«« Méandres ou la rivière inventée » : comment refaire monde avec les rivières ? Marie Lusson a consacré une thèse ainsi qu’un film documentaire à la question des rivières. Au-delà des enjeux scientifiques, techniques et sociopolitiques liés à la restauration des cours d’eau, le film documentaire Méandres ou la rivière inventée invite à refaire monde avec les rivières, ses usagers et ses habitants – tant humains que non humains.Le Vistre était à l’origine une rivière de plaine marécageuse qui s’écoulait au sud de Nîmes, de Bezouce à Mauguio. Dès le XIIe siècle, les marais sont desséchés et son cours est dévié. En 1774, drainages et dragages viennent lui assigner un lit fixe favorable à la navigation jusqu’à Aigues-Mortes. Les opérations de canalisation se succèdent ainsi jusqu’aux années 1950, où son cours large et profond permet alors d’évacuer rapidement les eaux pluviales et usées. Le Vistre modifié devient peu à peu un cloaque. Ses riverains se détournent de lui – et se plaignent de ses débordements destructeurs.Affiche du film.Ce point de départ est à la fois celui de la thèse de Marie Lusson (dirigée par Florian Charvolin et Christelle Gramaglia, soutenue en 2021) et du film documentaire Méandres ou la rivière inventée, coréalisé par Emilien de Bortoli et Marie Lusson en 2023.Dans la thèse, il s’agissait d’exposer de manière critique la trajectoire sociohistorique de quatre rivières du sud-est de la France promises à une restauration pour rendre compte des controverses qui, dans certains cas, limitent les actions de réparation, et dans d’autres, font hésiter entre des travaux de terrassement lourds ou une mise en retrait pour redonner leurs espaces de divagation aux rivières.Pour autant, le film déborde de la simple répétition illustrée de ce travail de recherche. Il vise avant tout la traduction à l’image de méthodes et concepts de sociologie inspirés par Bruno Latour. Il livre une expérience composite qui relève tout à la fois de l’œuvre d’auteur et du documentaire scientifique.Des rivières devenues machinesSelon l’historien américain Richard White, qui s’est penché sur la trajectoire de la rivière Columbia, les travaux d’aménagement ont pour conséquence de désassembler les cours d’eau et leurs plaines alluviales pour les mettre au travail.Beaucoup de rivières, comme le Vistre, sont ainsi devenues des « machines organiques » qui ne fonctionnent plus comme des écosystèmes, mais comme empilement d’entités appréhendées séparément, sur un mode dégradé.Ces aménagements, qu’il s’agisse d’ouvrages hydroélectriques ou de digues, ont eu pour effet de corseter, fixer et inciser le lit des rivières, tandis que des rejets industriels et urbains dégradaient la qualité de l’eau. Leur profitabilité a toutefois été entamée lorsque l’artificialisation a commencé à générer des conséquences inattendues. Les écosystèmes aquatiques, réduits à l’état de machines organiques, se sont mis à dysfonctionner.Des proliférations biologiques peuvent survenir. En certaines occasions, les cours d’eau sortent également des lits qui leur ont été assignés, provoquant des destructions d’autant plus importantes que des constructions ont été faites dans leurs plaines alluviales.Les agriculteurs ont, de leur côté, drainé leurs champs ou pompé de l’eau. Les producteurs d’électricité s’en sont servi pour actionner leurs turbines. Les propriétaires de bateaux de commerce et de plaisance ne se sont plus préoccupés que des niveaux d’eau. Jusqu’aux pêcheurs qui ne se sont plus intéressés qu’à certaines espèces de poissons. Chacun s’est concentré sur une fonction, un service ou une ressource avec la même logique extractiviste, sans se soucier des autres ni de la santé des milieux concernés.À force, l’accumulation des aménagements, prélèvements et rejets a conduit à la diminution des aménités habituellement tirées des rivières.Des politiques de restauration encore trop technocentréesD’autres conséquences indirectes sont à relever :Les liens de dépendance qu’entretenaient nos sociétés avec les cours d’eau pour leurs besoins fondamentaux (boisson, irrigation, hygiène et production énergétique) ont été défaits.Les ouvrages de protection ont éloigné certaines rivières de la vue et endormi la vigilance des riverains.C’est pourquoi de nouvelles politiques de restauration ont été lancées, telle la Directive-cadre européenne sur l’eau de 2000 transcrite en droit français en 2006. Elles entendent remédier à la dégradation des milieux aquatiques comme cela a pu être fait pour le Vistre.