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Rivalité des grandes puissances : vers une multiplication des domaines de confrontation

RRivalité des grandes puissances : vers une multiplication des domaines de confrontation

Les États voient se développer des manifestations d’hostilité sur des terrains que la modernité rend précisément toujours plus critiques. L’École Normale Supérieure de Lyon – ENS de Lyon, vous invite à assister à une conférence traitant du sujet.

La mondialisation du commerce, les innovations digitales ou numériques, sur les plans sociaux ou industriels, ont construit un monde de liaisons innombrables, aux nombreuses chambres d’écho, dans lesquelles la guerre se manifeste sous des formes larvées, du « soutien » distant de l’allié aux « rivalités » euphémisées.
Ainsi dans ce contexte vague mais interdépendant, où guerre et paix se nuancent en un spectre nouveau, les opérations qui manifestent l’hostilité d’un État envers un autre se diffractent de même, se décomposent dans un ensemble de domaines. L’addition difficile des focales (technologiques, économiques, sociales…) dessine pourtant le « conflit complet », le profil hétéroclite de l’ennemi.

Intervenant.e.s :

  • Mme Muriel Domench, ex ambassadrice à l’OTAN,
  • Le général Autellet, ex Major Général des Armées,
  • M. Olivier Zajec, maître de conférences en sciences politiques.

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Les Rencontres Montagnes et Sciences 2025 à Lyon

LLes Rencontres Montagnes et Sciences 2025 à Lyon

Les Rencontres Montagnes & Sciences, c’est le festival de films d’aventures scientifiques en montagne qui vous offre une bouffée d’air frais. Au programme : une sélection de films d’aventures scientifiques, choisis pour leur qualité visuelle, scientifique et récréative.

Après Grenoble, Valence ou encore Clermont-Ferrand, la tournée régionale de Montagnes et Sciences continue, pour proposer au public lyonnais un rendez-vous unique combinant défi scientifique et aventure en montagne. Pour cette 11e édition, cinq films documentaires vous mèneront des vallées désertiques de l’Himalaya jusqu’au sommet du Mont Olympe. Les projections seront suivies par des temps d’échanges avec des scientifiques locaux, des réalisateurs ou des spécialistes de certaines thématiques.

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« Enfances inégales » : des États-Unis à la France, regard sur les dynamiques de reproduction sociale | The Conversation

«« Enfances inégales » : des États-Unis à la France, regard sur les dynamiques de reproduction sociale | The Conversation

Les recherches en sciences sociales qui se penchent sur les conditions de vie des enfants en se plaçant à leur hauteur restent relativement rares. Cet état des lieux rend d’autant plus précieuses les analyses de la sociologue Annette Lareau dont l’ouvrage Unequal Childhoods. Class, Race and Family Life, publié en 2003, vient d’être traduit en français. En quoi ce classique des sciences sociales américaines nous donne-t-il des clés pour comprendre la genèse des inégalités dans l’Hexagone ?

À partir de la fin du Moyen-Âge, les sociétés occidentales ont progressivement, et de plus en plus largement, considéré l’enfance comme une période à part, comme un moment qui doit être protégé des contraintes ordinaires adultes, une sorte d’âge d’or qu’il faudrait s’attacher à promouvoir ou à retrouver.

Ce développement du « sentiment de l’enfance », pour reprendre la belle expression de Philippe Ariès, a eu pour conséquence de faire sortir les enfants du monde des adultes et donc des analyses sociologiques. Dans celles-ci, ils restent encore trop souvent perçus à travers les regards des parents ou des éducateurs, comme de simples destinataires de pratiques de soin ou de stratégies de reproduction sociale.

Les recherches en sciences sociales francophones qui se sont réellement penchées sur les conditions de vie et d’éducation des enfants, en se plaçant à leur hauteur, ont été relativement rares, et ce malgré l’existence de nombreuses politiques familiales qui enjoignent les parents à mettre leur progéniture au centre de leur attention et de leurs préoccupations.

Dans ce contexte, traduire en français l’ouvrage d’Annette Lareau, Unequal Childhoods, plus de 20 ans après sa sortie aux États-Unis, est d’une absolue actualité. L’ouvrage a été maintes fois primé. Il a été récompensé à trois reprises par l’American Sociological Association par les comités de recherche suivants : childhood and youth, culture and family. Il a également été très largement salué par la presse généraliste outre-Atlantique. Et il nous apporte aujourd’hui encore des clés de compréhension précieuses sur la construction des inégalités entre individus.

Envisager la famille comme foyer des inégalités

Ce sont donc plus de vingt ans et un océan qui séparent la version originale de sa traduction intitulée Enfances inégales. Si ce décalage temporel et géographique peut interroger, les résultats et interprétations de l’auteure demeurent d’une grande actualité, du point de vue tout d’abord de sa thématique.

Alors que la question des inégalités refait surface avec force dans l’ensemble des pays occidentaux, elle se pose de manière différente pour les enfants, qui n’ont ni les mêmes besoins ni les mêmes sensibilités que les adultes. Aussi, rendre compte et comprendre la genèse de ces inégalités est (re)devenu crucial, notamment dans un pays comme la France au sujet duquel l’OCDE a signalé qu’il fallait à un enfant six générations pour sortir de la pauvreté (contre cinq en moyenne dans les autres pays membres).

