LLa basilique funéraire de Saint-Irénée : nouveaux apports à la lumière de l’archéologie Le cycle des conférences Pouilloux 2023-2024, organisé par la Maison de l’Orient et de la Méditerranée, se poursuit avec cette conférence présentée parCharlotte Gaillard et Amélie Roger Archéologues – spécialistes en archéologie du bâti, Service archéologique de la Ville de Lyon, chercheuses associée ArAr – MOMLa basilique funéraire de Saint-Irénée, implantée au sud de la colline de Fourvière sur une vaste nécropole antique et alto-médiévale, est citée dans les sources écrites dès le début du VIe siècle. Elle accueille un important pèlerinage autour de la tombe de l’évêque de Lyon Irénée, originaire de Smyrne (130-140 / 202-203 ap. J.-C.), et constitue l’un des rares témoins des édifices du premier Moyen Âge de la ville. Classé Monument Historique en 1862, l’édifice se développe sur deux niveaux, l’église haute reconstruite entre le XVIIe et le XIXe siècle, et l’église basse, qui conserve un état médiéval.Depuis 2022, dans le cadre d’un projet de réfection et d’assainissement conduit par la Ville de Lyon et le cabinet d’architectes Croisée d’Archi, le pôle oriental de la crypte fait l’objet d’une vaste restauration, entraînant la dépose de tous les enduits ciments. Le chœur, en dépit d’interventions parfois lourdes aux XIXe et XXe siècles, a conservé une configuration médiévale trahissant plusieurs évolutions architecturales, qui ont été retracées grâce à l’analyse archéologique menée sur le bâti. Ces résultats, mis en perspective avec les travaux menés sur le site par Jean-François Reynaud depuis les années 1970, permettent d’appréhender sous une lumière nouvelle la basilique funéraire de Saint-Irénée.Programme complet du cycle de conférences 2023-2024 en pdf
QQuand le faible se rit du fort Voilà une approche originale de la Résistance. Une histoire, racontée à travers le prisme du rire, agrémentée d’illustrations dont la plupart, méconnues, sont issues des fonds d’archives de la France Libre.La bibliothèque aura le plaisir d’accueillir Alya Aglan qui nous parlera de son travail autour de son dernier livre : Le rire ou la vie.L’auteure s’attache à mettre en avant le rôle de l’humour en temps de guerre, utilisé comme moyen de manifester son désaccord envers un régime autoritaire. Le rire rime alors avec liberté et fait exploser les discours de propagande de l’occupant : un travail captivant.
CColloque des 550 ans de l’imprimerie à Lyon – Le livre à Lyon à la Renaissance Depuis plus d’un siècle, la production imprimée lyonnaise du XVIe siècle a fait l’objet de nombreux travaux. Des bibliographies de Baudrier et de Cartier, dans les premières décennies du XXe siècle, aux travaux récents de Gültlingen, de l’Universal Short Title Catalogue et de Lyon 15-16, les recherches bibliographiques nous ont permis de déterminer ce qui fut publié à Lyon à la Renaissance. L’intérêt pour le domaine des lettres ne s’est pas non plus démenti, comme en témoignent les nombreux travaux sur différents auteurs de la période et la controverse autour de Louise Labé. De grandes figures de l’imprimerie lyonnaise telles que Sébastien Gryphe, Jacques Moderne ou Claude Nourry ont également fasciné les chercheurs. Malgré cette activité foisonnante et multidisciplinaire incarnée par les rencontres annuelles Biblyon, bien des aspects de l’industrie et de son impact mériteraient d’être mieux connus.Pour célébrer la contribution apportée par l’imprimerie et la librairie à la vitalité culturelle et économique de la ville de Lyon depuis 550 ans, l’Institut d’Histoire du Livre en collaboration avec l’Enssib, le Musée de l’imprimerie et de la communication graphique ainsi que les centres de recherche IHRIM, Jean-Mabillon et Gabriel Naudé, organisent les 14 et 15 décembre 2023 un colloque sur le livre à Lyon à la Renaissance. Consultez le programme sur le site de l’Enssib. Le colloque des 550 ans de l’imprimerie à Lyon sera inauguré par Nathalie Marcerou-Ramel, directrice de l’Enssib et Malcolm Walsby, directeur de la recherche de l’Enssib.Inscription
