LLe vélo serait-il le symbole d’une société en crise ? En selle !Car nous poursuivons notre étude sur le vélo, sujet de notre triptyque. Dans ce deuxième podcast, nous allons découvrir comment ce dernier peut illustrer les sociétés de crise, et notamment les cas de crise énergétique.Allez vous êtes prêts ? On enfourche de nouveau notre vélo et on part avec Clément LUY, doctorant en études italiennes à Triangle dont le travail de thèse porte sur le cyclisme à l’époque du régime fasciste italien. > Écoutez le podcast :https://popsciences.universite-lyon.fr/app/uploads/2025/03/tri1-2_clement-luy.wav> Lire la retranscription des propos de l’interview :Nous avons appris précédemment que le cyclisme et le vélo étaient très populaires dans l’Italie fasciste, mais que le régime a longtemps hésité à promouvoir ces activités. A partir du milieu des années 1930, il y a un revirement : que se passe-t-il concrètement ?Clément Luy – Oui, tout à fait, on a parlé dans le podcast précédent très rapidement du contexte de crise et de sanctions économiques qui expliquait ce changement rapide. Dès que ce choix est fait un peu par obligation, la production des industries italiennes est fortement encouragée et promue par la propagande, notamment lorsqu’elle permet de mettre en place des prix accessibles aux consommateurs parce que le vélo ça coûte quand même encore un peu cher. Les associations fascistes du temps libre, donc le Dopolavoro, que j’ai déjà évoqué la dernière fois, s’organisent pour avoir de plus en plus de promotions et de tarifs de groupe en quelque sorte pour l’achat groupé des vélos et du matériel. Mais la situation empire progressivement avec le début de la seconde guerre mondiale en 1939, l’État fasciste incite de plus en plus à se déplacer à vélo en exerçant un contrôle strict des prix de vente, qui va se transformer carrément en 1942 en un contrôle des modèles vendus qui doivent tous correspondre à un même « type » pour économiser des matières premières. Enfin, la taxe sur la circulation des vélos est abolie et les cyclistes sont mêmes autorisés à emprunter l’ensemble des routes, y compris les premières autoroutes jusqu’ici réservées aux voitures. C’est vraiment un symbole de l’échec des rêves de motorisation, de l’automobile portés par le fascisme.© PixabayL’Etat contrôlait donc le prix de vente des vélos afin que la majorité des personnes puissent en acheter. Aussi, pourrait-on dire que c’est un peu comme aujourd’hui avec les aides financières ?C.L. – C’est difficile de faire un tel parallèle historique mais il est certain que dans les moments de crise, les vélos apparaissent comme un moyen de transport simple, économique, sûr et assez fiable pour les trajets du quotidien. C’est quelque chose que l’on retrouve à plusieurs occasions donc actuellement, comme tu l’as dit, mais aussi il y a cinquante ans, en 1973 au moment de la crise pétrolière où en Italie l’usage privé des automobiles est interdit le dimanche et les jours fériés, ce qui entraîne un retour des vélos sur les routes italiennes pour les promenades du dimanche. Là encore, en 1973, c’est un moment de crise qui incite à promouvoir le déplacement à vélo. Malgré ces parallèles, ces similitudes, les discours sont très différents, les raisons de promouvoir le vélo ne sont pas du tout les mêmes en 1940, en 1973 et aujourd’hui parce que les sociétés ont bien changé. Mais le point commun du « vélo bon pour la santé » peut être aussi souligné. Sinon, on est dans des contextes bien différents.Donc, finalement, à chaque crise d’énergie est corrélé l’usage du vélo ?C.L – En effet c’est arrivé à plusieurs reprises et dans plusieurs contextes pour plusieurs raisons différentes au XXe siècle.Pourrait-on dire que le vélo peut être une ressource en cas de crise ?C.L – On pourrait, parce qu’il y a une facilité à utiliser le vélo qui en fait un substitut utile à d’autres moyens de transport beaucoup plus coûteux et beaucoup plus énergivores. C’est vraiment un aspect qui est mis en avant dans les manuels d’utilisation du vélo, ou dans les articles de presse publiés en Italie au début des années 40 et à la fin des années 30. Et il n’est d’ailleurs pas impossible que justement quand les privations se terminent, donc à la fin de la seconde guerre mondiale, et au début des trente glorieuses du miracle économique italien dans les années 1950, on cherche très vite à remplacer le déplacement à vélo par le déplacement en vespa ou en mobylette justement pour oublier cette situation de crise passée. Le vélo reste symbole de pauvreté et de privations, ce que l’on peut voir par exemple dans le film « le voleur de bicyclettes » qui est sorti en 1948 : c’est pour ça que les Italiens cherchent très rapidement à trouver d’autres moyens de transport, au