En France, l’étude des primes inégalités s’est, pendant longtemps, principalement concentrée sur l’école et les chances de vie inégale qu’elle offrait aux élèves en fonction de leurs origines sociales. Le rôle et le poids de la famille n’étaient pas étudiés directement. Ils étaient saisis de façon implicite et détournée à partir du volume de ressources économiques et culturelles des parents, qui était généralement mesuré par leur niveau de revenus, leur niveau de diplôme, leur profession, leurs pratiques culturelles, ou encore le nombre d’objets artistiques possédés. Par comparaison, les pratiques parentales liées à la vie ordinaire ou scolaire des enfants ont été moins investiguées.

Or, nous dit Lareau, la famille constitue le véritable foyer des inégalités : elle est le premier (et incontournable) lieu où se (re)produisent des manières de faire, d’être et de penser qui n’ont pas la même légitimité, ni le même rendement scolaire et social. Plus précisément, Lareau souligne que les inégalités prennent naissance dans les plus petits actes et gestes du quotidien, qui traduisent des stratégies éducatives et des répertoires culturels socialement situés, notamment face aux institutions et à leurs représentants.

Savoir parler au médecin, se sentir autorisé à donner son avis à l’école, se sentir légitime à mobiliser un adulte en cas de problème et savoir le faire de la bonne manière afin d’obtenir une réponse appropriée à ses attentes, sont autant de comportements liés aux modes d’éducation et aux places qu’on accorde aux enfants. En d’autres termes, les relations parents-institutions et parents-enfants marquent durablement les rapports au monde des enfants et des jeunes et pèsent sur leur trajectoire future.

Comprendre comment les inégalités s’articulent entre elles

Enfances inégales se distingue ensuite par l’actualité de son approche. Dans le contexte états-unien des années 2000, principalement préoccupé de discriminations et d’inégalités raciales, Annette Lareau innovait par la mise au jour du poids prépondérant de l’origine sociale dans la hiérarchisation du monde.

Dans le contexte français des années 2020, où l’analyse des inégalités liées à la stratification sociale est première, la lecture de ce texte apporte des éléments féconds pour comprendre comment les inégalités de classe et de race s’articulent plus qu’elles ne s’opposent. De plus, l’écriture narrative de l’auteure rend toute leur épaisseur et leur complexité aux rapports entre les enfants et leur entourage en restituant des observations ethnographiques précises, détaillées et de longue durée.

« Unequal Childhoods/Enfances inégales », 20 ans après, des deux côtés de l’Atlantique (Conférence le jeudi 17 octobre 2024 à l’université Paris Cité).

Annette Lareau montre ainsi comment les parents de classes moyennes, qu’ils soient noirs ou blancs (nous reprenons ici les termes utilisés par l’auteure), s’engagent dans une « mise en culture concertée » (concerted cultivation), c’est-à-dire dans un style éducatif destiné à nourrir et valoriser les compétences et les talents des enfants. Ceux-ci se sentiront ensuite plus légitimes à défendre leur propre point de vue dans les environnements institutionnels et face aux adultes qui les incarnent.

En contrepoint, elle révèle que les familles des classes populaires et les familles pauvres, noires ou blanches là encore, s’appuient sur ce qu’elle nomme la « réussite de la pousse naturelle » (accomplishment of natural growth), dans lequel l’objectif de la socialisation de l’enfant est, au jour le jour, d’assurer les conditions matérielles d’une vie décente (nourriture et logement en priorité) dans un contexte de forte intériorisation des contraintes institutionnelles.

Scruter les dynamiques quotidiennes

Enfances inégales se démarque enfin par l’actualité de son regard. On y retrouve les échos bien connus des discours sur les « petits travailleurs » enfantins aux agendas de loisirs surchargés, organisés par des parents – et surtout des mères – surinvestis, qui cherchent tant le développement personnel de leur enfant que le rendement – espéré positif – de l’incorporation précoce d’attributs valorisables dans divers espaces de la vie future.

On y retrouve aussi une attention aux dynamiques des familles populaires qui, comme le dit Annette Lareau elle-même, ne font pas moins famille, mais le font différemment. Dans leur cas, les efforts pour assurer le bien-être des enfants passent moins par l’accompagnement et l’organisation de leur quotidien (chargé) que par le fait de leur garantir les moyens matériels pour grandir dans les meilleures conditions possibles.

On y retrouve enfin une attention aux apprentissages de la langue et une mise en lumière des modalités, variables selon les familles, de maîtrise des registres linguistiques ajustés aux différents types d’interactions sociales tout autant que des variations du « droit de parler » des enfants, dans le quotidien « banal » de leurs vies, à la maison, en classe, en voiture durant les trajets quotidiens, chez le médecin, aux fêtes de famille et lors des activités de loisirs.

Il est très rare de disposer d’une observation aussi fine de l’ensemble des situations qui font le répertoire culturel des enfants dans chaque catégorie sociale. Cela valait bien (enfin) une traduction !The Conversation

> Les auteurs et autrices

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

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The Conversation 

La Ronde du Pollen

LLa Ronde du Pollen

Des chercheuses du laboratoire Reproduction et Développement des Plantes – RDP (Université Claude Bernard Lyon 1, CNRS, INRAE, INRIA, ENS de Lyon) – ont lancé un nouveau jeu chez Bioviva : La Ronde du Pollen butine les fleurs et découvre leurs fruits !