[Déjà plus de 120 000 abonnements aux newsletters The Conversation. Et vous ? Abonnez-vous aujourd’hui pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.]La plupart des initiatives dans ce domaine restent toutefois très technocentrées et descendantes. Les professionnels ne convergent pas toujours sur les options à privilégier.Plus encore, les projets techniques sont élaborés entre gestionnaires et bureaux d’études, indépendamment des habitants. Les controverses sont souvent vives et conduisent, dans les trois quarts des cas, à l’abandon des projets – surtout quand le portage politique fait défaut.Une médiation artistique inspirée par Bruno LatourComment contribuer à l’émergence de projets de restauration qui ne fassent pas fi des controverses, mais au contraire apprennent d’elles pour explorer des pistes de récupération collective ? Les travaux du socioanthropologue des sciences et des techniques Bruno Latour ont ouvert des pistes fertiles.Depuis ses premières recherches sociologiques sur l’acteur-réseau jusqu’à ses plus récents essais de philosophie sur le nouveau régime climatique (2015) et ses expérimentations artistiques et scientifiques sur la zone critique (2020), il s’est intéressé aux pratiques et aux productions des chercheurs et à leurs effets sur le monde, avant d’entamer un dialogue avec des artistes pour trouver des réponses à la crise écologique.Il a notamment questionné la manière dont ceux qu’il appelle les « Modernes », ont cherché à s’émanciper d’une nature pensée comme extériorité et reléguée – dans le meilleur des cas – à l’état de décor. Ses recherches ont grandement contribué à renouveler les collaborations scientifiques et les médiations artistiques pour sortir de l’impuissance.On citera, parmi ceux qu’il a inspirés, l’historienne d’art Estelle Zhong Megual et l’historienne et metteuse en scène Frédérique Ait-Touati, qui se sont penchées sur l’influence de la peinture et du théâtre sur nos perceptions de la nature, trop souvent réduite à l’état d’objet passif. Méandres hérite de cette réflexion collective.Symétries entre humains et non-humainsMéandres est une œuvre composite qui doit grandement aux collaborations engagées par sa réalisatrice Marie Lusson avec :son co-réalisateur, Émilien De Bortoli, artiste vidéaste et musicien,les scientifiques, issus de plusieurs disciplines des sciences de la terre et de la vie et des sciences sociales de l’Inrae et de l’Université de Lyon,les professionnels du documentaire créatif qu’elle a pu croiser lors de sa formation à l’école documentaire de Lussas.Ce caractère multiple, qui a pu donner lieu à des tiraillements, est devenu au fur et à mesure une marque de fabrique et une force. Le film relève tout à la fois de l’œuvre d’auteur et du documentaire scientifique. Il montre plusieurs chercheurs et ingénieurs au travail – mais aussi une activiste engagée au chevet de sa rivière.Il s’attarde également sur des êtres bien plus petits et régulièrement oubliés des réflexions sur le devenir des rivières : les galets, les sédiments, les débris de matière organique, les macro-invertébrés et les poissons les moins nobles qui les peuplent.Image extraite du film Leviathan.Le choix de traitement de l’image, qui s’inscrit dans la lignée des productions riches du Sensory Ethnography Lab de l’Université de Harvard, tel le film Leviathan sur la pêche hauturière, opère des effets de symétrisation entre des échelles très différentes.Ainsi, l’œil de l’écologue est placé à la même échelle (par l’utilisation d’un objectif macro) que les organismes qu’elle observe. De même, des séquences sous-marines, des plans ralentis et des cadrages inhabituels, suivent les frémissements des larves et le déplacement de graviers.Le film se présente comme connecteur et assembleur de réalités plurielles. La rivière elle-même est montrée comme agencement. Elle est une et plusieurs, mais surtout pleine des êtres qui l’habitent tout autant qu’ils la façonnent. Parmi eux, les non-humains, très souvent oubliés. Il est proposé au spectateur d’adopter momentanément leur point de vue d’une manière à la fois intelligible et sensible.En cela, ce travail fait écho à des recherches en cours sur le