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Législatives : le mode de scrutin actuel est-il juste ? | The Conversation

LLégislatives : le mode de scrutin actuel est-il juste ? | The Conversation

C’est un sujet qui revient avec chaque élection nationale en France, qu’il s’agisse de la présidentielle ou des législatives. Le mode de scrutin actuel, appelé « scrutin majoritaire uninominal à deux tours », est-il juste ? Des deux côtés de l’échiquier, Marine Le Pen (RN) et Jean-Luc Mélenchon (LFI) estiment que ce mode de scrutin n’est plus compatible avec le « pluralisme de notre vie politique ».

En 1947 déjà, Michel Debré déclarait dans son ouvrage La mort de l’état républicain :

« Nous considérons volontiers, en France, le mode de scrutin comme un mécanisme secondaire. C’est une erreur, une erreur grave[…]. Le mode de scrutin fait le pouvoir, c’est-à-dire qu’il fait la démocratie ou la tue. »

Nous ne pouvons qu’être d’accord avec M. Debré, l’un des rédacteurs de notre constitution et chacun pressent qu’effectivement le mode du scrutin est tout sauf neutre dans la détermination de qui est élu.

En tant que chercheurs, nous nous efforçons de comprendre les propriétés, au sens mathématique, des différents modes de scrutins. En tant que citoyens, nous sommes persuadés d’un réel débat autour de cette question pourrait permettre de remobiliser nos concitoyennes et concitoyens autour de la question électorale, fondamentale à notre démocratie.

Le scrutin majoritaire à deux tours : cet outil archaïque

S’il permet de dégager un ou une gagnante à chaque fois, le « scrutin majoritaire uninominal à deux tours », ne présente pas que des propriétés positives.

La grande qualité de ce scrutin est, comme son nom l’indique, de dégager une majorité de votants en faveur du vainqueur. Majorité absolue dans le cas de l’élection présidentielle, éventuellement majorité relative dans le cadre de triangulaire lors des législatives, mais à chaque fois majorité tout de même.

Mais cette majorité ne tient pas compte de la minorité : avec ce système un candidat peut être élu à la majorité absolue même si son programme est jugé très négativement par 49,9 % des électeurs. En ce sens, cette « tyrannie de la majorité », comme le dit Alexis de Tocqueville, peut mener à l’élection de candidats très clivants : convaincre une moitié des électeurs (plus un) suffit, quitte à se faire détester par l’autre moitié.

Cette caractéristique forte se double de plusieurs défauts : le premier d’entre eux est qu’il peut nous pousser à « voter utile » plutôt que de voter pour notre candidat favori : à quoi sert de voter pour un candidat qui ne sera pas au deuxième tour ? A rien ! Donc autant voter dès le premier tour pour son meilleur choix parmi les candidats qui ont des chances de se qualifier.

Souhaite-t-on vraiment un moyen d’expression démocratique qui incite fortement les votants à ne pas être sincères ? Un autre défaut bien connu est que le résultat du scrutin majoritaire à deux tours peut dépendre de la présence ou non de « petits » candidats. Par exemple, lors de l’élection présidentielle de 2002, la présence de plusieurs autres candidats de gauche au premier tour a vraisemblablement fait qu’il a manqué à Lionel Jospin les quelques centaines de milliers de voix qui lui auraient permis d’être qualifié au deuxième tour et, peut-être, de gagner l’élection. Souhaite-t-on vraiment un mode de scrutin qui soit si sensible aux manœuvres politiques ?

Et ce ne sont pas les seuls défauts du scrutin majoritaire à deux tours. D’autres peuvent être trouvés dans notre ouvrage « Comment être élu à tous les coups ? » publié chez EDP Sciences.

Mais c’est une chose de dire que le scrutin majoritaire à deux tours n’est pas un bon mode de scrutin, c’est autre chose de trouver le « meilleur » mode de scrutin. Depuis les travaux de Borda et Condorcet au XVIIIe, de nombreux chercheurs se sont penchés sur ce problème en proposant de non moins nombreux modes de scrutin, tous imparfaits. En 1951, l’économiste américain Kenneth Arrow semble mettre un terme à tout espoir en démontrant un théorème (dit d’impossibilité) indiquant que tout mode de scrutin ne pourra jamais vérifier de manière simultanée un petit ensemble de propriétés pourtant souhaitables. En ce milieu de XXe siècle, il semble que le mode de scrutin parfait n’existe pas et que les mathématiques ont tué la démocratie.

Les modes de scrutin basés sur des évaluations : nouvel eldorado ?

Cependant, Arrow ne parlait que des modes de scrutins utilisant des ordres de préférence, c’est-à-dire les modes de scrutin basés sur les classements des candidats (du plus apprécié au moins apprécié) par chaque électeur. Mais il existe une autre catégorie de modes de scrutin, qui utilise des évaluations : chaque votant peut donner une « note » ou une appréciation à chacun des candidats. L’avantage de ce mode de scrutin ? Disposer d’une information plus complète et souvent plus nuancée des votants sur les candidats.