Un jeu pour polliniser toutes les fleurs avec les insectes, en évitant les dangers !
Que les prairies fleuries et les jardins sont beaux ! Avec les insectes, les joueurs vont transporter tous les grains de pollen vers les fleurs à polliniser pour leur permettre de donner de jolis fruits. Dans leur voyage, ils devront se méfier des nombreux dangers qui les guettent : oiseau, grenouille, araignée et même les bourrasques de vent vont les mettre au défi ! Mais attention, ce sont surtout les pesticides que les insectes doivent redouter…

Dans ce jeu coopératif, les joueurs découvrent comment les fleurs donnent des fruits, grâce à la pollinisation ! Pour cela, ils promènent les insectes de fleur en fleur et doivent éviter les dangers naturels et les pesticides. Les joueurs parviendront-ils à polliniser toutes les fleurs pour donner de bons fruits ?

Observation et motricité seront leurs meilleures alliées pour remporter, tous ensemble, la partie.

> Comment jouer ?

À tour de rôle, les joueurs lancent le dé pour récupérer un insecte pollinisateur, puis un pion de pollen. Une fois qu’ils ont réussi à transporter le pollen sur la bonne fleur, ils peuvent retourner le pion pour dévoiler le fruit que donne la fleur.

Mais attention, de nombreux dangers les guettent ! L’araignée, la grenouille, l’oiseau ou la bourrasque de vent peuvent empêcher les insectes d’atteindre les fleurs. Les joueurs doivent alors relever tous ensemble des défis de motricité pour éviter que les insectes ne soient éliminés. Et gare au « Pesticide » qui s’approche petit à petit de l’hôtel à insectes !

Tous les joueurs gagnent la partie si toutes les fleurs sont pollinisées avant que l’ensemble des insectes ne soient éliminés de la partie ou avant que le pion « Pesticide » ne soit arrivé à l’hôtel à insectes.

Un jeu né du partenariat entre l’éditeur de jeux Bioviva, l’École Normale Supérieure de Lyon – ENS de Lyon – et la SATT PULSALYS (incubateur et accélérateur d’innovations DeepTech de Lyon et Saint-Étienne). Ce jeu, initialement créé par des chercheuses en Biologie spécialistes de la biologie végétale, a été retravaillé par Bioviva afin de sensibiliser les enfants dès 4 ans à l’importance de la biodiversité, de la préservation de l’environnement et plus spécifiquement à la protection des insectes pollinisateurs. Un projet facilité par la SATT PULSALYS.

> Informations :

  • De 2 à 4 joueurs.
  • Dès 4 ans.
  • Prix de vente conseillé à partir de : 21,99 €.
  • Fabriqué en France et éco-conçu.

>> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site :

Laboratoire RDP

©Bioviva

La « valse » des mers sous-glaciaires en Antarctique, ce phénomène méconnu qui pourrait accélérer la montée des eaux | The Conversation

LLa « valse » des mers sous-glaciaires en Antarctique, ce phénomène méconnu qui pourrait accélérer la montée des eaux | The Conversation

Sur nos planisphères centrés sur les latitudes habitées, on ne remarque pas à quel point l’Antarctique et les mers australes sont centraux… pour la circulation océanique, et donc pour l’adaptation du système Terre au changement climatique. Et pourtant, ils pourraient être le siège de modifications irréversibles, les fameux « points de bascule » climatiques.

Alors que nos émissions de gaz à effet de serre s’accumulent dans l’atmosphère et provoquent une augmentation des températures moyennes de notre planète, les glaces des pôles fondent et se déversent dans les océans à un rythme effréné. Cela a pour effet d’accélérer la montée du niveau des eaux : alors qu’elle était de 1,3 millimètre par an entre 1901 et 1971, elle a été mesurée à 3,7 millimètres par an entre 2006 et 2018. Cependant, les projections de niveau des eaux pourraient être sous-estimées du fait de phénomènes physiques amplifiant la fonte des glaces.

L’Antarctique est un continent couvert d’immenses glaciers qui glissent vers la mer sous l’effet de leur propre poids. Lorsqu’ils atteignent la mer, ils continuent leur écoulement et flottent alors à la surface de l’eau : c’est ce qu’on appelle des plates-formes de glace. De grandes superficies d’eaux (pouvant atteindre jusqu’à la taille de la France) se retrouvent couvertes par ces épaisses couches de glace, formant des mers sous-glaciaires. Or, ces dernières sont suspectées de pouvoir se réchauffer brutalement, fragilisant les plates-formes qui limitent l’écoulement des glaciers.

L’impact de la fonte de ces plates-formes sur la montée du niveau des eaux serait bien sûr important, car cela déstabiliserait le glacier en amont sur la roche, mais il faut aussi souligner que le rejet massif d’eaux de fontes dans l’océan Austral pourrait perturber la circulation globale de l’océan, et avoir des effets qui se répercutent jusqu’au nord de l’océan Atlantique.

l’océan Austral communique avec beaucoup d’autres océans

Circulation océanique globale. Les chemins bleus représentent les courants profonds alors que les chemins rouges représentent les courants de surface. Le courant circumpolaire Antarctique, qui fait le tour du continent Antarctique, relie tous les autres océans et joue donc un rôle clé dans cette circulation globale | Adapté et traduit de Wikipedia, Fourni par l’auteur

En effet, en raison de sa position centrale, l’océan Austral est une pièce clé du système climatique. Il est constitué d’un ensemble de mers continentales accolées aux côtes de l’Antarctique, ainsi que du courant circumpolaire antarctique, forcé par de puissant vent d’Ouest entre les 60e et 80e parallèles de l’hémisphère sud. Ce courant contrôle la remontée d’eaux chaudes profondes issues des océans tropicaux atlantique, pacifique et indien vers l’Antarctique, les amenant jusqu’aux mers continentales où se joue la fonte des glaces.

