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De la ville entonnoir à la ville perméable : gestion des eaux pluviales sur le campus de LyonTech-la Doua

DDe la ville entonnoir à la ville perméable : gestion des eaux pluviales sur le campus de LyonTech-la Doua

Depuis la seconde moitié du 20e siècle, avec le développement de l’urbanisation, les sols en ville ont été de plus en plus artificialisés et imperméabilisés, limitant l’infiltration de l’eau de pluie. Conséquence : l’eau ruisselle sur le sol, augmentant le risque d’inondation et entraînant des polluants présents en ville vers les milieux naturels environnants. Pour remédier à cette situation, de nouvelles pratiques et modes de gestion ont été mis en œuvre. Le campus de LyonTech-la Doua à Villeurbanne en est un bon exemple, étant un terrain d’expérimentation pour les aménagements de gestion de l’eau pluviale depuis plus de vingt ans.

Un article rédigé par Camille Dianoux, Rémi Combeaux, Mathis Fléret, Marina Benavides Guedes, Almudena Plichon Alberola (étudiants du master 2 IWS) et la classe Terminale 3 du lycée Robert Doisneau (Vaulx-en-Velin) de Mme Valérie Corneloup (la liste des élèves est mentionnée en fin d’article).

Une ville imperméable

Au 19e siècle[1], la décision fut prise de collecter les eaux usées dans un réseau d’égouts centralisé plutôt que de les relâcher au bord des habitations. L’eau ruisselante était vue comme un vecteur de maladie, elle devait être évacuée par le réseau d’égouts pour s’en débarrasser au plus vite.

Les premiers réseaux d’égouts construits en France étaient unitaires : un réseau unique collectait à la fois les eaux usées domestiques et les eaux pluviales. Toutefois, lors de pluies trop intenses, des eaux non traitées, et donc potentiellement polluées, débordaient du réseau et étaient directement rejetées dans l’environnement : ce qui a inévitablement un impact sur la qualité de l’eau. Il subsiste encore des réseaux unitaires à Lyon, si bien qu’en 2015, 7 % des volumes collectés par les réseaux ont été rejetés sans traitement[2]. La pollution issue de ces 7 % est aussi importante que la pollution rejetée par les eaux traitées en station d’épuration, soit les 93 % restants.

Dans certaines villes, un second réseau d’égouts, réseau séparatif, a été construit pour y accueillir uniquement les eaux pluviales. Elles sont déversées directement dans le milieu naturel sans traitement, pour éviter qu’elles ne se mélangent aux eaux usées et se chargent en polluants. Cette solution est coûteuse, mais elle a permis de diminuer la pollution apportée au milieu naturel en limitant les déversements d’eau usée non traitée, comme dans le cas de débordements de réseaux unitaires.

Pour éviter la surcharge du réseau par l’eau de pluie, mais aussi pour prendre en compte l’intensification des pluies, due au changement climatique[3], les métropoles sont en transition vers un nouveau modèle de gestion des eaux de pluie en ville.

Vers la ville éponge

Changer de mode de gestion des eaux de pluie en ville, c’est passer du concept de « ville entonnoir », où l’eau est collectée dans des égouts puis emmenée hors de la ville, à celui de « ville éponge » où la pluie est infiltrée dans le sol de la ville. Cela permet aussi d’empêcher que l’eau emporte des polluants provenant des transports ou de l’industrie lors de son ruissellement. Mais pour cela, les sols doivent être perméables, laisser l’eau s’infiltrer, et non goudronnés ou bétonnés.

Illustration de la ville entonnoir © Méli Mélo – GRAIE

Illustration de la ville éponge. © Méli Mélo – GRAIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Si l’eau ne rejoint pas les égouts, elle peut réintégrer son cycle naturel, humidifier les sols et recharger les nappes phréatiques. Cela limite les inondations, aide à végétaliser les villes et donc à atténuer les îlots de chaleur*. Ces différents aménagements ont fait évoluer la perception de l’eau de pluie en ville : on ne la considère plus seulement comme une nuisance, mais également comme une potentialité. C’est ainsi que le projet « ville perméable » a émergé dans la métropole de Lyon : il s’agit d’un projet d’aménagement pour favoriser l’infiltration de l’eau, grâce à des ouvrages concrets.

