Pop’Sciences répond à tous ceux qui ont soif de savoirs, de rencontres, d’expériences en lien avec les sciences. Le site est en cours de maintenance : il peut apparaître des défauts d'affichage pendant quelques jours. Nous vous remercions pour votre patience et compréhension.

EN SAVOIR PLUS

La croissance durable des PME passe par un meilleur accompagnement humain : le cas du programme Elite

LLa croissance durable des PME passe par un meilleur accompagnement humain : le cas du programme Elite

Faire croître les PME européennes est impératif. Pourtant, les soutiens les plus efficaces ne sont pas forcément ceux qu’on imagine. Le programme Elite offre une approche et des outils originaux.

La question de la croissance et du scale-up des PME européennes est un sujet d’actualité très discuté à la fois par les acteurs économiques, politiques et académiques. Comment permettre aux PME européennes de devenir exportatrices et compétitives à l’étranger ? Pendant longtemps, les PME allemandes ont été citées comme des modèles à suivre, mais face à la montée en puissance économique de nombreux pays comme l’Inde et la Chine, la pertinence de ce modèle est de plus en plus remise en question. S’agissant des obstacles rencontrés par les PME européennes depuis plusieurs décennies, de nombreux travaux de recherche conduits en sciences économiques et de gestion convergent vers les résultats suivants :

Multiplication des aides

Face à ces constatations, les acteurs publics nationaux et européens, ont multiplié les dispositifs d’aide destinés à stimuler la croissance et l’exportation des PME, le financement européen en cascade pour les entreprises, avec aussi des mesures orientées directement sur la question de la soutenabilité. On retrouve dans ces dispositifs, à la fois des mécanismes de financement (subventions, prêts, fonds de capital-risque). Simultanément, des mécanismes d’accompagnement des PME ont été développés, comme le font les chambres de Commerce en France avec le dispositif « Team France Export », qui propose une interface digitale pour guider les entrepreneurs.

Il a été souvent mentionné qu’une des difficultés des PME est de se retrouver dans le maquis des dispositifs régionaux, nationaux ou européens, chacun jouant différents rôles parfois complémentaires. Au-delà de la question de la visibilité de ces dispositifs, et de leur accessibilité aux entrepreneurs, une question apparaît comme essentielle : quels sont les besoins réels des dirigeants de PME européennes pour s’orienter vers une croissance soutenable ?

L’importance de l’humain

Notre thèse est qu’au-delà de tous les dispositifs proposés, les entrepreneurs ont besoin d’un accompagnement « humain », c’est-à-dire d’une interaction continue sur un temps relativement long avec des individus, une équipe, ayant à la fois une vision globale, des compétences complémentaires et des réseaux pour les accompagner.

Afin d’étayer cette thèse, nous avons conduit une étude et réalisé des entretiens auprès de l’équipe du groupe Elite issue de la place financière Euronext. Elite illustre selon nous, un exemple de ce qui peut être mis en place pour tenter d’accompagner des PME désireuses de croître et de faire face aux différents défis. Elite a été lancé en 2012 par la Bourse italienne, et est aujourd’hui intégré au Groupe Euronext. C’est un dispositif payant d’accompagnement des PME qui doivent remplir certaines conditions pour y accéder, généralement avoir un chiffre d’affaires supérieur à 10 millions d’euros.

Un accompagnement global

L’originalité de ce programme est i) de s’interroger sur le mode de financement de l’entreprise le plus adapté à son stade de développement, ii) de ne pas se focaliser uniquement sur l’accès aux ressources financières mais de s’intéresser également aux connaissances et compétences que l’entrepreneur doit acquérir pour atteindre une croissance durable sur le long terme grâce à des formations ciblées, iii) et d’impliquer les entrepreneurs dans des ateliers (workshops), des événements de réseautage, des réunions et des échanges entre communautés industrielles et financières essentielles pour leur développement. Il s’agit donc de proposer un accompagnement global, et de dépasser ce qu’on entendait traditionnellement par l’intermédiation financière, via les banques ou via les marchés financiers.

Nous avons conduit une série d’entretiens avec les membres de l’équipe d’Elite afin de mettre en lumière ce que nous appelons une nouvelle forme d’intermédiation de la part d’une place financière. Trois grands domaines d’action d’Elite ont été identifiés afin de mieux répondre aux défis rencontrés par les PME souhaitant croître de manière soutenable et durable.

Le premier domaine concerne l’acquisition de nouvelles compétences et connaissances dans un processus dynamique. Dans un environnement très changeant, les entreprises doivent faire preuve d’anticipation, de réflexivité et de capacité à se transformer :

« Nous sommes aussi une boîte à outils. Nous nous décrivons souvent comme une boîte à outils, pour l’entrepreneur, le PDG ou le directeur financier. Et ils sont libres de choisir les différents outils en fonction de leurs besoins » (chef du développement des produits).

Roland Berger (cabinet de conseil privé).

Le deuxième domaine : l’inscription dans des réseaux de manière agile et réactive ; celle-ci est devenue incontournable pour les PME.

« Les compétences et la mise en réseau sont prioritaires. C’est notre premier objectif. Parce que, vous savez, tout le monde a besoin d’évaluer ses compétences ou d’en acquérir de nouvelles pour rester compétitif sur le marché ».

Un accompagnement sur mesure

Et enfin, faciliter l’accès à des financements alternatifs, comme l’émission de titres adossés à des actifs d’investisseurs institutionnels et éventuellement préparer les entreprises à accéder aux marchés de capitaux privés ou publics :

« Nous mettons en avant le rôle et l’importance du reporting, de la transparence, de la structuration adéquate du plan financier et de l’importance de la soutenabilité. »

La réussite des PME dans la trajectoire de croissance soutenable dépend le plus souvent des synergies entre ces trois domaines. Il est ainsi crucial d’adopter une approche holistique sur les actions à entreprendre et sur la manière d’agencer ces actions dans le temps et l’espace : « Les réalisations les plus importantes sont liées à la capacité de croissance de ces entreprises dans trois domaines en termes de management, d’emploi et de durabilité ». Elite propose aux entreprises engagées dans son programme un accompagnement avec une équipe dédiée. « Ainsi, chaque entreprise sait qu’une fois insérée dans le programme Elite, elle a un contact Elite personnel. Le dirigeant, le CEO, l’entrepreneur peut décrocher le téléphone, nous sommes là, pour eux, pour les questions de communication, de stratégie, etc., de sorte qu’ils soient très accompagnés ».

