatisés, très divers, par leur composition sociogénérationnelle, leurs modes d’action et leurs inspirations idéologiques ou philosophiques, remettent en cause la croissance des grandes villes et, en arrière-plan, la métropolisation du monde et son urbanisation généralisée.

Or, il est un fait encore largement minoré dans les médias : un nombre croissant de personnes, de l’ordre de 600 à 800 000 personnes sur les quatre dernières années en France, quittent les espaces métropolitains pour emménager dans les grandes périphéries, et ce en faisant de plus en plus le choix d’autres styles et formes de vie, notamment par l’écologie et l’autonomie.

DDes espaces entiers se redynamisent

Ainsi, loin du discours longtemps dominant dans les mondes universitaires, singulièrement de la géographie, niant l’attrait si ce n’est l’existence même des périphéries – comme en témoignent les critiques répétées adressées aux travaux de Christophe Guilluy – des espaces entiers demeurent dynamiques voire se redynamisent, y compris dans la fameuse diagonale du vide, victime de la désindustrialisation (du nord-est au sud-ouest).

Les lieux historiques du refuge et de confins vis-à-vis des modes de vie urbains, tels que le Limousin ou encore la Lozère et l’Ardèche deviennent des lieux d’accueils mais aussi, plus amplement de nombreux espace du sud-est de la Bretagne au centre de la Drôme, du Cotentin au Cantal, du Tarn à l’Aveyron…

Ces périphéries représentent alors de véritables espaces pirates par le foisonnement des alternatives et leurs passions joyeuses face aux mutations métropolitaines d’une vitesse inégalée.

440 % du territoire national concerné

Au total, ce sont plus 40 % du territoire national concerné par une multitude d’initiatives, comme le montre, parmi d’autres, la carte participative du portail Internet et réseau anonyme Utopies concrètes qui recense 3 000 lieux en France, aux deux tiers périphériques aux grandes polarités et aux grands centres urbains.

Par l’observation directe ou indirecte d’une centaine de luttes ou d’initiatives, j’ai noté dans mes recherches l’émergence d’une grande diversité de nouveaux modes de vie. Il s’agit par exemple d’habitat groupé et d’habitat léger (autoconception, autofinancement, autoconstruction) pour faire autonomie résidentielle mais aussi des lieux de production : permaculture, espaces potagers communautaires y compris dans les espaces périurbains des grandes villes, et fermes sociales pour faire autonomie alimentaire.

On retrouve également des systèmes d’échanges locaux (SEL), des ressourceries et centrales villageoises pour faire autonomie technique et énergétique, des coopératives intégrales (où toutes les ressources vitales sont mises en partage) et communautés existentielles (lorsque la communauté de vie souhaite s’autogérer entièrement), prenant parfois la forme d’éco-hameaux et éco-lieux

Eco-hameau à Andral (dans le Lot).

HHabiter, coopérer, autogérer

Ces observations mettent en lumière trois grands communs. Tout d’abord, refaire corps avec le vivant en habitant autrement la terre, et donc la Terre. Il s’agit ici très souvent d’adopter et de développer des pratiques dites écologiques de ménagement du milieu (et non d’a-ménagement), en prônant sobriété et frugalité.

Pour cela, il y a logiquement à retisser des liens d’entraide et de solidarité par des coopérations renouvelées. D’autres rapports aux ressources locales et aux activités territoriales s’incarnent très directement, car coopérer demande d’apprendre des savoirs pratiques et situés, souvent sur la base de techniques manuelles et d’expériences de la terre.

Enfin, troisième et dernier commun, non le moindre, il s’agit de faire autonomie non seulement dans le domaine de l’alimentation, du logement, de l’énergie, des déplacements… mais plus encore par des règles d’organisation réellement démocratiques, propres aux individus et aux collectifs.

Le triptyque habiter/coopérer/autogérer est indéniablement un système de valeurs en construction dans plusieurs espaces périphériques, et ce par une écologie bien plus existentielle et relationnelle que le simple empan gestionnaire de la smart city et la seule imposition des règles de droit de la propriété privée foncière.

ZAD, un an après, France 3.

