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Hospices Civils de Lyon

DDenis Jacquemot, ergothérapeute – Entre sciences médicales et humaines | Visages de la science

À l’hôpital Femme Mère Enfant (HFME), il développe une recherche sur une thérapie innovante qui s’appuie sur la plasticité cérébrale. Autre spécificité : cette investigation est menée en partenariat avec les familles et les thérapeutes de proximité. 

©HCL

Depuis onze ans, Denis Jacquemot pratique l’ergothérapie à l’Escale, le service de médecine physique et de réadaptation pédiatrique de l’hôpital Femme Mère Enfant. Dans le cadre du Centre national de référence AVC de l’enfant, il accompagne particulièrement les patients atteints de paralysie cérébrale âgés d’un à quinze ans.

La paralysie cérébrale est la première cause de handicap moteur chez l’enfant. Elle touche environ deux enfants pour 1 000 naissances. « Elle résulte de lésions non progressives survenues sur un cerveau en développement avant deux ans », explique-t-il. Ces lésions entraînent des troubles permanents du mouvement et de la posture réduisant les capacités de l’enfant à réaliser des activités courantes et à participer à la vie sociale.

En 2019, l’Escale a proposé pour la première fois la thérapie Habit-Ile. On la doit à la Pr Yannick Bleyenheuft, chercheuse en sciences de la motricité à l’université catholique de Louvain (Belgique), qui la développe depuis 2011. Il s’agit d’une méthode de rééducation à la fois intensive et ludique, elle-même inspirée de la méthode Habit développée à l’université de Columbia (New York). Habit-Ile est l’acronyme de « hand and arm bimanual intensive therapy including lower extremities », thérapie intensive bimanuelle main et bras incluant les membres inférieurs.

Actuellement, la méthode n’est proposée que par trois CHU en France, dont celui de Lyon. L’approche est personnalisée, prenant en compte l’environnement, l’entourage, les occupations et les besoins du patient. Elle mobilise, pendant dix jours totalisant 65 heures d’apprentissage, les capacités de l’enfant à réaliser des activités que lui et ses parents ont choisies comme objectifs.

« La méthode permet par l’apprentissage moteur de développer des capacités motrices, cognitives, émotionnelles et affectives », précise l’ergothérapeute. Ce que tend à confirmer une étude de l’équipe belge qui a montré des changements dans le cortex et certaines structures profondes du cerveau des patients ayant suivi la thérapie. « Cet impact s’explique par la capacité du cerveau à se modifier, ce qu’on appelle la plasticité cérébrale, sur laquelle s’appuie la thérapie. »

Les premiers enfants qui ont pu en bénéficier ont montré « une réelle dynamique de progression à la suite du stage », soulignent les familles. Ces dernières ont néanmoins relevé qu’un accompagnement après le séjour intensif était nécessaire pour transférer durablement les acquis dans le quotidien de leurs enfants. « Comme l’apprentissage d’un instrument de musique se perd si l’on ne pratique pas, de même les acquis atteints durant le stage requièrent un suivi pour qu’ils deviennent automatiques au quotidien », traduit D. Jacquemot. À l’Escale, environ 300 enfants sont potentiellement éligibles à cette rééducation intensive, chaque stage accueillant six à neuf enfants.

Une approche holistique novatrice

C’est pour soutenir cet accompagnement qu’en 2021, l’ergothérapeute s’est lancé dans un projet innovant. Son objectif est d’améliorer le parcours de soin spécifique à la thérapie Habit-Ile en améliorant leur organisation et leur coordination dans la métropole de Lyon. Ce projet a la particularité de s’appuyer sur le savoir tiré de l’expérience du patient et de sa famille. Il s’inscrit dans le dispositif Peps, impulsé par les Hospices civils de Lyon1.

L’enjeu réside dans la coordination des soins post-stage avec les professionnels de santé de ville qui suivent quotidiennement les enfants. À plus long terme, les résultats recueillis lors de cette expérimentation, permettrons de proposer un modèle de développement qui pourrait soutenir le déploiement de la méthode sur le territoire national.

Un groupe a été constitué, composé de parents d’enfants, de thérapeutes superviseurs de séjour Habit-Ile, et des thérapeutes du secteur libéral et médico-social qui suivent les patients à l’extérieur de l’hôpital. « L’investigation en cours se situe au carrefour des sciences médicales et humaines », commente le chercheur. « Elle apportera la crédibilité scientifique de nos moyens thérapeutiques par une méthodologie rigoureuse. »

Sa pertinence n’a pas échappé au jury de l’appel à projets PAIR2 des HCL et de la Métropole de Lyon. En juillet 2021, le projet a obtenu le premier Prix parmi les trois lauréats sélectionnés. Le premier stage dans le cadre du projet s’est déroulé en mai 2022 avec des enfants de 20 mois à 4 ans. Le deuxième a eu lieu en juillet avec des enfants âgés de 5 à 13 ans.

Ce projet, qui s’inscrit dans une perspective de recherche plus large sur le thème de la relation partenariale en réadaptation, fait l’objet du travail de thèse que Denis Jacquemot s’apprête à débuter à l’Université Claude Bernard Lyon 1.

Article écrit par la Direction de la marque et de la communication des Hospices Civils de Lyon – Août 2022

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Notes :

[1] Les HCL impliquent leurs patients dans le parcours de soin, Hospices civils de Lyon, 14-06-2022

[2] Projet TIPS-PC : dispositif régional innovant pour l’intégration des thérapies intensives dans le parcours de soin des enfants paralysés cérébraux - Habit-Ile et guidance parentale. Porté par le réseau régional de rééducation et réadaptation pédiatrique en Rhône-Alpes (R4P).