Deux familles de modes de scrutin basés sur les évaluations se distinguaient jusqu’à présent :

  • les modes de scrutin « à la moyenne » (le « range voting », le vote par approbation) : le candidat élu est celui dont la moyenne des évaluations est la plus élevée.
  • Les modes de scrutin « à la médiane » (le « jugement majoritaire » et autres variantes) : le candidat élu est celui dont la médiane des évaluations est la plus élevée.

Le plus simple d’entre eux est le vote par approbation, chaque votant donne une voix à tous les candidats qu’il juge acceptables (l’échelle des évaluations est alors réduite au minimum : 0 : inacceptable, 1 : acceptable). Le candidat élu est celui qui reçoit au total le plus de voix. C’est exactement ce qui se passe lorsque l’on participe à un « doodle » : parmi des dates proposées, les votants choisissent celles leur convenant et la date la plus choisie l’emporte ! Ça serait très simple à mettre en pratique dans notre vie politique : il suffirait de permettre aux votants de glisser autant de bulletins différents qu’ils le désirent dans leur enveloppe (ou en d’autres termes de prévoir un « doodle » à 40 millions de lignes…).

Notons que ces modes de scrutin utilisant des évaluations ne sont plus sensibles au vote utile et que le vainqueur ne dépend plus de la présence ou de l’absence d’un autre candidat proche de lui dans l’élection. Ils vérifient en outre l’ensemble des propriétés souhaitables défini par Arrow !

Nous avons récemment proposé, avec Irène Gannaz et Samuela Leoni, un formalisme unificateur pour ces modes de scrutin, soit une manière de voir chacune de ces méthodes comme une variante particulière d’une unique méthode de vote.

Dans une configuration où chaque votant donne une note à chaque candidat, chaque votant peut être représenté dans l’espace par un point dont les coordonnées sont ses évaluations données aux candidats. Un exemple pour une élection avec trois candidats est illustré dans la figure suivante : chaque axe représentant un candidat et chaque point un votant, les évaluations entre -2 et 2 ont été générées au hasard pour cette figure :

Représentation graphique d’un système de vote par note pour 3 candidats. | ©Antoine Rolland

L’idée sous-jacente commune à tous ces derniers modes de scrutin est de repérer le point le plus « au centre » du nuage de points des évaluations (en rouge sur la figure), de le considérer comme le votant « type », et de déclarer élu son candidat préféré.

Ce formalisme permet de proposer un modèle général pour les modes de scrutin utilisant les évaluations (range voting, vote par approbation, jugement majoritaire, etc.), mais aussi d’ouvrir la voie à de nombreux autres modes de scrutin, inconnus jusqu’alors. À chaque définition de point le plus « au centre » du nuage (et il y en a beaucoup !) est alors associé un mode de scrutin différent.

Les modes de scrutin par évaluations sont bien meilleurs d’un point de vue logico-mathématique. Sociétalement parlant, ils permettraient de privilégier les candidats plus consensuels.

À nous, société civile et citoyenne, de nous saisir de cette question pour redevenir acteur/actrice de notre destinée démocratique commune. Comme disait G. Bernanos : « On n’attend pas l’avenir comme on attend un train, l’avenir, on le fait. »The Conversation

> Les auteurs : Antoine Rolland, Maitre de conférence en statistique, Université Lumière Lyon 2  

et Jean-Baptiste Aubin, Maître de conférence en statistique, INSA Lyon – Université de Lyon

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

>>  Lire l’article original :

The Conversation

Comment donner plus de légitimité à l’élection présidentielle ? D’autres modes de scrutin sont possibles | The Conversation

CComment donner plus de légitimité à l’élection présidentielle ? D’autres modes de scrutin sont possibles | The Conversation

C’est un sujet qui revient avec chaque élection nationale en France, qu’il s’agisse de la présidentielle ou des législatives. Le mode de scrutin actuel, appelé « scrutin majoritaire uninominal à deux tours », est-il juste ? Des deux côtés de l’échiquier, Marine Le Pen (RN) et Jean-Luc Mélenchon (LFI) estiment que ce mode de scrutin n’est plus compatible avec le « pluralisme de notre vie politique ».

En 1947 déjà, Michel Debré déclarait dans son ouvrage La mort de l’état républicain :

« Nous considérons volontiers, en France, le mode de scrutin comme un mécanisme secondaire. C’est une erreur, une erreur grave[…]. Le mode de scrutin fait le pouvoir, c’est-à-dire qu’il fait la démocratie ou la tue. »

Nous ne pouvons qu’être d’accord avec M. Debré, l’un des rédacteurs de notre constitution et chacun pressent qu’effectivement le mode du scrutin est tout sauf neutre dans la détermination de qui est élu.