Ce système ne se conçoit pas d’ailleurs sans lien parfois avec la tradition des biens communaux (souvent des bois, des prés, des landes et des marais, gérés en commun par des habitants d’une communauté rurale), que ce soit dans les activités agropastorales ou artisanales.

DDes manières de vivre loin du folklore

Par une grande diversité de situations et surtout d’expériences, c’est le cas du collectif de la vallée Longue en Lozère et de la communauté de l’Arche en Isère, de la commune de Trémargat dans les Côtes-d’Armor, de la communauté Longo Maï du Mas de Granier dans les Bouches-du-Rhône ou encore de l’écovillage Ecoravie dans la Drôme… Tout ceci sans même parler des Zones à Défendre, telle celle très emblématique de Notre-Dame-des-Landes en Loire-Atlantique.

En fait, loin de tout folklore champêtre et sa nostalgie pour un modèle « villageois », les ruralités sont de plus en plus composées de personnes qui ont quitté la grande ville pour donner sens à leurs convictions en s’efforçant de mettre en pratique d’autres manières de vivre.

Dans ces périphéries, chacun peut en fait se percevoir comme acteur, y compris les catégories populaires, et faire de sa main, en participant notamment aux activités et affaires locales.

En souscrivant à ces modes d’action, ces personnes rejettent les phénomènes de métropolisation qui combinent dépossession du pouvoir d’habiter et de lutter dignement pour l’écologie de son milieu de vie.

Projet Ecoravie.

UUne métropolisation synonyme de néolibéralisme urbain

Cette métropolisation remise en cause désigne le processus de renforcement de la puissance des métropoles par l’organisation et l’aménagement du territoire, suivant en cela le modèle de la ville-monde, dont les sept totems sont New York et Hongkong, Londres, Paris, Tokyo, Singapour et Séoul.

Plus de 120 villes à ce jour imitent très directement leur modèle de développement, dont quelques-unes françaises, Lyon notamment. Et sous peu quelques autres par les efforts déployés : Bordeaux, Lille, Montpellier ou encore Nantes.

Un étalage de fruits au large de Brick Lane. ©Garry Knight/Flickr, CC BY-ND

La métropolisation représente un moment particulier de la longue histoire des densités urbaines, qui ont, pour rappel, toujours été de dessein à la fois économique, pour garantir les rendements, et politique, pour réguler les conduites. Ce moment est celui, néolibéral, du capitalisme urbain.

Les cibles de population sont majoritairement les groupes du techno-managériat et les classes dites créatives (sciences et ingénierie, architecture et design, arts et culture…), la petite bourgeoisie intellectuelle, les jeunes biens formés, les actifs plus âgés et biens portants. Soit un peu plus de 40 % de la population nationale.

Le « bosco verticale » (« bois vertical » en français) est un complexe architectural conçu et porté par le Studio Boeri avec l’aide d’horticulteurs et de botanistes, constitué de deux tours d’habitations hautes de 76 mètres et 110 mètres, Porta Nuova à Milan, en Italie. ©Wikimedia, CC BY

Cependant, des politiques d’aménagement assez mimétiques à travers le monde ont créé les paysages et ambiances idoines de cette attractivité : architecture starifiée et grandes tours végétalisées, urbanisme temporaire et street-art, espaces publics convertis en esplanades marchandisées et grands parcs pour joggers affairés, fêtes et évènements sportifs mondialisés, clusters scientifiques et pôles de compétitivité… Sans oublier la bucolisation marketée des projets d’aménagement (éco-quartiers) et la numérisation… de tous les lieux. Les paysages métropolitains s’homogénéisent.

Ces pratiques ont rendu les coûts d’accès à la vie métropolitaine inaccessibles, évinçant les pauvres et subalternes, avec gentrification et ségrégations grandissantes du fait notamment des prix des logements centraux.

Clara Zetkin Park, Leipzig. ©Sachsenbrücke/Flickr, CC BY-ND

UUn coût écologique

Cette croissance a des effets écologiques tout à fait considérables par la surconcentration humaine : artificialisation des sols, exploitation des ressources, arraisonnement total des espaces, y compris éloignés, pour leur alimentation, leur desserte, leur divertissement. En leur sein, la nature y est de plus en plus aseptisée, les taux de pollution battent des records, et les métropoles accèdent à un nouveau label, estival, celui de « fournaises urbaines » comme le révèle notre enquête réalisée en juillet 2019 sur le vécu du changement climatique dans trois métropoles du sud de la France.