moins pour leurs déplacements du quotidien, comme la vespa, les mobylettes. Le cyclisme, lui en tant que sport amateur ou professionnel, reste très populaire, comme en témoigne les histoires des grands champions des années 1940 et 1950.Mais aujourd’hui, nous pouvons aussi ajouter que l’utilisation du vélo peut s’avérer être une alternative quant à l’émission de CO2, et notamment en ville ?C.L – C’est une évidence et c’est la nouvelle urgence à laquelle on fait face, et c’est pour cela que l’État, ou la mairie ou la métropole, et puis même les administrations interviennent pour soutenir l’usage du vélo. Bien entendu, cette urgence écologique est nettement moins présente dans les années 1930, 1940, elle est carrément absente. Et on voit ainsi régulièrement, que dans un contexte de crise, l’Etat et les administrations publiques sont à l’initiative, de mesures de soutien. Ainsi, c’était aussi le cas en Italie, à la fin des années 1930, avec toutes les interventions de l’État pour soutenir la production et faire baisser les prix pour les consommateurs. C’était une intervention qui était elle aussi nécessaire en raison de l’urgence de la situation. De la même manière, l’Etat est intervenu très fortement lors du choc pétrolier de 1973, avec cette interdiction dont j’ai parlé pour les voitures de circuler le dimanche ; ou maintenant en France, avec les aides financières dont tu as parlé. Ces différentes mesures évidemment sont toutes différentes car elles prennent en compte la spécificité des contextes historiques et des urgences auxquelles il faut faire face et puis elles sont aussi limitées par les marges de manœuvre de l’État.Précédemment : le vélo, outil de propagande, loisir ?> À suivre…Le prochain podcast du triptyque consacré au vélo posera la question de la popularité de ce moyen de transport.>> Pour en savoir plus :Triptyque – Laboratoire Triangle
VVéhicule autonome : l’essayer, ce n’est pas vraiment l’adopter… | The Conversation Mercedes EQS, Tesla, Waymo (Google cars), les véhicules autonomes deviennent progressivement une alternative crédible aux véhicules que l’on connaît depuis toujours et augurent une transformation des mobilités. Certes, ils sont encore loin d’être à la portée financière de tout le monde ; certes, la réglementation pose (encore ?) des restrictions à leur usage. Néanmoins, le stade d’avancement des projets et les perspectives d’avenir de ce mode de transport suscitent un intérêt croissant de chercheurs issus de tous horizons : quelques 22 890 publications académiques ont été recensées à ce sujet entre 2011 et juillet 2020.Outre les travaux de sciences de l’ingénieur, les économistes ont interrogé leur effet sur la valeur que l’on accorde au temps ou la propension à payer pour voyager ainsi. D’autres, encore, ont posé un point de vue éthique à partir du dilemme du tramway qui questionne les comportements à suivre lorsque l’on doit choisir entre un drame ou un autre.Cependant, peu d’approches expérimentales ont été, à notre connaissance, adoptées. Notre idée a été d’observer comment 30 participants adultes aux profils variés se représentent l’objet avant et après l’avoir essayé. Ils se sont assis sur le siège traditionnellement dévolu au conducteur pour un trajet de 5 kilomètres sur une boucle d’environ un kilomètre sur le campus de l’École Centrale de Nantes, dans une Renault Zoé automatique. Le parcours a été dessiné sur route ouverte, partagée donc avec d’autres utilisateurs, et non sur un circuit test. La vitesse maximale était de 25 km/h. Ils ont pris place à bord avec un pilote de sécurité pouvant reprendre le contrôle à tout moment sur le siège passager (c’est une obligation légale en France) et un membre de l’équipe de recherche à l’arrière.Que fait-on de son trajet lorsqu’il n’y a plus de volant à tenir ? Quelle est notre attitude vis-à-vis du véhicule ? Les réponses à ces questions, qu’a tenté d’apporter notre étude, sont riches en indications quant à l’acceptation que peut trouver dans la société ce moyen de transport. Beaucoup de participants étaient, avant de monter à bord, plutôt excités, en confiance, peu stressés. Le tableau à la descente n’était plus tout à fait le même…Pas plus rassuré à l’arrivée qu’au départ, au contraire…Nous nous sommes tout d’abord intéressés au ressenti général des individus. Avant l’essai, l’attitude des participants pouvait être qualifiée globalement de positive. Sans doute y a-t-il un biais à ce niveau, dans la mesure où celles et ceux qui ont participé à l’expérience, volontaires, en avaient largement envie. Cette envie et cette excitation demeurent à l’arrivée malgré une hausse substantielle du stress et de la peur. En outre, 62 % des individus se disaient confiants au départ contre seulement 13 % après l’expérience. Ils