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La semaine de 4 jours : une bouffée d’oxygène pour des salariés à bout de souffle ?

LLa semaine de 4 jours : une bouffée d’oxygène pour des salariés à bout de souffle ?


Si la charge de travail n’est pas repensée, les salariés pourraient être contraints d’effectuer 5 jours en 4. Cette surcharge de travail quotidienne serait susceptible d’avoir l’effet inverse que celui escompté.
©Sinseeho/Shutterstock

La semaine de 4 jours séduit 77 % des actifs français… mais est-ce vraiment la solution miracle qu’on espère ? Entre quête de sens, fatigue post-Covid et volonté de reprendre la main sur leur emploi du temps, de plus en plus de salariés rêvent d’un meilleur équilibre. Déjà testée avec succès en Islande ou au Royaume-Uni, cette nouvelle organisation bouscule les codes : bien-être renforcé, productivité accrue, week-end de trois jours… mais pas sans risques.

Car si elle est mal pensée, la semaine de 4 jours peut aussi virer au cauchemar — surcharge, désorganisation, voire fermeture d’entreprise, comme en témoigne un entrepreneur dans Jour Off. Alors, comment éviter l’effet “5 jours en 4” ? Quelles sont les conditions d’une transition réussie ? Ce reportage décrypte les promesses, les pièges et les véritables enjeux de ce modèle plébiscité… mais loin d’être universel.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par Clara Bouchet, Doctorante en sciences de gestion, Université Jean Moulin Lyon 3 et Virginie Roquelaure, Professeur des universités, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3

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THE CONVERSATION

Et si la TVA sociale se révélait antisociale ?

EEt si la TVA sociale se révélait antisociale ?

Et si la solution pour rendre nos entreprises plus compétitives tout en préservant notre modèle social se trouvait dans un outil oublié : la TVA sociale ?

Remise sur le devant de la scène à l’approche du projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale 2026, cette mesure refait surface avec la promesse de relancer l’économie française.

Le principe ? Transférer une partie du financement de la protection sociale des salaires vers la consommation, en allégeant les cotisations sociales patronales et en augmentant la TVA.

Présentée comme un levier pour soutenir l’emploi, améliorer la compétitivité à l’export et alléger le « coût du travail », la TVA sociale séduit une partie des économistes et des décideurs politiques. Mais cette réforme soulève aussi de nombreuses inquiétudes : hausse des prix à la consommation, perte de pouvoir d’achat pour les plus modestes, risques accrus d’inégalités et impact incertain sur les entreprises.

Dans un contexte de déficit croissant de la Sécurité sociale et de fiscalisation progressive de son financement, cette proposition marque un tournant potentiellement majeur pour l’avenir du modèle social français. Entre bénéfices attendus et effets secondaires redoutés, l’article explore les mécanismes, les enjeux, les précédents historiques et les impacts possibles de cette mesure aussi ambitieuse que controversée.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par Rim Hachana, Professeur associée, ESDES – UCLy (Institut catholique de Lyon)

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THE CONVERSATION

Dans la tête des fraudeurs : quand la science nous répond

DDans la tête des fraudeurs : quand la science nous répond

Si plusieurs villes françaises expérimentent la mise en gratuité de leurs transports en commun, comme Montpellier ou Dunkerque, d’autres ont, au contraire, opté pour un durcissement de leur politique anti-fraude. C’est le cas de Paris ou Lyon qui a annoncé en janvier 2025 une augmentation de 20% du nombre de contrôles sur son réseau, dans un objectif de faire reculer la fraude, estimée à 12% des usagers. La stratégie repose sur une présence accrue de contrôleurs et des amendes dissuasives. Mais cette approche est-elle efficace sur le long terme ? Quelles sont les conséquences d’une politique de contrôle agressive sur l’honnêteté des citoyens ?

Explication de Fabio Galeotti, économiste comportemental au Groupe d’analyse et de théorie économique Lyon-Saint-Etienne(GATE).

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Démantèlement de l’USAID : quel impact sur l’inclusion financière ?

DDémantèlement de l’USAID : quel impact sur l’inclusion financière ?

Au cours des dernières années, l’inclusion financière s’est imposée comme un axe central du développement économique, agissant comme un catalyseur pour atteindre sept des dix-sept Objectifs de Développement Durable (ODD). En favorisant la croissance économique, en promouvant l’autonomisation économique des femmes et en contribuant à la réduction de la pauvreté, l’inclusion financière joue un rôle crucial dans la promotion d’un développement inclusif et durable. 