La sensibilité de la fonte des glaces à la température des mers sous-glaciaires

En Antarctique, la fonte des plates-formes glaciaires est essentiellement due à la chaleur transmise par les mers sous-glaciaires. Aussi, la température de l’eau sous la glace est déterminante dans l’estimation de la vitesse de fonte. Plus précisément, c’est l’écart entre la température de solidification de l’eau de mer (autour de -2 °C car elle est salée) et la température de la mer sous-glaciaire qui importe.

Ainsi, une eau de mer qui se réchauffe de -1 °C à 0 °C double l’écart au point de solidification, ce qui a des conséquences considérables sur la fonte.

Deux types de masses d’eaux peuvent pénétrer dans les cavités sous-glaciaires. Premièrement, des eaux chaudes profondes d’origine tropicale, dont les températures sont généralement comprises entre -1 °C et 2 °C. Deuxièmement, des eaux de surfaces froides, en contact avec la glaciale atmosphère polaire, ayant des températures variant de -2 °C à -1 °C. L’infiltration d’eaux chaudes dans les cavités sous-glaciaires entraînerait l’amincissement puis la disparition des plates-formes de glace. Les glaciers continentaux qu’elles retiennent, comme le bouchon d’une bouteille couchée retient le vin, seraient alors libres de se déverser rapidement dans les eaux polaires.

les mers sous glaciaires, version chaude et version froide

Coupe latérale de l’océan à proximité des plates-formes de glace. Sur la figure (a), la formation de banquise fait couler les eaux de surface froides qui empêchent les eaux profondes chaudes de pénétrer sur le plateau continental. Sans formation de banquise en revanche, sur la figure (b), les eaux chaudes profondes sont capables de remplir la cavité sous-glaciaire et donc d’augmenter la fonte sous la plate-forme. Adapté et traduit de The Sensitivity of the Antarctic Ice Sheet to a Changing Climate : Past, Present, and Future, Noble et coll., Reviews of Geophysics, 2020 | Fourni par l’auteur

Cependant, l’intrusion d’eaux chaudes dans les mers sous-glaciaires n’est pas forcément fatale. En Antarctique de l’Ouest, ces eaux denses réussissent à atteindre et faire fondre la partie profonde des plates-formes glaciaires, forçant le recul des glaciers. Mais en Antarctique de l’Est, cette même tentative est souvent contrecarrée par la formation de banquise due à la présence de vents froids en surface. En effet, lors du gel de l’eau de mer, seule l’eau se transforme en glace laissant en surface des quantités élevées de sel. Ainsi, ces eaux froides de surface deviennent de plus en plus denses et coulent au fond de l’océan, remplaçant les masses d’eau chaudes et diminuant grandement la fonte sous les plates-formes glaciaires.

Le réchauffement climatique pourrait provoquer une bascule irréversible en empêchant les eaux froides de surface de couler

Récemment, des études scientifiques ont suggéré que le changement climatique pourrait favoriser le basculement de cavités froides vers des conditions chaudes. En effet, un changement des vents ou une augmentation de la température de l’atmosphère pourrait diminuer la formation de banquise et donc d’eau dense capable de couler.

Une telle transition serait déjà potentiellement à l’œuvre au niveau de la plate-forme de Dotson, où l’observation de variation de températures et de salinité de l’océan pourrait être la signature d’un changement de régime. En Antarctique de l’Est, des simulations numériques montrent que la cavité de Filchner-Ronne pourrait se remplir d’eaux à -1 °C plutôt qu’à -2 °C comme c’est le cas actuellement. Un passage en conditions chaudes accélérerait la disparition de cette plate-forme qui retient 10 % du volume de glace en Antarctique, susceptible d’augmenter le niveau de la mer de plus de 5 mètres.

Une des craintes associées à ce type de transition est la non-réversibilité du processus. En effet, lorsque des flux d’eaux chaudes pénètrent la cavité, la fonte accrue de la plate-forme provoque la formation d’eau douce moins dense qui va se retrouver en surface, qui elle ne coulera pas pour remplacer les eaux chaudes en profondeur. On se retrouve face à ce qu’on appelle un point de bascule climatique : à partir d’un certain seuil de modification du climat, ces cavités glaciaires peuvent se remplir brutalement d’eaux chaudes, irréversiblement.

La turbulence dicte le mélange des eaux chaudes et froides mais reste mal comprise

À l’heure actuelle, ces changements de régime restent incertains. En effet, les modèles climatiques globaux décrivent mal la physique du mélange des eaux de fonte avec l’eau de mer. Ce mélange se produit par le mouvement désordonné et chaotique de l’eau à petite échelle, qu’on appelle la turbulence. Pourtant, c’est ce mélange qui est à l’origine de cette valse entre les eaux de surfaces et les eaux profondes. En particulier, c’est la turbulence qui dicte la fonte basale de la plate-forme, qui alimente en eau peu salée et froide les eaux de surface, puis l’intensité de la plongée de ces eaux de surface, chargées en sel, par gravité.

Prédire le taux de fonte basale des plates-formes glaciaires nécessite de savoir si l’eau de fonte, froide, reste en contact avec la glace pour former une couche isolante ou si, au contraire, elle est évacuée au fur et à mesure de la fonte et fait place à une eau océanique plus chaude. Et cela dépend de nombreux paramètres : la salinité, la température, la turbulence océanique et la géométrie de la plate-forme.