sont également plus de deux fois plus à ressentir un stress en descendant qu’en montant.Cette baisse de la confiance se traduit par un rapport au véhicule bien plus hésitant. Non seulement il semble que l’on prend moins de plaisir à se laisser conduire par ces véhicules, mais encore on semble moins disposé à y embarquer des proches avec soi. Avant l’expérience, seulement 7 % des participants disaient ne pas être prêts à faire voyager leur famille par ce moyen quand 45 % l’étaient et 48 % hésitaient. Passé le trajet, les rapports s’inversent : moins de 7 % de personnes prêtes, 40 % d’hésitants et 53 % qui s’y refusent.Si l’expérience permet de convaincre que les véhicules autonomes représentent l’avenir (on passe de 10 % à 90 % de convaincus), elle fait diminuer la croyance en les capacités de ce nouveau moyen de transport : non, on ne pense pas qu’il solutionnera les problèmes de congestion ; non, on ne pense pas qu’il permette d’être plus productif. Du moins, ces résultats s’appliquent-ils au niveau de technologie utilisé dans notre expérience en 2021 dans un contexte qui évolue très vite.Que fait-on à bord d’un véhicule autonome ?Beaucoup d’individus ont ainsi revu leurs occupations durant le trajet. Plus stressés, ils ont été bien plus à regarder la route ou par la fenêtre par rapport à ce qu’ils envisageaient de le faire. Nous demandions pourtant aux participants de se comporter comme s’ils étaient sur un trajet quotidien entre domicile et travail.Nos résultats suggèrent ainsi que les participants voient dans la voiture autonome quelque chose de plus proche d’une voiture standard que d’un train dans lequel on peut se livrer à d’autres activités.Certes, ces différences entre des attentes idéalisées et la réalité mériteraient d’être documentées par un échantillon plus large. Ces premières tendances soulignent néanmoins qu’une attention mérite d’être accordée au développement d’expériences in situ. Elles seules permettent d’obtenir une véritable connaissance de l’acceptation par la société de ces nouveaux véhicules et, par la même, d’anticiper les effets de l’automatisation sur les comportements de mobilité.C’est là l’objet du projet Aura AutoBehave dans lequel s’inscrit cette étude. Elle en constitue le volet « économique » en attendant des résultats des méthodes issues d’autres disciplines (sciences cognitives, intelligence artificielle…) qui sont en train d’être analysés et seront publiés bientôt.Le projet AutoBehave est porté par le laboratoire Liris et vise à étudier ce qui se passe à l’intérieur des véhicules autonomes : que fera le conducteur s’il ne conduit pas ? Comment les nouvelles activités impactent-elles le confort à l’intérieur de la voiture ? Quels seront les impacts économiques de ces nouvelles activités ? Quels aménagements intérieurs seraient alors adaptés à ces activités pour un meilleur confort de vie à bord ? Pour apporter des éléments de réponses, le consortium du projet AutoBehave allie les compétences d’informaticiens (Liris), d’ergonomes physiciens et de biomécaniciens (LBMC), d’économistes (Laet), de psychologues (Lescot) à celles de l’entreprise DEMS, bureau d’étude spécialisé dans le design industriel en particulier celui des véhicules. Publié sur The Conversation le 6 juin 2023Stéphanie Souche-Le Corvec, Professor in economics, Université Lumière Lyon 2 ; Carlos Crispim Junior, Associate professor in electrical engineering, Université Lumière Lyon 2 et Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.Lire l’article original
LLes autosolistes sont-ils prêts à se mettre au covoiturage pour les trajets du quotidien ? | The Conversation Les embouteillages restent un problème majeur dans les grandes villes françaises : selon les données INRIX, les automobilistes à Paris, Lyon, Marseille, Grenoble et Strasbourg ont respectivement perdu en moyenne 140, 102, 78, 71 et 64 heures dans les embouteillages routiers en 2021, et ce malgré l’essor du télétravail.Selon les dernières données Insee disponibles, 88 % des déplacements en voiture pour motif professionnel se font sans passager. On parle, dans ce cas, d’« autosolisme ». 9 % n’en transportent qu’un seul. En Île-de-France, à peine plus de 7 000 trajets quotidiens entre son domicile et son travail ont été répertoriés via les plates-formes dédiées par l’Institut Paris région. Les statistiques montrent une lente progression depuis mars 2021, mais les chiffres restent bien loin du pic de 20 000 atteint lors des grèves de 2019. […]Article publié par The Conversation le 25 septembre 2022Auteurs : Guillaume Monchambert Maître de conférences en économie, Université Lumière Lyon 2Alix le Goff Doctorant en économie des transports, Université Lumière Lyon 2>> Lire la suite de l’article sur :The Conversation