rôle des castors dans le stockage de l’eau ou encore à des réflexions sur les droits des fleuves.Les scientifiques y sont d’ailleurs traités d’une manière nouvelle : ils ne délivrent pas un discours d’autorité qui imposerait un diagnostic et des solutions. Ils se présentent, eux aussi, avec leurs fragilités et incertitudes, pris dans un entrelacs de relations et préoccupations. Ils ne sont ni nommés ni rattachés à une institution. L’image alterne entre de très gros plans sur leurs visages et leurs mains, et d’autres plans plus larges où, par exemple, un hydrologue acousticien disparaît dans la masse des rochers qui l’entourent.Ces effets de zoom et dézoom sont pensés pour opérer des rapports de symétrie entre humains et non-humains, quelle que soit leur taille ou leur force. Il en est de même entre professionnels qualifiés et riverains. Ce n’est pas un hasard que le film se termine sur le visage d’une activiste qui explique son engagement en faveur du ruisseau des Aygalades, particulièrement abîmé par l’industrie et la ville, à Marseille.La caméra nous propose de regarder sur le même plan des entités hétérogènes. L’objectif est de compenser, au moins momentanément, des inégalités, pour libérer les imaginaires et puissances d’agir. De fait, c’est presque une fiction qui nous est proposée pour engager la réflexion sur la restauration des rivières et les médiations indispensables à son succès.L’autorité des scientifiques n’en est pas pour autant niée, mais elle est placée au même niveau que d’autres perspectives et expériences.Les séquences dédiées à la descente de la rivière en radeau, qui constituent le fil rouge du film, apportent des contrepoints incarnés. Les jeunes gens embarqués dans cette aventure à la fois ludique et éprouvante, nous convient à ressentir la rivière : les niveaux et la force de l’eau selon le linéaire, les obstacles, le caractère glissant du substrat et les conditions météorologiques. L’alternance de moments joyeux et méditatifs ou le spectacle d’une peau qui se froisse sous l’influence du froid, renvoient les spectateurs à leurs propres souvenirs où l’enfance et ses jeux d’eau sont convoqués.Enfin, le montage est construit de façon à créer des basculements fluides pour mêler le scientifique au poétique. Cette étape de montage a d’ailleurs été extrêmement longue, six semaines, témoignant de cette difficile cohabitation des registres.Il en découle un film complexe dans lequel la voix off nous invite à nous interroger sur ce qui fait une rivière et sur les conséquences de nos choix. Elle n’a cependant pas vocation à démontrer ou dénoncer. Elle invite plutôt à la précaution, à l’hésitation et au tâtonnement collectif, pour éviter les erreurs du passé et définir des futurs plus favorables.À quels êtres et dépendances devrions-nous faire attention pour refaire monde avec nos rivières et plus largement avec l’eau qui vient à nous manquer ? Méandres a non seulement touché un public large dans le cadre de festivals documentaires, mais il est encore régulièrement utilisé lors d’ateliers participatifs destinés à faciliter l’implication des riverains de cours d’eau abîmés dans la co-construction de projets de restauration écologiquement et socialement ambitieux.Les auteures remercient leurs collègues Maria Alp et Sylvie Morardet (Inrae), mais aussi Béatrice Maurines et Oldrich Navratil (Université de Lyon) qui se sont impliqués dans l’écriture du film. Elles saluent tout particulièrement l’implication de Yannez Fouillet, de PY productions, pour son indéfectible soutien. Sans elle, Méandres n’aurait pas eu le même retentissement.Autrices : Marie Lusson, cinéaste, docteure en sociologie des sciences à l’Inrae, Christelle Gramaglia, sociologue des sciences de l’environnement, InraeCet article est republié sous licence Creative Commons.>> Lire l’article original :THE CONVERSATION
LLa 3e voie du vivant Face aux constats pessimistes et aux alertes environnementales, Olivier Hamant – directeur de recherche INRAE au laboratoire de Reproduction et Développement des Plantes (RDP) au sein de l’ENS de Lyon et élu membre EMBO en 2024 – propose des pistes d’action pour éviter la catastrophe et esquisse des solutions pour un avenir viable et réconcilié avec la nature.Il questionnera nos habitudes et notre société du contrôle et de l’optimisation, ainsi que nos créations technologiques qui nous poussent à performer toujours plus. Les technologies deviennent autonomes, suivant leur propre logique de performance, nous laissant parfois à la traîne.Mais cette course à la performance n’a-t-elle que des bénéfices ? C’est une question essentielle, car elle soulève des enjeux importants concernant notre efficacité et notre efficience.>> La conférence :
