Article MMobilité : ses enjeux dans la France d’aujourd’hui ©trianglePollution, mobilité, transition écologique…autant de mots qui abreuvent notre quotidien, et auquel ce triptyque est consacré. Dans ce premier podcast nous allons d’abord essayer de comprendre la mobilité en France aujourd’hui. Qui l’organise et pourquoi le transport à un réel impact sur la transition écologique ?Pour cela, nous allons nous entretenir avec Maxime HURE, Maître de conférences HDR en science politique à l’université de Perpignan (CDED Centre du droit économique et du développement) et chercheur associé au laboratoire Triangle. > Écoutez le podcast :https://popsciences.universite-lyon.fr/app/uploads/2025/04/tri3-1_maxime-hure.wav> Lire la retranscription des propos de l’interview :D’abord, pour comprendre la mobilité des personnes en France , tentons de comprendre qui, aujourd’hui l’organise ? Et selon vous, est-ce judicieux, pourquoi ?Maxime Huré – La mobilité des personnes en France est organisée par les pouvoirs publics qui financent la construction des infrastructures comme les routes, les chemins de fer, les aménagements cyclables et piétons, etc… Ces pouvoirs publics élaborent aussi les réglementations et organisent la gestion des services publics de transport, le plus souvent en partenariat avec des opérateurs privés. Alors la particularité française – mais que l’on retrouve également dans d’autres pays européens – réside dans le fait que les compétences des politiques de mobilité sont réparties entre plusieurs niveaux institutionnels : l’Union Européenne, l’État, les régions, les départements, les intercommunalités et les communes. Cette répartition des compétences en France fait suite aux réformes de décentralisation engagées dans les années 1980 et permettent aux échelons locaux d’être à l’initiative de nombreux projets et innovations et de gérer des compétences très élargies. Alors concrètement, pour vous donner un exemple, concernant la gestion des transports à Lyon : les transports collectifs urbains (TCL) sont gérés par le Sytral qui regroupe la Métropole de Lyon et d’autres partenaires, les politiques en faveur du vélo en ville ou encore certaines voiries sont gérés par la métropole de Lyon. En revanche, si vous prenez un TER (Train Express Régional), il s’agit d’une offre de transport pilotée par la région Auvergne-Rhône-Alpes, en partenariat avec SNCF, y compris pour les lignes ferroviaires qui desservent la métropole de Lyon. Cette fragmentation institutionnelle et politique constitue en soit un objet d’analyse des politiques publiques et soulève de nombreuses problématiques en fonction de chaque contexte territorial.© PixabayEst-il vrai que le transport a un impact considérable sur le changement climatique ? Comment expliquez-vous, ce fort impact des transports en France ? Et, de ce fait, quelles solutions pourrait-on envisager ?M.H. – Il est vrai que la mobilité des personnes et le transport de marchandise si on agrège les deux, représentent 32% des émissions de CO2 en France en 2022. Il s’agit du secteur qui émet le plus de CO2, devant l’agriculture, l’industrie et le bâtiment. Et ce pourcentage en plus ne tient pas compte des émissions de l’aviation, liées aux vols internationaux au départ ou à destination de la France. Donc le problème est que nous n’arrivons pas à diminuer de manière significative ces émissions de CO2 dans les transports, notamment pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) visant à réduire de 28% les gaz à effet de serre d’ici 2030.Pourquoi ?M.H. – Cette situation s’explique par de multiples raisons qui relèvent à la fois des difficultés à transformer un système de mobilité lié à notre modèle économique et qui renvoient aussi à des valeurs et des habitudes difficiles à faire évoluer. Par ailleurs, on observe un décalage entre les objectifs de l’action publique et les mesures prises pour atteindre ses objectifs.Cette situation, elle crée un décalage avec les discours vantant la mobilité durable, verte ou propre, pour faire référence à des travaux menés par mes collègues Hélène Reigner, Thierry Brénac et Frédérique Hernandez. Donc, pour le moment, ce que l’on peut dire, c’est que ni l’électrification des véhicules, ni le développement des transports collectifs, assez importants quand même, ni même les récentes politiques en faveur du vélo en ville n’ont permis de diminuer significativement les émissions de CO2 dans le secteur des transports. Et même on peut dire que ces émissions continuent à progresser, c’est là où c’est inquiétant.Alors autre chose, il ne faut pas raisonner uniquement en termes d’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi poser la question sociale de la mobilité et donc celle des inégalités qui renvoit à une question politique sous-jacente. La seule baisse notable par exemple des émissions de CO2 en France lors de ces vingt dernières années, elle est intervenue en 2020, suite aux restrictions de déplacement imposées pendant la pandémie de la COVID-19.Mais cela pose de nombreuses questions : Quels sont les effets de cette période de restriction sur notre système de mobilité ? La réduction de nos déplacements est-elle la seule voie possible pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 ? Qu’est-ce que cela impliquerait pour les populations et les différents milieux sociaux concernés ? Donc dans un monde aux ressources, même de plus en plus limitées, faut-il organiser une régulation, un rationnement des mobilités et à quelle échelle : individuelle ou à l’échelle des territoires, celle des entreprises peut-être aussi ? Cette dernière question est au cœur d’un projet de recherche que nous avons mené avec des collègues du Lab’urba et du laboratoire LVMT à Paris, en partenariat avec le Forum Vies Mobiles.> À suivre…Le deuxième podcast tentera de répondre à la question : comment concilier la dimension écologique des mobilités et leurs enjeux sociaux et économiques …Rendez-vous jeudi prochain !>> Pour en savoir plus :Triptyque – Laboratoire Triangle