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Université de Lyon

DDemain, des virus pour nous soigner ?

©Pixabay

Le virus de la Rage, de la rougeole, Ebola …voilà des noms qui illustrent le pouvoir dévastateur des virus. Cependant, certains pourraient bien se révéler de puissants remèdes contre les infections bactériennes ou les tumeurs.

Un article rédigé par Chloé Scordel

Septembre 2017, aux Hospices Civiles de Lyon, un patient souffrant d’une infection d’une prothèse de genou reçoit un traitement inédit à base de virus capables de détruire les bactéries, appelés bactériophages. Et les résultats sont spectaculaires : alors que tous les antibiotiques avaient précédemment échoué, et que l’amputation était envisagée, l’infection diminuait enfin1-2. Alors, les virus, qui sont souvent médiatisés pour les maladies qu’ils entraînent, pourraient-ils nous soigner ?

Des virus tueurs de bactéries …

L’idée d’utiliser les bactériophages n’est pas nouvelle. En 1917 déjà, le scientifique français Félix d’Hérelle décrivait la présence d’un microbe, invisible à l’oeil nu, capable de détruire la bactérie responsable de la maladie infectieuse intestinale appelée dysenterie 3-4. Cependant, son idée de généraliser le traitement des infections bactériennes avec des bactériophages, ou phagothérapie, fût rapidement évincée par la découverte de la pénicilline en 1928 par Fleming, qui marqua le début de l’ère des antibiotiques5. Aujourd’hui, près d’un siècle plus tard, nous atteignons leurs limites et faisons face à des bactéries, dites multi-résistantes, contre lesquelles la chimie ne peut plus rien6. Et c’est ainsi, que la phagothérapie a de nouveau suscité l’intérêt
des scientifiques, apparaissant comme une solution prometteuse face à l’urgence sanitaire qu’est la résistance aux antibiotiques.

Les bactériophages sont des virus qui infectent naturellement les bactéries et entraînent leur destruction simplement en s’y multipliant7. A chaque bactérie correspond un bactériophage spécifique incapable d’infecter d’autres bactéries. Ils ne détruisent donc pas les bonnes bactéries qui constituent notre flore intestinale et entraînent ainsi peu d’effets secondaires. De plus, les bactériophages sont incapables d’infecter les cellules humaines et sont donc sûrs d’utilisation.

Aujourd’hui, la phagothérapie n’est proposée que dans les cas extrêmement graves, dans lesquels la vie du patient est en jeu. Cependant, les recherches actuelles, ainsi que la volonté des autorités de santé de faire face à la résistance aux antibiotiques, pourraient permettre de placer la phagothérapie comme traitement de référence des infections bactériennes aux côtés des antibiotiques.

…aux virus destructeurs de tumeurs.

Les infections bactériennes ne sont pas les seules affections pour lesquelles les virus pourraient être utiles. En effet, malgré les progrès réalisés dans le développement de traitements anti-cancéreux, qui ont contribué à améliorer considérablement la vie des patients, les effets secondaires restent très sévères et les cas de rechute fréquents8. C’est pourquoi, cherchant de nouvelles approches plus efficaces et moins toxiques, des scientifiques se sont intéressés aux propriétés anti-tumorales des virus.

C’est dans les années 70 que le pouvoir anti-cancéreux de certains virus a été constaté, lorsque des chercheurs ont observé la régression spontanée d’un type de cancer appelé lymphome chez des patients infectés par le virus de la rougeole9-10. Cependant, la plupart des virus n’infectent pas spécifiquement les cellules tumorales. La stratégie des chercheurs a donc été la suivante : modifier génétiquement un virus capable de détruire les cellules qu’il infecte pour le rendre spécifique des cellules cancéreuses11. Appelés oncolytiques (du grec, onkos signifiant tumeur et lysis signifiant destruction), ces virus auraient donc la capacité de ne cibler et détruire que les cellules tumorales sans danger pour le reste de l’organisme. Et c’est
là toute la difficulté et le challenge de cette approche. Les progrès récents dans le développement de virus de plus en plus spécifiques, efficaces et sûrs ont permis la réalisation d’essais cliniques en Europe dans cadre de différents types de cancer (peau, foie)12-13 .

En conclusion

Que ce soit pour traiter des infections bactériennes ou des tumeurs, les virus représentent une alternative ou un complément prometteur aux traitements existants.

Cependant, des années de recherche sont encore nécessaires avant que leur utilisation ne se démocratise. D’une part, pour des raisons scientifiques : certaines bactéries deviennent résistantes aux bactériophages, les rendant totalement insensibles à leur pouvoir destructeur. Afin d’éviter d’aboutir à une situation semblable à celle que nous connaissons avec les antibiotiques, leur utilisation devra être encadrée et maîtrisée.

Ensuite, pour des raisons réglementaires : l’utilisation d’un organisme vivant, modifié, comme traitement chez l’homme est soumise à une réglementation
plus stricte que les médicaments issus de la chimie.

Enfin, pour des raisons sociétales : sommes-nous prêts à l’idée d’utiliser des virus pour nous soigner ?

 

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Notes – Sources
1. Innovations for the treatment of a complex bone and joint infection due to XDR Pseudomonas aeruginosa including local application of a selected cocktail of bacteriophages., Ferry, T. et al., J. Antimicrob. Chemother. 73, 2901–2903 (2018).
2. Infections gravissimes : à Lyon, le 1er traitement par phages fabriqué en France. (17th September 2019)
3. On an invisible microbe antagonistic toward dysenteric bacilli: brief note by Mr. F. D’Herelle, presented by Mr. Roux. 1917, D’Herelle, F. , Res. Microbiol. 158, 553–554 (2007).
4. History of a scientific mind. Bacteriophage 6, e1270090, Summers, W. C. Félix Hubert d’Herelle (1873-1949)(2016).
5. The Discovery of Penicillin – New Insights After More Than 75 Years of Clinical Use, Gaynes, R., Emerg. Infect. Dis. 23, 849–853 (2017).
6. Résistance aux antibiotiques (Accessed: 17th September 2019)
7. La phagothérapie – Une arme crédible face à l’antibiorésistance, Dufour, N. & Debarbieux, L. Médecine/sciences 33, 410–416 (2017).
8. A retrospective review of cancer treatments and outcomes among Inuit referred from Nunavut. Asmis, T. R. et al. Curr. Oncol. 22, 246–251 (2015).
9. Regression of Burkitt’s lymphoma in association with measles infection, Bluming, A. Z. & Ziegler, J. L., Lancet Lond. Engl. 2, 105–106 (1971).
10. Le virus de la rougeole – Un futur traitement en cancérologie ?, Touchefeu, Y., Schick, U. & Harrington, K. J. Médecine/sciences 28, 388–394 (2012).
11.  Stratégies génétiques, immunologiques et pharmacologiques au service d’une nouvelle génération de virus anticancéreux.  Pol, J., Boeuf, F. L. & Diallo, J.-S., Médecine/sciences 29, 165–173 (2013).
12. Institut National du cancer
13.Transgene : feu vert pour un essai clinique de TG6002 au Royaume-Uni dans le cancer colorectal avec métastases hépatiquesMyPharma Editions | L’Info Industrie & Politique de Santé.

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