22CV, Trolleybus, Vélo, Concorde : entre passé et présent, les mobilités en France Cette intervention évoque, à partir des enjeux contemporains liés aux transports et aux mobilités (véhicule connecté et autonome, hyperloop, Zone à faible émission, RER métropolitain) le poids de l’histoire. Revenir aux débuts du XIXe siècle permet d’évoquer des débats encore présents aujourd’hui, d’avoir une discussion apaisée et relativement dépolitisée sur les modes de transport. Il sera donc question de mobilités touristiques, de valorisation patrimoniale, des défis liés à la mobilité dans les espaces urbains denses et dans les espaces périphériques peu denses. Animée par : Étienne Faugier est maître de conférences en histoire, au département tourisme, à l’Université Lyon 2. Il est l’un des trois coordinateurs de cet ouvrage collectif (Claire Pelgrims, Louis Baldasseroni). Il est spécialiste d’histoire des transports et des mobilités. Président de l’association passé-présent-mobilité (P2M), il coordonne avec d’autres des séminaires relatifs aux enjeux passés et contemporains des transports et des mobilités. Damien Petermann est docteur en Géographie-Aménagement et actuellement ingénieur d’études au sein du département d’appui à la recherche des BU Lyon 3. Ses principales recherches portent sur les représentations de Lyon aux époques moderne et contemporaine (iconographie, cartographie, guides de voyage), avec une approche croisant géographie, histoire, patrimoine et numérique. Il a soutenu sa thèse en avril 2022, sur l’image de Lyon dans les guides de voyage aux XIXe et XXe siècles, sous la direction de Bernard Gauthiez.Pour en savoir plus : https://bit.ly/ConfFaugierPetermann
LLe riche passé archéologique de Bornéo aura-t-il un avenir ? Depuis 50 ans, Tewet explore les grottes des monts Marang où sa communauté, les Dayak Basap, viennent depuis toujours ramasser les nids d’hirondelles, qui se vendent à prix d’or aux riches Chinois de Hong-Kong. Mais aujourd’hui, les nids se raréfient. Tewet décide de s’en rendre compte par lui-même et entreprend une expédition dans les monts Marang, un retour aux sources… Mais Tewet couve un autre trésor dans ces grottes. Un trésor qui ne se mange pas, et qui pourrait donner à sa communauté les moyens de continuer leur mode de vie dans les montagnes des ancêtres…Luc-Henri Fage documentariste et spéléologue, membre de la Société des explorateurs français, a signé une quinzaine de films documentaires multi primés, ramenés d’expéditions en Papouasie, Bornéo, Congo, Gabon, Patagonie… Ses découvertes d’art rupestre à Bornéo lui ont valu un Rolex Award. En 2018, les datations spectaculaires de peintures de Bornéo comprises entre 40 000 et 52 000 BP ont démontré que l’art rupestre n’est pas né en Europe comme on le croyait…> Projection du film Tewet, le Dayak aux mille grottes, suivi d’un temps d’échange avec son réalisateur Luc-Henri Fage.Pour en savoir plus :Tewet
LLe patrimoine en temps de guerre L’association culturelle lyonnaise créée par le master Patrimoine et Musées de l’Université Jean Moulin Lyon 3, le Patrimuse, propose une conférence sur le patrimoine en temps de guerre.Intervenants :Camille Freyermuth, chargée de recherche à la M2RS, interviendra sur la recherche de provenance de biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, son histoire, ses actualités et ses débouchés ;Ariane Pinauldt, commandant, interviendra sur l’expérience militaire dans le domaine ;Vincent Negri, chercheur à l’Institut des sciences sociales du politique, interviendra sur le droit international et le droit comparé du patrimoine culturel et ses musées.Plus d’information :Patrimuse
