Astronomie - espace - univers Article Pop'Sciences - Université de Lyon VVera Rubin : une astronome précurseure | Visages de la science domaine publicInterrogez n’importe qui sur l’Univers, et vous entendrez peut-être parler de matière noire. Mais qui l’a découverte ? C’est plus difficile. Peu connaissent Vera Rubin. Dans un milieu scientifique dominé par les hommes, elle a dû surmonter de nombreux obstacles pour imposer ses découvertes et changer notre compréhension de l’Univers.Cet article vous présente des extraits de l’hommage d’Isabelle Vauglin à Vera Rubin, écrit en 2017.>> Vous pouvez consulter son article en intégralité iciVera Rubin à 19 ans au télescope du Vassar College en 1947. | © Vassar College, courtesy AIP Emilio Segrè Visual ArchivesNée Vera Cooper en juillet 1928, Vera Rubin se passionne très jeune pour les étoiles, encouragée par son père qui l’aide à construire un télescope. Après le lycée, elle intègre le Vassar College, où elle obtient son diplôme de sciences en 1948. Elle poursuit à l’université de Cornell, au sein d’une toute petite équipe, pour suivre son mari qui y travaille, Robert Rubin. Vera s’inscrit aux cours de deux physiciens de renom, futurs nobélisés, Richard Feynman et Hans Bethe. En parallèle, elle suit le cours d’astronomie et apprend la mécanique avec Martha Stahr, une jeune docteure de l’Université de Berkeley.Pour son master, Vera s’interroge : « si l’on soustrait aux galaxies le mouvement global d’expansion de l’univers, reste-t-il un mouvement résiduel ? ». Elle se rend compte que certaines galaxies se rapprochent de nous, tandis que d’autres s’éloignent : les galaxies ont donc un mouvement propre, en plus de leur mouvement lié à l’expansion de l’univers ! Les résultats de ses travaux sont refusés partout, et on ne lui autorise pas de nouvelles mesures. Elle présente ses résultats à la réunion de l’American Astronomical Society en personne, avec son bébé dans la voiture. Sa démarche fait scandale, et le lendemain, le Washington Post titre : « Une jeune mère trouve le centre de la Création à partir du mouvement des étoiles ».Une pionnière tenaceVera s’inscrit ensuite à Georgetown en 1951 pour sa thèse sous la direction de Georges Gamow. Elle ne peut le voir que dans les couloirs, les bureaux étant interdits aux femmes. Vera met en évidence que l’Univers n’est pas homogène et que les galaxies forment de vastes amas, un résultat ignoré jusqu’à sa confirmation vingt ans plus tard.Pendant dix ans, Vera Rubin enseigne les mathématiques et la physique tout en élevant ses quatre enfants. Elle finit par obtenir un poste à la Carnegie Institution de Washington, devenant la première femme chercheuse de l’institution. Elle y restera jusqu’à la fin de sa carrière. En 1965, elle devient la première femme à obtenir le droit de faire des observations au télescope du Mont Palomar, privilège jusque-là réservé aux hommes pour la seule raison qu’il n’y avait pas de toilettes pour femmes. Vera Rubin exploite le télescope de 2,1 mètres à l’observatoire national de Kitt Peak. | ©NOAO/AURA/NSFUn travail sans cesse contestéPrécurseure dans l’âme, Vera Rubin bouleverse nos connaissances de l’univers à travers ses travaux et découvertes, se heurtant à chaque fois aux contestations du monde de l’astronomie.En 1970, Vera Rubin et Kent Ford étudient la rotation des galaxies spirales et constatent une anomalie : les étoiles en périphérie tournent plus vite que prévu, suggérant l’existence d’une masse invisible, la matière noire. Ces résultats suscitent le scepticisme, et il faudra attendre les observations en rayons X pour valider leur hypothèse.Une autre découverte majeure de Vera Rubin est la mise en évidence du phénomène de « Merger » : certaines galaxies résultent de la fusion de plusieurs autres. Une partie des étoiles de ces galaxies fusionnées tourne dans un sens, tandis que l’autre tourne dans le sens inverse. Cette observation remet en question les modèles existants à l’époque sur la formation des galaxies. Vera Rubin | © AP-SIPALa moitié des neurones de l’humanité appartient aux femmesTout au long de sa vie d’astronome, Vera Rubin eu à faire face à des conditions difficiles du fait qu’elle était une femme. Elle réussit pourtant à mener de front l’éducation de ses 4 enfants et une carrière brillante. Elle avouait : « J’ai accompli presque toute ma carrière à temps partiel. À 3 heures, j’étais à la maison pour m’occuper des enfants. »Vera Rubin a lutté toute sa vie contre les inégalités de genre, en défendant trois principes :« Il n’existe aucun problème scientifique qu’un homme peut résoudre et qu’une femme ne pourrait pas.À l’échelle de la planète, la moitié des neurones appartient aux femmes. Nous avons tous besoin d’une permission pour faire de la science mais, pour des raisons profondément ancrées dans notre histoire, cette permission est bien plus souvent donnée aux hommes qu’aux femmes. « Malgré son impact majeur, Vera Rubin n’a pas reçu le prix Nobel bien que beaucoup de ses collègues pensent qu’elle le méritait. Elle fait partie de ces pionnières dont la notoriété est inversement proportionnelle à l’importance de ses travaux, malgré de nombreuses autres récompenses. Elle demeure pourtant une figure essentielle de l’astronomie, inspirant des générations de femmes scientifiques. Son exemple continue d’encourager celles qui rêvent de faire avancer la science tout en menant une vie personnelle épanouie.