Pop’Sciences répond à tous ceux qui ont soif de savoirs, de rencontres, d’expériences en lien avec les sciences. Le site est en cours de maintenance : il peut apparaître des défauts d'affichage pendant quelques jours. Nous vous remercions pour votre patience et compréhension.

EN SAVOIR PLUS

Entreprise apprenante : les étonnantes leçons de l’armée allemande | The Conversation

EEntreprise apprenante : les étonnantes leçons de l’armée allemande | The Conversation

L’armée allemande est un exemple peu connu d’organisation apprenante et pourtant. Les victoires militaires de l’armée du Kaiser et les suivantes s’expliquent aussi par une sorte de management moderne, où, par exemple, la notion de retour d’expériences est déjà présente.

En matière d’apprentissage organisationnel – défini comme la capacité collective de réfléchir sur l’expérience pour modifier les stratégies d’action au service d’objectifs partagés – il est fréquent de commencer par les moyens d’apprendre (les concepts, les principes, les outils et les pratiques) pour s’intéresser alors à sa contribution éventuelle à la performance de l’organisation. Parfois même, le lien de causalité est considéré comme un postulat de départ non questionné. Pourtant, au niveau de l’organisation, le lien empirique entre apprentissage et performance reste à démontrer de manière convaincante.

En adoptant l’approche inverse, on commence par identifier une organisation dont la performance est démontrée pour mettre ensuite en exergue des éléments observables liés à l’apprentissage qui sont considérés par les acteurs eux-mêmes comme à la source de cette performance. Et si on identifie une organisation perçue par ses pairs et ses concurrents comme sans égal, on peut s’attendre à trouver en son sein une architecture d’apprentissage organisationnel pensée, déployée et constamment affûtée. Testons cette hypothèse avec l’armée prussienne devenue l’armée allemande de la période impériale jusqu’en 1945.

Ainsi, exempt de portée politique, cet article est illustratif de pratiques de développement de capacités sans lien avec le contexte idéologique ou social des périodes historiques concernées. Le postulat est qu’une organisation, dont on réprouve sans condition les idées ou intérêts qu’elle a servis, peut être un objet de recherche dépassionné et une source d’approfondissement académique.

L’armée prussienne, puis allemande

Il est peu de notions plus sûres dans l’histoire moderne que celle de l’excellence militaire allemande. Et cette conviction est largement partagée par les historiens, comme Max Hastings (« Pendant de nombreuses années après 1945, la reconnaissance de la [supériorité militaire allemande] était trop douloureuse pour être partagée publiquement ») ; par les praticiens, comme le Field Marshal anglais Harold Alexander (« L’ennemi était plus rapide […] en attaque, en défense […], dans les remplacements […], pour monter des attaques et des contre-attaques et, par-dessus tout, plus rapide à décider sur le champ de bataille ») ; par les praticiens-analystes comme le colonel Trevor Dupuy pour qui le soldat allemand infligeait 50 % de plus de pertes à ses opposants et ce en toutes circonstances (en attaque ou en défense, en état de supériorité ou d’infériorité, avec ou sans le soutien aérien, en cas de victoire ou de défaite) ; ou encore pour les chercheurs, comme le théoricien israélien Martin van Creveld qui conclut son ouvrage de performance militaire comparée par un lapidaire :

« L’armée allemande était une organisation combattante exceptionnelle. Sur le plan du moral, de l’initiative, de la cohésion et de la résilience, elle n’avait probablement pas d’égal au sein des armées du XXe siècle. »

Si pour Bismarck, « l’humanité commence au rang de lieutenant », on comprendra, au-delà du bon mot, que la performance de l’armée allemande n’était pas le fait du hasard.

La question est alors de passer du « vouloir être performant » à le devenir réellement. L’exemple allemand montre de manière éloquente que la performance s’apprend. Pour analyser la stratégie de développement de la performance échafaudée par l’armée allemande pour en faire le fondement de sa culture organisationnelle, utilisons une grille de lecture développée par une équipe de chercheurs israéliens, experts de l’apprentissage, notamment en contexte militaire. Phénomène complexe, l’apprentissage organisationnel peut s’observer au travers de trois facettes : culturelle, structurelle et contextuelle.

Une culture favorable à l’apprentissage

Les normes comportementales de nature à faciliter l’apprentissage composent le volet culturel du développement collectif de capacités. Dans ce domaine, l’armée allemande était en avance sur son temps, ce qui pourrait être vrai encore aujourd’hui.