En tant que chercheurs, nous nous efforçons de comprendre les propriétés, au sens mathématique, des différents modes de scrutins. En tant que citoyens, nous sommes persuadés d’un réel débat autour de cette question pourrait permettre de remobiliser nos concitoyennes et concitoyens autour de la question électorale, fondamentale à notre démocratie.

LLe scrutin majoritaire à deux tours : cet outil archaïque

S’il permet de dégager un ou une gagnante à chaque fois, le « scrutin majoritaire uninominal à deux tours », ne présente pas que des propriétés positives.

La grande qualité de ce scrutin est, comme son nom l’indique, de dégager une majorité de votants en faveur du vainqueur. Majorité absolue dans le cas de l’élection présidentielle, éventuellement majorité relative dans le cadre de triangulaire lors des législatives, mais à chaque fois majorité tout de même.

Mais cette majorité ne tient pas compte de la minorité : avec ce système un candidat peut être élu à la majorité absolue même si son programme est jugé très négativement par 49,9 % des électeurs. En ce sens, cette « tyrannie de la majorité », comme le dit Alexis de Tocqueville, peut mener à l’élection de candidats très clivants : convaincre une moitié des électeurs (plus un) suffit, quitte à se faire détester par l’autre moitié.

Cette caractéristique forte se double de plusieurs défauts : le premier d’entre eux est qu’il peut nous pousser à « voter utile » plutôt que de voter pour notre candidat favori : à quoi sert de voter pour un candidat qui ne sera pas au deuxième tour ? A rien ! Donc autant voter dès le premier tour pour son meilleur choix parmi les candidats qui ont des chances de se qualifier.

Souhaite-t-on vraiment un moyen d’expression démocratique qui incite fortement les votants à ne pas être sincères ? Un autre défaut bien connu est que le résultat du scrutin majoritaire à deux tours peut dépendre de la présence ou non de « petits » candidats. Par exemple, lors de l’élection présidentielle de 2002, la présence de plusieurs autres candidats de gauche au premier tour a vraisemblablement fait qu’il a manqué à Lionel Jospin les quelques centaines de milliers de voix qui lui auraient permis d’être qualifié au deuxième tour et, peut-être, de gagner l’élection. Souhaite-t-on vraiment un mode de scrutin qui soit si sensible aux manœuvres politiques ?

Et ce ne sont pas les seuls défauts du scrutin majoritaire à deux tours. D’autres peuvent être trouvés dans notre ouvrage « Comment être élu à tous les coups ? » publié chez EDP Sciences.

Mais c’est une chose de dire que le scrutin majoritaire à deux tours n’est pas un bon mode de scrutin, c’est autre chose de trouver le « meilleur » mode de scrutin. Depuis les travaux de Borda et Condorcet au XVIIIe, de nombreux chercheurs se sont penchés sur ce problème en proposant de non moins nombreux modes de scrutin, tous imparfaits. En 1951, l’économiste américain Kenneth Arrow semble mettre un terme à tout espoir en démontrant un théorème (dit d’impossibilité) indiquant que tout mode de scrutin ne pourra jamais vérifier de manière simultanée un petit ensemble de propriétés pourtant souhaitables. En ce milieu de XXe siècle, il semble que le mode de scrutin parfait n’existe pas et que les mathématiques ont tué la démocratie.

LLes modes de scrutin basés sur des évaluations : nouvel eldorado ?

Cependant, Arrow ne parlait que des modes de scrutins utilisant des ordres de préférence, c’est-à-dire les modes de scrutin basés sur les classements des candidats (du plus apprécié au moins apprécié) par chaque électeur. Mais il existe une autre catégorie de modes de scrutin, qui utilise des évaluations : chaque votant peut donner une « note » ou une appréciation à chacun des candidats. L’avantage de ce mode de scrutin ? Disposer d’une information plus complète et souvent plus nuancée des votants sur les candidats.

Deux familles de modes de scrutin basés sur les évaluations se distinguaient jusqu’à présent :

  • les modes de scrutin « à la moyenne » (le « range voting », le vote par approbation) : le candidat élu est celui dont la moyenne des évaluations est la plus élevée.
  • Les modes de scrutin « à la médiane » (le « jugement majoritaire » et autres variantes) : le candidat élu est celui dont la médiane des évaluations est la plus élevée.

Le plus simple d’entre eux est le vote par approbation, chaque votant donne une voix à tous les candidats qu’il juge acceptables (l’échelle des évaluations est alors réduite au minimum : 0 : inacceptable, 1 : acceptable). Le candidat élu est celui qui reçoit au total le plus de voix. C’est exactement ce qui se passe lorsque l’on participe à un « doodle » : parmi des dates proposées, les votants choisissent celles leur convenant et la date la plus choisie l’emporte ! Ça serait très simple à mettre en pratique dans notre vie politique : il suffirait de permettre aux votants de glisser autant de bulletins différents qu’ils le désirent dans leur enveloppe (ou en d’autres termes de prévoir un « doodle » à 40 millions de lignes…).