L’urbanisation généralisée, c’est aujourd’hui 56 % de la population mondiale (annoncée à 70 % en 2050) pour, d’ores et déjà, 70 % des déchets planétaires, 75 % de l’énergie consommée, plus de 80 % des émissions de gaz à effet de serre, et de 90 % des polluants atmosphériques.

Enfin et surtout, cette croissance métropolitaine n’est pas sans effet sur les vécus de chacun.e : perception d’accélération sans frein, impression d’étouffement, sensations de suffocation, sentiment de dépossession des existences.

DDéparts silencieux

Les changements sont d’une profondeur et d’une rapidité historique inégalées pour les vies, humaines comme non humaines. C’est d’ailleurs la définition que nous donnons à la métropolisation : un fait social total, celui d’un processus de reconfiguration accélérée d’espaces vécus et des (bio)pouvoirs qui s’exercent dessus.

Dans ce contexte, rien d’étonnant à assister à cette autre croissance, silencieuse, de départs des espaces métropolisés (notamment dans l’agglomération parisienne), des cadres surmenés jusqu’à de jeunes précarisés.

Ce sont d’ailleurs dorénavant très officiellement les communes peu denses qui attirent et gagnent de nouveaux habitants

DDe nouvelles aspirations

En 2016, une enquête du forum Vies Mobiles montrait que sur les 12 000 personnes interrogées représentatives de six pays seules 18 % désignaient la grande ville comme un lieu de vie idéal, et même 13 % en France. 74 % estimaient que le rythme de vie dans la société actuelle est trop rapide (80 % en France) et 78 % souhaitaient personnellement ralentir (82 % en France). Toujours selon le même Forum Vies Mobiles, cette fois-ci par une enquête menée auprès de 13 201 Français en 2019, il y aurait lieu de mener une politique de réaménagement du territoire et de ralentissement des rythmes de vie.

Une non moins récente enquête de l’Observatoire Société et Consommation et de Chronos montre que 74 % des Français qui trouvent leur commune trop dense souhaiteraient vivre ailleurs (février 2020), et en décembre 2019, une autre enquête du premier organisme auprès de 2 000 Français de 18 à 70 ans a dépeint une organisation de l’économie et de la société tendue vers la sobriété, le « moins mais mieux ». Cette vision idéale est majoritairement partagée devant l’utopie « techno-libérale » ou l’utopie « sécuritaire ». Un sondage Odoxa de 2019 indique même que, pour protéger l’environnement, 54 % des Français préféreraient la décroissance à la croissance « verte » (45 %).

LLe risque : replonger dans des habitudes anciennes

Toutefois, un risque au moins demeure, non des moindres : que les comportements vécus dans la métropole et ses périphéries épigones, intériorisés, viennent coloniser des espaces a priori encore épargnés.

Plusieurs habitudes et chaînes comportementales sont à desserrer : la mobilité permanente et l’accélération sans fin des mouvements, le divertissement ininterrompu et le nomadisme généralisé, la connectivité continue et les corps prétendument augmentés.

Bref, tout ce qui simultanément scinde socialement les sociétés, met en péril les écosystèmes et fatigue les existences.

Or, la tâche est tout sauf simple si l’on en juge la force des dynamiques néolibérales et celle des discours idéologiques derrière un tel régime passionnel (que l’on retrouve d’ailleurs allègrement dans les politiques périphériques) : la mobilité servirait notre émancipation, le divertissement nos humanités, la connectivité notre citoyenneté.

