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LLa science vintage du détective Harry Dickson

Les spectres bourreaux - Les Aventures de Harry Dickson de Jean Ray - Illustration de Alfred Roloff Les spectres bourreaux - Les Aventures de Harry Dickson de Jean Ray - Illustration de Alfred Roloff

Article de Philippe Jaussaud

Lorsqu’à la fin des années 1920 Raymond de Kremer, alias Jean Ray (1887-1964), commence à traduire de médiocres « dime novels » (romans à quatre sous) – initialement rédigées en allemand et plagiant les aventures de Sherlock Holmes -, il ne se doute pas qu’il va créer une œuvre dont le succès ne se démentira jamais jusqu’à nos jours.

Le romancier décide rapidement d’écrire ses propres textes, sous la seule condition – imposée par l’éditeur hollandais – de conserver un lien avec les illustrations de couverture des fascicules originaux. Et quelles illustrations ! Réalisées par le peintre poméranien Alfred Roloff (1879-1951) ou ses émules, elles représentent des scènes exotiques, fantastiques ou cruelles, que jouent des personnages grimaçants vêtus de costumes démodés.

Les collectionneurs s’arrachent aujourd’hui ces images, rappelant les illustrations les plus frappantes du célèbre supplément illustré du Petit Journal.

Dès le milieu des années 1960, Les aventures de Harry Dickson seront republiées, sous la forme de séries plus ou moins complètes, par plusieurs éditeurs. La seule version intégrale en français (Nouvelles Éditions Oswald) a été éditée entre 1984 et 1986. Même la bande dessinée s’est emparée de l’œuvre de Jean Ray et des aventures apocryphes – dues principalement à Gérard Dôle – se sont ajoutées au « canon ». Au fil des années s’est donc instaurée une véritable « Dicksonmania ».

Des récits envoûtants, un style original

Dans sa reprise des « dime novels » initiales, Jean Ray transforme le nom des héros : le très britannique Sherlock Holmes – assisté d’un certain Harry Taxon – devient l’américain Harry Dickson. Il est assisté de son élève Tom Wills et collabore avec le surintendant Goodfield de Scotland Yard. Ainsi naissent Les aventures de Harry Dickson – Le Sherlock Holmes américain. Jean Ray en a signé plus d’une centaine – auxquelles s’ajoutent soixante-neuf traductions. Ajoutons que le romancier écrit avec une prodigieuse rapidité : chaque nouvelle lui prend une seule nuit. L’auteur livre ensuite son texte non relu à un imprimeur hollandais, d’où le grand nombre de coquilles et de fautes d’orthographe retrouvés dans les fascicules originaux.

Les enquêtes de Harry Dickson se déroulent le plus souvent à Londres, cette capitale de l’empire britannique qui  attire des criminels issus de toutes les régions du Monde. D’où une œuvre fortement teintée d’exotisme Mais quelquefois, le détective doit se rendre dans de petites villes de province ou des villages. Il quitte pour cela son appartement londonien douillet, où il bénéficie des attentions et de l’art culinaire de sa gouvernante – Mrs. Crown. La tradition holmésienne est donc respectée, incluant les pipes fumées en série … mais pas les injections de cocaïne.

Dickson mène initialement une enquête policière classique, mais au fil du récit se développe une dimension fantastique qui génère l’angoisse. Dissolvant cette dernière grâce à la raison et à la science, le détective rétablit la réalité : les phénomènes étranges obéissent aux lois classiques de la nature et les créatures terrifiantes ne sont que des leurres. Alors, les vrais coupables peuvent enfin être châtiés – quelquefois même éliminés par un Dickson s’arrogeant une fonction de justicier.

Le style de Jean Ray traduit l’action policière efficace – parfois violente -, reposant sur des dialogues haletants, des luttes, des filatures, des perquisitions, etc. Mais, des passages descriptifs – d’un travail artisanal, d’un paysage, d’une maison, d’un repas fin, etc. -, voire des traits d’humour, reposent périodiquement l’esprit du lecteur. Le vocabulaire utilisé par l’écrivain, très riche, inclut des termes rares – « rudéral », « scalène », « remugle », « fuligineux », etc. – et des anglicismes – « pier », « wharf », « lift », etc. L’association du texte anxiogène de Jean Ray à l’image « coup de poing » des couvertures de fascicules au compose un cocktail extrêmement addictif pour le lecteur.