Prenons l’exemple d’une plate-forme glaciaire plate, flottant sur une masse d’eau chaude salée au repos. L’eau chaude transfère sa chaleur à la glace par diffusion, qui se met à fondre. L’eau de fonte étant plus douce, elle est moins dense et reste prise en sandwich entre le toit formé par la plate-forme et l’océan salé. Elle remplit ici effectivement son rôle d’inhibiteur de la fonte. Mais si on ajoute un courant marin suffisamment puissant, alors le mélange des deux masses d’eau est activé par turbulence et cette couche protectrice disparaît. De même, si la plate-forme glaciaire n’est plus plate mais inclinée, alors l’eau de fonte va se mettre à remonter le long de la pente du fait de sa légèreté et là encore exposer directement la glace à la chaleur de l’océan.

La plongée d’eau dense (salée) est similairement difficile à prédire car la turbulence peut jouer dans les deux sens. D’une part, un mélange vertical peut entraîner vers le bas la couche d’eau froide superficielle. D’autre part un mélange latéral – toujours par turbulence – des eaux de surface avec des eaux moins denses au large pourrait les alléger et empêcher leur plongée profonde.

Trois approches pour comprendre la fonte au-dessous des plates-formes de glace

Certaines études se concentrent sur la collecte de données de terrain, en réalisant des bilans de masse par observations satellites ou en allant sur place pour sonder la salinité, la température et la vitesse des courants sous les plates-formes glaciaires. Ces expéditions sont coûteuses et donnent accès à des informations éparses mais sont capitales pour connaître la réalité de terrain en Antarctique.

Au Laboratoire de Physique de l’ENS de Lyon, nous tentons de reproduire et compléter ces observations en réalisant des simulations numériques haute résolution, en fournissant alors une prédiction du comportement des plates-formes et des écoulements associés. Cependant, certains phénomènes sont encore trop coûteux numériquement pour être résolus. C’est pourquoi nous développons aussi des expériences physiques, dans l’environnement contrôlé du laboratoire pour isoler et étudier ces phénomènes.

Les auteurs : Louis Saddier, Doctorant en physique du climat, ENS de Lyon ; Brivaël Collin, Doctorant en mécanique des fluides, ENS de Lyon ; Louis-Alexandre Couston, Enseignant-chercheur en mécanique des fluides et océanographie polaire, ENS de Lyon

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

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Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 4 au 14 octobre 2024), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « océan de savoirs ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.The Conversation

 

« La recherche de la beauté est l’une des motivations principales du chercheur » | The Conversation

«« La recherche de la beauté est l’une des motivations principales du chercheur » | The Conversation

Vendredi 27 septembre, au festival « Sur les épaules des géants » au Havre, Étienne Ghys, mathématicien et académicien, a donné une conférence sur « la merveilleuse histoire des flocons de neige ». L’occasion de s’intéresser à la beauté de la nature vue par les mathématiques et de parler de l’intérêt de faire de la vulgarisation pour un scientifique.

Vous êtes fasciné par les flocons de neige, au point de leur avoir consacré un livre, d’où vient cet intérêt ?Je veux montrer que la nature regorge de choses qui inspirent le mathématicien que je suis et que j’ai plaisir à partager. L’exemple des flocons de neige est absolument merveilleux en premier lieu parce qu’ils sont beaux. La recherche de la beauté est l’une des motivations principales du chercheur. Mais aussi parce l’histoire de la compréhension des flocons est très riche. J’aime beaucoup l’histoire des sciences et l’histoire des maths en particulier. J’ai pris un peu de temps dans mon livre sur les flocons pour décrire quelques épisodes de cette histoire, qui est très ancienne. Je pense en particulier à Kepler, ce grand astronome et mathématicien (mais aussi astrologue), déchiffreur du mouvement des planètes. En 1610, alors qu’un flocon tombait sur son manteau, il décida de l’observer avec soin. Il vit dans cette toute petite chose un tas de structures et de symétries qui l’ont vraiment fasciné, au point qu’il écrivit un petit livre décrivant les flocons et qui, pour beaucoup de scientifiques, pour beaucoup de physiciens, représente l’acte de naissance de la cristallographie.

Que remarque Kepler en observant ces flocons ?

L’une des choses qui est surprenante est que les flocons ont tous une symétrie d’ordre six : ils ont toujours une structure hexagonale. Kepler cherche à comprendre pourquoi. À l’époque on réfléchissait bien sûr déjà à la nature du vivant. Qu’est-ce que la vie ? Aujourd’hui, si on demande à un biologiste ce qui est le plus proche du vivant dans le monde minéral, il évoquera les cristaux. Parce qu’un cristal a cette capacité à se reproduire, à croître et à développer des structures ordonnées. Kepler observe que ces branches sont très complexes et en même temps qu’elles sont identiques entre elles. Il voit les branches qui croissent de la même manière. Il se demande si elles communiquent entre elles. Comment expliquer cette similitude, cette symétrie ? Il se pose même à un moment une question qui peut nous paraître étrange : est-ce que les flocons ont une âme ? Le XVIIe siècle était une époque profondément religieuse et il faut se souvenir qu’on est dans la préhistoire de la science. Kepler observe avec les yeux d’un scientifique et pose des questions. Je trouve cela merveilleux.

Et il n’y a pas que les scientifiques qui s’intéressent aux flocons de neige…

Bien sûr ! Par exemple, au début du XXe siècle, Wilson Bentley, un agriculteur américain du Vermont, décide, pour la première fois, de prendre des photos de flocons. Il utilise un appareil photo à soufflets. Il réalise des photos extraordinaires qui eurent un succès médiatique vraiment impressionnant. Beaucoup de livres d’art ont publié ses très belles photos. Les historiens suggèrent que c’est lui qui a été à l’origine du concept culturel du flocon de neige, symbole de Noël.