LLes Européens face à la guerre | CONFÉRENCE REPORTÉE Au vu des tensions actuelles aux niveaux national et international, La Confluence des Savoirs a décidé de reporter à une date ultérieure la conférence prévue le 7 novembre 2023 « Les européens face à la guerre » (avec Michel Foucher et Najah Albukaï).Confluence des savoirs
PParcourir le monde : mobilité agonistique et prestige des champions à l’époque impériale Une conférence présentée parMadalina Dana, professeur d’histoire grecque à l’université Lyon 3, laboratoire HiSoMA – MOMÀ l’époque impériale les cités de tout l’Orient grec s’empressent de créer des concours « internationaux », grâce aux privilèges accordés par les empereurs qui donnèrent souvent leur nom à ces agônes. Une foule d’athlètes se met, avec plus de vigueur encore qu’à l’époque hellénistique, à sillonner la terre habitée pour honorer l’invitation des cités fières de leurs compétitions. Il était certainement plus facile pour les grands centres agonistiques, grâce à leur réputation établie de longue date, d’attirer des concurrents prestigieux, mais les concours récents gagnent progressivement en importance, menant ainsi à une nouvelle configuration de la géographie agonistique, d’abord en Grèce, puis en Asie Mineure et dans des régions excentrées comme l’intérieur de l’Anatolie, la Syrie ou le Pont-Euxin. Ces circuits agonistiques se reflètent dans les palmarès des champions (récemment étudiés dans l’ouvrage monumental de Jean-Yves Strasser), qui nous donnent la clé du prestige de l’agôn, placé plus ou moins haut dans la hiérarchie des concours, mais aussi de leur propre prestige, mis en avant dans l’épigraphie civique et instrumentalisé parfois à des fins politiques et diplomatiques. Bien au-delà de leur réputation acquise dans les circuits agonistiques, ces champions, citoyens romains depuis leur naissance, représentent une élite de l’empire, célébrés et adulés dans tous les endroits qu’ils honorent de leur présence.La conférence sera précédée par une visite du musée et de son exposition temporaire « Embarquement pour Délos » à 17h, limitée à 20 personnes.Programme complet du cycle de conférences 2023-2024 en pdf
SSainte-Hélène, la petite Atlantide des oiseaux En août-septembre 2022, un projet de longue date a enfin pu voir le jour : un mois de fouilles paléontologiques sur l’île de Sainte-Hélène, comme une première étape pour mettre au jour l’écosystème disparu de cette île lointaine, où Napoléon finit sa vie, perdue dans l’Atlantique sud à 2000 km de la Namibie en direction du Brésil.Formant une équipe composée de chercheurs et naturalistes Héléniens, notre collègue britannique Julian P. Hume, et nous-mêmes chercheurs établis à Lyon, recherchions principalement les restes subfossiles des oiseaux ayant vécu sur cette petite île volcanique de 10 km sur 12 km, dépourvue d’êtres humains jusqu’à l’arrivée des Européens dès l’an 1502. Les restes subfossiles sont récents (souvent quelques centaines à quelques milliers d’années) et par conséquent quasiment pas reminéralisés, ressemblant à des ossements presque actuels.Crâne fossile ©Anaïs DuhamelD’ailleurs, les seuls vertébrés tétrapodes n’ayant jamais pu atteindre cette île océanique naturellement à partir des continents, sont des oiseaux : exploit qui ne fut égalé par aucun reptile, amphibien, ou mammifère – pas même par des Chiroptères (chauve-souris) – ce qui est une situation rare au niveau global.Ainsi, non seulement toute une faune d’oiseaux marins a évolué sur place, produisant même des espèces endémiques, mais aussi une faune d’oiseaux terrestres, étrange, comprenant une marouette, un râle, une huppe, une tourterelle, ou encore un coucou, devenus endémiques.La plupart de ces oiseaux terrestres sont devenus non-volants, phénomène classique sur les îles sans prédateurs. Hélas, l’arrivée de l’homme a sonné le glas de la plupart de ces espèces. La majorité des espèces