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Présentation de son livre « L’accusation » par Aïcha Béchir

PPrésentation de son livre « L’accusation » par Aïcha Béchir

2015. Peu après les attentats terroristes de Charlie Hebdo, la paranoïa enflamme les esprits. Inès, une professeure de philosophie d’origine maghrébine est suspendue par sa hiérarchie à la suite d’accusations d’apologie du terrorisme. Que s’est-il passé ? Inès s’est toujours identifiée aux valeurs de la République, alors qui l’a dénoncé ? Et pourquoi ? Inès va tenter de laver son honneur. Du déracinement à l’assimilation, en passant par le racisme endémique, cette femme en quête de justice et de vérité rencontrera une palette de personnages et redécouvrira sa mémoire enfouie, renouera avec son histoire : l’arrivée de son père en France, l’usine, l’abandon des traditions, le racisme, et ce déracinement qui n’en finit plus de briser les êtres.

La rencontre sera animée par Haoues Seniguer, maître de conférences en science politique à Sciences Po Lyon, membre du laboratoire Triangle. Haoues Seniguer s’intéresse à la question de l’islamisme en contexte majoritairement musulman et aux relations entre islam et politique en France.

Sera également présent Mohamed-Chérif Férjani, professeur émérite de science politique à l’Université Lumière Lyon-2, spécialiste de la politique et du religieux dans le champ islamique.

Pour en savoir plus :

LabEx COMOD – Université de Lyon

Théâtre de femmes du XVIe au XVIIIe siècle : archive, édition, dramaturgie

TThéâtre de femmes du XVIe au XVIIIe siècle : archive, édition, dramaturgie

Il y a trente ans paraissait la première anthologie du théâtre de femmes à l’initiative de Perry Gethner : Femmes dramaturges en France (1650-1750), 1993. Depuis, l’entreprise éditoriale n’a cessé de s’étendre autour de cette anthologie fondatrice et la recherche sur la littérature française d’Ancien Régime s’est orientée, dans une proportion significative, vers la découverte ou la relecture d’œuvres dramatiques écrites et publiées par des femmes.

Celles-ci sont également remises à l’honneur sur la scène théâtrale depuis le début des années 2000 avec plusieurs types de performances : lectures, mises en scène, scènes filmées, etc.

Le festival international Théâtre de femmes du du XVIe au XVIIIe siècle : archive, édition, dramaturgie s’inscrit dans cette dynamique, et entend mettre en lumière des aspects de ce théâtre qui excèdent, tout en le fondant, son contenu textuel.

En cohérence avec cette attention portée aux conditions de vie et de survie des œuvres dramatiques écrites par des femmes du XVIe au XVIIIe siècle, le colloque accueille trois représentations théâtrales > sur inscription :

  • Le Mallade (v. 1535) de Marguerite de Navarre
    Par la compagnie Oghma sous la direction de Charles di Meglio
    Mercredi 15 novembre 2023 à 19h
    Université Jean Moulin Lyon 3, Amphithéâtre de l’IUT
  • La Folle Enchère (1691) de Madame Ulrich
    Dans la mise en scène d’Aurore Evain avec la compagnie « La Subversive »
    Jeudi 16 novembre 2023 à 20h
    ENS de Lyon, Théâtre Kantor
  • L’Amoureux extravagant (1657) de Françoise Pascal
    Mise en scène par le collectif Les Herbes Folles
    Vendredi 17 novembre 2023 à 12h
    Université Lumière Lyon 2, Grand amphithéâtre.

Pour en savoir plus et consulter le rogramme :

Théâtre de femmes

De vive voix: Titus Carmel: peintre et poète

DDe vive voix: Titus Carmel: peintre et poète

Rencontre animée par Jérôme Thélot, professeur émérite à l’Université Jean Moulin-Lyon3

Réapprendre le commun à l’épreuve de la vulnérabilité. La crise un levier d’espérance ?

RRéapprendre le commun à l’épreuve de la vulnérabilité. La crise un levier d’espérance ?

Face à la vulnérabilisation croissante de nos sociétés et institutions, 23 scientifiques (philosophe, neurologue, juriste, médecin, théologien, architecte, psychologue…) sont appelés à réfléchir sur les défis à venir du vivre-ensemble : transition écologique, refondation de la démocratie, reconstruction du lien social, du système éducatif au monde du travail.