Le campus de Lyon-Tech-la Doua : un exemple de ces nouveaux aménagements

Lorsque l’eau de pluie tombe, on peut la faire ruisseler jusqu’à de grands bassins d’infiltration. Ils retiennent l’eau pendant maximum 24 heures, pour laisser le temps à l’eau de s’infiltrer progressivement dans le sol. On en trouve un à côté de l’IUT Lyon 1 capable de contenir 4000 m3 d’eau, soit la consommation annuelle d’eau de 75 habitants. Il draine les 2,5 hectares alentour.

Le bassin d’infiltration des eaux pluviales de l’IUT Lyon 1, campus LyonTech-la Doua. | © GRAIE

On peut aussi infiltrer l’eau de pluie « à la source », c’est-à-dire là où elle tombe, plutôt que de la laisser ruisseler. Ainsi, les installations sont moins consommatrices d’espace et plus discrètes. C’est le cas des noues, fossés de terre qui infiltrent les eaux de pluie tombées à proximité, ou des parkings en béton perméable.

L’utilisation de plantes dans les ouvrages, l’ingénierie végétale, améliore la capacité d’infiltration des ouvrages. On utilise, par exemple, des noues végétalisées, des jardins de pluie*, des toitures végétalisées. Les racines facilitent l’infiltration de l’eau dans le sol. La végétation filtre naturellement une partie de la pollution, et préserve la biodiversité.

La végétalisation de la ville aide à filtrer la pollution. | © Méli Mélo – GRAIE

La gestion des eaux pluviales : un objet de recherche scientifique

Les aménagements de gestion des eaux pluviales sont des objets de recherche scientifique : ils ont été conçus après des années de recherches théoriques et pratiques et servent eux-mêmes de terrain d’étude, pour pouvoir collecter des données pour de futurs projets, et évaluer leur efficacité.

Toutes les installations du campus de LyonTech-la Doua sont des lieux d’expérimentation scientifique. On y teste des installations, telles que les noues et les bassins d’infiltration. Elles sont munies de différents capteurs qui mesurent, par exemple, la quantité de pluie tombée (pluviomètre*), les polluants (métaux lourds, pesticides) contenus dans la pluie, ou les débits* d’eau qui s’infiltrent dans le sol. Ainsi, on évalue la capacité de ces installations à filtrer la pollution présente dans l’eau de pluie.

Pluviomètre | © CambridgeBayWeather

Perception de ces techniques alternatives

Contrairement aux réseaux d’égouts, les nouveaux ouvrages ne servent pas qu’à recueillir la pluie. Ils ont d’autres usages, et donc d’autres usagers. Leur mise en place et leur entretien ne vont pas de soi.

Ces nouveaux ouvrages sont hybrides, à la fois espaces verts et ouvrages de gestion des eaux de pluie. Ils mêlent différents types de matériaux (minéral et végétal). Les collectivités doivent alors mobiliser différents services pour entretenir un seul aménagement. Pour une noue végétalisée, il peut être nécessaire de faire appel à un premier service pour tailler les arbres, un deuxième pour l’herbe, un troisième pour ramasser les déchets qui s’y seraient accumulés… Un vrai casse-tête organisationnel qui nécessite une nouvelle coordination entre les services mobilisés.

Une noue végétalisée du campus LyonTech-la Doua. | © Marina Benavides Guedes

C’est une toute nouvelle méthode de travail qui est nécessaire. Ce qui a des conséquences sur la manière dont les agents de la ville perçoivent leur métier. Certains craignent que le métier d’égoutier se perde et que l’évolution de leurs tâches détériore leurs conditions de travail[4].