Selon Elite, les entreprises bénéficiant de ce programme d’accompagnement affichent des performances supérieures sur trois critères : chiffre d’affaires, marge d’exploitation et création d’emplois. En moyenne, ces entreprises ont enregistré une augmentation annuelle de leur chiffre d’affaires de 11,8 ; %, contre 7,8 ; % pour l’échantillon de référence. Leur taux de marge atteint 17,1 ; %, nettement supérieur aux 12,4 ; % observés dans le groupe de comparaison. Enfin, elles ont vu leur taux d’emploi progresser de 15,5 ; %, bien au-delà des 0,8 ; % de l’échantillon de référence.

Une nouvelle mission pour les places financières

Pour assurer efficacement la croissance des PME, il est nécessaire de mettre en place un accompagnement global, que ce soit en termes de compétences, de formations, de réseaux et de financement. Cela est particulièrement important dans un contexte international extrêmement complexe et mouvant.

Il est intéressant de noter que cette proposition émane de la place financière Euronext, qui, jusqu’à présent, était très focalisée sur les marchés financiers pour attirer les PME. Il semblerait que les places financières aient, à leur tour, intégré que l’accès aux ressources financières n’est pas le seul obstacle à la croissance soutenable des PME, et que d’autres variables doivent également être prises en compte. Quelques premières limites à ce programme peuvent être mentionnées. Premièrement, l’efficacité du programme reposant largement sur les interactions entre les entrepreneurs impliqués et l’équipe dédiée, comment conserver la qualité de cet accompagnement avec un nombre croissant d’entreprises ? Deuxièmement, Elite repose sur la coordination de nombreux intermédiaires spécialisés dans des domaines particuliers – banques, sociétés de conseil, cabinets juridiques. On peut s’interroger sur l’équilibre à trouver avec ces partenaires entre coopération et concurrence. Enfin, pour juger de l’efficacité d’un tel dispositif, il est nécessaire, dans une approche croisée, d’interroger les entreprises impliquées et de suivre leur évolution, afin d’évaluer l’impact réel du programme proposé.The Conversation

Autrices : Laurence Cohen, Maître de conférences en Finance, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3 et Valérie Revest, Professeure des universités en sciences économiques, centre de recherche Magellan, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

>> Lire l’article original :

The Conversation

Le rendez-vous bien-être animal | Statut juridique du cheval : quels impacts sur l’environnement et sur son bien-être ?

LLe rendez-vous bien-être animal | Statut juridique du cheval : quels impacts sur l’environnement et sur son bien-être ?

Chaque semaine, la Chaire bien-être animal vous propose sur son site internet une nouvelle ressource en lien avec le bien-être animal ! Ce rendez-vous est relayé tous les mardis sur Facebook, Linkedin et Instagram avec le hashtag #LeRdvBEA. Suivez-nous !

>> Le « Rendez-vous bien être animal » de la semaine

Autrefois animal de labeur et compagnon de guerre, le cheval partage aujourd’hui avec l’humain des activités nombreuses et variées. Cette évolution de la relation au cheval conduit à la question de la remise en cause de son statut juridique d’animal d’élevage : deux propositions de loi visant à lui accorder le statut d’animal de compagnie ont d’ailleurs été déposées en ce sens en 2010 et 2018, infructueuses pour le moment.

Nous avons rencontré Guillaume Blanc, directeur de l’accompagnement de la filière équine auprès de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). Il nous explique dans cette interview les implications du statut juridique du cheval en matière d’environnement et de bien-être animal.

Pour accéder à l’interview, cliquez sur l’image :

Interview Guillaume Blanc

>> Les précédents « Rendez-vous bien être animal »

>> Pour retrouver tous les « Rendez-vous bien être animal », allez sur le site de :

 CHAIRE Bien-être animal

 

 

Qu’est-ce que le biomimétisme ?

QQu’est-ce que le biomimétisme ?

Comment s’inspirer des principes du vivant tout en respectant la biosphère ? Le biomimétisme nous invite à replacer l’homme comme une espèce vivante parmi les autres espèces vivantes. Explications.

Quel point commun entre les vitrages auto-nettoyants, les verres fabriquées par chimie douce et le traitement des eaux usées ECOSTP ? Tous relèvent du biomimétisme, une démarche visant à résoudre des problèmes et concevoir des solutions en s’inspirant des principes du vivant tout en respectant la biosphère et les limites planétaires.

Ainsi, les vitrages auto-nettoyants reproduisent l’effet superhydrophobe observé à la surface des feuilles de Lotus : une surface microtexturée et très hydrophobe qui ne retient ni la saleté ni l’eau. La chimie douce fabrique du verre à température ambiante en s’inspirant des processus biologiques identifiés chez les Diatomées, des microalgues qui fabriquent des « carapaces » transparentes en verre de silice. Quant au procédé ECOSTP, il s’inspire du fonctionnement de l’estomac à plusieurs chambres des vaches pour purifier l’eau sans alimentation électrique.

Les solutions identifiées par cette démarche sont ainsi par essence même économes en matière et en énergie, robustes et résilientes, elles s’insèrent dans leur milieu sans le dégrader et elles ne génèrent pas de déchets non réutilisables, au même titre que les processus développés par l’ensemble des êtres vivants au long des 3,8 milliards d’années d’évolution de la vie sur Terre.

Le tournant des années 1990

Cette démarche de biomimétisme a toujours existé spontanément dans les populations humaines mais elle s’est structurée et théorisée récemment. Le terme lui-même de biomimétisme a été proposé pour la première fois en 1969 par le biophysicien américain Otto Herbert Schmitt dans le titre de son article Some interesting and useful biomimetic transforms.