Puisqu’il s’agit de tempérer les comportements à des fins de ménagement du vivant, de ralentir pour reprendre le souffle des existences, se limiter et trouver de la mesure par le rapprochement et l’intensité des liens entre humains et non-humains sont le premier moyen de se désaliéner. Citons ainsi Cornelius Castoriadis:

« L’autonomie – la vraie liberté – est l’autolimitation nécessaire non seulement dans les règles de conduite intrasociale, mais dans les règles que nous adoptons dans notre conduite à l’égard de l’environnement. »The Conversation

 

Publié  sur The Conversation le 15 mars 2023

Auteur : Guillaume Faburel, Professeur, chercheur à l’UMR Triangle, Université Lumière Lyon 2

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original :

THE CONVERSATION

Des corps dans la ville: non-binarité et espace public

DDes corps dans la ville: non-binarité et espace public

Dans cet atelier participatif en écho à la déambulation-performance Public.ques et à la journée du 8 mars, le Pôle Genre vous invite à repenser la société et l’aménagement urbain tels qu’ils seraient dans une société qui aurait aboli les discriminations et frontières de genre…

Photolangage, discussion, contextualisation par Benjamin Moron-Puech (enseignant-chercheur en Droit à l’Université Lumière Lyon 2 et auteur du blog Sex&Law) et prospection en petits groupes : venez partager et apprendre autour de ce futur possible, de ses enjeux dans différents champs de la société et de ses conséquence sur l’architecture et le quotidien urbain.

Proposé par le Pôle genre de l’Université Lumière Lyon 2 et la DiSS. Animé par Benjamin Moron-Puech (impliqué dans plusieurs procès stratégiques concernant les droits des femmes et des personnes intersexuées, transgenres ou non binaires) , Lina Roy (chargée de médiation) et Hélène Chauveau (chargée de projets sciences et société). Cet atelier a été conçu en écho à l’exposition « Des corps dans la ville » qui a eu lieu à la Maison de l’architecture d’Ile-de-France du 14 octobre 2022 au 25 novembre 2022.

 

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Université lumière lyon 2

Visite guidée : Du Grand Hôtel-Dieu à l’Université : médecine et sciences dans la ville

VVisite guidée : Du Grand Hôtel-Dieu à l’Université : médecine et sciences dans la ville

 

Le 19e a été un siècle de révolutions médicales et scientifiques, et notamment à Lyon. La médecine lyonnaise s’est longtemps développée à l’Hôtel-Dieu, où a émergé son enseignement au début du 19e siècle. La faculté des sciences, créée en 1835, et l’école de médecine, devenue faculté en 1874, ont rejoint le nouveau palais universitaire bâti sur la rive gauche du Rhône en 1896.

Du Grand Hôtel-Dieu à l’Université, du Discours sur la douleur de Marc-Antoine Petit aux radiographies d’Etienne Destot et à la criminologie d’Alexandre Lacassagne et d’Edmond Locard, suivez les traces laissées par les grands médecins et scientifiques, et embarquez, de la rive droite à la rive gauche, dans le siècle de Louis Pasteur et de Claude Bernard.

Cette visite s’appuie sur la documentation du département d’histoire de l’art de l’université Lyon 2 et les collections du Musée des Hospices Civils de Lyon, pour mieux vous emporter dans les petites et la grande histoire de la médecine et des sciences à Lyon.

 

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Pourquoi il est grand temps de quitter les villes | The Conversation

PPourquoi il est grand temps de quitter les villes | The Conversation

Si le processus d’urbanisation globalisée ne semble pas vouloir marquer le pas, le géographe Guillaume Faburel nous invite à considérer le débranchement urbain dans son texte « Vider les villes ? », dont nous vous proposons des extraits. Retrouvez cette réflexion et bien d’autres dans le livre collectif « Écologies. Le vivant et le social », publié aux éditions de la Découverte.

Vider les villes ? Voilà bien a priori une hérésie. La ville, c’est le progrès et l’émancipation. Tous les grands moments de notre civilisation y sont chevillés, des cités-États aux villes-monde et métropoles d’aujourd’hui. Pourquoi diable vouloir les vider ?

Simplement parce que tous les mois à travers le monde l’équivalent d’une ville comme New York sort de terre. À moins de croire dans le solutionnisme technologique et le durabilisme des transitions, il est temps de rouvrir une option envisagée dès les années 1970 : la désurbanisation de nos sociétés. Voici peut-être l’unique solution face à la dévastation écologique. Un seul « s » sépare demeure et démesure, celui de notre propre survie.

Article publié par The Conversation le 19 janvier 2023

Auteur : Guillaume Faburel, Professeur d’Études urbaines à l’Université Lumière Lyon 2

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The Conversation