endémiques – presque tous les oiseaux terrestres et plusieurs espèces marines – ont disparu de l’île et sont donc aujourd’hui éteintes. Et plusieurs autres espèces, exclusivement des oiseaux marins, ont disparu de l’île, mais vivent encore ailleurs dans le monde : on dit qu’elles ont été extirpées.Un impact anthropique majeur sur l’écosystèmeCertes Sainte-Hélène n’a pas été submergée par les eaux comme la légendaire cité de l’Atlantide, mais métaphoriquement cette île a été submergée par les nombreux impacts anthropiques. Comme tant d’autres îles, les premiers occupants humains ont apporté avec eux des mammifères, volontairement (chèvres et autre bétail pour constituer une ressource en viande ; chiens, chats…) ou moins volontairement (rats, et souris, transportés dans les cales des bateaux…).Les chèvres ont rapidement dévasté la végétation notamment sur tout le pourtour de l’île. Chats et rats se sont attaqués aux oiseaux endémiques non volants ; ainsi qu’aux œufs et poussins de tous les oiseaux, surtout à ceux des nombreuses espèces nichant au sol : les très vulnérables océanites, pétrels et puffins, entre autres.En parallèle, les humains ont déforesté une grande partie de l’île, et planté à la place des espèces introduites, par exemple le Lin de Nouvelle-Zélande, utilisé pour fabriquer des cordages de marine pour les nombreux navires en escale sur l’île, qui se trouvait sur la Route des Indes au plus fort de la navigation, avant le creusement du canal de Suez. Depuis, cette plante s’est avérée extrêmement invasive, et coriace face à plusieurs programmes de restauration de la flore endémique, lors desquels des agents tentent héroïquement de les arracher sur de vastes surfaces, et de replanter à leur place des endémiques survivantes, reproduites auparavant sous serres. Au-delà de ces impacts indirects et généralement inconscients sur la faune locale, les humains ont également exercé une prédation directe sur les oiseaux marins et leurs œufs, pratique courante encore récemment. Enfin, des oiseaux introduits, gibier ou passereaux exotiques notamment, ont concurrencé les derniers endémiques et contribué à leur déclin.Reconstituer un environnement disparuMettre au jour les oiseaux qui vivaient, nichaient et évoluaient à Sainte-Hélène jusqu’à l’arrivée de l’homme en découvrant et en identifiant leurs restes subfossiles apporte de précieuses informations. Notre but est de documenter toutes les espèces ayant vécu sur l’île, ainsi que leur contexte paléoenvironnemental, en analysant les autres éléments de faune et de flore que nous avons trouvés sur les sites : pollen, bois, charbon, gastéropodes et sédiments.De plus, les sites fossiles connus s’étalent de la fin du Pléistocène (-14 000 ans) jusqu’à la fin de l’Holocène (il y a quelques siècles). Ainsi, ils couvrent non seulement l’arrivée et l’occupation humaine depuis 500 ans, mais aussi les changements climatiques antérieurs et naturels : notamment la transition Pléistocène-Holocène lors de laquelle il y a eu de toute évidence d’importants changements dans les populations d’oiseaux.Les fossiles se concentrent en surface sur certains reliefs des sites fossiles, sous l’action des vents et autres intempéries. Tout ce qui n’est pas ramassé rapidement finit par s’éroder et/ou tombe à la mer. ©Anaïs DuhamelÉtudier ces différentes périodes permettra de discerner les effets climatiques naturels des effets dus à l’homme sur l’histoire récente des oiseaux de l’île, ce qui permettrait en outre de mieux anticiper et prévenir les impacts actuels de l’activité humaine : l’action de l’homme et des mammifères introduits dans la continuité des cinq derniers siècles, mais aussi le changement climatique anthropique actuel.Enfin, documenter la présence et la nidification il y a encore quelques siècles, d’oiseaux aujourd’hui non présents sur l’île, tels que les frégates, plusieurs