LLes oiseaux, victimes collatérales de l’intensification agricole en Europe | The Conversation Le bruant proyer (Emberiza calandra) a vu sa population décliner en Europe, comme d’autres espèces liées aux milieux agricoles. | ©Luiz Lapa / Flickr, CC BYLes alarmes de la communauté scientifique sur les effets de l’emploi des pesticides sur la santé humaine et la disparition de nombreuses espèces dans les milieux agricoles s’accumulent depuis un demi-siècle. Le travail pionnier de Rachel Carson annonçait dès 1962, des « printemps silencieux » provoqués par le déclin des oiseaux, victimes collatérales des pesticides via l’empoisonnement des milieux et la disparition des insectes.En cause, un modèle agricole reposant sur une industrialisation toujours plus poussée pour rester compétitif sur le plan international ayant massivement recours aux pesticides. Un modèle toujours plus dominant en France, où les exploitations sont de moins en moins nombreuses (-40 % depuis 2000) et de plus en plus grandes (leur surface moyenne a été multipliée par quatre depuis les années 1960).Conséquence : la surface agricole couverte par des fermes à forte utilisation de pesticides et d’engrais n’a cessé d’augmenter. Si bien que seuls 17 % des sols en Europe ne sont pas contaminés par des pesticides. Depuis 2009, plus de 300 000 ha de terres agricoles, souvent fertiles, ont disparu sous le bitume.Au-delà des constats inquiétants et des prophéties, dispose-t-on de preuves scientifiques tangibles et sans équivoque de la dangerosité de ce modèle de production agricole pour le vivant à l’échelle européenne ?De la difficulté à expérimenter sur le vivant en conditions réellesL’expérimentation semble à première vue un procédé idéal. Par exemple, faites manger des graines enrobées de pesticides à des moineaux, et ils seront en moins bonne forme. Soit. Le procédé a de grandes chances de fonctionner.Mais, hors du laboratoire, lorsque les variables ne sont plus directement contrôlables par le chercheur, on entre dans un monde complexe où les processus sont causés par de multiples facteurs enchevêtrés. Dans ces conditions, comment construire la preuve de l’effet d’un facteur en particulier sur la santé ou l’environnement ?Pour s’affranchir de cette difficulté, la méthode scientifique peut toujours s’appuyer sur des protocoles et des variables de contrôle. Ainsi, l’effet des substances que l’on suppose problématiques et de tous les autres facteurs ayant un effet potentiel ne sera pas manipulé expérimentalement, mais étudié statistiquement.Car, s’il est déjà un peu brutal de faire manger des pesticides de force à des oiseaux, il est encore plus absurde d’imaginer pouvoir tout expérimenter. On pourra plutôt vérifier si l’emploi d’une quantité croissante de pesticides se manifeste dans le temps par une baisse de la quantité d’insectes. En d’autres termes, on abordera la question sous un angle épidémiologique.Il y a pourtant un piège. On pourra toujours supposer que ce ne sont pas les pesticides qui sont en cause mais le stress, la pollution de l’air, la sécheresse ou toute variable qui influencerait de près ou de loin le système étudié.Il fallait donc se donner les moyens d’y voir plus clair. C’est ce que nous avons réalisé avec une équipe de 50 chercheuses et chercheurs dans une étude à ciel ouvert publiée en mai 2023. Notre motivation était de vérifier si une pression dominait sur les autres, et si oui laquelle, pour expliquer le déclin des populations de nombreuses espèces d’oiseaux en Europe.L’ampleur inédite de l’hécatombe dans les milieux agricolesIl fallait tout d’abord mettre un chiffre sur ce déclin. Grâce au travail assidu de nombreux ornithologues bénévoles qui ont reproduit chaque année le même protocole de suivi dans 28 pays européens, un jeu de données exceptionnel a pu être constitué, couvrant la période allant de 1980 à 2016. C’était une étape essentielle : partir des oiseaux eux-mêmes dans leurs habitats, pas seulement d’une expérience