Les caractères qui viennent d’être évoqués rattachent Les aventures de Harry Dickson à un genre littéraire très particulier, le « policier fantastique », dont on peut trouver les prémices dans certains romans victoriens. Contemporain de Jean Ray, Gustave Le Rouge a publié des oeuvres (Le mystérieux docteur Cornélius, La conspiration des milliardaires) relevant du même genre hybride. Nous renvoyons le lecteur aux publications spécialisées, comme celles de Francis Lacassin – directeur de la collection « L’aventure insensée » chez 10/18 – pour davantage de précisions.

Hommes et lieux de science

Harry Dickson lui-même n’est pas étranger à la science : en effet, il a bénéficié d’un cursus scientifique à l’université industrielle de South Kensington – établissement souvent cité dans l’œuvre qui nous intéresse. Au cours des années 1890, le futur détective a suivi des leçons de physique, s’intéressant à l’électricité. Il a aussi travaillé sur les huiles minérales, ce qui fait écho aux recherches de Sherlock Holmes sur la chimie des hydrocarbures. Enfin, Dickson devenu détective fréquente l’École des langues anciennes et suit les cours d’une docteure en philologie orientale.

Les aventures de Harry Dickson intègrent les modes de fonctionnement classiques de la recherche scientifique : les données acquises au laboratoire ou sur le terrain sont publiées, donc consultables dans des bibliothèques, et enseignées. Le détective lui-même adopte parfois une démarche de chercheur durant ses enquêtes : il se documente dans les bibliothèques et les cabinets d’archives, n’hésitant pas à se plonger durant plusieurs heures dans des ouvrages vénérables ou des collections de gravures anciennes. Il consulte aussi la littérature scientifique contemporaine, et durant l’une de ses aventures il se trouve confronté aux règles d’éthique régissant les publications.

Les investigations de Dickson peuvent le conduire dans d’autres « lieux de science » que les bibliothèques : des laboratoires de physique, de chimie, d’entomologie ou surtout de taxidermie. Jean Ray éprouve une véritable fascination pour l’art de naturaliser les animaux – principalement les oiseaux -, dont il décrit les instruments et les techniques. Par ailleurs, les « lieux de science » sont parfois également des « lieux de mémoire » – titre d’un ouvrage de l’historien Pierre Nora : des institutions, des musées comme le British Muséum, des cabinets de curiosités ou des expositions – de véhicules anciens, de figures de cire, de pièces anatomiques, etc.

Sur les enquêtes du détective plane parfois le souvenir – souvent entaché de malversations ou de crimes – de missions exploratoires lointaines : en Égypte, au Népal, en Malaisie, etc. L’ouverture du tombeau de Toutankhamon par Howard Carter et Lord Carnavon n’est pas si ancienne que cela (1922). La malédiction qui s’y attache influence Jean Ray – comme Hergé – et le sphinx d’Egypte apparaît dans un cauchemar de Dickson. Notons que le détective est membre invité d’un club très fermé, unissant quatre grands explorateurs – le « Club des quatre ».

Dickson côtoie de nombreux savants, à la moralité souvent discutable. Ainsi le docteur Drum, mathématicien de génie, se livre à la fabrication de fausse monnaie. Il manipule l’esprit fragile de l’un de ses confrères en prétendant résoudre des équations aux dimensions vertigineuses. Un professeur d’anatomie comparée exploite l’une de ses élèves en lui faisant dactylographier ses manuscrits pour un bénéfice dérisoire. Certains savants ne manquent pourtant pas d’humanité, tombant amoureux de leurs étudiantes … sans toujours susciter un sentiment réciproque. Quant au « savant invisible », il voit son intelligence s’éteindre progressivement, tandis que s’éveillent en lui des qualités de coeur.

Nature de la science dicksonienne

La science que dépeint Jean Ray dans Les aventures de Harry Dickson possède plusieurs particularités intéressantes. D’abord, elle ne résulte pas d’une recherche « de pointe » : les connaissances évoquées sont celles de la fin du XIXème et du début du XXe siècle. Si l’on excepte une allusion aux théories de la relativité et des quantas il s’agit d’une science appliquée – donc liée à la technique -, davantage que fondamentale. Curieusement, un professeur retraité de l’université industrielle de South Kensington – spécialiste de la physique du globe – semble déplorer un tel choix : il regrette que son établissement privilégie l’enseignement pratique au détriment de la science pure.