Notons que ces modes de scrutin utilisant des évaluations ne sont plus sensibles au vote utile et que le vainqueur ne dépend plus de la présence ou de l’absence d’un autre candidat proche de lui dans l’élection. Ils vérifient en outre l’ensemble des propriétés souhaitables défini par Arrow !

Nous avons récemment proposé, avec Irène Gannaz et Samuela Leoni, un formalisme unificateur pour ces modes de scrutin, soit une manière de voir chacune de ces méthodes comme une variante particulière d’une unique méthode de vote.

Dans une configuration où chaque votant donne une note à chaque candidat, chaque votant peut être représenté dans l’espace par un point dont les coordonnées sont ses évaluations données aux candidats. Un exemple pour une élection avec trois candidats est illustré dans la figure suivante : chaque axe représentant un candidat et chaque point un votant, les évaluations entre -2 et 2 ont été générées au hasard pour cette figure :

Représentation graphique d’un système de vote par note pour 3 candidats.
Antoine Rolland, Fourni par l’auteur

L’idée sous-jacente commune à tous ces derniers modes de scrutin est de repérer le point le plus « au centre » du nuage de points des évaluations (en rouge sur la figure), de le considérer comme le votant « type », et de déclarer élu son candidat préféré.

Ce formalisme permet de proposer un modèle général pour les modes de scrutin utilisant les évaluations (range voting, vote par approbation, jugement majoritaire, etc.), mais aussi d’ouvrir la voie à de nombreux autres modes de scrutin, inconnus jusqu’alors. À chaque définition de point le plus « au centre » du nuage (et il y en a beaucoup !) est alors associé un mode de scrutin différent.

Les modes de scrutin par évaluations sont bien meilleurs d’un point de vue logico-mathématique. Sociétalement parlant, ils permettraient de privilégier les candidats plus consensuels.

À nous, société civile et citoyenne, de nous saisir de cette question pour redevenir acteur/actrice de notre destinée démocratique commune. Comme disait G. Bernanos : « On n’attend pas l’avenir comme on attend un train, l’avenir, on le fait. »The Conversation

Auteur : Antoine Rolland, Maitre de conférence en statistique, Université Lumière Lyon 2 et Jean-Baptiste Aubin, Maître de conférence en statistique, INSA Lyon – Université de Lyon16 février 2023

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original :

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La Cour suprême américaine à l’assaut du droit de vote | The Conversation

LLa Cour suprême américaine à l’assaut du droit de vote | The Conversation

Aux États-Unis, voilà des années que le mouvement conservateur a élaboré une stratégie de long terme visant à placer à tous les niveaux du système judiciaire américain, et spécialement à la Cour suprême, des juges appartenant à son camp.

Ce projet a particulièrement progressé lors du mandat de Donald Trump. Trois des neuf juges nommés à vie à la Cour suprême ont rejoint cette instance au cours de cette période : Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett. Aujourd’hui, sur les neuf juges, six, dont le président de la Cour, John Roberts, sont des conservateurs.

L’un des premiers objectifs de la très influente Federalist Society, ce lobby qui murmure aux oreilles des présidents républicains des noms de juges activistes et conservateurs, était de revenir sur le droit à l’avortement. Ce qui a été accompli avec l’arrêt Dobbs en 2022.

Le second objectif est assurément de changer les règles électorales, afin d’accroître les chances des candidats républicains de l’emporter, aussi bien lors des scrutins locaux qu’aux élections fédérales, présidentielle comprise. Le démantèlement jurisprudentiel de la loi sur le vote de 1965 (Voting Rights Act), accomplissement majeur du mouvement pour les droits civiques, déjà en cours depuis longtemps, risque encore de s’accélérer dans les prochaines années, notamment en 2023.

UUne attaque au long cours

Arrêt après arrêt, la Cour suprême favorise les intérêts du Parti républicain en se prononçant sur le droit électoral. On peut citer l’arrêt Purcell c. Gonzalez de 2006, par lequel la Cour, déjà dominée par les conservateurs à l’époque, déclare que les changements des règles électorales ne peuvent être opérés trop proche de la tenue d’élections. Ce qui, en principe, tombe sous le sens. Mais la Cour s’est bien gardée de définir un calendrier « raisonnable ». Par conséquent, c’est à la Cour qu’il revient de décider quel délai est acceptable, ce qui lui permet de « jouer la montre » quand les intérêts républicains sont menacés. Comme l’ont illustré les arrêts Veasy c. Perry en 2015 ou RNC c. DNC en 2020, le principe Purcell est neutre en théorie mais est toujours utilisé pour desservir les Démocrates.

