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Sciences de la Terre - Climat - Géologie

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Université Jean Monnet - UJM

AAux origines de l’Antarctique

Quand on pense à l’Antarctique, on imagine immédiatement une terre déserte, recouverte de neige et de glaciers où animaux et végétaux sont quasi inexistants… Mais cette image du continent est plutôt récente dans l’histoire de la Terre.

Le continent Antarctique, aujourd’hui complètement isolé, était il y a quelques centaines de millions d’années au centre d’un supercontinent qui rassemblait l’Inde, une partie de l’Afrique de l’Est et de l’Amérique du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Lors de la fragmentation de ce supercontinent, la séparation de l’Australie vers 50 millions d’années et l’ouverture de l’océan austral ont permis la circulation d’un courant  océanique circumpolaire (1). C’est ce courant qui va isoler l’Antarctique des grands flux océaniques qui relient les régions tropicales et les régions polaires.

«Si ce continent est englacé maintenant, c’est qu’il a été sorti de la régulation thermique des océans» explique René-Pierre Ménot, professeur émérite des universités de l’UJM et chercheur au sein du LGL-TPE, laboratoire Géologie de Lyon – Terre, Planète, Environnement (anciennement Magmas et Volcans). Imaginez-vous qu’à une période, l’Antarctique était au niveau de l’équateur avec une végétation luxuriante et des périodes tropicales comme en témoignent les nombreux fossiles de végétaux et d’animaux.

L’Antarctique était donc la pièce majeure du supercontinent appelé Pangée. L’étude des roches et leur datation permet d’établir des corrélations avec les autres fragments maintenant séparés et de reconstituer ce gigantesque puzzle.

UUNE HISTOIRE SCIENTIFIQUE PLUTÔT RÉCENTE

La première exploration scientifique en Antarctique dans le secteur de Terre Adélie a été faite par les Australiens entre 1911 et 1914. Une exploration risquée et compliquée que nous raconte René-Pierre Ménot :
« L’équipe de scientifiques conduite par Sir Douglas Mawson devait passer un hiver austral sur place avant de conduire ses travaux pendant l’été austral suivant. En fait, c’est deux hivers que cette équipe a enduré dans un environnement très hostile. En effet, à la fin de l’été (janvier 1913), après une campagne de terrain dramatique et la perte de deux hommes, les géologues sont enfin rentrés à la base mais après l’appareillage du bateau de retour. Cette expédition durement perturbée fut néanmoins très fructueuse et les recherches ont permis à l’équipe de Mawson de publier ses résultats pendant plusieurs décennies. »

Après cette première expédition, il fallut attendre les expéditions polaires françaises avec Paul-Emile VICTOR et l’installation de la 1ère base en 1950. Entre 1950 et 1960 seuls 2 géologues se sont rendus sur place pour leurs recherches.

C’est à partir des années 1990 que va débuter une période d’exploration et de cartographie systématique du secteur de Terre Adélie et des régions côtières voisines. A l’échelle de l’Antarctique dans son ensemble, le travail du géologue est difficile. Les endroits où la roche est visible, les affleurements, ne représentent que 1% de la superficie totale de l’Antarctique ! Il y a parfois jusqu’à 4000 mètres de glace sous lesquels on trouve des montagnes, des roches, des lacs souterrains…

Après avoir recensé ces affleurements, le géologue va chercher à déterminer quelles sont les roches enfouies sous la calotte de glace. Pour cela il peut étudier, en bordure du continent, des amas de débris rocheux, érodés et transportés par des glaciers. On appelle cela des moraines.

Une autre manière de fonctionner est d’utiliser la géophysique. L’équipe stéphanoise du LGL-TPE, en collaboration avec une équipe parisienne, étudie les ondes sismiques. L’étude de ces ondes permettant de déterminer les types de roches qui sont sous la glace et effectuer une cartographie à l’aveugle.

Enfin, les informations géologiques sont accessibles grâce aux forages ou bien encore en prenant un peu de hauteur grâce aux images satellites.

EENTRE TERRAIN ET LABORATOIRE

Sur un terrain tel que celui-ci, les conditions de travail ne sont pas toujours évidentes pour les scientifiques dépendant des contraintes climatiques ou technologiques… « Les premières années où je suis allé en Antarctique », raconte René-Pierre Ménot, « on ne pouvait pas utiliser le téléphone. On avait droit à un télégramme par semaine de 25 mots pour sa famille ». Heureusement, aujourd’hui les technologies permettent de communiquer plus facilement… Une centaine de scientifiques cohabitent sur la base française de Dumont  d’Urville  durant l’été (entre novembre et février).

Installation Station Sismique. En arrière plan, la calotte de glace dont l’épaisseur va croissant à l’intérieur du continent, depuis quelques dizaines jusqu’à quelques milliers de mètres
Copyright UJM

Sur le terrain, la logistique des sorties scientifiques, du transport du matériel, du rapatriement des échantillons récoltés, est assurée par l’Institut Polaire Paul-Emile Victor. Les projets scientifiques sont soumis au comité scientifique de l’Institut qui se prononce sur la pertinence des objectifs et la faisabilité des travaux de terrain.

De retour au laboratoire stéphanois, on étudie les échantillons de roches de plusieurs manières :

– En les transformant en lames minces (30 microns d’épaisseurs) : la roche est alors transparente et on peut étudier les minéraux et décrire l’histoire de la roche.

– En les broyant pour connaître leur composition chimique : les éléments chimiques sont caractéristiques de l’histoire de la roche et renseigne sur son origine et sa formation. C’est ce que l’on appelle la pétrologie.

– En échantillonnant les carottes faites dans la roche : on détermine l’orientation des minéraux magnétiques à l’intérieur.

TTHE GEOLOGY OF THE ANTARCTIC CONTINENT

Cela faisait presque 30 ans qu’aucune synthèse n’avait été publiée sur la géologie de l’Antarctique, c’est dire si la publication de The Geology of the Antarctic continent en ce début 2021, était attendue par les scientifiques et curieux de ce continent sauvage et glacé.

Récapitulant l’ensemble des connaissances sur l’Antarctique depuis ces 30 dernières années, ce livre est le produit d’une recherche internationale. Parmi les 9 géologues ayant rédigés le livre, on compte des américains, des allemands, des anglais et des français dont René-Pierre Ménot . « C’est un peu mon testament scientifique dans l’antarctique » confie-t-il.

Cet ouvrage décrit l’ensemble du continent antarctique. Il expose les résultats des travaux coordonnés depuis 30 ans par l’équipe stéphanoise dans le secteur de Terre Adélie. Ce territoire est revendiqué par la France depuis sa découverte par Jules Dumont d’Urville en 1840 qui lui a donné le prénom de son épouse.

 

Dans ces vastes étendues glacées, on est marqué par l’absence d’odeurs et de bruits. L’oeil du géologue voit au-delà de ce paysage de bleu et de blanc… il remonte aux origines, à une époque où l’Antarctique était au coeur d’un énorme continent.

 

(1) courant marin de l’océan Austral qui coule d’ouest en est autour de l’Antarctique

<POUR EN SAVOIR PLUS

  The Geology of the Antarctic Continent

   Au pays du blizzard, Douglas Mawson