Par ailleurs, les nouveaux aménagements de gestion des eaux de pluie sont plurifonctionnels. Par exemple, les parkings poreux du campus de LyonTech-la Doua permettent le stationnement des véhicules, en plus d’infiltrer les eaux de pluie ; une noue ou un jardin de pluie* peut accueillir des activités de loisirs[5] et fournir un habitat pour la biodiversité[6]. Dans certains cas, les usagers peuvent se réapproprier l’ouvrage et l’utiliser pour des activités autres que celles prévues. Les aménageurs doivent en tenir compte pour garantir la sécurité des usagers et éviter certaines nuisances (bruits, déchets…).

Les difficultés pour faire évoluer la ville vers un espace plus perméable et plus végétalisé ne sont pas seulement d’ordre technique ou financier, mais viennent aussi de la manière dont chaque acteur se représente ces nouveaux aménagements.


NOTES

[1] John Snow, On the mode of communication of cholera (1855).

[2] Grand Lyon Métropole, Projet ville perméable : guide d’aide à la conception et à l’entretien (2017).

[3] Yves Tramblay et al., Impacts du changement climatique sur les pluies intenses et les crues en Méditerranée, LHB : Hydroscience Journal, vol. 107, no 1 (2021).

[4] Nina Cossais, Gestion intégrée des eaux pluviales : positions des services techniques urbains et évolution induite des métiers – Métropole de Lyon, URBIA, 5 (2019).

[5] Sébastien Ah Leung et al., Que fabrique-t-on avec les eaux pluviales urbaines ? Les dispositifs techniques et les usages du parc Kaplan dans l’agglomération lyonnaise, (2013).

[6] Émilie Gascon, Impacts et opportunités de la nouvelle gestion des inondations dans les domaines de la conception et de l’aménagement urbain, Projets de paysage. Revue scientifique sur la conception et l’aménagement de l’espace, 20 (2019).


GLOSSAIRE

Débit : volume d’eau qui s’écoule dans un point précis en un temps donné, généralement exprimé en m3/s ou en L/s.

Îlots de chaleur : zones urbaines où la température est nettement plus élevée que dans les zones environnantes, en raison de l’absorption et de la rétention de la chaleur par des surfaces urbaines telles que l’asphalte et le béton.

Jardin de pluie : ouvrage de gestion des eaux pluviales formé par une dépression avec des végétaux, où les eaux de ruissellement sont acheminées pour s’y infiltrer.

Pluviomètre : appareil permettant de mesurer la pluviométrie.

Pluviométrie : mesure de la quantité d’eau tombée dans un lieu donnée. Elle est généralement exprimée en centimètres, pour désigner la hauteur d’eau tombée.


Ont participé au travail d’écriture de cet article, en collaboration avec Camille Dianoux, Mathis Fleret, Marina Benavides Guedes, Almudena Plichon, Rémi Combeaux, étudiant·e·s de du master 2 IWS, les élèves de terminale du lycée Robert Doisneau (par ordre alphabétique) : ANOUAR  Jihane, ASSAOUI Medhi, BOUDEHANE Ismaël, AGKOZ, Naziré, BRAITIT Baasma, DEKAR Lina, DIA Mouhamed, GASMI Aldjia, HAMDAOUI Maryem, HAMRI Soumia, IBRAHIM Jindar, JACQUET Sonny, KEBBOUCHE Wafaa, KOC Hayrunissa, MAGHRAOUI Selsabil, MAHBOUB Nisrine, METRI Anis, MOHAMED HASSAN Abdifatah, NAAMANI Soumeya, NOKA Xhoveda, RANDRIAMAZAORO Gérald, SEMAKDJI – BEN HADJ KASSEM BOUBAKER Romayssa, SOK Panha, TALEB Delci, TANRIKULU Erdem, TOLA Dorian, YAPICI Rümeyssa, ZAGAI Mohamed, ZAHIR Narjis, ZINGARA Amine, ZITOUNI Maryam.