Par l’arrêt Crawford c. Marion County Election Board de 2008, adopté au nom de la lutte contre la fraude électorale (un problème dont l’existence réelle n’est pas avérée), la Cour autorise les États à demander des pièces d’identité pour autoriser les citoyens à voter. Or les électeurs les plus pauvres ne possèdent souvent pas de carte d’identité et se contentent, pour voter, de présenter par exemple leur permis de conduire. Pour se procurer une carte d’identité, ils doivent effectuer une démarche administrative et/ou financière qui peut avoir pour effet de décourager certaines franges de l’électorat, notamment les plus démunies, de voter. L’impact de ces mesures sur l’abstention est difficile à mesurer. Mais le message est clair : les Républicains cherchent à rendre la procédure de vote plus contraignante.

L’attaque la plus frontale à ce jour est assurément l’arrêt Shelby County c. Holder de 2013 qui rend la Section 5 de la loi de 1965 inopérante. La Section 5 avait un effet préventif car elle empêchait la mise en place de procédures électorales discriminatoires. Sans elle, il ne reste plus que la Section 2, qui permet de porter plainte lorsque l’on est victime de mesures discriminatoires lors du vote, mais qui s’applique a posteriori et est donc plus coûteuse et plus longue. Le Congrès étant incapable de répondre à la Cour en passant une loi rétablissant la Section 5, la loi sur le droit de vote se retrouve hémiplégique.

Arrêt après arrêt, la Cour facilite le redécoupage électoral à visée partisane, une pratique qui peut réduire l’impact du vote des minorités ethno-raciales, lesquelles ont très majoritairement tendance à voter pour les Démocrates. Dans un pays où entre 80 et 90 % des Africains-Américains votent Démocrate, il est aisé de comprendre comment l’affiliation ethno-raciale devient une approximation de l’affiliation partisane. Les Républicains peuvent donc réduire l’impact du vote démocrate en visant les Africains-Américains.

Tous les dix ans, suite au recensement, les États redécoupent leurs circonscriptions électorales. Dans la plupart des cas, ce sont les législatures des États qui sont chargées de cette tâche. Pour éviter un conflit d’intérêts, certains États font appel à des commissions plus ou moins indépendantes. Les deux grands partis cherchent toujours à maximiser leur avantage partisan. Mais le découpage électoral fut utilisé, avant les années 1960, pour rendre le droit de vote des Africains-Americains inopérant en le noyant dans des circonscriptions à majorité blanche. En effet, dans un scrutin majoritaire, si les « Blancs » votent pour les « Blancs » et les « Noirs » votent pour les « Noirs », alors le vote de ces derniers, moins nombreux, est dit « dilué ». Ils votent mais n’ont pas d’impact sur l’issu du scrutin. La polarisation du vote est donc double aux États-Unis : elle est fonction de l’affiliation partisane et l’affiliation ethno-raciale. En refusant de réguler le charcutage à visée partisane, les cours laissent la porte ouverte à certaines formes de dilution du vote des minorités ethno-raciales.

 

 

En 2018, Abbott c. Perez rend la dilution du vote minoritaire plus difficile à prouver.

En 2019, dans l’arrêt Rucho c. Common Cause, la Cour refuse encore une fois de statuer sur le charcutage électoral à visée partisane sous prétexte que ce serait une question de nature politique et non juridique.

Enfin, l’arrêt Brnovich c. DNC de 2021, sous couvert là encore de lutte contre la fraude électorale, continue de vider la Section 2 de sa substance juridique et politique.

LLes décisions de la Cour attendues pour 2023

2023 ne sera pas une exception. Le premier arrêt sur lequel la Cour va statuer, Merrill c. Milligan, concerne le redécoupage électoral à visée ethno-raciale en Louisiane et dans l’Alabama. Les Républicains expliquent qu’il s’agit d’un redécoupage partisan. Les opposants affirment qu’il s’agit d’une forme de dilution du vote africain-américain.

La Cour devrait à cette occasion affaiblir encore un peu plus la Section 2 de la loi de 1965 en validant un redécoupage dans l’Alabama qui crée une seule circonscription (sur 7) dans laquelle les Africains-Américains représentent une majorité de la population, alors qu’il est possible d’en créer deux. Par conséquent, un seul Africain-Américain (et donc un seul Démocrate) pourra être élu à la Chambre des Représentants. En effet, concentrer dans une seule circonscription le vote africain-américain (donc largement Démocrate) permet d’accroître la proportion du vote conservateur dans les circonscriptions adjacentes.

Mais la révolution jurisprudentielle attendue par le mouvement conservateur pourrait surtout venir de l’arrêt Moore c. Harper, qui porte sur le redécoupage des circonscriptions électorales de la Caroline du Nord.

La Cour suprême de cet État a rejeté en 2022 la nouvelle carte électorale établie par la législature de l’État, qui donne un avantage disproportionné au Parti républicain. En effet, la constitution de l’État interdit le charcutage électoral à visée partisane. Les avocats républicains contestent ce rejet en avançant une théorie pour le moins discutable : celle de l’indépendance des législatures d’État, c’est-à-dire des deux Chambres du Parlement dont dispose chaque État des États-Unis.