Une étape majeure dans la structuration du concept a été la publication en 1997 du livre de l’Américaine diplômée en gestion des ressources naturelles Janine Benuys Biomimétisme : quand la nature inspire des innovations durables (Biomimicry : Innovation Inspired by Nature). L’auteure a regroupé et structuré de nombreuses approches hétérogènes comme la permaculture, la symbiose industrielle, l’écoconception… et a proposé de quitter la vision très technique de la bionique (démarche qui crée des systèmes technologiques inspirés du vivant) pour construire la vision systémique du biomimétisme, qui prend en compte les conditions d’équilibre et les interactions entre les différents éléments du système vivant étudié.

Sous l’impulsion de ce livre, des think tanks et des cabinets de conseil se sont ensuite créés, tels que Biomimicry 3.8 et le Biomimicry Institute aux États-Unis, ou le CEEBIOS (Centre d’excellence en biomimétisme de Senlis) en France.

Ainsi le biomimétisme s’est développé et installé dans le paysage mondial ces vingt-cinq dernières années : la mise en œuvre technologique du concept s’est accompagnée d’une définition par une norme ISO, les politiques s’en sont également emparés et les chercheurs ont commencé à livrer des analyses critiques, notamment sous l’angle de la philosophie et de l’éthique.

Des enjeux éthiques

Le biomimétisme doit désormais faire ses preuves. Se contenter de reproduire des concepts techniques ne suffira pas, seule l’intégration d’une dimension systémique peut répondre aux enjeux environnementaux de manière réellement soutenable. Quelques réalisations indiquent que c’est possible, comme celles relevant de l’écologie industrielle et territoriale ou encore les démarches de type permaentreprise.

Cette dimension systémique est rendue visible par le terme d’écomimétisme parfois utilisé à la place de biomimétisme : il enjoint de nous inspirer non pas seulement des fonctions biologiques mais des propriétés des écosystèmes, donc de prendre en compte les interrelations entre les espèces et les populations, la circularité des flux de matière et d’énergie, la frugalité dans l’utilisation des ressources… : des propriétés des écosystèmes garantes du respect de la biosphère et des limites planétaires.

Le biomimétisme et l’écomimétisme doivent également faire leurs preuves dans leur capacité à intégrer une réflexion éthique : imiter la nature pour des applications purement techniques n’est qu’une instrumentalisation de plus de la nature.

De nombreux auteurs invitent au contraire à un changement de paradigme philosophique : replacer l’homme comme une espèce vivante parmi les autres espèces vivantes. Car c’est la position dominante de l’homme vis-à-vis de la nature qui a abouti à notre économie extractiviste, linéaire et mondialisée, destructrice de nos milieux de vie et des conditions d’habitabilité de la Terre.The Conversation

Autrice :

Cathy Grosjean, Enseignante-chercheuse sur la transition écologique, UCLy – Institut catholique de Lyon

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

>> Lire l’article original :

The Conversation

La question environnementale chez Jules Verne | Livre

LLa question environnementale chez Jules Verne | Livre

©PUL

Les Presses Universitaires de Lyon – PUL – vous invitent à aborder l’œuvre de Jules Verne par le prisme de l’écologie. Cela peut surprendre. N’est-ce pas faire preuve d’anachronisme ?

Kevin Even démontre ici la pertinence de l’approche, en s’appuyant principalement sur trois romans, Les Indes noiresSans dessus dessous et L’Invasion de la mer, dans lesquels l’exploitation des ressources naturelles est centrale.

Ces trois textes sont issus des Voyages extraordinaires, collection impulsée par l’éditeur Pierre-Jules Hetzel en 1866, qui définit un cadre aussi limpide que contraignant : faire l’éloge du progrès auprès de la jeunesse bourgeoise en provoquant son émerveillement par le romanesque, tout en l’éduquant aux discours scientifiques du moment. Pourtant, l’écrivain n’hésite pas à s’écarter de la ligne établie par son éditeur.

L’ambivalence de ses récits, suggérée, entre autres, par l’ironie et la polyphonie, constitue un puissant contrepoids aux apologies de la colonisation ou de l’industrialisation à outrance. Que Jules Verne aborde la question par l’ajout récurrent de discours inquiets du devenir de la Terre ou pour condamner toute forme de démesure, il se révèle un précurseur de la littérature environnementale et un auteur de référence dans le champ de l’écopoétique.

> L’auteur : Kevin Even est docteur en littérature française et enseigne à la Sorbonne Nouvelle. Il est membre du Centre de recherche sur les poétiques du XIXe siècle (CRP19), ainsi que du collectif universitaire ZoneZadir.

> Visionnée la rencontre dessinée avec Kevin Even.

Un échange animé par Emmanuel Taïeb, professeur de science politique à Sciences Po Lyon et mis en dessin par Lou Herrmann (Cité Anthropocène).

 

>> Pour plus d’information rendez-vous sur la page : 

PUL

Entreprise apprenante : les étonnantes leçons de l’armée allemande | The Conversation

EEntreprise apprenante : les étonnantes leçons de l’armée allemande | The Conversation

L’armée allemande est un exemple peu connu d’organisation apprenante et pourtant. Les victoires militaires de l’armée du Kaiser et les suivantes s’expliquent aussi par une sorte de management moderne, où, par exemple, la notion de retour d’expériences est déjà présente.

En matière d’apprentissage organisationnel – défini comme la capacité collective de réfléchir sur l’expérience pour modifier les stratégies d’action au service d’objectifs partagés – il est fréquent de commencer par les moyens d’apprendre (les concepts, les principes, les outils et les pratiques) pour s’intéresser alors à sa contribution éventuelle à la performance de l’organisation. Parfois même, le lien de causalité est considéré comme un postulat de départ non questionné. Pourtant, au niveau de l’organisation, le lien empirique entre apprentissage et performance reste à démontrer de manière convaincante.

En adoptant l’approche inverse, on commence par identifier une organisation dont la performance est démontrée pour mettre ensuite en exergue des éléments observables liés à l’apprentissage qui sont considérés par les acteurs eux-mêmes comme à la source de cette performance. Et si on identifie une organisation perçue par ses pairs et ses concurrents comme sans égal, on peut s’attendre à trouver en son sein une architecture d’apprentissage organisationnel pensée, déployée et constamment affûtée. Testons cette hypothèse avec l’armée prussienne devenue l’armée allemande de la période impériale jusqu’en 1945.