Nos recherches ont démontré une amélioration significative de l’accès aux services financiers via le numérique au cours des deux dernières décennies, notamment dans les pays africains. L’Agence des États-Unis pour le Développement International (USAID) a joué un rôle clé dans cette avancée, et son démantèlement par l’administration Trump pourrait compromettre ces progrès dans ce domaine et bien d’autres.

[…]

Auteure : Sandra Challita, professeure et chercheuse, emlyon business school

 

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knowledge@emlyon

 

Librairies françaises : un rôle culturel essentiel dans une économie instable

LLibrairies françaises : un rôle culturel essentiel dans une économie instable

Le Festival du livre de Paris 2025 a mis en lumière les défis auxquels font face les librairies françaises. Bien que l’impact du Covid semble s’estomper, le secteur souffre d’une rentabilité faible, avec une moyenne de seulement 1 %.

Cette situation est accentuée par l’augmentation des charges (loyers, salaires, transport), créant un effet ciseau qui fragilise le modèle économique des librairies. Les grandes enseignes résistent mieux, mais les petites librairies, souvent indépendantes, sont plus vulnérables. Les prévisions pour 2025 sont pessimistes, avec des baisses d’activité attendues.

En parallèle, les libraires continuent de jouer un rôle essentiel dans la diversité culturelle, en sélectionnant des livres au-delà des best-sellers et en soutenant des auteurs moins médiatisés. Malgré des ventes stagnantes et des tensions économiques, leur rôle de curation reste crucial pour préserver une offre littéraire variée, avec plus de 67 000 nouveautés vendues en 2023. Toutefois, l’avenir des librairies semble incertain face à ces multiples pressions économiques et structurelles.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par David Piovesan, Maître de conférences HDR en sciences de gestion, Université Jean Moulin Lyon 3.

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THE CONVERSATION

Libre-service, caisses automatiques : quand les magasins facilitent (involontairement) le vol | The Conversation

LLibre-service, caisses automatiques : quand les magasins facilitent (involontairement) le vol | The Conversation

© On Shot de Pexel

Entrée libre, libre-service, encaissement automatique… toutes ces innovations ont amélioré la rentabilité des magasins, mais aussi augmenté le nombre des vols à l’étalage. Ce qui montre la grande capacité d’adaptation des resquilleurs.

« Si ça ne tente pas le voleur, ça ne tentera pas le client ! » C’est le dilemme des grandes surfaces, fondé sur la tentation des clients. Plus on tente le client, plus on vend… mais plus on risque de se faire voler. Ce problème n’est pas nouveau : le vol a toujours existé, il existe depuis la création des premiers magasins.

Il constitue ce que les chercheurs en gestion appellent des « fuites » (managing leaks) au même titre que la perte, la casse, les erreurs de pesée… Les vols peuvent aussi s’accroître à l’occasion de grandes innovations commerciales comme celles qui ont jalonné l’histoire du commerce. C’est le cas de l’entrée libre, avec les grands magasins au XIXe&nbspsiècle, mais aussi du libre-service au début du XXe siècle. Plus récemment, l’apparition de l’encaissement automatique (self-scanning) a entraîné, lui aussi, une recrudescence des vols.

L’entrée libre

Le grand magasin apparaît à la fin du XIXe siècle dans la plupart des pays européens ainsi qu’aux États-Unis. On peut le définir comme un magasin de grande taille qui regroupe sous un même toit au moins quatre départements séparés, vendant des produits différents : vêtements, accessoires, produits ménagers…

La France fait partie des précurseurs avec la création du Bon Marché à Paris en 1870.

Le grand magasin remplace le magasin traditionnel dans lequel on entrait pour satisfaire un besoin précis : acheter un vêtement, une paire de chaussures. Le comptoir, derrière lequel se trouvait un vendeur, était le passage obligé. Le grand magasin instaure un nouveau paradigme : celui du client roi qui a le droit d’entrer librement, de regarder sans être obligé d’acheter. L’achat cède la place à une notion plus large, celle du shopping : fréquenter l’espace de vente librement et sans aucune contrainte. Les femmes, et particulièrement celles de la classe moyenne, deviennent adeptes du shopping et vont constituer la clientèle principale des grands magasins.

Un univers où tout est possible

Cette nouvelle liberté d’aller et venir dans l’espace commercial n’est pas sans conséquences. En effet, la femme qui pénètre dans un grand magasin se retrouve dans un univers onirique où tout est possible : regarder, toucher, sentir et essayer tous les articles destinés à sa « toilette ».