sur quelques individus isolés en laboratoire.L’étude a permis de suivre 170 espèces différentes, avec des populations en liberté et subissant de plein fouet les pollutions, le changement climatique, les pratiques de chasse, le dérangement ou encore le risque de prédation.Loin de nous limiter aux milieux agricoles, nous nous sommes intéressés à tous les habitats : forêts, villes, montagnes, milieux ouverts ou non, cultivés ou non… En résumé, nous sommes allés ausculter l’état de santé des oiseaux européens, sans filtre.Un Pic vert cherchant des fourmis au sol. | © Hedera.Baltica/Flickr, CC BY-SARésultat ? Les oiseaux ont perdu un quart de leur abondance en Europe entre 1980 et 2016, soit 800 millions d’individus sur la période, 20 millions par an en moyenne. Une hécatombe, pourtant sans surprise : les oiseaux doivent composer avec les modifications profondes qu’ont connu les paysages et les modes de vie au cours du XXe siècle.Toutes les espèces d’oiseaux ne sont pas affectées de la même manière.Par exemple, les oiseaux vivants dans les milieux forestiers ont perdu 18 % de leurs effectifs ;Ceux des milieux urbains, 25 %,Ce qui est surprenant en revanche c’est l’intensité du déclin, spectaculaire, des oiseaux des plaines agricoles : leur effectif a chuté de 57 % !Un record peu enviable : c’est l’une des baisses les plus spectaculaires jamais enregistrées à cette échelle pour des organismes vivants.Prouver le lien entre intensification agricole et déclin des oiseauxIl fallait aller plus loin pour comprendre à quoi attribuer ce déclin. Or, nous avions à disposition les données idéales pour tester si le climat, les changements d’habitats et le modèle agricole industriel pouvaient être tenus responsables.Imaginons un instant : dans un lieu précis, par exemple au bord d’un champ de colza, un ou plusieurs ornithologues ont compté chaque année, avec la même méthode, le nombre d’oiseaux. Et, précisément, pour cette année et cet endroit, nous avons aussi à disposition des données comme l’expansion des surfaces en agriculture intensive, l’évolution des températures, de l’étalement des sols artificialisés, ou encore les variations du couvert forestier.C’est ce procédé, répété sur des milliers de sites dans les 28 pays étudiés, au cours de plusieurs décennies, qui a permis de construire la base de données la plus complète, la plus précise, jamais collectée de suivi d’espèces sauvages en Europe.Cela nous a permis de faire le lien statistique entre devenir des oiseaux et ces multiples pressions, et de construire un deuxième résultat fort : le déclin des espèces coïncide avec l’augmentation de l’intensification des pratiques agricoles. Dans les environnements dans lesquels l’agriculture industrielle est plus présente, et cela, quels que soient le climat et les autres conditions, les oiseaux déclinent plus vite.Nous étions toutefois conscients d’un autre piège possible : que ce lien ne soit qu’une simple coïncidence attribuable au hasard. Or, ce n’est pas le cas. Nos analyses montrent que nous ne sommes plus dans le domaine de la corrélation, mais du lien sans équivoque.Un dernier résultat nous a permis d’ajouter une brique supplémentaire à notre compréhension de la situation : les espèces qui se nourrissent préférentiellement d’insectes, éradiqués par les pesticides, sont encore plus impactées que les autres espèces.Réchauffement et artificialisation des sols également en causeBien entendu, l’intensification des pratiques agricoles n’est pas le seul facteur des déclins observés. Le changement climatique, notamment l’élévation des températures, constitue une deuxième pression importante.Une mésange boréale (Poecile Montanus) en plein vol. | © Estormiz/WikimediaLes espèces septentrionales, adaptées aux milieux froids (comme la Mésange boréale, qui a décliné de 79 %), remontent vers le nord et voient leurs populations décliner fortement avec l’augmentation des températures.