Si les termes « vulnérabilité » et « vulnérable(s) », depuis leur usage en Sciences Humaines et Sociales dès la fin du 20e siècle, ont été souvent utilisés pour désigner des catégories déterminées de personnes et de groupes, ou des conditions spécifiques (âges de la vie, statut social, marginalisation économique…) les derniers évènements nous obligent à reconnaître la vulnérabilisation systémique de nos sociétés dans leur complexité grandissante : de la crise environnementale à la fragilisation des démocraties ; de la radicalisation des conflits (politiques, sociaux, religieux…) à la montée des inégalités dans et entre les pays.

L’originalité du projet porté par la Chaire est d’explorer et de mettre à l’épreuve de la société ce concept à la fois plus large et plus radical de vulnérabilité. Le premier colloque, « Vulnérabilité(s). Du cadre théorique aux enjeux pratiques », a permis d’évaluer la pertinence scientifique du concept à la croisée des champs disciplinaires et d’en mesurer les enjeux sociaux, le caractère éminemment opératoire.

Ce deuxième colloque de la Chaire Vulnérabilités entend réfléchir, toujours par une approche pluridisciplinaire, aux crises qui frappent nos systèmes de vie en commun et qui sont autant de manifestations d’une vulnérabilité partagée, ce qui met en relief un long et profond « déclin de l’institution » (Cf. F. Dubet, 2010) ; ce qui nous met face à une éclipse de l’institutio s’exprimant dans plusieurs « endroits » du vivre-ensemble : l’État, l’éducation, la santé, l’environnement, la famille, l’économie, le travail…

AAu programme :

  • Mercredi 25 octobre – 18h – 19h30 / Conférence inauguraleCarla Canullo, professeure de philosophie à l’université de Macerata (Italie), invitée du Collegium de Lyon, proposera une réflexion autour de La blessure qui sauve : la vulnérabilité entre crise et effondrement.

 

  • Jeudi 26 octobre – 9h – 17h45

9h – 12h20 : Comprendre la crise – où l’on parlera d’expérience historique de la crise, où l’on débattra de droit et de bioéthique, où l’on pensera les vulnérabilités systémiques en santé à l’heure de la médecine personnalisée, de la puissance spirituelle de la non puissance, des enjeux de la vulnérabilité au travail…

14h00 – 17h45 : Réapprendre à vivre ensemble – où l’on parlera de l’impact des crises sur le système d’éducation, où l’on dialoguera entre psychologie et sociologie pour partager les tendances et décrypter les représentations sociales de la vulnérabilité chez quelques travailleurs du social, où l’on explorera les régimes de  l’hospitalité, où l’on se se demandera comment la pratiquer…

>> Retrouver le programme détaillé et le formulaire d’inscription sur :

UCLY – Chaire Vulnérabilités

 

Titus-Carmel. Œuvres picturales et poétiques

TTitus-Carmel. Œuvres picturales et poétiques

À l’occasion des 15 ans de la Revue Textimage, Gérard Titus-Carmel, peintre, dessinateur, graveur mais aussi poète, a confié ses livres d’artistes à la Bibliothèque Diderot de Lyon pour une exposition unique.

Ses grandes œuvres peintes reproduites dans les catalogues d’exposition dialoguent avec ses recueils de poèmes, ses écrits sur l’art et la littérature. Le travail de Gérard Titus-Carmel s’organise en suites, en séries, il est conduit au bord du vide, à la limite de la perte et du silence. L’immensité et la diversité de sa création semblent chercher à combler le manque, à occuper l’espace. Celui, concret, de la Grand’maison d’Oulchy-le-château où chaque porte ouvre sur un univers de livres, de toiles, de carnets, d’affiches et d’objets. Celui de la mémoire, du présent attaché au passé, infiniment accueillant de l’œuvre des autres. Car le travail de Gérard Titus-Carmel porte aussi en lui, à travers tous les livres qu’il a pu illustrer, la trace des amitiés électives, des compagnonnages choisis avec des poètes-amis, Yves Bonnefoy, Antoine Emaz, James Sacré, Marik Froidefond et bien d’autres encore…

Les vitrines de l’exposition sont chacune à leur façon des fenêtres qui s’ouvrent sur des moments de création, de dialogue et de partage dans lesquels se noue la relation intime du texte et de l’image.