Ainsi, exempt de portée politique, cet article est illustratif de pratiques de développement de capacités sans lien avec le contexte idéologique ou social des périodes historiques concernées. Le postulat est qu’une organisation, dont on réprouve sans condition les idées ou intérêts qu’elle a servis, peut être un objet de recherche dépassionné et une source d’approfondissement académique.

L’armée prussienne, puis allemande

Il est peu de notions plus sûres dans l’histoire moderne que celle de l’excellence militaire allemande. Et cette conviction est largement partagée par les historiens, comme Max Hastings (« Pendant de nombreuses années après 1945, la reconnaissance de la [supériorité militaire allemande] était trop douloureuse pour être partagée publiquement ») ; par les praticiens, comme le Field Marshal anglais Harold Alexander (« L’ennemi était plus rapide […] en attaque, en défense […], dans les remplacements […], pour monter des attaques et des contre-attaques et, par-dessus tout, plus rapide à décider sur le champ de bataille ») ; par les praticiens-analystes comme le colonel Trevor Dupuy pour qui le soldat allemand infligeait 50 % de plus de pertes à ses opposants et ce en toutes circonstances (en attaque ou en défense, en état de supériorité ou d’infériorité, avec ou sans le soutien aérien, en cas de victoire ou de défaite) ; ou encore pour les chercheurs, comme le théoricien israélien Martin van Creveld qui conclut son ouvrage de performance militaire comparée par un lapidaire :

« L’armée allemande était une organisation combattante exceptionnelle. Sur le plan du moral, de l’initiative, de la cohésion et de la résilience, elle n’avait probablement pas d’égal au sein des armées du XXe siècle. »

Si pour Bismarck, « l’humanité commence au rang de lieutenant », on comprendra, au-delà du bon mot, que la performance de l’armée allemande n’était pas le fait du hasard.

La question est alors de passer du « vouloir être performant » à le devenir réellement. L’exemple allemand montre de manière éloquente que la performance s’apprend. Pour analyser la stratégie de développement de la performance échafaudée par l’armée allemande pour en faire le fondement de sa culture organisationnelle, utilisons une grille de lecture développée par une équipe de chercheurs israéliens, experts de l’apprentissage, notamment en contexte militaire. Phénomène complexe, l’apprentissage organisationnel peut s’observer au travers de trois facettes : culturelle, structurelle et contextuelle.

Une culture favorable à l’apprentissage

Les normes comportementales de nature à faciliter l’apprentissage composent le volet culturel du développement collectif de capacités. Dans ce domaine, l’armée allemande était en avance sur son temps, ce qui pourrait être vrai encore aujourd’hui.

Au sein du corps des officiers, en particulier, la culture du débat, la tolérance à l’altérité de points de vue, l’absence de « solution parfaite », la transparence dans les échanges, le courage et l’intégrité de partager toute l’information, la curiosité pour comprendre les sujets en profondeur, et la responsabilité personnelle d’apprendre constamment et de mettre en pratique les acquis sont exceptionnels. Surtout dans un contexte militaire que l’on imagine aisément hiérarchique, étriqué et peu innovant. C’est tout le contraire que le corps des officiers, et l’armée allemande en général, donnent à voir à l’époque.

Cette culture organisationnelle facilitante de l’apprentissage collectif s’appuie sur deux leviers clés : la confiance interpersonnelle (fondée sur une sélection rigoureuse et une socialisation intense) et l’obsession de la performance, du travail bien fait. C’est cette culture qui permet à l’armée allemande de constamment apprendre de ses erreurs et de développer sa performance superlative.

Des simulations pour apprendre

Les procédures et processus par lesquels une organisation collecte, analyse, codifie, partage et dissémine toute information facilitant l’atteinte des objectifs de l’organisation constituent la facette structurelle de l’apprentissage organisationnel. On distingue la temporalité, à savoir s’entraîner sans relâche avant l’action et apprendre sans fard de l’expérience après l’action.

L’armée allemande a inventé, par exemple, la simulation intensive de combat pour entraîner ses officiers à la prise de décision en incertitude. Au travers de jeu de plateaux (Kriegsspiel) ou de galops d’essai annuels sur le terrain, l’entraînement en situation permet de développer les réflexes, d’identifier des points d’amélioration, de faire émerger de nouvelles tactiques et de transmettre les bonnes pratiques. L’entraînement des soldats s’effectue en conditions réelles, une philosophie « train as you fight » que les Américains reprendront après-guerre.

Après l’action, le retour d’expérience systématique (Erfahrungsberichte) analyse les décisions et les conséquences à tous les niveaux hiérarchiques pour réinjecter dans le système les leçons identifiées ou les hypothèses émergentes.

Un retour d’expérience XXL après la défaite de 1918

De même, à l’issue de la Grande Guerre, le chef d’État-Major von Seeckt lance un effort de retour d’expérience sans précédent pour comprendre la défaite militaire : 500 officiers sont mobilisés autour de 57 points (traversée de rivière, moral des troupes, justice militaire…) en répondant à quatre questions : Quelles situations apparues pendant la guerre n’avaient pas été envisagées ? Dans quelle mesure les conceptions d’avant-guerre étaient-elles efficaces pour faire face aux situations susmentionnées ? Quelles lignes directrices ont été élaborées dans l’emploi de nouvelles armes pendant la guerre ? Quels sont les problèmes posés par la guerre qui n’ont pas encore trouvé de solution ?

Musée de la Grande Guerre du pays de Meaux.

Conceptualiser l’environnement, et en tirer (toutes) les conséquences

Si plusieurs éléments constituent cette facette contextuelle de l’apprentissage organisationnel, et en facilitent le développement, comme la criticité de l’erreur (perdre une bataille n’a rien de comparable à manquer ses objectifs trimestriels) ou la structure même du métier, deux caractéristiques se détachent nettement dans le contexte militaire allemand : le rapport à l’environnement et le leadership.