Jean Ray tente de convaincre son lecteur d’un fait original : l’héritage scientifique et technique des peuples anciens est loin d’être totalement connu. Comme Harry Dickson l’affirme à plusieurs reprises, il reste encore beaucoup à apprendre sur ce plan, grâce à l’histoire et ses sciences auxiliaires. D’où le développement d’une sorte de science-fiction « à l’envers », orientée vers le passé. Par ailleurs, le détective se trouve confronté à des adeptes de « pseudo-sciences » – magie, alchimie, occultisme, cabalistique -, ainsi qu’à une « science criminelle ». Cette dernière sert les plus viles passions  d’individus ayant choisi de subordonner au mal les ressources de leur savoir.

Un florilège de disciplines

Toutes les disciplines scientifiques majeures sont représentées dans la saga dicksonienne : médecine légale, balistique, toxicologie, chimie, pharmacie, mathématiques, mécanique, physique, zoologie, anatomie, tératologie, pathologie, psychiatrie, minéralogie, physique du globe, anthropologie et ethnologie, histoire, archéologie, géographie, littérature et philologie. Ajoutons que le nombre des disciplines convoquées varie beaucoup en fonction des aventures du détective créé par Jean Ray. Nous en présenterons seulement quelques unes, particulièrement celles qui se trouvent directement liées à la police scientifique.

– Médecine légale – Dickson et les médecins légistes qui lui apportent leur aide sont conduits à examiner des cadavres, soit à la morgue, soit sur le terrain. Des découvertes surprenantes peuvent en résulter, comme celles des lésions osseuses consécutives aux redoutables étreintes du « roi de minuit ». Faisant écho à un épisode du roman vernien Les Frères Kip, Jean Ray explique la technique de l’optogramme, qui permet de révéler l’image d’un meurtrier conservée sur la rétine de sa victime.

– Balistique – Les projectiles utilisés par les tueurs sont très variés, allant de la vulgaire balle de plomb à la pierre de fronde, voire la fléchette en métal précieux.

– Toxicologie – Dickson est confronté à l’emploi criminel de poisons, le plus souvent d’origine exotique. Ainsi, les extraits de bossettes de cerfs de Sibérie ou le venin de tarentule suscitent-ils de terribles hallucinations. Il en va de même du « cœur du diable » de l’ancienne Égypte, certainement calqué par Jean Ray sur le « pied du diable » dont Sherlock Holmes expérimente les effets. Dans les deux cas, la combustion du toxique génère des vapeurs hallucinogènes et potentiellement mortelles. Quant à l’« herbe des monstres » de la puszta hongroise, elle transforme l’être humain en une créature hideuse. Notons au passage qu’une aventure du « Sherlock Holmes américain » mentionne La Voisin – célèbre criminelle impliquée dans l’« Affaire des poisons » sous le règne de Louis XIV.

– Chimie – Comme Sherlock Holmes, Dickson a travaillé sur la chimie des hydrocarbures. Cette compétence lui permet de distinguer une huile végétale – dont il évalue le degré de rancissement – d’une huile minérale. Par ailleurs, la chimie analytique sert la criminologie : une réaction colorée révèle l’existence d’un venin dans le corps d’un poisson et diverses techniques – chimiques ou physiques – sont mise en œuvre pour tenter d’identifier le composant métallique de certaines fléchettes. Il s’agit du mythique orichalque de l’Atlantide.

– Mécanique – Les automates et les mécanismes de serrurerie jouent un rôle important dans la saga dicksonienne. Par exemple, l’« homme au mousquet » sécurise une maison  en surgissant d’une trappe pour tirer un coup de feu. Un horloger dément construit des jacquemarts très perfectionnés, qu’il cherche à transformer en êtres de chair et de sang. Nous renvoyant curieusement à l’époque de la Révolution française, la « tête à deux sous » est une mécanique infernale,  capable crache des pièces d’or ou une clé, ou encore un feu grégeois dévastateur. Lors d’une enquête liée à l’Extrême-Orient, Dickson est émerveillé par les connaissances de mécanique céleste utilisées pour construire une serrure solaire extrêmement précise : celle-ci permet l’ouverture d’un passage secret à un seul moment, bien précis, de l’année.