Les midi de la recherche – Rencontre avec Rozanne Versandaal

LLes midi de la recherche – Rencontre avec Rozanne Versandaal

Mardi 10 octobre de 13h à 13h30, au salon de la bibliothèque de l’Enssib.

Rosanne Versandaal, chercheure invitée de l’Université d’Utrecht présentera son projet de livre : « Le mandement joyeux et la culture joyeuse en France et dans les anciens Pays-Bas (XVe-XVIIe siècles).

Rencontre modérée par : Malcolm Walsby, directeur de la recherche à l’Enssib.

 

Les midi de la recherche sont un rendez-vous mensuel de l’Enssib. Ces rencontres sont l’occasion de présenter les livres publiés par les enseignants-chercheurs de l’école et les projets de recherche dans un format court et accessible.

Retrouvez l’ensemble des rencontres précédentes des midi de la recherche sur le site web de l’Enssib.

A la recherche des expériences supérieures

AA la recherche des expériences supérieures

Organisée dans le cadre de la Fête de la Science 2023, cette conférence interroge sur la philosophie des expériences radicales. 

Nous sommes fascinés par les expériences extrêmes. Les sommets des montagnes enflamment plus l’imagination que les mornes plaines, les amours passionnées sont plus souvent célébrées que la vie conjugale, les heures de fêtes excitent plus spontanément l’intérêt que la succession des jours travaillés et des tâches domestiques. Les instants uniques, les moments de vie intense, les expériences rares et exceptionnelles sont bien souvent privilégiés au détriment des routines du quotidien, de la trame de la vie courante, des expériences ordinaires.

Mais faut-il accorder systématiquement plus de valeur et de réalité à ces expériences exceptionnelles ? Faut-il les considérer comme des expériences supérieures, seules capables de nous livrer le sens véritable de nos existences, quand les expériences pratiques ordinaires nous maintiendraient dans un régime d’existence amoindrie ou aliénée ? C’est ce qu’ont défendu un certain nombre de penseurs français renommés comme Bergson, Bataille, Wahl, Blanchot, Deleuze ou encore Foucault.

Nous examinerons cette philosophie des expériences radicales, en montrant l’ascendant qu’elle exerce sur la manière dont nous concevons nos expériences, mais en pointant également ses faiblesses et ses limites, afin d’esquisser une autre philosophie des expériences.

Animée par : Stéphane Madelrieux, professeur de philosophie à l’Université Jean Moulin Lyon 3 et membre honoraire de l’Institut universitaire de France. Il est spécialiste de la philosophie pragmatiste, il interroge les rapports entre philosophie américaine et philosophie française contemporaines.

Pour en savoir plus : https://bu.univ-lyon3.fr/conference-debat-question-de-societe-a-la-recherche-des-experiences-superieures

Une médecine revisitée à l’aune des algorithmes : Quelles questions éthiques soulève l’IA ? | #5 Dossier Pop’Sciences « Diagnostic 2.0 : Quand l’IA intervient »

UUne médecine revisitée à l’aune des algorithmes : Quelles questions éthiques soulève l’IA ? | #5 Dossier Pop’Sciences « Diagnostic 2.0 : Quand l’IA intervient »

Article #5 – Dossier Pop’Sciences Diagnostic 2.0 : Quand l’IA intervient

Entre confiance aveugle et méfiance absolue, comment l’IA doit-elle être éthiquement acceptée et utilisée ? Comment s’affranchir de potentiels biais humains dans les systèmes d’IA utilisés à des fins de diagnostic, ou même thérapeutiques ? Autant de questions qui ne sont plus l’apanage de débats scientifiques, mais doivent être au cœur de débats politiques et sociétaux. Éclairage avec Mathieu Guillermin, physicien et philosophe, chercheur en éthique au sein de l’Unité de Recherche CONFLUENCE Sciences et Humanités (EA1598) de l’Institut Catholique de Lyon (UCLy) et coordinateur du projet international de recherche-action NHNAI qui vise à mettre les ressources des universités participantes au service de la réflexion éthique sociétale.