Tout est fait pour aiguiser la tentation et pousser à l’achat voire au vol. En effet, la pulsion positive ressentie par le visiteur peut devenir plus forte que ses inhibitions et l’inciter à commettre un délit. Paul Dubuisson, un psychiatre du début du XXe siècle, s’est intéressé aux voleurs des grands magasins et plus particulièrement aux femmes qui sont responsables du plus grand nombre de vols : « Les femmes trouvent dans le grand magasin un environnement où leur résistance morale n’est plus en mesure de les protéger. » Ces facteurs permettent d’expliquer l’augmentation des vols qui est allée de pair avec le développement des grands magasins.

Le libre-service dans le commerce alimentaire

Avant la Deuxième Guerre mondiale, les achats alimentaires se faisaient dans des commerces traditionnels. La vente se faisait au comptoir, les clients attendant à la queue leu leu qu’un vendeur les serve en prélevant les marchandises dans les rayons derrière lui ou dans les réserves. Cette méthode présentait de nombreux inconvénients : frais de personnel élevés, temps d’attente important pour la clientèle, faible débit… En outre, le comptoir constituait une barrière visuelle entre le client et la marchandise, ce qui favorisait peu les ventes.

À partir de 1930, le libre-service commence à se mettre en place aux États-Unis. Laisser les clients se servir dans les rayons permet de sortir de l’impasse : éviter l’attente des clients tout en fluidifiant leur circulation dans le point de vente. En outre, cela permet de réduire les coûts salariaux tout en vendant plus.

Les dirigeants du grand commerce européen décident alors de faire des voyages d’études aux États-Unis pour voir si ces avantages sont bien réels. Si les distributeurs français sont convaincus de l’intérêt économique du libre-service, le consommateur va mettre plus de temps pour l’accepter. Le premier libre-service hexagonal est implanté par Goulet-Turpin en 1947, puis par Casino dans ses succursales. Cependant, ces tentatives s’avèrent peu fructueuses : les Français n’apprécient pas les produits préemballés et surtout ne comprennent pas pourquoi ils doivent payer le même prix pour se servir eux-mêmes.

Il faudra attendre l’arrivée du premier hypermarché Carrefour en 1963, avec des prix bas tous les jours, pour que les Français acceptent le libre-service.

Une hausse vertigineuse des vols

Si le libre-service conduit à réduire les coûts et à augmenter le chiffre d’affaires, il contribue aussi à augmenter les vols. En Angleterre, où il a été introduit dans la distribution alimentaire à partir des années 1950, l’augmentation des vols a été vertigineuse. En 1949, plus de 10 000 personnes ont été inculpées pour vol à l’étalage ; ce chiffre a doublé au cours des dix années suivantes. Par rapport à la vente au comptoir où seul le vendeur manipule les produits, le libre-service autorise la prise en main d’un grand nombre d’articles par le client.

Ce dernier peut ensuite parcourir le magasin avec les articles choisis avant leur encaissement. C’est dans ce laps de temps que la plupart des vols sont commis. Il faut dire qu’avec le libre-service tout est fait pour tenter le consommateur ce qui a fait dire à un distributeur : « Si cela ne tente pas le voleur, cela ne tentera pas le client. »

L’encaissement automatique

L’encaissement automatique (self-scanning) consiste à proposer au client de réaliser lui-même l’encaissement de ses produits grâce à un automate et ainsi d’éviter l’attente. Une majorité de commerces alimentaires sont équipés de ce dispositif (57 %, selon Nielsen). C’est une innovation rentable pour le magasin.

D’après Thierry Cotillard, dirigeant de l’enseigne Intermarché, une seule vendeuse peut surveiller un îlot de quatre caisses automatiques et permet « d’économiser » trois caissières. Mais cela veut dire aussi trois emplois supprimés et moins de lien social entre le client et le personnel. En outre, l’encaissement automatique favorise le vol.

TF1 2025.

Selon le magazine professionnel LSA, les vols volontaires, les oublis… peuvent être estimés en moyenne à 1 % du CA. L’étude de ce problème sur le terrain montre que l’imagination des fraudeurs est sans limite : faire semblant de scanner en masquant le code-barre, acheter plusieurs articles identiques et tricher sur la quantité, changer le code-barre… C’est ainsi qu’une chercheuse, Emmeline Taylor a identifié une « fraude à la carotte » dans un supermarché australien : ce dernier avait vendu plus de carottes qu’il n’en avait en stock, certains consommateurs affichant même 18 kilos sur un seul ticket. Les gérants du magasin se sont alors aperçus que les consommateurs remplaçaient les légumes coûteux comme les avocats par des carottes moins chères au moment de l’encaissement. Pour autant, ayant payé quelque chose, ils ne se considéraient pas comme des voleurs.