– Physique – Dans les Aventures de Harry Dickson apparaissent diverses branches de la physique, mais presque uniquement via leurs applications (cf. supra). L’optique gouverne la construction d’un appareil dont la lentille convexe émet un rayonnement très intense, capable de réduire la chair humaine à l’état de poudre. Comme chacun sait, l’optique est aussi génératrice d’illusions : l’apparition d’une Babylone virtuelle est gouvernée par un jeu de miroirs – constitués de lacs souterrains – qui réfléchissent, grossissent et multiplient les formes à l’infini. Dans le même ordre d’idées, des miroirs paraboliques ingénieusement disposés peuvent rendre un gros aéronef totalement invisible, en modifiant la réfraction. L’Électricité est utilisée par un redoutable bandit, « Mysteras », pour tuer ses victimes et protéger son repaire. Détail savoureux, le criminel est un rescapé de la chaise électrique. L’amateur d’ethnographie (cf. infra) apprend qu’une mystérieuse tribu amérindienne maîtrise l’hydrodynamique. Elle peut actionner une énorme machinerie hydraulique selon le principe des vases communicants – en l’occurrence un lac de montagne et une cuvette souterraine. Notons que des recherches actuelles, portant sur la « serrure hydraulique » de la pyramide de Khéops, introduisent l’hypothèse d’un mécanisme semblable. Enfin, Jean Ray se réfère, dans un cas, aux premiers travaux sur la radioactivité. Á l’époque, un occultiste dérobe une grosse quantité de radium, qu’il cache chez lui dans un tuyau en plomb : lorsque la canalisation se fissure, les visiteurs du logis sont irradiés et extériorisent de graves lésions.

– Minéralogie – C’est sous l’angle de ses applications en joaillerie qu’apparaît cette discipline. « La dame au diamant bleu », par exemple, possède un joyau de cent vingt-sept carats qui ressemble à un saphir. Confondue avec l’opale par Jean Ray, « la pierre de lune » a fait le titre d’un célèbre « roman à sensation » victorien de Wilkie Collins, avant de baptiser une aventure de Dickson. Cette dernière met en scène un horloger dément, qui tente de transférer la vie humaine à des automates via le minéral. Quant au « studio rouge », il doit sa couleur à la pierre ématille du Népal, une variété d’hématite réputée magique. La même aventure évoque le miroir noir du docteur John Dee. Ce savant et occultiste de l’époque élisabéthaine, habitant de la célèbre « ruelle d’or » de Prague, invoquait les esprits grâce à simple un morceau de charbon de terre poli et emmanché d’ivoire.

– Anatomie et chirurgie – D’une manière générale, les anatomistes et les chirurgiens de Jean Ray sont de noirs personnages, capables de pratiquer la vivisection sur l’animal ou sur l’Homme. La chirurgie peut également susciter des transformations monstrueuses et les références de Jean Ray à la créature inventée par Mary Shelley dans son Frankenstein ne manquent pas. C’est ainsi que, pour décupler ses forces, un étudiant se fait greffer par un professeur de chirurgie les organes d’un gorille. Devenu un hideux singe géant, le jeune homme pratique la vivisection sur lui-même, afin d’annuler la transformation. Un processus de « reconstruction » analogue utilise le prélèvement de chair vive sur des infirmières londoniennes : pour un individu réduit à l’état de squelette vivant, il s’agit de retrouver une forme humaine. Malgré tout, Jean Ray peut montrer la chirurgie sous un jour moins sinistre. Il en va ainsi lorsqu’un noble praticien brave la mort pour sauver son patient d’une crise d’appendicite aigue.

-Tératologie – La tératologie, science qui étudie les « monstres » – c’est-à-dire les êtres présentant des malformations anatomiques. Or, Les aventures de Harry Dickson ne nous livrent le plus souvent que des pseudo-monstres : des êtres humains transformés. Des membres d’une noble famille, par exemple, ont subi des mutilations, infligées par de mystérieux descendant des Aztèques. Victime d’amputations majeures, notamment de celle du tube digestif, un bouddha humain asiatique ne peut se nourrir que de sang humain. Les membres du « club des hommes vilains » enlaidissent par jalousie leurs victimes, en pratiquant sur elles des mutilations. Quant au monstre adoré par des survivants de la Babylone antique, il s’agit d’une créature rescapée de la Préhistoire.

– Pharmacie –  Très peu présente, dans Les aventures de Harry Dickson, la pharmacie est réduite à ses aspects purement officinaux. Ainsi, lorsqu’un jeune homme envisage de prendre cette orientation professionnelle, Jean Ray en profite pour évoquer l’odeur des plantes médicinales. Il décrit également la préparation d’un somnifère par un « potard ». Par ailleurs, le romancier attribue la découverte d’un élixir de longue vie au philosophe et théologien arabe Raymond Lulle. La substance en question se trouve évoquée dans le Testamentum, un traité alchimique faussement attribué à celui que l’on surnommait « le docteur illuminé ». Il s’agit donc là d’une pharmacie doublement imaginaire.