Procellariiformes (pétrels, puffins et océanites), et certains fous, peut guider l’éventuelle réintroduction de certaines de ces espèces dans un futur proche. D’ailleurs, les Fous masqués reviennent nicher d’eux-mêmes sur l’île principale alors qu’ils ne subsistaient que sur des îlots périphériques jusqu’à récemment. On peut imaginer que les frégates suivent, et se réinstallent sur Sainte Hélène après près de deux siècles d’absence totale.Phaeton a bec rouge. ©Anaïs DuhamelUne initiative de science participativeC’est dans cette optique que nous avons repris les recherches paléontologiques en 2022, une quinzaine d’années après le géologue Colin Lewis qui s’est surtout attaché à mieux dater les sites, après Philip et Myrtle Ashmole, et près de 50 ans après le travail majeur de Storrs L. Olson, célèbre paléo-ornithologue états-unien qui avait alors décrit la plupart des espèces éteintes. Olson avait encouragé à poursuivre les recherches, pressentant le potentiel de l’île pour révéler encore davantage d’oiseaux y compris d’autres espèces éteintes à cause de l’homme encore à découvrir. D’autant plus que l’érosion permanente met au jour les fossiles contenus dans des sédiments meubles, mais très vite les lessive et les emporte à la mer : il devient donc urgent de les collecter.Notre première mission a permis de collecter près de 7000 fossiles, faisant plus que doubler tout ce qui avait été collecté auparavant.Œuf fossile. ©Anaïs DuhamelEn cours d’étude, cette moisson révèle déjà de nouvelles occurrences d’espèces à différentes époques, et surtout de nouvelles espèces jamais décrites jusqu’alors. Nous comptons ainsi multiplier les missions dans les années à venir et poursuivre l’étude du matériel collecté, exauçant le souhait de S. Olson et réalisant ses prédictions, pour le plus grand intérêt de l’ornithologie insulaire.Ce travail est suivi de près par les « Saints », les habitants de l’île, que ces découvertes passionnent souvent. D’ailleurs, leur enthousiasme et leur implication personnelle sur le terrain ont inspiré une initiative de science participative par laquelle nous les formons et encourageons à collecter des fossiles de surface en notant rigoureusement le lieu et contexte précis, pour ensuite centraliser le matériel au Musée de Sainte Hélène, où seront à terme conservés tous les fossiles issus de nos missions. Un petit guide d’identification des fossiles à l’usage des habitants sera réalisé dans ce but dans les mois à venir.Nous tenons à remercier les autres participants à cette mission, qui font partie intégrante du projet : Julian P. Hume (NHM Tring, UK), Rebecca Cairns-Wicks (Saint Helena Research Institute et SH Research Council) pour son aide essentielle et son soutien depuis le tout début du lancement du projet, ainsi que, de façon non-exhaustive : Kevin Gepford (écrivain scientifique, USA), Sacha Devaud (Univ. Rennes, Angers et Lyon), les membres du Saint Helena Research Council ; Helena Bennett, Natasha Stevens et Gavin « Eddie Duff » Ellick (Saint Helena National Trust) ; Adam Sizeland (Museum of Saint Helena) ; Annalea Beard (Cardiff University, UK) ; Stedson Stroud (Conservationist, Saint Helena) ; et Charlize Henry et d’autres étudiant·e·s locaux. Enfin, nous remercions le CNRS (programme International Emerging Actions), l’OSU de Lyon, et le Laboratoire de Géologie de Lyon (LGL-TPE) pour leur aide.Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.Auteurs :Antoine Louchart, chargé de recherche CNRS en paléornithologie, ENS de Lyon; Anaïs Duhamel, Doctorante en paléo-ornithologie, ENS de Lyon et Julien Joseph, Doctorant en biologie évolutive, ENS de Lyon Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