Au sein du corps des officiers, en particulier, la culture du débat, la tolérance à l’altérité de points de vue, l’absence de « solution parfaite », la transparence dans les échanges, le courage et l’intégrité de partager toute l’information, la curiosité pour comprendre les sujets en profondeur, et la responsabilité personnelle d’apprendre constamment et de mettre en pratique les acquis sont exceptionnels. Surtout dans un contexte militaire que l’on imagine aisément hiérarchique, étriqué et peu innovant. C’est tout le contraire que le corps des officiers, et l’armée allemande en général, donnent à voir à l’époque.

Cette culture organisationnelle facilitante de l’apprentissage collectif s’appuie sur deux leviers clés : la confiance interpersonnelle (fondée sur une sélection rigoureuse et une socialisation intense) et l’obsession de la performance, du travail bien fait. C’est cette culture qui permet à l’armée allemande de constamment apprendre de ses erreurs et de développer sa performance superlative.

Des simulations pour apprendre

Les procédures et processus par lesquels une organisation collecte, analyse, codifie, partage et dissémine toute information facilitant l’atteinte des objectifs de l’organisation constituent la facette structurelle de l’apprentissage organisationnel. On distingue la temporalité, à savoir s’entraîner sans relâche avant l’action et apprendre sans fard de l’expérience après l’action.

L’armée allemande a inventé, par exemple, la simulation intensive de combat pour entraîner ses officiers à la prise de décision en incertitude. Au travers de jeu de plateaux (Kriegsspiel) ou de galops d’essai annuels sur le terrain, l’entraînement en situation permet de développer les réflexes, d’identifier des points d’amélioration, de faire émerger de nouvelles tactiques et de transmettre les bonnes pratiques. L’entraînement des soldats s’effectue en conditions réelles, une philosophie « train as you fight » que les Américains reprendront après-guerre.

Après l’action, le retour d’expérience systématique (Erfahrungsberichte) analyse les décisions et les conséquences à tous les niveaux hiérarchiques pour réinjecter dans le système les leçons identifiées ou les hypothèses émergentes.

Un retour d’expérience XXL après la défaite de 1918

De même, à l’issue de la Grande Guerre, le chef d’État-Major von Seeckt lance un effort de retour d’expérience sans précédent pour comprendre la défaite militaire : 500 officiers sont mobilisés autour de 57 points (traversée de rivière, moral des troupes, justice militaire…) en répondant à quatre questions : Quelles situations apparues pendant la guerre n’avaient pas été envisagées ? Dans quelle mesure les conceptions d’avant-guerre étaient-elles efficaces pour faire face aux situations susmentionnées ? Quelles lignes directrices ont été élaborées dans l’emploi de nouvelles armes pendant la guerre ? Quels sont les problèmes posés par la guerre qui n’ont pas encore trouvé de solution ?

Musée de la Grande Guerre du pays de Meaux.

Conceptualiser l’environnement, et en tirer (toutes) les conséquences

Si plusieurs éléments constituent cette facette contextuelle de l’apprentissage organisationnel, et en facilitent le développement, comme la criticité de l’erreur (perdre une bataille n’a rien de comparable à manquer ses objectifs trimestriels) ou la structure même du métier, deux caractéristiques se détachent nettement dans le contexte militaire allemand : le rapport à l’environnement et le leadership.

Dès Clausewitz et son Vom Krieg (1832), et plus encore avec Helmuth von Moltke, l’emblématique chef de l’État-Major prussien de 1857 à 1888, la conception de l’environnement par l’armée allemande est simple : le champ de bataille est par nature imprévisible et complexe, et il est vain de pratiquer le réductionnisme pour se convaincre qu’il est possible de le mettre en équation. Le choix est donc fait d’identifier, de sélectionner, de former et de faciliter la promotion d’artistes de la guerre et non d’exécutants ; en clair, des officiers et sous-officiers qui, au contact du terrain, vont s’adapter, prendre des risques, apprendre, innover, surprendre l’ennemi et vaincre.

Un leadership centré sur la performance collective

Le leadership au sein de l’armée allemande, c’est-à-dire la capacité à créer les conditions dans lesquelles les soldats seront préparés, compétents, motivés, créatifs, autonomes dans la pensée et proactifs dans l’action, est considéré comme une valeur cardinale à tous les échelons. Dans la plupart des conflits dans lesquels l’Allemagne sera impliquée entre 1864 et 1945, l’armée allemande aura des moyens matériels et un accès aux matières premières inférieurs à ses ennemis ; mais le leadership, centré sur la performance collective, le développement de capacités, l’exemplarité, et l’attachement aux soldats, plus que compenseront ces carences pour faire de l’armée allemande une impressionnante organisation apprenante (et performante).