À l’heure où la médecine 4.0 1 est en marche, le dialogue avec la société s’impose afin de définir les limites dans l’adoption des technologies d’IA et le développement des interactions humains-machines. Les chercheurs, qui sont partie prenante, doivent jouer leur rôle de garde-fou, l’enjeu premier étant de démystifier l’IA, d’en faire comprendre les mécanismes et de la présenter comme une palette d’outils. “Aujourd’hui, la majorité des technologies d’IA s’appuie sur un apprentissage machine (ou machine learning)” rappelle Mathieu Guillermin, soulignant que l’on peut considérer celui-ci comme un apprentissage automatique pour la réalisation d’une tâche précise à partir de données fournies à l’IA.

 

Un article de Nathaly Mermet, journaliste scientifique, et Léo Raimbault, rédigé
pour Pop’Sciences – 5 septembre 2023

<Quelles promesses de l’IA ? … et quels réels enjeux éthiques ?

Les technologies d’IA sont susceptibles d’améliorer la qualité et l’efficacité aussi bien de la prise en charge des patients (diagnostics, pronostics, choix des stratégies thérapeutiques) que la recherche biomédicale. On parle alors de « precision medicine« , médecine de précision ou encore de médecine personnalisée.

Pour autant, “les techniques d’IA ne sont pas infaillibles et soulèvent de nombreux enjeux éthiques, dans le domaine de la santé certes, mais aussi plus largement” alerte Mathieu Guillermin. Par exemple, les logiciels produits par apprentissage automatique sont rarement « meilleurs » que ceux produits par un programmeur, même débutant. Ainsi, on ne peut encore se soustraire aux qualités de travail humaines, notamment en programmation. “Si l’IA est présentée comme quelque chose d’autonome et indépendant de l’intelligence humaine, on égare beaucoup de monde” prévient Mathieu Guillermin.

<Les enjeux éthiques sont donc de natures variées !

Au-delà de la programmation, l’IA répète les schémas présents dans les bases de données d’apprentissages. Par conséquent, si les bases de données servant à guider l’apprentissage sont biaisées, incomplètes ou non représentatives, les prédictions de l’IA seront… d’aussi mauvaise qualité. Or, en médecine, une base de données ne peut être exhaustive et représenter fidèlement la réalité. Par exemple, si une certaine catégorie de personnes est sous-représentée dans les bases de données d’apprentissages, alors l’IA aura bien plus de mal à faire des prédictions correctes pour cette population et génère, de fait, « des biais discriminant injustement ce type de personnes » selon Mathieu Guillermin.

Enfin, “même quand il n’y a pas de discrimination ou de biais, que le niveau de performance est bon, tout n’est pas encore résolu au niveau éthique” examine Mathieu Guillermin. Dans le contexte de l’automatisation des tâches, la substitution d’un être humain, doté d’émotions, de réflexion, de jugement et parfois sujet à l’erreur, par un logiciel qui opère de manière mécanique, ne peut être considérée comme une démarche anodine. La capacité de ces technologies à égaler, voire à surpasser les compétences humaines dans certaines missions soulève des interrogations essentielles en matière d’éthique.

<Comment définir les limites éthiques ?

Promettant de compléter la précision des professionnels de la santé, l’utilisation de l’IA nécessite donc de définir le niveau d’acceptabilité de l’erreur et la responsabilité morale. L’exploration d’un “Nouvel Humanisme à l’Heure des Neurosciences et de l’Intelligence Artificielle” (NHNAI), telle est l’ambition d’un vaste projet international réunissant les universités catholiques de 9 pays 2, dont celle de Lyon : l’UCLy. “À l’origine, la volonté est d’amener la société dans une réflexion éthique autour des neurosciences et de l’intelligence artificielle, et le projet s’inspire de ce que nous faisions déjà en éthique embarquée 3, c’est-à-dire d’amener et animer la réflexion éthique au sein des projets de recherche” explique Mathieu Guillermin.