PPenser les sociétés humaines dans une longue histoire évolutive Où allons-nous? Qu’allons-nous devenir ? Pexels, CC BY-NC-ND « Et si les sociétés humaines étaient structurées par quelques grandes propriétés de l’espèce et gouvernées par des lois générales ? Et si leurs trajectoires historiques pouvaient mieux se comprendre en les réinscrivant dans une longue histoire évolutive ? Dans une somme importante récemment parue aux Éditions de la Découverte, Bernard Lahire propose une réflexion cruciale sur la science sociale du vivant. Extraits choisis de l’introduction. »« D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » [Ces questions] relèvent non de la pure spéculation, mais de travaux scientifiques sur la biologie de l’espèce et l’éthologie comparée, la paléoanthropologie, la préhistoire, l’histoire, l’anthropologie et la sociologie.C’est avec ce genre d’interrogations fondamentales que cet ouvrage cherche à renouer. Si j’emploie le verbe « renouer », c’est parce que les sciences sociales n’ont pas toujours été aussi spécialisées, enfermées dans des aires géographiques, des périodes historiques ou des domaines de spécialité très étroits, et en définitive coupées des grandes questions existentielles sur les origines, les grandes propriétés et le devenir de l’humanité.Les sociologues notamment n’ont pas toujours été les chercheurs hyperspécialisés attachés à l’étude de leurs propres sociétés (industrialisées, étatisées, bureaucratisées, scolarisées, urbanisées, etc.) qu’ils sont très largement devenus et n’hésitaient pas à étudier les premières formes de société, à établir des comparaisons inter-sociétés ou inter-civilisations, ou à esquisser des processus de longue durée.De même, il fut un temps reculé où un anthropologue comme Lewis H. Morgan pouvait publier une étude éthologique sur le mode de vie des castors américains et où deux autres anthropologues étatsuniens, Alfred Kroeber et Leslie White, « ne cessèrent d’utiliser les exemples animaux pour caractériser la question de l’humanité » ; et un temps plus récent, mais qui nous paraît déjà lointain, où un autre anthropologue comme Marshall Sahlins pouvait publier des articles comparant sociétés humaines de chasseurs-cueilleurs et vie sociale des primates non humains.La prise de conscience écologiqueMais ce qui a changé de façon très nette par rapport au passé des grands fondateurs des sciences sociales, c’est le fait que la prise de conscience écologique – récente dans la longue histoire de l’humanité – de la finitude de notre espèce pèse désormais sur le type de réflexion que les sciences sociales peuvent développer. Ce nouvel « air du temps », qui a des fondements dans la réalité objective, a conduit les chercheurs à s’interroger sur la trajectoire spécifique des sociétés humaines, à mesurer ses effets destructeurs sur le vivant, qui font peser en retour des menaces d’autodestruction et de disparition de notre espèce. Ces questions, absentes de la réflexion d’auteurs tels que Durkheim ou Weber, étaient davantage présentes dans la réflexion de Morgan ou de Marx, qui avaient conscience des liens intimes entre les humains et la nature, ainsi que du caractère particulièrement destructeur des sociétés (étatsunienne et européenne) dans lesquelles ils vivaient.Cinéma et littérature ont pris en charge ces interrogations, qui prennent diversement la forme de scénarios dystopiques, apocalyptiques ou survivalistes. Et des essais « grand public » rédigés par des auteurs plus ou moins académiques, de même que des ouvrages plus savants, brossent depuis quelques décennies des fresques historiques sur la trajectoire de l’humanité, s’interrogent sur ses constantes et les grandes logiques qui la traversent depuis le début, formulent des théories effondristes, etc.Comme souvent dans ce genre de cas, la science a été plutôt malmenée, cédant le pas au catastrophisme (collapsologie) ou au prométhéisme (transhumanisme) et à des récits faiblement théorisés, inspirés parfois par une vision angélique ou irénique de l’humanité. Cette littérature se caractérise aussi par