Dès Clausewitz et son Vom Krieg (1832), et plus encore avec Helmuth von Moltke, l’emblématique chef de l’État-Major prussien de 1857 à 1888, la conception de l’environnement par l’armée allemande est simple : le champ de bataille est par nature imprévisible et complexe, et il est vain de pratiquer le réductionnisme pour se convaincre qu’il est possible de le mettre en équation. Le choix est donc fait d’identifier, de sélectionner, de former et de faciliter la promotion d’artistes de la guerre et non d’exécutants ; en clair, des officiers et sous-officiers qui, au contact du terrain, vont s’adapter, prendre des risques, apprendre, innover, surprendre l’ennemi et vaincre.

Un leadership centré sur la performance collective

Le leadership au sein de l’armée allemande, c’est-à-dire la capacité à créer les conditions dans lesquelles les soldats seront préparés, compétents, motivés, créatifs, autonomes dans la pensée et proactifs dans l’action, est considéré comme une valeur cardinale à tous les échelons. Dans la plupart des conflits dans lesquels l’Allemagne sera impliquée entre 1864 et 1945, l’armée allemande aura des moyens matériels et un accès aux matières premières inférieurs à ses ennemis ; mais le leadership, centré sur la performance collective, le développement de capacités, l’exemplarité, et l’attachement aux soldats, plus que compenseront ces carences pour faire de l’armée allemande une impressionnante organisation apprenante (et performante).

Sans occulter le caractère funeste joué par l’armée d’Allemagne dans l’histoire, les entreprises d’aujourd’hui, jouant des coudes dans un environnement volatil et incertain, ont peut-être matière à trouver inspiration dans la manière avec laquelle les forces armées allemandes ont développé une infrastructure d’apprentissage organisationnel rarement égalée par son exhaustivité et son impact. En connaître les clés peut servir à tous.The Conversation

> L’auteur :

Thomas Misslin, Doctorant, Sciences de Gestion, Dauphine-PSL – Chef de projet, Executive Education, EM Lyon Business School

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

>> Lire l’article original :

The Conversation

Haro sur la « shrinkflation », une pratique commerciale décriée par les consommateurs

HHaro sur la « shrinkflation », une pratique commerciale décriée par les consommateurs

La prochaine fois que vous prendrez un paquet de café ou de papier toilette, vous y regarderez de plus près. Vous remarquerez peut-être que l’emballage vous semble familier, mais que son contenu a subtilement diminué.

C’est ce que l’on appelle la « shrinkflation », une stratégie d’augmentation des prix utilisée par les fabricants du monde entier. En réduisant la taille des produits et gardant les mêmes prix finaux, les entreprises tirent parti de la psychologie des acheteurs qui sont plus susceptibles de remarquer une augmentation de prix d’un produit qu’une légère réduction de sa taille.

[…]

> Les auteures 

 

>> Lire l’article complet sur :

knowledge@emlyon

 

Comment les langues structurent la réalité ?

CComment les langues structurent la réalité ?

Classer les objets et les expériences est essentiel pour l’humain, car cela lui permet de gérer efficacement les informations. Mais quelles forces influencent le développement des systèmes de classification nominale ? Ces systèmes catégorisent les noms de manière variée.

Par exemple, le français distingue le masculin et le féminin, tandis que le swahili (parlé dans toute l’Afrique de l’est et dans une partie de l’Afrique centrale) classe selon des catégories comme les humains ou les plantes. Le mandarin, lui, classe selon la forme et la fonction des objets avec des classificateurs. Ces classifications ne reflètent pas seulement des différences linguistiques, mais aussi la façon dont le cerveau organise l’information et influence notre perception du monde.

Ces planches de BD ont été scénarisées par Benoît Connin, scénariste et dessinées par KiWeen, illustratrice à l’Épicerie Séquentielle avec l’appui de Tessa Vermeir, chercheuse en linguistique et Mathilde Josserand, chercheuse en sciences cognitives au Laboratoire Dynamique du langage (DDL, CNRS | Université Lumière Lyon 2) et Marc Allassonnière-Tang, linguiste au Laboratoire Eco-Anthropologie (EA, CNRS | MNHN).

>> L’intégralité des planches sont disponibles sur le blog :

« Enfances inégales » : des États-Unis à la France, regard sur les dynamiques de reproduction sociale | The Conversation

«« Enfances inégales » : des États-Unis à la France, regard sur les dynamiques de reproduction sociale | The Conversation

Les recherches en sciences sociales qui se penchent sur les conditions de vie des enfants en se plaçant à leur hauteur restent relativement rares. Cet état des lieux rend d’autant plus précieuses les analyses de la sociologue Annette Lareau dont l’ouvrage Unequal Childhoods. Class, Race and Family Life, publié en 2003, vient d’être traduit en français. En quoi ce classique des sciences sociales américaines nous donne-t-il des clés pour comprendre la genèse des inégalités dans l’Hexagone ?

À partir de la fin du Moyen-Âge, les sociétés occidentales ont progressivement, et de plus en plus largement, considéré l’enfance comme une période à part, comme un moment qui doit être protégé des contraintes ordinaires adultes, une sorte d’âge d’or qu’il faudrait s’attacher à promouvoir ou à retrouver.

Ce développement du « sentiment de l’enfance », pour reprendre la belle expression de Philippe Ariès, a eu pour conséquence de faire sortir les enfants du monde des adultes et donc des analyses sociologiques. Dans celles-ci, ils restent encore trop souvent perçus à travers les regards des parents ou des éducateurs, comme de simples destinataires de pratiques de soin ou de stratégies de reproduction sociale.

Les recherches en sciences sociales francophones qui se sont réellement penchées sur les conditions de vie et d’éducation des enfants, en se plaçant à leur hauteur, ont été relativement rares, et ce malgré l’existence de nombreuses politiques familiales qui enjoignent les parents à mettre leur progéniture au centre de leur attention et de leurs préoccupations.