Que vous apporte la vulgarisation par rapport à la recherche en mathématiques ?

Étienne Ghys : D’une certaine manière, c’est un peu égoïste. Il y a fort longtemps que j’ai compris que pour comprendre des maths, le plus simple est encore de les expliquer à d’autres. J’ai compris cela assez rapidement dans ma carrière, en particulier avec mes doctorants. Quand on travaille sur un sujet mathématique, que l’on a une idée, on la teste sur des collègues ou des étudiants. C’est dans cette interaction avec l’étudiant ou le collègue que les choses s’affinent et se concrétisent. Donc, expliquer à d’autres est une source de compréhension. Pour reprendre l’exemple des flocons de neige, la plupart des pages que j’ai écrites sur cette question sont très élémentaires, trop élémentaires pour moi, mais à cette occasion, j’ai appris énormément de choses. Je me suis posé beaucoup de questions, un peu comme Kepler, auxquelles je n’ai pas répondu. Cela fait partie de ma réflexion.

L’autre élément important, à mon sens, est que si un scientifique ne partage ni avec ses collègues ni avec le grand public, il scie la branche sur laquelle il est assis. On a besoin de futurs scientifiques. C’est quand même le rôle du scientifique que de partager ce qu’il fait avec d’autres.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la pratique de la vulgarisation chez les scientifiques, allons-nous dans le bon sens ?

Oui, et spécifiquement en maths. On partait de bien loin. Il n’y a encore pas longtemps, dans la communauté des chercheurs en maths, il y avait très peu de collègues qui se préoccupaient de vulgarisation ou de diffusion. C’était même assez mal vu. Par exemple, quand on est chercheur au CNRS, on doit rendre compte de son activité tous les ans et pendant très longtemps je ne jugeais pas utile de le mentionner dans mon rapport d’activité. Parce que je pensais que c’était, peut-être pas ridicule, mais un peu à côté de mes activités. C’était ce que je faisais sur mon temps libre. Et puis je me suis rebellé contre ça et j’affirme maintenant qu’il s’agit d’une activité aussi noble qu’une autre qu’il faut absolument la mettre en valeur.

Cela dit, la vulgarisation ne doit pas nécessairement être pratiquée par tous les scientifiques. Par ailleurs, tous les sujets n’ont pas vocation à être vulgarisés. Certains pans des mathématiques sont trop complexes et inaccessibles. Par ailleurs, des parties des maths sont plus accessibles à la diffusion, en particulier celle que je pratique. Je suis géomètre et j’ai donc beaucoup de belles choses à montrer !

>> Auteur et collaborateur :

Propos recueillis par Benoît Tonson, Ingénieur diplômé de l’INSA de Lyon, chef de rubrique Science chez The Conversation France,

Étienne Ghys, Mathématicien, directeur de recherche émérite CNRS, ENS de Lyon

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

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Sève et Sens

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Pour découvrir quelques petites histoires secrètes de plantes, venez donc écouter le podcast Sève et Sens. Traversant les âges et leurs mythes, passant par leurs usages médicaux, religieux, ou quotidiens, partons ensemble dans ce tour du monde quelque peu éthnobotanesque !

Qu’est-ce que l’ethno-botanique ?

Le Museum d’Histoire Naturelle de Paris la définit comme « l’une des branches de l’ethnobiologie : elle correspond à la science de l’Homme étudiant les interrelations des sociétés humaines avec leur environnement, et se concentre sur les plantes connues, nommées et utilisées par les Hommes ».

L’origine de Sève et sens

Doctorante en 1e année en biologie végétale et passionnée par les plantes en tout genre, j’ai récolté au gré du vent et des voyages, une multitude d’anecdotes végétales croustillantes à partager.  J’ai traversé les terres tropicales de Thaïlande, puis du Laos où je me suis familiarisée avec l’éthno-botanique.

Ainsi, ces mois d’expédition, d’échanges et de réflexions ont porté leurs fruits (et leurs fleurs) pour aboutir à une série de podcasts qui parlent de plantes.

Avec ces podcasts, de 10 à 20 min, chacun explorant une plante, je partage des légendes, des symboles, des utilisations des plantes. Je fais également découvrir le travail de scientifiques en histoire, en art, en biologie, ce qui permet aussi de sensibiliser aux questions écologiques.

@evou_dessine

 

 

> Écouter les podcasts :

Sève et sens – Les Podcasts

> Pour en savoir plus :

Sève et sens – Le blog

Écoute gratuite sur Spotify et Youtube.

Collaborateur.ice.s :

@bleu_bachir |Compositeur du jingle du podcast

@evou_dessine_unpeu | Illustratrice du podcast

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Pour découvrir quelques petites histoires secrètes de plantes, viens donc écouter le podcast Sève et Sens. Traversant les âges et leurs mythes, passant par leurs usages médicaux, religieux, ou quotidiens, partons ensemble dans ce tour du monde quelque peu éthnobotanesque !
J’espère que tu y prendras goût !

Qu’est-ce que l’ethno-botanique ?

Le Museum d’Histoire Naturelle de Paris la définit comme « l’une des branches de l’ethnobiologie : elle correspond à la science de l’Homme étudiant les interrelations des sociétés humaines avec leur environnement, et se concentre sur les plantes connues, nommées et utilisées par les Hommes ».