De nouvelles parades

Pour faire face à ce fléau, on peut avoir recours à l’intelligence artificielle (IA). Selon LSA, une caméra reliée à un logiciel de détection d’images peut permettre de repérer les gestes suspects qui indiquent qu’un vol est en cours. On peut aussi identifier le défaut de scans ou l’utilisation de faux codes-barres…

L’enseigne Intermarché a équipé ses caisses automatiques de tels dispositifs dans certains de ses magasins. Selon Thierry Cotillard, dirigeant d’Intermarché, cela permet de diminuer la démarque inconnue (vol, perte, casse) sans augmenter les prix. En revanche, l’utilisation de l’IA se heurte en France à un problème de non-conformité à la législation européenne sur l’utilisation des données personnelles (règlement européen RGPD).

L’histoire du commerce est ponctuée par de grandes innovations commerciales : entrée libre, libre-service, encaissement automatique… Ces innovations ont permis aux enseignes de développer leurs ventes et d’améliorer leurs marges. Cependant, ces évolutions ont entraîné à chaque fois une hausse des comportements peu scrupuleux. Malgré tout, le fait que ces innovations existent toujours montre bien qu’elles restent rentables pour les commerçants.The Conversation

Auteur :

Jean-Pierre Lacour, PHD Marketing, Doctorant en Histoire contemporaine, Université Lumière Lyon 2

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

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THE CONVERSATION

Rencontre débat autour de l’ouvrage « Construire une marque forte »

RRencontre débat autour de l’ouvrage « Construire une marque forte »

Construire une marque forte / Géraud de Vaublanc et Alice Riou. Editions Dunod, 2025

© Dunod

« En matière de branding, quoi de neuf ? »

Pour partager les idées principales de l’ouvrage Construire une marque forte co-écrit par Alice Riou, professeure de marketing à emlyon et Géraud de Vaublanc, consultant en branding, emlyon business school a le plaisir de vous inviter à une conférence inspirante.

À propos de l’ouvrage…
Exposée sur une multitude de canaux, la marque multiplie les prises de paroles et cette polyphonie risque de la rendre inaudible. Doit-elle changer de tonalité pour chaque canal ? Et sur les interfaces sonores, doit-elle se doter d’une identité vocale ? Demain, les marques parleront-elles à leurs clients au sens littéral ? Bref, la cohérence d’un bon branding devient un véritable casse-tête.

Après avoir interviewés 40 dirigeants et chercheurs, les deux auteurs exposent les vertus ancestrales du storytelling (le fond) et exploitent la prometteuse richesse du brand voicing (la méthode).

Intervenants :

  • Alice Riou, professeure de marketing, emlyon business school ;
  • Géraud de Vaublanc, consultant en branding.

> Pour en savoir plus :

Construire une marque forte

Assumer ses convictions écologiques même après la mort : vers une reconnaissance légale de la terramation ?

AAssumer ses convictions écologiques même après la mort : vers une reconnaissance légale de la terramation ?

Nous sommes en 2025 et cinq ans sont passés depuis le premier confinement en réponse à la COVID-19. La prise de conscience écologique n’a jamais été aussi forte, notamment à l’égard des objectifs de développement durable. Cette urgence écologique se retrouve dans une pluralité de domaines et le funéraire n’y échappe pas. S’il a toujours été évident qu’une société doit s’occuper de ses morts, la question de savoir comment le faire de façon plus écologique s’est posée assez récemment. Une réponse est à l’étude. Il s’agit de la terramation. Le présent article se propose de faire un rapide état des lieux des aspects juridiques de cette question. Une version plus exhaustive est déjà parue dans la Semaine juridique – Édition Générale.

Qu’est-ce que la terramation ?

La terramation est un néologisme qui a pour ambition de donner un nom générique aux techniques de « compostage humain » existantes à ce jour, comme l’humusation par exemple.

La terramation est pensée comme une alternative plus écologique à l’inhumation et à la crémation, seuls modes de sépultures légalement reconnus en France depuis 1887. L’intérêt de cette alternative réside principalement dans sa dimension écologique.

[…]

Auteur : Jordy Bony, Docteur en droit privé et instructeur en droit, emlyon business school

 

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knowledge@emlyon

 

La dissuasion nucléaire française est-elle crédible face à la Russie ? | The Conversation

LLa dissuasion nucléaire française est-elle crédible face à la Russie ? | The Conversation

L’arsenal nucléaire français (290 têtes déployées) est sous-dimensionné pour répondre à la menace russe (1 600 têtes déployées). À quelles conditions la France pourrait-elle assurer une dissuasion à l’échelle européenne, alors que la protection des États-Unis ne semble plus garantie ?

