Homme - société Article The Conversation|Université Jean Moulin Lyon 3 DDes modèles de réussite féminins pour réduire l’autocensure dans l’accès au crédit | The Conversation ©Mikhail Nilov / Pexels , CC BY-SA En dépit de remarquables progrès ces vingt dernières années, les femmes cheffes d’entreprise demeurent moins susceptibles de demander un crédit bancaire que les hommes. Or, l’accès au crédit reste un élément clé pour soutenir la performance et la croissance d’une entreprise en lui permettant de saisir des opportunités d’investissement et de faire face aux aléas économiques.Ce moindre accès au financement réduit la contribution des entrepreneures à l’économie, notamment en matière de création d’emplois, de réduction de la pauvreté et de croissance économique. Cela affecte également leurs revenus personnels, constituant ainsi un obstacle à l’égalité des sexes.Une autocensure injustifiéePourquoi les femmes entrepreneures sont-elles moins enclines à demander un emprunt à la banque ? L’une des raisons est qu’elles s’abstiennent de déposer un dossier parce qu’elles s’attendent à être discriminées et à voir leur demande d’emprunt refusée ou limitée.La littérature existante souligne pourtant que cette anticipation est souvent erronée : une large partie des demandes de prêt de ces femmes aurait bien été accordée si elles en avaient fait la requête. Aux États-Unis, il y aurait ainsi deux fois plus d’emprunteurs découragés que de demandeurs rejetés (femmes et hommes confondus). Pour les économies émergentes en Europe de l’Est et en Asie, ce phénomène est encore plus exacerbé. Pour chaque demandeur rejeté, il y aurait trois emprunteurs découragés.[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]En outre, les demandes de prêt des entreprises détenues par des femmes ne sont, en général, pas davantage rejetées que celles des entreprises détenues par des hommes. L’autocensure des femmes sur leur accès au crédit n’a donc pas nécessairement des fondements économiques réels.L’un des facteurs clés du découragement féminin découle de la représentation que les femmes ont d’elles-mêmes. Une moindre confiance en leurs compétences entrepreneuriales, en particulier par rapport aux hommes, les amène à croire qu’elles sont moins susceptibles d’obtenir un prêt. En cause notamment, le manque de modèles féminins de réussite qui peut donner l’impression aux femmes que le succès entrepreneurial est un domaine inatteignable pour elles, restreignant ainsi leurs aspirations.Elles peuvent se sentir exclues ou ne pas se sentir à leur place dans un environnement où les hommes sont majoritaires. En somme, le manque de modèles de réussite féminin dans le domaine du leadership ne permet pas aux femmes de se projeter et de s’identifier dans un rôle similaire ou elle exercerait un pouvoir décisionnel fort. On parle d’« effet de rôle-modèle ».Des dirigeantes politiques inspirantesDans une récente étude, nous avons exploré dans quelle mesure cet effet permettait de changer les perceptions que les femmes ont d’elles-mêmes et d’encourager leur accès au crédit. Nous avons notamment démontré que les cheffes d’entreprise se trouvant dans des pays avec à leur tête des leaders politiques féminins tendaient à davantage demander de crédit.Ces leaders politiques féminins disposent d’une large visibilité et ont ainsi le pouvoir de modifier la perception de la compétence des femmes dans l’ensemble de la société, tout particulièrement en réussissant dans un milieu très compétitif et habituellement très masculin. Cela rejaillit sur le comportement des femmes cheffes d’entreprise. Celles-ci demandent davantage de crédit, s’autocensurant moins financièrement. Nous montrons que c’est bien le découragement « émotionnel » qui s’en trouve réduit, c’est-à-dire les sources de découragement liées à un manque de confiance en soi et à une croyance dans le rejet non lié à des causes économiques sous-jacentes.L’effet est d’autant plus efficace que le leader politique dispose d’un statut social élevé (mesuré à travers son niveau d’éducation) et provient du même pays (homophilie). Enfin, nous démontrons que ce résultat est vrai principalement dans les pays avec un revenu relativement faible, où les normes sociales envers les femmes sont aussi les moins avancées. Le modèle permet de contrebalancer l’absence de ces normes sociales et de promouvoir une meilleure équité homme-femme dans l’accès au crédit.Ce résultat suggère que l’exposition à des modèles de réussite féminins modifie la perception que les femmes ont d’elles-mêmes, avec des conséquences économiques notables. L’effet de rôle-modèle devient ainsi un levier puissant pour parvenir à l’équité homme-femme, en changeant globalement les (auto-) représentations mentales des compétences attribuées à chaque sexe.Auteurs : Jérémie Bertrand, Professeur de finance, IÉSEG School of Management ; Caroline Perrin, Postdoctorante, Université de Strasbourg et Paul-Olivier Klein, Maître de Conférences en Finance, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.>> Lire l’article original.