– Pathologie – La pathologie est la science des maladies : la confusion que l’on voit s’établir  aujourd’hui entre ce terme et celui de maladie constitue donc une erreur sémantique – ou un abus de langage. Dans les enquêtes dicksoniennes fleurissent les descriptions cliniques de symptômes liés à des affections souvent imaginaires – voire surréalistes. Il ne s’agit pas de maladies infectieuses. Concernant la neurologie, par exemple, des patients sont périodiquement tirés d’un profond sommeil par des visions hallucinatoires et terrifiantes de cercles colorés. Dickson diagnostiquera une hypnose criminelle. La psychiatrie est une autre spécialité importante, à laquelle le détective se trouve souvent confronté. Il s’agit, le plus souvent, de phénomènes de dédoublement de la personnalité qui paraissent fasciner Jean Ray. Ainsi, dans l’enquête intitulée « La rue de la tête perdue », le romancier joue sur les mots : la statue ornant une ruelle a perdu sa tête de pierre et une femme – au corps fragile et à l’esprit médiocre – se trouve périodiquement plongée dans des crises de démence. Au cours de ces dernières, la patiente acquiert une force incroyable et une intelligence stupéfiante. Un syndrome analogue atteint le maire d’une petite ville : durant ses crises délirantes, le notable se mue en un terrible colosse qui envoie des lettres anonymes … à sa propre adresse. Ses deux personnalités entrent finalement en conflit, le conduisant à un accident mortel. Autres personnage « dédoublé », un noble châtelain calqué sur le fameux Dracula devient « le vampire aux yeux rouges ». Ayant garni ses chaussures d’un peu de terre de son tombeau, il devient un véritable « serial killer », qui ensanglante une région d’Europe centrale. Dickson rencontre également des cas de lycanthropie, frappant des individus se prenant pour des loups. Notons au passage que des pathologistes ont pensé à assimiler les loups garous du passé à des malades atteints de porphyries. L’ophtalmologie est bien représentée par un cas de nyctalopie, consécutif à une brûlure oculaire par le vitriol. Malheureusement, le personnage concerné utilisera son nouveau don pour servir le crime. Nous achèverons cette revue pathologique avec l’électrocution. Celle-ci est le plus souvent associée au crime, comme dans le cas d’un médecin tué par une projection d’eau conductrice de courant électrique. Exception confirmant la règle, un médecin parvient à sauver des mourants en relançant leur cœur grâce à l’électricité.

– Zoologie – Diverses nouvelles de Jean Ray concernant les animaux ont été rassemblées dans deux ouvrages : Bestiaire fantastique et, plus récemment Le nouveau bestiaire fantastique. De même, il serait possible d’éditer un « bestiaire dicksonien » rassemblant tous les passages relatifs aux espèces animales, réelles ou imaginaires, que l’on peut extraire des aventures de Dickson. Une araignée mortelle d’Autralie y côtoierait un scorpion monstrueux, une scolopendre verte de Bornéo, un poulpe aux yeux pétrifiants, des silures électriques, un lézard géant de Malaisie, un nombre impressionnant d’oiseaux – de mer ou de marécages, un gigantesque loup blanc de Sibérie, une chauve-souris nyctalope des montagnes de l’Inde, des singes fumant la cigarette, un puma aztèque doté de la parole, etc.  Comme on le voit, le biotope dicksonien est complet et cohérent en termes de biodiversité, puisqu’il est peuplé à la fois d’Invertébrés et de Vertébrés.

Les aventures de Harry Dickson offrent à leur lecteur une vision très particulière et très riche de la science. Nous avons limité – afin d’éviter les longueurs – notre propos aux disciplines de la matière, de la vie et de la santé. Mais, les sciences humaines et sociales – en particulier l’histoire et l’anthropologie – mériteraient aussi une étude.

L’oeuvre que nous venons de présenter établit donc des liens, d’une part entre la littérature et la science, d’autre part entre les « humanités » et les sciences exactes. S’il veut découvrir ces relations, le lecteur n’a pas d’autre choix que de suivre Dickson sur les chemins du fantastique et de l’angoisse. Cette mise en garde est clairement exprimée dans les message éditoriaux accrocheurs qui ornent la quatrième de couverture des éditions Marabout  : « au détour d’une rue tranquille, dans le calme d’une maison quiète, dans les circonstances les plus rassurantes, l’humanité donne parfois naissance à des mutations inexplicables ou libère les instincts sauvages des temps révolus … Harry Dickson dévoile toutes les ressources de son génie et lutte sans pitié pour sauver les innocents des toiles immenses où ils se prennent et s’engluent à la merci de mygales humaines ».

BBIBLIOGRAPHIE

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