Dès 2020, Emmanuel Macron a proposé une réflexion sur la dimension européenne de la dissuasion nucléaire française. En ce sens, il a proposé un dialogue stratégique ainsi que des exercices nucléaires conjoints entre les partenaires européens. Cinq ans plus tard, en février 2025, Friedrich Merz, futur chancelier fédéral, a répondu à cet appel, préconisant une extension du parapluie nucléaire français à l’Allemagne alors que les États-Unis de Donald Trump n’apparaissent plus comme un partenaire fiable pour protéger l’Europe.

Mais la France a-t-elle les capacités de défendre l’Europe ? L’hypothétique déploiement du parapluie nucléaire français en Europe de l’Est permettrait-il de concrétiser l’autonomie stratégique de l’Europe, lui donnant les moyens de se défendre en toute indépendance ?

La dissuasion nucléaire française face à la menace russe

À l’origine, la France a développé son armement atomique pour répondre à la menace de l’invasion soviétique et pour éviter toute dépendance vis-à-vis des États-Unis. Selon une doctrine stable et régulièrement réaffirmée par le pouvoir politique, Paris utiliserait son arsenal stratégique par voie aérienne et sous-marine en cas d’attaque contre ses intérêts vitaux

Reste que, sans le soutien états-unien, le rapport de force apparaît largement défavorable à la France, laquelle dispose de 290 têtes nucléaires contre 1 600 têtes déployées (4 380 têtes avec les stocks) côté russe.

Certes, la puissance explosive des ogives thermonucléaires, alliée à la portée balistique du missile mer-sol balistique stratégique français M51, permettrait de vitrifier les principales villes russes, dont Moscou.

Mais à l’inverse, il suffirait aux Russes de « 200 secondes pour atomiser Paris », selon une estimation donnée à la télévision russe au sujet des missiles thermonucléaires Satan.

Cette opération classique de communication renvoie à la perspective dite du « goutte à goutte » consistant à détruire les villes ennemies dans un échange atomique au coup par coup, dans lequel la Russie peut compter sur son immensité pour gagner à l’usure. C’est cette potentielle vitrification réciproque qu’il faut garder à l’esprit dans le pari mutuel de la dissuasion nucléaire.

Afin de doper l’impact de la dissuasion nucléaire français, un partenariat pourrait être envisagé avec le Royaume-Uni. Puissance nucléaire depuis 1952, Londres ne possède plus que des missiles balistiques lancés par sous-marin et a décidé, depuis le Brexit, de renforcer son arsenal à 260 têtes nucléaires. Mais, bien que partageant des intérêts communs, ces deux puissances nucléaires européennes ne sont pas équivalentes.

Contrairement au Royaume-Uni, qui est membre du groupe des plans nucléaires de l’Otan et dont les ogives sont conçues aux États-Unis, la France produit ses armes sur son propre territoire et n’est soumise à aucune obligation de l’Otan, ce qui donne à Paris une grande marge de manœuvre pour définir sa doctrine. Enfin, la France reste légitime pour parler au nom de l’Union européenne, dont elle fait politiquement partie depuis sa création.

La force nucléaire française : une alternative à la dissuasion élargie des États-Unis

La France est devenue officiellement une puissance atomique dès 1960 en s’appuyant sur ses propres ressources, le soutien extérieur des États-Unis oscillant au gré des événements. Car l’apparition d’une force stratégique française indépendante a longuement contrarié Washington qui a cherché à la restreindre par des traités internationaux – comme le traité de 1963 limitant les essais nucléaires atmosphériques ou encore le Traité de non-prolifération (TNP) en 1968. Depuis 1974, officiellement, la force nucléaire française a un rôle dissuasif propre au sein de l’Otan, contribuant à la sécurité globale de l’Alliance en compliquant les calculs des adversaires potentiels.

Il y a près de soixante ans, la mise en place de la riposte graduée par le président Lyndon Johnson avait renforcé les doutes sur la détermination de la Maison Blanche à s’engager pleinement dans la défense de l’Europe. Aujourd’hui, la volonté du président Trump de mettre fin au soutien de son pays à l’Ukraine confirme ces soupçons. Dès lors, des voix de plus en plus manifestes et insistantes plaident pour l’acceptation d’une force nucléaire française qui ne serait plus chimiquement pure, mais qui s’étendrait à l’échelle européenne.