Le projet du NHNAI cherche ainsi à définir un nouvel humanisme qui embrasserait les avancées technologiques, dont l’IA, tout en préservant les valeurs essentielles de dignité, de liberté et de responsabilité humaine. Il aspire à guider la société vers un avenir où la symbiose entre la technologie et l’humanité s’inscrit dans une perspective éthique et sociale claire.

Alors que l’IA progresse rapidement, il est essentiel de ne pas perdre de vue les valeurs et les préoccupations humaines. À ce titre, le projet remet l’humain au centre des problématiques liées aux nouvelles technologies. Il invite donc non seulement les chercheurs de toutes disciplines, mais également les citoyens à se joindre à la discussion et au débat. Tout un chacun ayant désormais accès à des outils IA à porter de clic (citons ChatGPT), les décisions concernant l’IA ne peuvent se réfléchir uniquement entre experts, mais doivent également refléter les valeurs, les préoccupations et les opinions de la société dans son ensemble.

<Une intelligence artificielle peut-elle être vraiment… intelligente ?

Objet d’un réel engouement médiatique, fascination pour les uns et inquiétude pour d’autres, l’IA est un terme de plus en plus galvaudé, or tout n’est pas Intelligence Artificielle. Alors que le terme “intelligence” désigne initialement une faculté cognitive humaine (ou du moins animale), l’apposition au qualificatif “artificiel” semble antinomique, voire un non-sens. Mais comment apprécier objectivement l’intelligence ? C’est une réflexion qui nous renvoie à un questionnement métaphysique concernant notre existence humaine. “La sémantique obscurcit le débat, mais reste qu’avec les technologies d’IA, le traitement d’information conscient, humain, est remplacé par le traitement d’information automatique” résume Mathieu Guillermin, ce qui en matière de santé mérite toute notre attention.

Considérée comme un algorithme apprenant, conçu par un humain, l’IA reste un outil dont la performance est liée à celle de son concepteur. En revanche, le questionnement est plus ardu dès lors que la performance de l’IA dépasse la performance humaine. In fine, une machine peut-elle avoir un pouvoir de décision ?

En santé, “La réelle question est de savoir comment la modélisation mathématique peut accompagner chacune des trois dimensions du rôle du médecin que sont le diagnostic, le suivi de l’efficacité thérapeutique et le pronostic, en particulier dans le cas de pathologies graves” pointe Pascal Roy, médecin et chercheur en biostatistiques au sein du Laboratoire Biologie Biométrie Evolutive (LBBE) à Villeurbanne (CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1, VetAgro Sup). L’IA ne peut donc rester qu’un outil aidant à préciser ou accélérer l’expertise des médecins.

<L’IA est un outil, mais pas une finalité

Mathieu Guillermin nous rappelle l’importance de prendre en compte les questions éthiques dès le début du processus de création d’une IA par les développeurs. En effet, si le code de programmation est mal conçu ou si les exemples utilisés pour entraîner l’IA ne sont pas représentatifs, biaisant l’outil, les résultats de celle-ci seront peu fiables.

« Avoir un esprit ne semble entretenir que peut de liens avec le fait d’exécuter un programme » explique-t-il, faisant référence au philosophe américain John Searle et à sa célèbre expérience de pensée dite « de la chambre chinoise ». L’expérience de Searle vise à démontrer que l’intelligence artificielle est limitée à être une forme d’intelligence artificielle faible et qu’elle est uniquement capable de simuler la conscience, sans être capable de véritables états mentaux, de conscience et d’intentionnalité. En d’autres termes : pour obtenir des résultats fiables et éthiques avec l’IA, c’est à l’Humain de s’assurer que le processus de conception et de formation de l’IA est bien pensé dès le départ pour éviter les biais et les problèmes éthiques ultérieurs. Il faut mettre du sens derrière l’outil.

LLes biais de l’IA : quand l’esprit humain plane sur les données

Extrait de la table ronde « IA et santé » organisée par Pop’Sciences le 26 juin 2023. Un rendez-vous professionnel chercheur / journaliste, développé en collaboration avec le Club de la presse de Lyon (Projet LYSiERES²).