D’après eux, l’expression « législature » contenue dans la Constitution des États-Unis, dans sa clause sur les élections, est à prendre littéralement (les deux Chambres) et non au sens large comme cela se fait depuis plusieurs siècles (à savoir le processus législatif dans son ensemble). C’est-à-dire que les deux Chambres législatives de chaque État pourraient passer les lois électorales qu’elles souhaitent, sans que le gouverneur ou les cours de l’État ne puissent les remettre en cause. En théorie, donc, les Chambres de chaque État pourraient enfreindre la Constitution de leur propre État sans freins ni contrepoids. Trois des juges conservateurs de la Cour suprême – Samuel Alito, Clarence Thomas et Neil Gorsuch – ont indiqué précédemment qu’ils étaient prêts à considérer cette théorie. Et Kavanaugh semble sensible à ces arguments.

LLa Cour, nouveau gouvernement des États-Unis ?

La Cour suprême sait pertinemment que si elle devait ouvrir la boite de Pandore de la « théorie de la législature indépendante », elle mettrait à mal tout le système électoral du pays.

Premièrement, les cours des États et les gouverneurs n’auraient plus prise sur les lois. Deuxièmement, que deviendraient les lois électorales passées par les États en ce qui concerne la tenue des élections fédérales ? Créerait-on un système à deux vitesses entre les États et l’échelon fédéral ? Troisièmement, que ferait-on des commissions indépendantes pour le redécoupage électoral dans les 9 États qui y ont recours ? Si les juges sont prêts à envisager une telle situation de chaos électoral, c’est parce que cette théorie permettrait aux législatures d’État de nommer les grands électeurs qui élisent le président des États-Unis. Ces derniers sont pour l’instant choisis par le vote des électeurs de chaque État. Ils pourraient désormais être désignés par les législatures d’État comme c’était le cas à l’origine du pays. De plus, les grands électeurs ne sont pas tous contraints de voter comme indiqué par le vote populaire (on les appelle en anglais les « faithless electors »).

Or, les Républicains, grâce notamment au redécoupage électoral, contrôlent un grand nombre de législatures. L’arrêt Moore v. Harper pourrait donc assurer aux Républicains de décider du résultat de l’élection présidentielle. Et la réforme de l’Electoral Count Act votée en 2022 ne répond pas à tous les problèmes posés ce système extrêmement décentralisé dont les Républicains entendent profiter.

La Cour suprême décidera peut-être de ne pas statuer sur le fond dans l’arrêt Moore. Moore ne sera peut-être pas l’équivalent pour le droit électoral de ce que l’arrêt Dobbs a été pour le droit à l’avortement. Toutefois, l’évolution de la jurisprudence en matière électorale au cours des 20 dernières années n’est allée que dans une seule direction, celle des restrictions électorales favorisant le Parti républicain. Et la nouvelle majorité conservatrice a démontré qu’elle n’avait pas peur de politiser la Cour ou de perdre de sa légitimité en poussant toujours plus loin « le gouvernement des juges »…The Conversation

Auteur : Olivier Richomme, Professeur d’histoire politique des États-Unis, Université Lumière Lyon 226 février 2023

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original :

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Voter pour rien | Rencontre « Parlez-nous de… »

VVoter pour rien | Rencontre « Parlez-nous de… »

Pourquoi vote-t-on ? Dans le contexte actuel d’un abstentionnisme galopant, et si un détour par l’histoire moderne permettait de répondre à cette impossible question ? Entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle en effet, la petite république de Genève s’est posée la question de l’intérêt du vote et de la défense de son système démocratique. C’est ce détour que propose le livre de Raphaël Barat, Voter pour rien.

Les historiens ont longtemps pensé que la république genevoise était une démocratie de façade, puisque les sortants y étaient presque toujours reconduits. Alors pourquoi voter ? Or, si l’on oublie les résultats de ces élections pour se concentrer sur les campagnes électorales, c’est toute la vie politique genevoise qui apparaît. Voilà le pari de Raphaël Barat, qui étudie la demande de réforme électorale et la réponse des institutions, de l’introduction du secret du vote à la construction d’une démocratie directe. Fruit d’une dizaine d’années de travail, ce livre questionne notre rapport au politique, à la démocratie, mais aussi notre rapport à l’histoire : ce sont ces rapports auxquels nous aimerions réfléchir ensemble, en compagnie de l’auteur.

  • Autour de l’ouvrage de Raphaël Barat
    Voter pour rien : 1691 le jour où les citoyens menacèrent de « faire sauter les vieux » (Payot, 2021)

Pour en savoir plus :

Bibliothèque Diderot

 

Élections américaines : le droit contre la démocratie ? | Un article Pop’Sciences

ÉÉlections américaines : le droit contre la démocratie ? | Un article Pop’Sciences

©Pixabay

L’élection présidentielle de 2020 aux États-Unis se joue dans les tribunaux autant que dans les urnes. Le résultat du vote, mais aussi le déroulement du scrutin, sont au cœur d’un bras de fer juridique acharné entre Républicains et Démocrates.