Dans ce contexte, traduire en français l’ouvrage d’Annette Lareau, Unequal Childhoods, plus de 20 ans après sa sortie aux États-Unis, est d’une absolue actualité. L’ouvrage a été maintes fois primé. Il a été récompensé à trois reprises par l’American Sociological Association par les comités de recherche suivants : childhood and youth, culture and family. Il a également été très largement salué par la presse généraliste outre-Atlantique. Et il nous apporte aujourd’hui encore des clés de compréhension précieuses sur la construction des inégalités entre individus.

Envisager la famille comme foyer des inégalités

Ce sont donc plus de vingt ans et un océan qui séparent la version originale de sa traduction intitulée Enfances inégales. Si ce décalage temporel et géographique peut interroger, les résultats et interprétations de l’auteure demeurent d’une grande actualité, du point de vue tout d’abord de sa thématique.

Alors que la question des inégalités refait surface avec force dans l’ensemble des pays occidentaux, elle se pose de manière différente pour les enfants, qui n’ont ni les mêmes besoins ni les mêmes sensibilités que les adultes. Aussi, rendre compte et comprendre la genèse de ces inégalités est (re)devenu crucial, notamment dans un pays comme la France au sujet duquel l’OCDE a signalé qu’il fallait à un enfant six générations pour sortir de la pauvreté (contre cinq en moyenne dans les autres pays membres).

En France, l’étude des primes inégalités s’est, pendant longtemps, principalement concentrée sur l’école et les chances de vie inégale qu’elle offrait aux élèves en fonction de leurs origines sociales. Le rôle et le poids de la famille n’étaient pas étudiés directement. Ils étaient saisis de façon implicite et détournée à partir du volume de ressources économiques et culturelles des parents, qui était généralement mesuré par leur niveau de revenus, leur niveau de diplôme, leur profession, leurs pratiques culturelles, ou encore le nombre d’objets artistiques possédés. Par comparaison, les pratiques parentales liées à la vie ordinaire ou scolaire des enfants ont été moins investiguées.

Or, nous dit Lareau, la famille constitue le véritable foyer des inégalités : elle est le premier (et incontournable) lieu où se (re)produisent des manières de faire, d’être et de penser qui n’ont pas la même légitimité, ni le même rendement scolaire et social. Plus précisément, Lareau souligne que les inégalités prennent naissance dans les plus petits actes et gestes du quotidien, qui traduisent des stratégies éducatives et des répertoires culturels socialement situés, notamment face aux institutions et à leurs représentants.

Savoir parler au médecin, se sentir autorisé à donner son avis à l’école, se sentir légitime à mobiliser un adulte en cas de problème et savoir le faire de la bonne manière afin d’obtenir une réponse appropriée à ses attentes, sont autant de comportements liés aux modes d’éducation et aux places qu’on accorde aux enfants. En d’autres termes, les relations parents-institutions et parents-enfants marquent durablement les rapports au monde des enfants et des jeunes et pèsent sur leur trajectoire future.

Comprendre comment les inégalités s’articulent entre elles

Enfances inégales se distingue ensuite par l’actualité de son approche. Dans le contexte états-unien des années 2000, principalement préoccupé de discriminations et d’inégalités raciales, Annette Lareau innovait par la mise au jour du poids prépondérant de l’origine sociale dans la hiérarchisation du monde.

Dans le contexte français des années 2020, où l’analyse des inégalités liées à la stratification sociale est première, la lecture de ce texte apporte des éléments féconds pour comprendre comment les inégalités de classe et de race s’articulent plus qu’elles ne s’opposent. De plus, l’écriture narrative de l’auteure rend toute leur épaisseur et leur complexité aux rapports entre les enfants et leur entourage en restituant des observations ethnographiques précises, détaillées et de longue durée.

« Unequal Childhoods/Enfances inégales », 20 ans après, des deux côtés de l’Atlantique (Conférence le jeudi 17 octobre 2024 à l’université Paris Cité).

Annette Lareau montre ainsi comment les parents de classes moyennes, qu’ils soient noirs ou blancs (nous reprenons ici les termes utilisés par l’auteure), s’engagent dans une « mise en culture concertée » (concerted cultivation), c’est-à-dire dans un style éducatif destiné à nourrir et valoriser les compétences et les talents des enfants. Ceux-ci se sentiront ensuite plus légitimes à défendre leur propre point de vue dans les environnements institutionnels et face aux adultes qui les incarnent.

En contrepoint, elle révèle que les familles des classes populaires et les familles pauvres, noires ou blanches là encore, s’appuient sur ce qu’elle nomme la « réussite de la pousse naturelle » (accomplishment of natural growth), dans lequel l’objectif de la socialisation de l’enfant est, au jour le jour, d’assurer les conditions matérielles d’une vie décente (nourriture et logement en priorité) dans un contexte de forte intériorisation des contraintes institutionnelles.

Scruter les dynamiques quotidiennes

Enfances inégales se démarque enfin par l’actualité de son regard. On y retrouve les échos bien connus des discours sur les « petits travailleurs » enfantins aux agendas de loisirs surchargés, organisés par des parents – et surtout des mères – surinvestis, qui cherchent tant le développement personnel de leur enfant que le rendement – espéré positif – de l’incorporation précoce d’attributs valorisables dans divers espaces de la vie future.

On y retrouve aussi une attention aux dynamiques des familles populaires qui, comme le dit Annette Lareau elle-même, ne font pas moins famille, mais le font différemment. Dans leur cas, les efforts pour assurer le bien-être des enfants passent moins par l’accompagnement et l’organisation de leur quotidien (chargé) que par le fait de leur garantir les moyens matériels pour grandir dans les meilleures conditions possibles.

On y retrouve enfin une attention aux apprentissages de la langue et une mise en lumière des modalités, variables selon les familles, de maîtrise des registres linguistiques ajustés aux différents types d’interactions sociales tout autant que des variations du « droit de parler » des enfants, dans le quotidien « banal » de leurs vies, à la maison, en classe, en voiture durant les trajets quotidiens, chez le médecin, aux fêtes de famille et lors des activités de loisirs.

Il est très rare de disposer d’une observation aussi fine de l’ensemble des situations qui font le répertoire culturel des enfants dans chaque catégorie sociale. Cela valait bien (enfin) une traduction !The Conversation

> Les auteurs et autrices

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

>> Lire l’article original.