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Notes :

[1] La « Médecine 4.0 » combine l’électronique, les technologies de l’information et de la communication et les microsystèmes dans une médecine moderne. Les progrès électroniques des cent dernières années ont apporté d’énormes contributions à la recherche médicale et au développement de nouveaux procédés thérapeutiques. Ainsi, les capteurs intelligents dotés d’interfaces radio appropriées permettront de relier entre eux les processus diagnostiques et thérapeutiques en médecine, rendant possible le développement de toutes nouvelles formes de traitements. Cette nouvelle « médecine 4.0 » intègre les progrès acquis grâce à la fusion de la technologie des micro-capteurs, de la microélectronique et des technologies de l’information et de la communication, au service d’applications pratiques dans de multiples aires thérapeutiques (chimiothérapie personnalisée, entre autres). La moyenne d’âge des médecins étant actuellement supérieure à 50 ans, le renouvellement par une génération « Digital Native » interviendra d’ici 15 ans, ce qui permettra certainement de transformer l’essai de la médecine 4.0.

[2] Belgique, Chili, États-Unis, France, Italie, Kenya, Portugal, Québec, Taïwan

[3] L’éthique embarquée désigne l’intégration de principes éthiques et de considérations morales directement dans le développement et le fonctionnement de technologies, notamment des systèmes d’intelligence artificielle et des dispositifs autonomes. Cela vise à garantir que ces technologies agissent de manière conforme à des normes éthiques prédéfinies, comme la sécurité, la transparence, la responsabilité, et le respect des droits de l’homme, tout en minimisant les risques liés à des comportements non éthiques.

PPour aller plus loin

Spectacle jeune public : Descendre de Jeanne

SSpectacle jeune public : Descendre de Jeanne

Levez-vous pour accueillir la cour !
Le Tribunal des Affaires Historiques Sensibles et Controversées ouvre le procès de Jeanne d’Arc. Objection votre honneur ! Aujourd’hui Jeanne n’est plus accusée : c’est elle qui porte plainte ! Elle en a assez que l’on raconte tout et n’importe quoi à son sujet, alors ça va chauffer ! Le tribunal parviendra-t-il à bouter hors de nos têtes les mythes, récupérations et idées reçues qui la poursuivent ?

Quoi de mieux qu’un polar judiciaire pour enquêter avec humour sur ce sujet brûlant ?
Un spectacle tout public mêlant plaidoirie loufoque, reconstitution historique et combat médiéval.

Spectacle jeune public, à partir de six ans
en extérieur, au square Evariste Gallois (6 avenue Gaston Berger, au pied du bâtiment Astrée)

Distribution

compagnie Colegram
Texte : L. Bernardi, C. Bouvarel, G. Dubreuil et C. Schneider
Interprètes : Coline Bouvarel, Gaël Dubreuil, Michel Le Gouis et Cécilia Schneider
Régie : Thibault Deloche

Les cornucopiens sont parmi nous ! Mais qui sont-ils ?

LLes cornucopiens sont parmi nous ! Mais qui sont-ils ?

Dans les colonnes des journaux, à la tête de nombreuses entreprises, parmi les instances gouvernementales, au sein de nombreux syndicats, sur les plateaux de télévision : les cornucopiens sont là, parmi nous. Partout.

Mais si vous l’ignorez, ce n’est pas à cause d’un quelconque complot de leur part. D’ailleurs, la plupart des cornucopiens ignorent qu’ils le sont et, qui sait, peut-être l’êtes-vous vous-même sans le savoir ! Car ce terme, qui ne date pourtant pas d’hier, est très peu utilisé dans le monde francophone. De quoi s’agit-il ?

Tirant son étymologie du mythe de la corne d’abondance (cornucopia en latin), le cornucopianisme se construit autour de cette idée centrale, merveilleusement résumée par l’économiste Julian Simon (1932-1998), l’un des principaux auteurs cornucopiens, pour qui toutes les limites naturelles peuvent être repoussées en mobilisant une ressource ultime et inépuisable : le génie humain. Le cornucopianisme désigne ainsi un courant de pensée, omniprésent à droite et à gauche de l’échiquier politique, qui considère la technologie comme la solution ultime aux problèmes environnementaux.

