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LLa réalité virtuelle au secours des addicts | Pop’Sciences Mag #10

Déjà utilisé dans le traitement des phobies, l’équipe PSYR2 du Centre de recherche en neurosciences de Lyon, en collaboration avec l’entreprise C2Care, adapte un outil de remédiation en réalité virtuelle pour les patients souffrant d’addiction. Une thérapie in virtuo imaginée pour prévenir les risques de rechute.

Cet article est extrait du Pop’Sciences Mag #10 : Sous l’emprise des émotions

Par Samuel Belaud  |  mars 2022

©Visée-A

Casque vissé sur la tête, manettes en mains, la plongée dans l’univers créé par les chercheurs et les ingénieurs (un supermarché) est saisissante de réalisme et de précision. Cette sensation d’immersion est importante dans le contexte des thérapies cognitivo-comportementales, puisqu’elles visent à entrainer les patients à développer un regard extérieur sur leur propre fonctionnement et sur leurs comportements. À terme, le projet dirigé par Solène Montègue, Neuropsychiatre au service d’addictologie du centre hospitalier Le Vinatier, vise à améliorer la prise en charge de personnes dépendantes à une substance psychoactive, de soigner les troubles cognitifs provoqués par leur addiction (pertes de mémoire, comportements impulsifs, difficultés à planifier) et, in fine, de prévenir les risques de rechute.

Prévenir la rechute

Au cœur de cette nouvelle stratégie thérapeutique : la remédiation cognitive. Il s’agit d’une série d’exercices qui visent à rééduquer ces fonctions cognitives devenues déficitaires du fait des comportements addictifs des patients. Ces exercices ont une complexité croissante et ciblent spécifiquement certaines fonctions altérées, comme la mémoire, la concentration, ou la planification.

©C2Care

La mise en situation débute sur le parking d’un supermarché. Le patient peut, s’il le souhaite, explorer l’environnement extérieur avant d’entrer. L’exercice consiste à mémoriser une liste de produits, puis à effectuer ses courses et régler les produits choisis en caisse. Derrière cette situation apparemment banale, les scientifiques tentent d’agir sur les fonctions exécutives du patient, par exemple sa capacité à s’organiser, à gérer le temps et l’espace ou ses facultés d’attention. Autant de clés à fournir au patient comme ressources pour affronter les situations de la vie quotidienne, et, dans le futur, lutter contre son addiction. Les chercheurs sont en effet convaincus que cette amélioration des fonctions exécutives permet de réduire le risque de rechute.

Des simulations au plus proche du réel.

La simulation virtuelle est encore en cours de développement par les équipes de C2Care. L’objectif est d’adapter le dispositif pour le rendre utilisable, d’abord chez les patients alcoolodépendants, en prévention du risque de rechute.

Au centre hospitalier du Vinatier, une unité d’hospitalisation pour les patients en sevrage est déjà en place. À terme, l’équipe soignante espère pouvoir développer un nouvel hôpital de jour, au sein duquel la réalité virtuelle pourra être proposée aux patients. Ce nouveau contexte hospitalier permettrait d’améliorer leur suivi et leur prise en charge, avec des exercices virtuels de remédiation cognitive au plus proche des conditions de vie réelle.

©Visée-A

La réalité virtuelle s’avère être efficace et pratique dans la prise en charge des patients souffrant de troubles cognitifs. D’abord parce qu’il serait en effet difficilement envisageable de proposer de telles expériences en conditions réelles, ne serait-ce qu’en termes d’investissements que cela impliquerait (humain et financier). Ensuite, du fait que de nombreuses études, publiées depuis une quinzaine d’années ont démontré qu’il s’agit d ’ une technologie qui provoque des réactions analogues à des expériences menées en contexte réel.

Les développements en cours d’intégration par C2Care dans l’interface sont très prometteurs et répondent aux objectifs thérapeutiques fixés par Solène Montègue : proposer des exercices sur-mesure, adaptables aux niveaux de dépendance, aux troubles cognitifs, mais aussi aux réactions en temps réel des patients. La finalité est qu’ils puissent évoluer activement dans l’univers virtuel, sans jamais être mis en situation d’échec.

Le passage de la théorie à la pratique (aux premiers tests sur patients) est encore nécessaire pour confirmer ces hypothèses et ajouter la réalité virtuelle à l’arsenal thérapeutique de la prise en charge des addictions.