The Conversation 

Pollution de l’air : ces freinages qui nous étouffent

PPollution de l’air : ces freinages qui nous étouffent

Ce n’est pas un brouillard comme les autres. Derrière ses apparences de terme original, celui que l’on surnomme « smog » n’a rien de positif, bien au contraire. Inodore, il trotte au-dessus de nos têtes tel un cocktail dangereux, un mélange toxique de gaz et de particules fines en suspension. Un fléau de santé publique qui touche régulièrement les mégalopoles européennes. Dans le collimateur de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ces particules qui tuent prématurément plusieurs millions de personnes chaque année dans le monde. À la source de ces polluants : l’industrie, les transports ou encore le chauffage, au bois notamment.

Avec la mise en place de nouvelles lois portées sur ces secteurs, la qualité de l’air en Europe s’est progressivement améliorée ces dernières années. Concernant le secteur des transports, un nouveau type de pollution, encore peu étudiée, préoccupe de plus en plus : celle générée par l’abrasion des freins des véhicules. Au sein du Laboratoire de Mécanique des Contacts et des Structures, le LaMCoS (1), la problématique est prise à bras de corps depuis plusieurs années.

Selon une étude publiée en 2022 par la revue médicale britannique « The Lancet Planetary Health », la pollution de l’air extérieur entraînerait chaque année dans le monde 4.2 millions de décès prématurés. En cause l’industrie, le chauffage au bois mais également le transport. Dans l’Union européenne, en 2021, on comptait près de 250 millions de véhicules particuliers (+6,5% par rapport à 2017) et près de 30 millions de « véhicules utilitaires » (8.6% par rapport à 2017) en circulation. Un trafic routier qui génère une importante pollution aux particules fines. Paradoxalement, la pollution de l’air générée par les échappements de ces véhicules a globalement baissé ces dernières années, à l’échelle de l’Union européenne, notamment sous la pression réglementaire et grâce à la généralisation des filtres à particules (FAP) devenus obligatoires depuis 2011 sur les moteurs Diesel neufs. Désormais c’est une autre problématique qui préoccupe les autorités sanitaires comme les scientifiques : la pollution hors échappement (PHE).

(…)

>> Rendez-vous sur le site point 2 Bascule pour :

LIRE LA SUITE DE L’ARTICLE

L’éducation à la sexualité face aux inquiétudes des parents d’élèves

LL’éducation à la sexualité face aux inquiétudes des parents d’élèves

Alors que sont régulièrement pointées les faiblesses de l’éducation à la sexualité dans le cadre scolaire, un nouveau programme a été proposé en mars 2024 par le Conseil supérieur des programmes. Sa publication va-t-elle enfin changer la donne ? Tout au long du XXe siècle, la crainte des réactions des parents a été un frein puissant à une réelle mise en œuvre des dispositifs et de prévention sur le terrain.

Le 22 octobre dernier, la ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet a annoncé vouloir que le programme d’éducation à la sexualité mis au point en mars 2024 par le Conseil supérieur des programmes (CSP) soit publié « le plus tôt possible ». Ainsi devrait pouvoir être effectivement appliquée la disposition de la loi du 4 juillet 2001 stipulant qu’« une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène ».

Cette relance, toutefois, n’est pas la première. En 2016, un rapport du Haut Conseil à l’égalité avait dénoncé les manquements à la circulaire du 17 février 2003 qui indiquait les modalités d’application de la loi du 4 juillet 2001. Le 12 septembre 2018, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer publie une nouvelle circulaire relative à l’éducation à la sexualité. Mais plusieurs enquêtes suggèrent que la loi est toujours mal appliquée. Le 30 septembre 2022, le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye publie une nouvelle circulaire. La publication par Anne Genetet d’un programme national sera-t-elle l’utile texte de relance ?

Des réticences des parents d’élèves dès le début du XXᵉ siècle

Si plusieurs facteurs peuvent expliquer l’application très inégale des circulaires ministérielles concernant l’éducation à la sexualité, la crainte de la réaction des parents d’élèves, ou du moins d’une partie d’entre eux, est assurément un frein puissant. À vrai dire, des réticences se sont manifestées depuis qu’au début du XXe siècle ont été émises les premières propositions d’introduire l’« éducation sexuelle » à l’école.

D’ailleurs, si toutes les études sur le sujet font de la circulaire Fontanet du 23 juillet 1973 le premier texte officiel sur l’éducation sexuelle, c’est en oubliant celle du 14 septembre 1937, signée à la fois par le ministre de la Santé publique Marc Rucart et par le ministre de l’Éducation nationale Jean Zay. Cet oubli s’explique par le fait que cette circulaire a été reportée quelques mois après, du fait de la ferme opposition de la Fédération nationale des associations de parents d’élèves des lycées et collèges (ancêtre de la PEEP).

L’inquiétude, voire l’opposition, peut concerner le contenu : certains parents redoutent une contradiction avec les valeurs familiales concernant la sexualité. Quand, en 1902, au Conseil académique de Paris, le Pr Pinard fait de premières propositions concernant l’éducation sexuelle, au reste exclusivement centrées sur la prévention contre les maladies vénériennes, et seulement pour les grands lycéens, le vice-recteur de l’académie de Paris, Louis Liard, lui répond qu’il faudra l’autorisation des parents, comme pour l’instruction religieuse. La comparaison est révélatrice.

L’éducation sexuelle au collège, mode d’emploi (Archive INA, 1973).

Encore en 1973, l’UNAAPE considère que, dans la mesure où elle est liée à des options philosophiques et religieuses, il apparaît difficile que l’éducation sexuelle puisse respecter le principe de laïcité :

« Comment imaginer une éducation sexuelle à l’école qui respecte le principe de laïcité ? C’est impossible. Il ne peut pas davantage exister un cours d’éducation sexuelle unique qu’il n’existe, dans les établissements dispensant un enseignement religieux à des élèves de différentes confessions, un cours unique de religion. L’œcuménisme sexuel n’est pas encore pour aujourd’hui ».