Le pré-positionnement du parapluie nucléaire français en Europe de l’Est

La demande du futur chancelier allemand Friedrich Merz rejoint la proposition française d’établir un dialogue engageant les Européens dans une démarche commune. Comme l’a rappelé le ministre des armées, la définition précise de l’intérêt vital relève de la seule responsabilité du président de la République française en fonction des circonstances. Pour autant, l’emploi de l’arme nucléaire pour protéger l’Europe implique une discussion stratégique pour définir la puissance à acquérir, les intérêts à défendre et le mode de commandement du feu nucléaire.

Avancer vers le cadre d’une européanisation de la force nucléaire signifie augmenter les capacités de dissuasion et, donc, accroître l’arsenal français pour lui permettre de répondre aux menaces qui concernent l’ensemble des 27 États membres de l’Union européenne. Cela nécessite de constituer des stocks supplémentaires de matières fissiles et donc de réactiver les usines de production de Pierrelatte (Drôme) et Marcoule (Gard) démantelées en 1998, sacrifiées sur l’autel du désarmement unilatéral.

Le dogme de la stricte suffisance doit également être questionné. Si aujourd’hui, 290 têtes nucléaires représentent la valeur que la France accorde à la défendre de son existence, ce prix paraît négliger l’échelle du continent européen, et la logique le confirme : les puissances nucléaires de taille continentale telles que les États-Unis, la Russie et bientôt la Chine déploient un arsenal à hauteur d’un millier de têtes thermonucléaires.

La remontée en puissance prendra du temps et nécessitera un effort budgétaire pour son extension européenne au travers de l’augmentation du nombre de missiles et d’avions porteurs. Outre la construction de nouvelles infrastructures dans les pays européens partenaires, le coût pourrait dépasser 10 milliards d’euros annuels, sans compter les coûts indirects liés à la maintenance et à la logistique. Un temps long à prendre en compte d’autant que l’offre politique et stratégique d’une protection nucléaire élargie évolue au gré des circonstances.

Alors que Berlin préférait jusqu’à présent que la France assume un rôle simplement complémentaire à la dissuasion élargie des États-Unis, l’abandon de l’Ukraine par ces derniers donne une prime à l’agresseur russe. Comme l’indique Emmanuel Macron, la France pourrait en réaction proposer un prépositionnement de ses forces nucléaires dans les pays d’Europe de l’Est avec l’idée de se substituer à terme aux États-Unis.

Ce parapluie nucléaire français concrétiserait l’autonomie stratégique européenne à travers le déploiement d’avions de combat à capacité nucléaire, signe de la solidarité politique européenne et rendant plus difficiles les calculs de Moscou.

La présence visible de ces avions en Europe de l’Est pourrait empêcher la Russie d’attaquer les pays en question avec des moyens conventionnels, une telle attaque risquant de provoquer une riposte nucléaire française au nom de l’Europe.The Conversation

Auteur :

Benoît Grémare, chercheur associé à l’Institut d’Études de Stratégie et de Défense, Université Jean Moulin Lyon 3

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

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Loi sur le prix unique du livre : quand Amazon abolit le sens des mots | The Conversation

LLoi sur le prix unique du livre : quand Amazon abolit le sens des mots | The Conversation

En parlant comme les libraires, en utilisant leurs concepts et leurs valeurs, Amazon brouille tous les repères, allant jusqu’à se faire le défenseur de la loi Lang, qui visait à protéger les libraires contre les pouvoirs des mastodontes de la grande distribution.


Les faits alternatifs ne concernent pas seulement les hommes politiques. Il arrive que les entreprises y recourent avec plus ou moins de bonne foi pour défendre leurs points de vue, que ce soit dans leur communication ou en tordant le droit pour justifier des positions.. jusqu’à ce que la Justice tranche. Un des derniers exemples en date concerne Amazon, la loi du prix unique – souvent appelée du nom de son promoteur Jack Lang – et l’économie du livre… À l’occasion de la controverse sur l’application de la loi Darcos, adoptée en décembre 2021, qui prévoit un montant obligatoire de frais de port pour les commandes en ligne de livres, Amazon a saisi en juin 2023 le Conseil d’État pour contester cette disposition et notamment l’arrêté d’application de la loi.

En effet, l’article 1er de la loi Darcos instaure le principe d’un tarif payant pour les achats de livres en ligne quel que soit le site d’achat (une librairie, une plateforme, une grande surface culturelle, etc.). La livraison est par contre gratuite quand les clients viennent récupérer les livres dans un commerce de vente de livres. Après différentes consultations auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et de l’Union européenne (UE), l’arrêté d’avril 2023 a instauré le tarif de 3€ pour toute commande inférieure à 35€.