L’origine de Sève et sens

Doctorante en 1e année en biologie végétale et passionnée par les plantes en tout genre, j’ai récolté au gré du vent et des voyages, une multitude d’anecdotes végétales croustillantes à partager.  J’ai traversé les terres tropicales de Thaïlande, puis du Laos où je me suis familiarisée avec l’éthno-botanique.

Ainsi, ces mois d’expédition, d’échanges et de réflexions ont porté leurs fruits (et leurs fleurs) pour aboutir à une série de podcasts qui parlent de plantes.

@evou_dessine

Avec ces podcasts, de 10 à 20 min, chacun explorant une plante, je partage des légendes, des symboles, des utilisations des plantes. Je fais également découvrir le travail de scientifiques en histoire, en art, en biologie, ce qui permet aussi de sensibiliser aux questions écologiques.

>> Les épisodes : 

>> Pour en savoir plus et écouter les podcasts :

Sève et sens

Écoute gratuite sur Spotify et Youtube.

Collaborateur.ice.s :

@bleu_bachir |Compositeur du jingle du podcast

@evou_dessine_unpeu | Illustratrice du podcast

 

Que sait-on du travail ? Les apports des sciences sociales pour comprendre le travail

QQue sait-on du travail ? Les apports des sciences sociales pour comprendre le travail

©DR

Conditions de travail, qualité des emplois, choix managériaux et d’organisation, santé et sens du travail : les apports des sciences sociales à la compréhension de la situation du travail en France.

Présentations et discussions autour de l’ouvrage Que sait-on du travail ? paru aux Presses de sciences Po

Le travail en France a fait l’objet de nombreuses recherches en sciences sociales, qui permettent d’établir de façon précise ce que nous savons en matière de qualité du travail, de sens du travail, de conditions de travail, d’organisation du travail, de management, de démocratie au travail, de santé au travail…ces résultats peuvent également servir de base pour des pratiques d’entreprises plus respectueuses du bien-être des salariés et pour des politiques en faveur de la qualité de l’emploi et du travail, afin d’améliorer la soutenabilité du travail tout au long de la vie.

L’ambition de l’ouvrage Que sait-on du travail ?, publié aux Presses de Science Po en octobre 2023, est précisément de mettre à disposition ces apports afin de nourrir le débat le débat et de développer des pratiques et politiques innovantes dans ce domaine.

L’événement réunira plusieurs auteurs et autrices de l’ouvrage, issus de différentes disciplines (économie, sociologie, science politique, ergonomie…) qui présenteront leurs contributions portant sur la qualité du travail et de l’emploi, le management et l’organisation du travail, la soutenabilité du travail, le rapport au travail, les politiques de l’emploi…

Intervenants :

  •    Dominique Méda, sociologue, sur la crise du travail en France ;
  •    Laurent Cappelletti, gestionnaire, sur le management de proximité ;
  •    Juan Sebastian Carbonell, sociologue, sur le travail dans l’industrie automobile ;
  •    Catherine Delgoulet, ergonome, sur les pénibilités et la soutenabilité du travail ;
  •    Christine Erhel, économiste, sur la qualité de l’emploi et les métiers essentiels ;
  •    Bernard Gazier, économiste, sur les jeunes NEETs en France ;
  •    Bruno Palier, politiste, sur les stratégies du low cost à la française.

Discutants :

  • Thomas Fontaine, Keolis ;
  • Bernard Laurent, Professeur à la EM Lyon, IRES ;
  • Sophie Hatte, ENS de Lyon, CERGIC.

>> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site : 

ENS DE LYON

L’alpinisme, un loisir qui a toujours été élitiste | The Conversation

LL’alpinisme, un loisir qui a toujours été élitiste | The Conversation

Le youtubeur Inoxtag est en pleine tournée médiatique pour promouvoir le documentaire racontant son ascension de l’Everest. Un exploit sportif pour certains, une pratique privilégiée pour d’autres. L’occasion de revenir sur les origines de l’alpinisme, pratique qui a pris son essor au sein de la bourgeoisie anglaise du 19e siècle.

C’est presque impossible de l’ignorer. Le youtubeur français Inoxtag, 22 ans, a gravi l’Everest. Il le raconte dans un documentaire d’abord diffusé en salles, où il a comptabilisé 340 000 entrées en 24 heures seulement, puis mis en ligne sur sa chaîne YouTube, où il a déjà été visionné vingt millions de fois.

Si le jeune homme assure vouloir promouvoir le dépassement de soi à travers le récit de son ascension, certains commentateurs n’ont cependant pas manqué de critiquer le fort coût économique comme écologique que représente l’ascension de l’Everest.

Alors l’alpinisme est-ce un goût de l’effort ou bien un simple loisir d’hommes riches et privilégiés ? Regardons un peu comment cette discipline est née afin d’y voir plus clair.

Les précurseurs : des bourgeois de l’Angleterre victorienne

L’esprit de l’alpinisme a été forgé dans l’Angleterre victorienne de l’Alpine Club, le premier club alpin au monde, créé en 1857, près de vingt ans avant son équivalent français, le CAF (Club alpin français).

Des membres de l’Alpine club à Zermatt, dans les Alpes suisses, en 1864. | © Wikimedia

Même si cela peut paraître surprenant au vu de la topographie britannique, ce sont bien des bourgeois anglais, à la pointe de l’alpinisme (dans les Alpes, mais aussi dans le Caucase ou l’Himalaya) jusqu’à l’entre-deux-guerres, qui lui ont donné ses codes et ses valeurs.