Statue du Dieu grec Zeus avec une corne d’abondance, d’où sort en profusion des fruits et des vivres

Statue du Dieu grec Zeus avec une corne d’abondance, d’où sort en profusion des fruits et des vivres. / ©Shutterstock

Que ce soit Elon Musk, qui envisage de coloniser Mars pour quitter une planète devenue invivable, en passant par le prince saoudien Mohammed Ben Salmane, pour qui les technologies de stockage du CO2 permettront à sa monarchie pétrolière d’atteindre la neutralité carbone, jusqu’à Emmanuel Macron investissant des milliards dans la pour l’instant très chimérique aviation décarbonée, les exemples de propos cornucopiens ne manquent pas dans l’actualité. Mais où trouvent-ils leurs racines ?

Un courant de pensée qui prospère chez les économistes

On prête généralement à l’économiste américain Kenneth Boulding (1910-1993) cette citation célèbre :

« Pour croire qu’une croissance matérielle infinie est possible sur une planète finie, il faut être fou ou économiste. »

De fait, si les cornucopiens ne sont pas forcément fous, la genèse de leur pensée doit beaucoup aux théoriciens de l’économie moderne.

Lorsque, dans un célèbre essai de 1798, l’économiste et homme d’église Thomas Malthus émet l’idée que les ressources naturelles constituent un facteur limitant de l’expansion, la réaction de ses confrères économistes est immédiate. Pour eux, ce ne sont pas les ressources qui sont limitées, mais notre capacité à les exploiter. Friedrich Engels, futur théoricien du communisme, écrit par exemple :

« La productivité du sol peut être indéfiniment accrue par la mobilisation du capital, du travail et de la science. »

Car après tout, se demande Engels, « qu’est-ce qui est impossible à la science ? »

Cette manière de penser, déjà largement présente chez certains philosophes des Lumières comme René Descartes ou Francis Bacon, va être développée et affinée par les économistes tout au long du 19ème et du 20ème siècle. Ceux-ci se persuadent en effet rapidement que les deux principaux facteurs de production, à savoir le capital et le travail, sont substituables.

Grâce au progrès technique, il est par exemple possible de remplacer le travail humain par du capital technique, c’est-à-dire par des machines. Dans l’esprit des économistes, qui ont peu à peu réduit la nature à une sous-catégorie du capital, le même raisonnement peut s’appliquer au capital naturel : il « suffit » de le substituer par du capital artificiel.

Illustration de la révolution industrielle anglaise réalisée par Samuel Griffiths en 1873.

Illustration de la révolution industrielle anglaise réalisée par Samuel Griffiths en 1873. Cette période est considéré à la fois comme celle de l’expansion des idées cornucopianistes, mais aussi, pour certains, comme les débuts de l’Anthropocène. / Samuel Griffiths/Wikipedia, CC BY

La magie de la substitution : ou comment la croissance pourrait devenir éternelle

Cette idée apparaît d’autant plus séduisante aux yeux des économistes qu’elle permet, sur le papier, de rendre la croissance éternelle. Après tout, si une partie du capital artificiel remplace le capital naturel dégradé, alors le stock de capital « total » peut indéfiniment s’accroître. C’est mathématique. Mais dans la vraie vie, comment opérer une telle substitution ?

Comme le pressentait Engels, il faut introduire dans les équations économiques un facteur supplémentaire : la technologie. Deux types de leviers sont principalement envisagés pour repousser les limites naturelles.

Le premier consiste à intensifier l’exploitation des ressources afin d’accroître leur disponibilité. C’est typiquement ce qui est advenu dans les années 2000 avec l’émergence de la fracturation hydraulique, dont l’usage a permis d’accéder à des énergies fossiles (les gaz et pétroles de schiste) jusque-là inexploitables. Grâce à la technologie, la quantité de ressources accessibles a donc augmenté. Qu’il s’agisse des énergies fossiles, des ressources minérales ou encore de la biomasse, les exemples d’intensification de ce type sont légion depuis les débuts de la révolution industrielle.

Le second levier consiste à remplacer une ressource par une autre. Pour reprendre l’exemple des énergies fossiles, chacun comprend que, quel que soit le degré d’intensification de leur exploitation, celles-ci finiront par s’épuiser. La substitution consiste dès lors à prendre le relais en remplaçant les énergies fossiles par une autre forme d’énergie qui, entre temps, aura été rendue plus facilement accessible grâce, là encore, au progrès technique. Les économistes dominants des années 1970 comptaient par exemple beaucoup sur des technologies de rupture comme la fission nucléaire pour remplacer les énergies fossiles.