Interstices de la loi

Avec l’annonce toute récente de l’ouverture de 2 500 casiers dans toute la France pour faciliter la livraison gratuite de livres et ainsi tenter de se glisser dans les interstices de la loi, Amazon continue dans son opposition à la loi. Le géant du commerce en ligne a ainsi déplacé le combat du champ juridique vers le champ économique. Cette annonce a généré une polémique très médiatisée, illustrée par une tribune signée conjointement par plusieurs acteurs du livre dont les libraires et la Fnac à laquelle a répondu Amazon par une autre tribune dans le même quotidien national. Cette querelle s’est prolongée par une interview du dirigeant de la filiale française dans le principal magazine professionnel de la chaîne du livre, Livres Hebdo.


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Suite à la saisine de la ministre de la culture, le médiateur du livre vient de rendre un avis stipulant que la livraison est payante pour les casiers mais pourrait être gratuite si les livres sont récupérés aux caisses de supermarchés par exemple, puisque souvent les casiers sont situés aux abords de grandes surfaces commerciales.

Une bataille d’interprétations

Face à cette actualité, il semble important de mieux comprendre la stratégie d’Amazon en la matière. Car l’échange des tribunes témoigne d’une controverse qui n’est pas seulement économique et juridique. Comme l’indique un article d’Actualitté, il s’agit aussi « d’une bataille d’interprétations ».

En effet, en plus de la confrontation juridique (la saisine du Conseil d’État) et économique (la concurrence par les casiers), Amazon a également décidé de se battre dans l’arène des mots et des symboles comme l’explique un de nos articles à paraître dans la revue Communication et Management décryptant la communication d’Amazon sur cette question. Le « business model » d’Amazon est bien connu, visant à se transformer d’un site de vente pour ses clients vers une plateforme de services pour ses vendeurs, comme le montrait un article sur ce même site. On connaît moins sa stratégie de communication.

La firme américaine a pourtant développé une stratégie particulièrement offensive en la matière. La journaliste du Wall Street Journal, Dana Mattioli, montre dans son livre, comment Amazon a progressivement transformé sa politique de communication d’un mode passif vers un mode combatif. Alors qu’au début Amazon laissait faire, préférant se battre pour des parts de marché en se concentrant sur la chaîne logistique et la rapidité de livraison, depuis peu, Amazon conteste, combat, répond en développant toute une panoplie de stratégies de communication. L’affrontement et la concurrence ne sont pas seulement faits de délais, de prix, de parts de marché, mais aussi de mots et de symboles.

Un effet de malaise ?

Intéressons-nous à la façon dont Amazon intervient dans l’arène publique. À la lecture des différents textes de communication d’Amazon, qu’il s’agisse de communiqués de presse, d’articles, d’argumentaires juridiques ou de tribunes, le lecteur sera saisi d’un sentiment d’étrangeté et de malaise. « Qui parle ? », s’interroge-t-on. Car, en effet, le doute est permis, tant Amazon fait son possible pour brouiller les cartes.

La stratégie de brouillage d’Amazon repose ainsi sur trois schémas d’argumentation. Le premier levier est classique dans la communication d’entreprise : il s’agit de donner des gages de sérieux. Pour cela, Amazon convoque la science. L’entreprise multiplie dans sa communication, les chiffres et les références d’ouvrages, et va même jusqu’à financer des sondages avec l’Ifop, qui seront ensuite cités comme autant d’études indépendantes au service de son message.

L’article du dirigeant français d’Amazon dans les Annales des mines (février 2022), revue de vulgarisation scientifique, est ainsi particulièrement emblématique de cette technique : les références d’études sont multipliées, les notes de bas de page aussi, il y a pléthore de chiffres, le CNL est cité ; bref, le texte a toutes les apparences de la démarche scientifique, gage de sérieux. Comme le disait Pierre Bourdieu, « la multiplicité des signes extérieurs de la scientificité » permet à un texte de produire un effet symbolique visant à convaincre. Ici, la forme importe plus que le fond.

Phrases slogans

Deuxièmement, Amazon mobilise les causes nobles de la lecture, de l’égal accès à la culture et de la complémentarité avec les librairies. Amazon prend ainsi toutes les apparences d’un défenseur du bien public pour transcender la controverse et imposer sa vision du monde. Cette seconde stratégie s’illustre particulièrement par le choix des titres et des phrases-slogans que l’on retrouve d’ailleurs un peu partout dans les différents articles et interviews, comme des « éléments de langage » véhiculés indifféremment. Livres Hebdo reprend ainsi une phrase clef qui est déclinée de partout : « La lecture est une grande cause qui doit nous unir et non pas nous opposer. » On peut la retrouver dans toute la communication d’Amazon : dans l’article précité de 2022, dans la tribune du Monde, dans les communiqués de presse, dans l’argumentaire déposé auprès de l’Arcep ou de l’Union européenne.