une méconnaissance très grande, soit des travaux issus de la biologie évolutive, de l’éthologie, de la paléoanthropologie ou de la préhistoire, soit des travaux de l’anthropologie, de l’histoire et de la sociologie, et parfois même des deux, lorsque des psychologues évolutionnistes prétendent pouvoir expliquer l’histoire des sociétés humaines en faisant fi des comparaisons inter-espèces comme des comparaisons inter-sociétés.Le social ne se confond pas avec la cultureCette situation d’ensemble exigeant une forte conscience de ce que nous sommes, elle me semble favorable à une réflexion scientifique sur les impératifs sociaux transhistoriques et transculturels, et sur les lois de fonctionnement des sociétés humaines, ainsi qu’à une réinscription sociologique de la trajectoire de l’humanité dans une longue histoire évolutive des espèces.Elle implique pour cela de faire une nette distinction entre le social – qui fixe la nature des rapports entre différentes parties composant une société : entre les parents et les enfants, les vieux et les jeunes, les hommes et les femmes, entre les différents groupes constitutifs de la société, entre « nous » et « eux », etc. – et le culturel – qui concerne tout ce qui se transmet et se transforme : savoirs, savoir-faire, artefacts, institutions, etc. –, trop souvent tenus pour synonymes par les chercheurs en sciences sociales, sachant que les espèces animales non humaines ont une vie sociale mais pas ou peu de vie culturelle en comparaison avec l’espèce humaine, qui combine les deux propriétés.Si les éthologues peuvent mettre au jour des structures sociales générales propres aux chimpanzés, aux loups, aux cachalots, aux fourmis ou aux abeilles, c’est-à-dire des structures sociales d’espèces non culturelles, ou infiniment moins culturelles que la nôtre, c’est parce que le social ne se confond pas avec la culture.Œuvrer pour une conversion du regardÀ ne pas distinguer les deux réalités, les chercheurs en sciences sociales ont négligé l’existence d’un social non humain, laissé aux bons soins d’éthologues ou d’écologues biologistes de formation, et ont fait comme si le social humain n’était que de nature culturelle, fait de variations infinies et sans régularités autres que temporaires, dans les limites de types de sociétés donnés, à des époques données. Certains chercheurs pensent même que la nature culturelle des sociétés humaines – qu’ils associent à tort aux idées d’intentionnalité, de choix ou de liberté – est incompatible avec l’idée de régularité, et encore plus avec celle de loi générale.Les structures fondamentales des sociétés humaines. 2023. Éditions la DécouverteC’est cela que je remets profondément en cause dans cet ouvrage, non en traitant de ce problème abstraitement, sur un plan exclusivement épistémologique ou relevant de l’histoire des idées, mais en montrant, par la comparaison interspécifique et inter-sociétés, que des constantes, des invariants, des mécanismes généraux, des impératifs transhistoriques et transculturels existent bel et bien, et qu’il est important de les connaître, même quand on s’intéresse à des spécificités culturelles, géographiques ou historiques.Cette conversion du regard nécessite un double mouvement : d’une part, regarder les humains comme nous avons regardé jusque-là les non-humains (au niveau de leurs constantes comportementales et de leurs structures sociales profondes) et, d’autre part, regarder les non-humains comme nous avons regardé jusque-là les humains (avec leurs variations culturelles d’une société à l’autre, d’un contexte à l’autre, d’un individu à l’autre, etc.).L’auteur vient de publier Les structures fondamentales des sociétés humaines, aux Éditions La Découverte, août 2023.Auteur : Bernard Lahire, Directeur de recherche CNRS, Centre Max Weber/ENS de Lyon, ENS de LyonCet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.