Un article rédigé par Cléo Schweyer, journaliste scientifique, Lyon, pour Pop’Sciences – 16-10-2020

 

Il aura fallu attendre le 15 octobre 2020, moins de trois semaines avant l’élection présidentielle du 3 novembre, pour que le président américain Donald Trump le dise clairement : oui, il quittera « pacifiquement » la Maison Blanche s’il est battu par son rival démocrate Joe Biden. Interrogé sur ce point par la journaliste Savannah Guthrie, il s’est empressé d’ajouter : « Mais je souhaite que cette élection soit honnête, comme tout le monde. » Semer le doute sur le déroulement des élections pour mieux contester leur résultat, une bonne stratégie pour un président américain en exercice ?

Patrick Semansky/© AP

Oui, à en croire Olivier Richomme, chercheur en civilisation américaine à l’Université Lumière Lyon 2 et spécialiste du droit électoral des États-Unis :

« La gauche américaine craint que Donald Trump n’utilise le droit et le fédéralisme pour faire basculer l’élection en sa faveur. Et il y a beaucoup de domaines dans lesquels c’est possible. »

Une multitude de fronts s’est ouverte ces derniers mois dans les tribunaux, un peu partout aux États-Unis. On peut classer ces batailles juridiques en deux grandes catégories : l’accès des citoyens au vote (qui se joue à l’échelle de chaque état), et l’influence sur les institutions des deux partis principaux, Républicains et Démocrates (qui se joue à l’échelle fédérale).

Les USA, une démocratie où le droit de vote n’est pas garanti

D’après une étude du Brennan Center, une organisation américaine de défense des droits civiques, 16 millions de personnes ont été rayées des listes électorales aux États-Unis entre 2014 et 2016 (soit environ 15% des personnes en âge de voter). Comment est-ce possible ?

Olivier Richomme le rappelle : la constitution américaine ne comporte aucun amendement garantissant le droit de vote. Il n’est pas un droit constitutionnel, et la loi ne précise pas qui compose le corps électoral (à titre de comparaison, l’article 3 de la constitution française de 1958 dispose que « sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. »). La loi n’offre par ailleurs aucun moyen de s’assurer avant les élections que celles-ci seront égalitaires. Il faut attendre la fin du scrutin pour le contester, en apportant la preuve que l’on a été victime de discrimination. Enfin, la souveraineté des états repose en grande partie sur le fait d’organiser eux-mêmes les élections. Le droit électoral reflète donc pour une large part les rapports de force politiques au sein de chaque état.

« Les Républicains », résume Olivier Richomme, « ont de meilleurs scores quand certaines catégories de population (les jeunes, les Américains noirs notamment) ne votent pas. Pour les Démocrates, c’est l’inverse. »

Les Démocrates vont donc s’efforcer d’amener aux urnes le maximum d’électeurs. De leur côté, les Républicains tentent devant les tribunaux de limiter l’accès au vote ou de défendre les limitations existantes. Dans les deux cas, au nom de la démocratie.

Une avalanche de procédures judiciaires

« Nous vivons depuis des mois dans une atmosphère de grande anxiété », témoigne Dennis Beaver, juriste américain et collaborateur de l’Université Jean Moulin Lyon 3. Ce partisan de Donald Trump (une rareté dans son état de Californie) s’attend à ce que les résultats des élections ne soient pas connus avant plusieurs jours, voire plusieurs semaines après le 3 novembre. Les procédures opposant Républicains et Démocrates sur l’accès au vote se multiplient en effet ces dernières semaines. Cela laisse prévoir une contestation à la voix près dans les états qui pèsent le plus dans le choix final (pour tout savoir sur le fonctionnement des élections américaines, découvrez notre podcast – en ligne le 19 oct.).

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Le site d’information politique ProPublica, à but non lucratif et spécialisé dans les enquêtes sur les « abus de pouvoir », a mis en place un observatoire participatif du déroulement du vote, ElectionLand. Et le vote par correspondance, massif cette année en raison de la crise sanitaire, est au centre de toutes les préoccupations.

 

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Prenons l’exemple du Texas, un état géré par les Républicains depuis 1976, mais où Joe Biden est en tête dans les sondages à quelques semaines du vote. C’est l’un des quatre états les plus peuplés des États-Unis (25 millions d’habitants). Il envoie 38 grands électeurs au Collège électoral et peut faire basculer l’élection. Le 7 octobre 2020, la Cour suprême du Texas a tranché une question posée par les Démocrates : le comté de Harris (plus de 4,5 millions d’habitants) n’aurait pas dû envoyer le matériel pour voter par correspondance à tous ses électeurs inscrits. Une loi texane le réserve en effet aux personnes âgées de 65 ans et plus. Les démocrates contestaient la validité de cette mesure dans le contexte de pandémie de COVID-19 : ils ont été déboutés.