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Enfin, Amazon revendique être l’héritier de la loi Lang de 1981, adoptée pour réguler le marché du livre et pour promouvoir une certaine idée de la diversité culturelle :

« En ce qui concerne la loi Lang, qui a permis aux débuts des années 1980 à tout le monde de vendre des livres, nous ne la remettons pas en cause, bien au contraire. C’est bien que la loi protège les acteurs de la filière, mais il faut qu’elle protège aussi les lecteurs […] nous continuons à promouvoir l’accès aux livres et la diversité éditoriale […] Je n’invente rien en disant qu’il faut des best-sellers pour créer de l’engouement, mais il est également important d’avoir de la diversité […] Nous sommes militants de l’apaisement et du travail commun pour faciliter l’accès aux livres »,

dira ainsi encore une fois le DG d’Amazon.

« Captation d’héritage » ?

Tout comme les parlementaires qui ont voté à l’unanimité la loi Darcos en 2021, en commémorant les 40 ans de la loi Lang. Tout comme les libraires indépendants, pour qui la loi de 1981 est un édifice sacré. L’article de 2022, la tribune de décembre 2024 et l’interview de 2025 dans Livres Hebdo reprennent chaque fois le même argumentaire et cette référence à l’héritage de 1981. Ce choix est particulièrement troublant quand on connaît l’attachement des libraires et des éditeurs indépendants à la loi de 1981 qui visait justement à sortir l’économie du livre du tout-marché pour protéger une certaine idée de la bibliodiversité, c’est-à-dire de la diversité culturelle.

Ce ne sont là que quelques exemples d’une stratégie de communication déployée à grande échelle sur tous les supports pour répéter les mêmes éléments de langage, convaincre et promouvoir une vision de la consommation, une vision du monde. Nous pourrions multiplier à l’envi les exemples qui abondent en ce sens.

Mais les mots et les valeurs invoqués par Amazon sont ainsi, à quelque chose près, les mêmes que ceux utilisés par les libraires et par le Parlement quand on examine les travaux parlementaires de la loi Darcos. Ce n’est pas un hasard. La manœuvre est en réalité subtile.

En tordant le sens des mots, en détournant le langage à son avantage, Amazon mobilise une technique bien connue de la post-vérité : abolir le sens et brouiller les repères. Puisque tous les mots sont les mêmes, il n’y a plus de carte pour s’y retrouver. Et si tout se vaut, alors la spécificité de ce qui fait la librairie, ses critères distinctifs, sa stratégie de différenciation, disparaîtront dans le brouillard amazonien. Ce brouillage est bien le fait d’une stratégie de communication.

France 24, 2018.

Ne nous y trompons pas, les enjeux sont importants. D’un côté, la loi Darcos est une première en Europe et pourrait bien donner des idées à d’autres pays voulant contrecarrer le pouvoir des Gafam et notamment d’Amazon. La France est loin d’être le seul pays européen à tenter d’encadrer l’économie du livre : l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie ont également instauré des régulations publiques contraignantes.

D’un autre côté, cette véritable guerre des mots et des symboles peut aussi se comprendre comme une stratégie visant à redorer l’image ternie d’Amazon, à retrouver une forme de légitimité face aux critiques sur les conditions de travail dans ses entrepôts et sa stratégie d’évasion fiscale, comme l’ont montré des journalistes et des chercheurs depuis longtemps déjà.

Derrière l’affaire des casiers, c’est donc bien plus qu’une simple et anodine controverse juridique sur des frais de port qui se joue devant nous, à coup de tribunes, de communiqués de presse et de symboles brandis. En s’attaquant par les mots à l’édifice de 1981 censé justement protéger les mots, Amazon vise encore à déstabiliser l’écosystème du livre que la France a progressivement construit à l’aide de politiques publiques.

En déplaçant le champ de bataille vers l’arène des mots et des symboles, Amazon poursuit sa stratégie visant à contourner le dispositif de 1981 instauré pour défendre un réseau de libraires et d’éditeurs indépendants et soutenir les livres de création. Le combat des mots n’est pas neutre. Plus qu’une question de frais de port, c’est une vision de société qui est en jeu.The Conversation

L’auteur

David Piovesan, Maître de conférences HDR en sciences de gestion, Université Jean Moulin Lyon 3

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

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The Conversation