Pourquoi l’Angleterre ? Plusieurs facteurs se conjuguent pour y expliquer la naissance de l’alpinisme : un contexte de paix intérieure (quand la France est marquée par des troubles politiques), l’apparition d’une nouvelle classe bourgeoise issue de la révolution industrielle, férue d’exploration et abreuvée de l’idéologie impérialiste de l’époque ; mais aussi marquée par des valeurs sportives inculquées dans les écoles et universités destinées aux garçons des élites sociales, aux « gentlemen ». En effet, le sport moderne apparaît en Angleterre à la même époque.

Le développement des transports favorise dans un premier temps l’arrivée de ces conquérants d’un genre nouveau dans les Alpes, dont ils escaladent la grande majorité des sommets vierges pendant leurs congés estivaux, car la plupart travaillent – comme hommes d’affaires, avocats ou juges, professeurs, médecins, toutes ces professions prestigieuses de l’époque.

Ils se tourneront ensuite vers des massifs plus éloignés où ils chercheront, là encore, à « faire des premières ». Parmi eux l’Everest, dont l’accès est fermé aux autres nations pendant les années 1920 et 1930, période intense d’expéditions britanniques (infructueuses) sur la montagne.

Aujourd’hui encore, en Angleterre comme en France, les alpinistes sont issus de milieux qui restent globalement favorisés, malgré une démocratisation de la pratique depuis ses débuts élitistes.

Une pratique élitiste

L’esprit de cette pratique recoupe ainsi les valeurs et idéologies de ces hommes de la bonne société, dont le club est non seulement resté longtemps fermé aux hommes des classes moyennes et populaires, mais aussi aux femmes… jusqu’en 1974 en ce qui concerne l’Alpine Club.

Au premier rang de ces valeurs, on retrouve le fair-play, appris par la pratique du sport, et qui consiste dans l’alpinisme à se battre de manière loyale, « à armes égales », contre l’adversaire (la montagne) en faisant en sorte que l’issue du combat (atteindre le sommet ou non) ne soit pas jouée d’avance. Pour cela, on restreint le recours à certaines aides artificielles : pitons, oxygène, etc. L’éthique actuelle de l’alpinisme conduit toujours à préférer des ascensions avec le moins d’appuis possibles, comme le « style alpin » en Himalaya.

On retrouve également la défense d’un idéal d’exploration et de conquête, toujours très présents de nos jours dans l’idée que le grand alpinisme doit ouvrir des itinéraires ou des sommets nouveaux (voir par exemple l’exploit inédit des 14 sommets de 8000 mètres en moins d’un an, réalisé en 2019.

Les qualités viriles et masculines sont valorisées dans l’esprit de l’alpinisme originel – c’est une dimension qui apparaît dans le taux encore très faible de femmes parmi les grands alpinistes. En France, elles représentent moins de 5 % des guides et moins de 10 % des membres des clubs les plus sélectifs.

Sans oublier la dimension risquée et incertaine de l’alpinisme, vu depuis toujours davantage comme une aventure que comme un simple sport.

Le refus d’un alpinisme commercial et même, pour les puristes, professionnel, est également à noter. Suivant cette perspective centrée sur l’amateurisme, qui était celle des premiers alpinistes, le simple fait de pratiquer pour de l’argent excluait les guides de l’alpinisme, quand bien même ils étaient respectés « sportivement » par leurs employeurs.

De là découle aussi un rejet de l’autopromotion et de la médiatisation, considérées comme vulgaires et indignes d’un gentleman.

Ce retour en arrière, aux origines d’un « esprit de l’alpinisme » qui, malgré des évolutions, continue de marquer la manière dont on considère le grand alpinisme aujourd’hui, peut expliquer les débats qui entourent l’ascension d’Inoxtag et, plus souvent que l’inverse, les critiques qui s’élèvent à son égard de la part d’alpinistes appartenant à l’élite de ce sport.

Pour ces derniers, le youtubeur n’a en rien réalisé un exploit. L’ascension de l’Everest par sa voie normale, encadré par des Sherpas et en faisant usage de l’oxygène artificielle et des cordes fixes ancrées sur la paroi, n’est plus considérée comme une ascension difficile depuis une cinquantaine d’années, en témoigne la foule qui se presse au sommet les jours d’affluence, jusqu’à créer des embouteillages. S’il faut néanmoins être en bonne condition physique, pour plusieurs dizaines de milliers d’euros (le prix dépend de la prestation fournie), on peut être emmené par des professionnels au sommet de l’Everest. Le « business » de l’himalayisme est souvent l’antithèse du grand alpinisme.

En effet, aujourd’hui, un exploit dans l’Himalaya consisterait, par exemple à réaliser une ascension nouvelle, c’est-à-dire jamais réalisée auparavant, sans oxygène, sans Sherpa, en « style alpin » (sans corde fixe et en bivouaquant dans la voie), c’est-à-dire dans le respect des principes éthiques – le fair-play – du « grand alpinisme » actuel.

Dans ce contexte, la médiatisation de l’ascension d’Inoxtag, et la méprise qu’elle peut occasionner parmi son public sur ce qu’est le grand alpinisme, fait grincer des dents les himalayistes qui réalisent ce type d’ascensions, bien moins médiatisées et rémunératrices, et plus généralement une élite de l’alpinisme qui en maitrise les codes plus que centenaires.The Conversation

>> L’auteure :

Delphine Moraldo, Sociologue, ENS de Lyon

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

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The Conversation