C’est pourquoi la circulaire Fontanet du 23 juillet 1973 ne se borne pas à distinguer l’« information sexuelle », intégrée dans les programmes de sciences naturelles, et donc obligatoire, de l’« éducation sexuelle », facultative. Elle accorde un large droit de contrôle aux parents et promeut même, pour la prise en charge des séances d’éducation à la sexualité, la constitution d’équipes différentes pour le cas « où le choix des parents d’élèves, en fonction de leurs convictions philosophiques ou morales différentes, conduirait, en matière d’éducation, à des conceptions divergentes, rendant nécessaire une formule pluraliste ».

Intégrer la prévention des violences sexistes et sexuelles

Cependant, le 15 avril 1996, une circulaire ministérielle « relative à la prévention du sida en milieu scolaire et à l’éducation à la sexualité » prévoit l’inscription de séquences obligatoires à raison de deux heures au minimum dans l’horaire global annuel des élèves des collèges. Ce n’est plus seulement l’information, mais l’éducation sexuelle (rebaptisée éducation à la sexualité) qui devient obligatoire.

Mais la Confédération nationale des associations familiales catholiques porte l’affaire devant le Conseil d’État, et le 29 juillet 1998, celui-ci annule la circulaire pour abus de pouvoir, au motif que le Conseil supérieur de l’éducation n’a pas été consulté.

La circulaire du 19 novembre 1998 « relative à l’éducation à la sexualité et à la prévention du sida » reprend toutefois la plupart des termes de la circulaire de 1996. Un certain nombre d’associations dites de « défense de la famille » demandent son annulation au Conseil d’État, mais cette fois leur demande est rejetée : pour le Conseil d’État, les dispositions attaquées « ne méconnaissent pas les principes de neutralité et de laïcité », elles « n’ont pour objet ni pour effet de porter atteinte aux convictions philosophiques et religieuses tant des élèves, que de leurs parents ou des enseignants ».

Les cours d’éducation sexuelle indispensables à l’heure d’Internet (France 3 Nouvelle-Aquitaine, 2018)

Cet arrêt est d’autant plus important que la circulaire de 1998 rend non seulement obligatoire l’éducation à la sexualité mais promeut un certain nombre de valeurs : une orientation que vont d’ailleurs accentuer les circulaires suivantes. Ainsi celle de 2018 indique-t-elle que « l’éducation à la sexualité se fonde sur les valeurs humanistes de liberté, d’égalité et de tolérance, de respect de soi et d’autrui » et qu’elle s’appuie « sur les valeurs laïques et humanistes ».

Il faut dire que le contenu de l’éducation à la sexualité n’est plus essentiellement orienté vers la lutte contre les maladies vénériennes, comme elle l’était dans le premier tiers du XXe siècle (si l’on excepte les vues des néo-malthusiens et de quelques féministes). L’accent est mis désormais, dans les textes officiels, sur la prévention des violences sexistes et sexuelles et la promotion de l’égalité.

Les valeurs promues sont considérées comme faisant partie des « valeurs communes ». Ce qui n’empêche pas une association comme « Parents vigilants », réputée proche d’Éric Zemmour, de voir dans l’éducation à la sexualité le cheval de Troie des lobbies LGBT. Un point de vue assez semblable à celui de « SOS éducation », qui dénonce dans le projet de programme mis au point par le CSP « une effraction » et même « un viol psychique ». Pour elle, l’éducation à la sexualité devrait relever uniquement des parents.

Une coéducation parents-école

C’est en effet le principe même d’une l’éducation sexuelle collective qui est critiqué par certains parents, avec d’ailleurs la même argumentation depuis le début du XXe siècle : en dehors même du contenu et des valeurs qui peuvent être transmis, cette éducation dans sa forme collective serait intrinsèquement perverse, car elle conduirait les enfants à entendre des choses qu’ils ne sont pas forcément prêts à entendre, et donc à les troubler.

L’éducation sexuelle collective serait toujours immorale, au contraire de l’enseignement individuel dispensé par les parents ou le médecin de famille, qui connaissent l’enfant. Cette idée a été régulièrement avancée par certains parents. Mais ce fut aussi l’avis d’un Charles Chabot, professeur de science de l’éducation à l’université de Lyon, pour qui « nulle part il n’est plus nécessaire d’individualiser l’enseignement, parce que les leçons prématurées, inoffensives ailleurs sont ici dangereuses, peut-être funestes ».

Aujourd’hui, toutes les grandes fédérations de parents d’élèves acceptent l’éducation à la sexualité à l’école. Mais ce genre d’inquiétude persiste chez certains parents. En fait, et c’est encore une continuité depuis le début du XXe siècle, beaucoup de parents à la fois reconnaissent qu’ils sont incapables de prendre en charge eux-mêmes l’éducation sexuelle mais se montrent défiants envers une prise en charge par l’École. Dans ce domaine plus encore qu’en d’autres, la coéducation école/parents peut aider à dissiper les inquiétudes.

Récemment, le ministère de l’Éducation nationale a tenu compte de celles-ci. En 2018, en effet, la circulaire Blanquer a fait commencer l’éducation à la sexualité à l’école élémentaire (et non plus maternelle) et a précisé les thèmes qui peuvent être abordés à ce niveau. On observera par ailleurs que, s’il a réintégré l’école maternelle dans l’éducation à la sexualité, le programme mis au point par le CSP a omis le mot sexualité dans l’intitulé concernant le cycle 1 (maternelle) et le cycle 2 (CP, CE1, CE2, « éducation à la vie affective et relationnelle ») et l’a conservé seulement pour les cycles 3 et 4 (CM1, CM2 et collège) et le lycée (« éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité́ »).

Tout se passe comme si, aujourd’hui, la question de l’éducation à la sexualité à l’école resterait « socialement vive » surtout concernant les enfants, mais qu’elle le serait beaucoup moins pour les adolescents. Ce qui serait tout de même un grand changement par rapport à la « Belle Époque ».The Conversation

> L’auteur :

Yves Verneuil, Professeur des Universités en sciences de l’éducation, Université Lumière Lyon 2

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

>> Lire l’article original : 

The Conversation