De la théorie à la pratique : quelques failles du raisonnement cornucopien

Les cornucopiens ont-ils raison ?

D’un côté, il faut leur reconnaître certaines réussites. L’épuisement des ressources naturelles tant redouté dès le début du 19ème siècle n’est pas advenu au cours des deux cents ans qui ont suivi. Comme ils le prédisaient, une partie de la rente issue de l’exploitation des ressources naturelles a été investie dans la recherche et le développement, permettant d’accroître considérablement notre capacité à exploiter la nature.

En revanche, si le levier de l’intensification a formidablement fonctionné, celui du « remplacement » a jusqu’à présent échoué. Comme le remarquent certains historiens de l’environnement, loin de se substituer, les ressources nouvellement exploitées se sont en réalité toujours additionnées aux précédentes. Et rien ne prouve qu’une telle substitution puisse un jour advenir, en particulier concernant les énergies fossiles. Le nucléaire, que les économistes des années 1970 imaginaient pouvoir se substituer aux fossiles dans la première moitié du 21ème siècle, ne représente que 4 % de l’énergie primaire consommée dans le monde, et sa part baisse depuis une trentaine d’années.

Enfin, le raisonnement cornucopien bute aujourd’hui sur une conséquence paradoxale de sa propre réussite. En intensifiant la production des ressources naturelles, la civilisation industrielle a généré des flux de matière et d’énergie qui se sont souvent avérés très supérieurs à ce que les écosystèmes pouvaient assimiler. Le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, l’acidification des océans, l’omniprésence des polluants toxiques dans notre environnement, le bouleversement des cycles biogéochimiques sont autant de conséquences directes de l’intensification de l’exploitation de la nature.

Or, pour faire face au défi sans précédent posé par ces nouvelles limites planétaires, les cornucopiens continuent de mobiliser les mêmes recettes fondées sur la course en avant technologique. La substitution consisterait cette fois-ci à réparer ou remplacer des services écologiques que la nature ne parvient plus à maintenir. Qu’il s’agisse de remplacer les insectes polinisateurs par des robots, d’opacifier l’atmosphère pour contrebalancer le réchauffement climatique ou encore de capter le carbone atmosphérique afin de le réinjecter dans la lithosphère, les cornucopiens ne manquent pas d’idées. Même si, jusqu’à présent, elles restent très hypothétiques.

Graphique montrant que sur 9 variables du système Terre monitorées, au moinssur les 9 variables du système Terre, 5 font aujourd’hui l’objet d’un dépassement de frontière planétaire.

Sur 9 variables du système Terre monitorées, au moins 5 font aujourd’hui l’objet d’un dépassement de frontière planétaire. / Stockholm Resilience Centre, CC BY

Une nouvelle forme de « conservatisme technologique » ?

A l’heure de l’urgence écologique et climatique, la pensée cornucopienne est-elle encore pertinente ? On peut en douter. Mais alors, pourquoi est-elle si présente parmi les décideurs politiques et économiques ?

Peut-être tout simplement parce que la pensée cornucopienne a ce mérite immense : en prétendant prolonger la domination de l’humain sur la nature grâce à la technologie, elle permet à ses défenseurs de ne pas débattre des conditions sociales, culturelles, économiques et politiques qui permettraient de nous réconcilier avec les limites planétaires. Cet optimisme technologique est d’ailleurs l’une des douze excuses listées par l’Université de Cambridge pour repousser à plus tard l’action face au dérèglement climatique. Pour paraphraser et détourner un slogan écologiste, il semble bien que le plus important pour les cornucopiens soit en effet là : « ne pas changer le système, quitte à changer le climat ».The Conversation

Auteurs : Aurélien Boutaud, Chercheur associé à l’UMR 5600 EVS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et Natacha Gondran, Professeur en évaluation environnementale, UMR 5600 Environnement Ville Société, Mines Saint-Etienne – Institut Mines-Télécom – 15 mai 2023

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

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