En Pennsylvanie (13 millions d’habitants et 20 grands électeurs), Donald Trump n’a gagné en 2016 que d’une très courte avance de 44 000 voix. Les Républicains ont obtenu devant la Cour suprême de l’État que 100 000 bulletins de vote par correspondance, déjà reçus par les autorités à la veille du scrutin, ne soient pas comptabilisés. Motif : ils n’ont pas été renvoyés dans une enveloppe scellée et portant la formule « bulletin de vote officiel ». Jusqu’à présent, ce type de bulletin (dit « bulletin nu ») était pourtant pris en compte sans difficulté.

Influencer les institutions, un enjeu pour tous les présidents américains

De telles restrictions ne concernent pas que le vote par correspondance : en 2016, le Winsconsin a ainsi exigé que les votants présentent une pièce d’identité avec photo. La carte d’identité n’existant pas aux États-Unis, les personnes qui ne détiennent pas un permis de conduire ou de port d’armes ne sont de fait plus en mesure de voter. Démarche similaire pour la Floride, un état qu’il faut absolument remporter pour gagner l’élection, et qui a écarté du vote en septembre 2020 les personnes ayant déjà été condamnées par la justice. Ailleurs, ce sont des bureaux de vote qui sont fermés dans certains quartiers quelques semaines ou quelques jours avant les élections. Dans ces conditions, comment faire respecter ce qui apparaît comme un principe essentiel en démocratie, l’accès au vote pour tous ?

Carte des élections américaines de 2004 (rouge : Républicains, Bleu : Démocrates, gris : votes disqualifiés) / Wikimedia Commons

Les États-Unis ont déjà connu pareille situation, rappelle Olivier Richomme, avec le duel entre Georges W. Bush et Al Gore en 2004. Bush avait remporté l’élection grâce à une avance de moins de 1 500 voix sur Gore en Floride. Le recomptage des voix demandé par les Démocrates avait finalement été interrompu par la Cour Suprême, qui a donc désigné le vainqueur par un arrêt. Une première appelée à se reproduire en 2020 ?

« C’est la Cour Suprême qui désignera le vainqueur », pronostique Dennis Beaver avec un certain fatalisme.

On comprend mieux l’insistance de Donald Trump à y nommer une juge étiquetée conservatrice juste avant l’élection, s’assurant ainsi que les magistrats proches de sa famille politique seront majoritaires au sein de la juridiction suprême. « Il faut espérer que la Cour Suprême saura se montrer indépendante quand même », sourit Dennis Beaver. Olivier Richomme n’y croit pas trop : « Malheureusement, les juges ont tendance à voter en ligne avec le président qui les a nommés », relève-t-il. Aucune autre juridiction n’existant au-dessus de la Cour Suprême, les jeux seraient alors faits.

Tous les présidents américains, démocrates comme républicains, s’efforcent de peser politiquement dans la vie institutionnelle du pays. Avec des conséquences, là aussi, sur l’intégrité des scrutins. Le Ministère de la justice vient ainsi de supprimer un règlement interdisant de rendre publique, en période électorale, toute enquête qui serait liée au vote, pour ne pas influencer négativement les électeurs. On peut donc s’attendre, et cela a déjà commencé, à ce que l’espace médiatique soit saturé d’informations relatives à de supposées fraudes électorales.

« Donald Trump prépare les Américains à l’idée que le résultat du vote sera frauduleux, pour pouvoir dire qu’il a gagné quoi qu’il arrive », analyse Olivier Richomme.

La démocratie, seulement une question de droit ?

Olivier Richomme et Dennis Beaver s’accordent pour dire que voter à l’élection présidentielle présente peu d’intérêt si l’on habite dans un état « joué d’avance », comme c’est le cas pour la Californie (qui vote systématiquement démocrate). Les électeurs se déplacent tout autant pour les autres votes, locaux ceux-là, qui leur sont présentés en même temps que le choix de leur dirigeant fédéral. Et le système des grands électeurs, conçu pour que les états peu peuplés pèsent face aux états très peuplés que sont la Californie, New-York ou la Pennsylvanie, a pour conséquence de biaiser la représentativité des élections. Les Républicains ont ainsi un pouvoir effectif sans relation avec le nombre d’électeurs qu’ils représentent réellement. Et les Démocrates, bien que majoritaires dans les urnes, ont peu de chance de pouvoir imposer la réforme électorale dont les États-Unis semblent avoir de plus en plus besoin.

La situation américaine actuelle constitue ainsi un cas-limite de l’État de droit, dans lequel une mesure anti-démocratique n’est pas pour autant illégale. Et donc d’autant plus difficile à faire évoluer. Une réalité qui rappelle que la démocratie ne repose pas que sur le droit : sans réflexion et entente sur ce qui fonde l’idéal politique d’un état, les institutions peuvent finir par être utilisées contre elles-mêmes.

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