Sans occulter le caractère funeste joué par l’armée d’Allemagne dans l’histoire, les entreprises d’aujourd’hui, jouant des coudes dans un environnement volatil et incertain, ont peut-être matière à trouver inspiration dans la manière avec laquelle les forces armées allemandes ont développé une infrastructure d’apprentissage organisationnel rarement égalée par son exhaustivité et son impact. En connaître les clés peut servir à tous.The Conversation

> L’auteur :

Thomas Misslin, Doctorant, Sciences de Gestion, Dauphine-PSL – Chef de projet, Executive Education, EM Lyon Business School

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

>> Lire l’article original :

The Conversation

Haro sur la « shrinkflation », une pratique commerciale décriée par les consommateurs

HHaro sur la « shrinkflation », une pratique commerciale décriée par les consommateurs

La prochaine fois que vous prendrez un paquet de café ou de papier toilette, vous y regarderez de plus près. Vous remarquerez peut-être que l’emballage vous semble familier, mais que son contenu a subtilement diminué.

C’est ce que l’on appelle la « shrinkflation », une stratégie d’augmentation des prix utilisée par les fabricants du monde entier. En réduisant la taille des produits et gardant les mêmes prix finaux, les entreprises tirent parti de la psychologie des acheteurs qui sont plus susceptibles de remarquer une augmentation de prix d’un produit qu’une légère réduction de sa taille.

[…]

> Les auteures 

 

>> Lire l’article complet sur :

knowledge@emlyon

 

Les cafés de la statistique : Sagesse ou folie des foules ?

LLes cafés de la statistique : Sagesse ou folie des foules ?

« Comment la statistique peut éclairer le débat public »

Les foules sont souvent considérées comme dangereuses, impulsives, moutonnières par défaut, et une des critiques récurrentes contre le règne de la majorité est que celui-ci favoriserait la convention, le conservatisme voire la bêtise. Rien n’est plus faux !

Le plus grand nombre est bien souvent à l’origine des meilleures décisions. Nous explorerons dans ce café la théorie de la sagesse des foules, qui s’applique dans de nombreux domaines comme la politique, l’économie, le management …

> Intervenant :

  •  Aurélien Baillon, professeur, emlyon business school & GATE

> Restez en contact : cafe.stat.lyon@gmail.com

>> Pour en savoir plus :

Les cafés de la statistique

Harcèlement : pourquoi les écoles et les universités doivent agir

HHarcèlement : pourquoi les écoles et les universités doivent agir

Les entreprises françaises sont tenues de mettre davantage de mesures en place afin de répondre aux problématiques de violences sexistes et sexuelles au travail. Elles doivent réagir rapidement lorsqu’un cas de discrimination ou de harcèlement survient et se montrer attentives à la protection de leurs employés. Pourtant, le projet de recherche que nous avons récemment conduit montre qu’un grand nombre de cas de harcèlement sexuel visant des travailleuses et travailleurs précaires – et, pour ce qui concerne les écoles et les universités, les stagiaires et les apprentis – demeurent impunis.

Dans ce court article, nous nous proposons de résumer ce travail de recherche, qui révèle que les mesures anti-harcèlement censées protéger l’ensemble des salariés s’avèrent moins efficaces pour protéger les travailleurs les plus précaires. Sur la base de ces conclusions, nous recommandons aux business schools et aux établissements d’enseignement supérieur d’aller plus loin dans les mesures mises en place pour protéger leurs étudiantes et étudiants pendant leurs premières expériences professionnelles.

[…]

Un article écrit par Lisa Buchter, Professeur et chercheuse, emlyon business school, 23-09-2024

>> Lire l’article complet sur :

Knowledge@EMLyon

Bitcoin, bien plus qu’une monnaie

BBitcoin, bien plus qu’une monnaie

Au-delà des transactions financières dématérialisées, la cryptomonnaie se distingue par son organisation expérimentale. Fondée sur une totale décentralisation, celle-ci lui a permis, jusqu’ici, de se développer. Lui permettra-t-elle de survivre ?

Une fois par mois, retrouvez sur CNRS Le Journal les Inédits du CNRS, des analyses scientifiques originales publiées en partenariat avec Libération.

Nicolas Houy, chercheur CNRS au Groupe d’analyse et de théorie économique (GATE) est co-auteur de l’article avec François Le Grand, professeur associé de finance à l’emlyon business school.

Pour consulter l’intégralité de l’article, rendez-vous sur le site de CNRS le Journal