À l’inverse, d’autres espèces adaptées aux milieux chauds (comme la Fauvette mélanocéphale, dont la population augmente) peuvent en profiter.Le martinet noir ne se pose que pour couver ses œufs, généralement dans des bâtiments en pierre de grande hauteur. | © Pierre-Marie Epiney/Flickr, CC BY-SAL’étalement des zones artificialisées se fait aussi aux dépens des oiseaux, incapables de vivre dans des milieux minéraux et pollués, et dont l’habitat se fragmente.Même les espèces capables de nicher en milieu urbain sont en recul (comme le Martinet noir, dont les populations ont chuté de 17 %), notamment face au manque de sites disponibles sur les constructions modernes et à la faible abondance d’insectes dans ces milieux.Enfin, le retour du couvert forestier en Europe, encore récent, et souvent le fait de plantations, ne suffit pas à enrayer le déclin des espèces dépendantes de forêts naturelles.Semer le doute… et gagner du temps ?Des résultats qui devrait nous inciter à réduire drastiquement notre recours aux pesticides. Mais pour les défenseurs de l’agrochimie, le niveau de preuve apporté par la science n’est jamais assez grand.Une situation qui rappelle celles de l’amiante, du tabac, ou même l’action des producteurs d’énergie fossile pour retarder la prise de conscience climatique.Plusieurs pétroliers, dont Shell, avaient prédit le risque de crise climatique des décennies dès les années 1980. | © Mike Mozart/Flickr, CC BYToutes ces industries ont mis à profit la difficulté inhérente à la construction d’une preuve scientifique afin de gagner du temps, perpétuer le doute, maintenir leur réputation ainsi que leurs profits. L’entretien du doute est ainsi devenu stratégique.Au point que les industriels se sont désormais imposés comme référence scientifique auprès des agences de contrôle, notamment en Europe.Il est devenu irresponsable de minimiser l’effet du modèle agricole industriel et de ses pesticides et de se cacher derrière de prétendus biais, manque de recul ou supposée absence d’alternatives, qui existent pourtant.L’utilisation généralisée de pesticides a un coût social et économique considérable, qui ne se répercute d’ailleurs pas sur les prix dès lors que leur emploi demeure encouragé et subventionné. Sur le plan de la santé humaine, leurs effets sont de mieux en mieux documentés.Tout devrait pousser à changer ce modèle de production. Comment peut-on se satisfaire de qualifier de « conventionnelle » une agriculture incompatible avec le maintien de la santé des humains et des non-humains ?Les changements nécessaires ne peuvent reposer seulement sur la bonne volonté d’agricultrices et d’agriculteurs empêtrés dans un modèle industriel conçu par et pour l’agro-industrie et inscrit dans un modèle d’exportation régulé par la spéculation ou la recherche du prix le plus faible.Ce sont des changements transformateurs dans notre manière d’habiter le monde, de produire et de consommer qui sont nécessaires. Les outils politiques devraient être des leviers capables d’amorcer cette transformation, plutôt que de maintenir « quoi qu’il en coûte » un modèle en bout de course.Il est urgent que les décideurs, aux échelles européenne, nationale et locale, regardent enfin en face les ravages d’une certaine agriculture chimique dépassée qui détruit la vie, piège les paysans et les paysannes et se moque des consommateurs.Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.> Les auteurs : Vincent Devictor, Directeur de recherche en écologie, Université de Montpellier, Stanislas Rigal, Postdoctorant en biologie de la conservation, ENS de LyonCet article est republié sous licence Creative Commons. >> Lire l’article original :The Conversation
MMicrobiote et cancer Le microbiote Kesako ? Ensemble des micro-organismes – bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes qui vivent dans un environnement spécifique, le secret du microbiote nous passionne. Mais qu’en est-il précisément dans le domaine de la cancérologie ?Le Centre Lyon Auvergne Rhône Alpes (CLARA) vous invite à une table ronde afin de répondre à toutes ces questions dans le cadre de l’exposition Cancers.>> Le programme :14h30-15h30 (destiné aux professionnels de santé, mais ouverte à tous) :Quelles sont les pratiques cliniques émergentes en région ? Quelles perspectives la recherche permet-elle d’envisager ? Cette table-ronde abordera les avancées actuelles de la recherche à ce sujet et plus particulièrement l’intégration du microbiote dans des applications médicales, avec la présence de trois entreprises innovantes.Intervenants :Mathilde Bonnet, professeure des université, Université Clermont Auvergne/ INSERM UMR M2iSH « Microbes Intestin Inflammation et Susceptibilité de l’Hôte » ;Lucie Étienne-Mesmin, maître de conférences, Université Clermont Auvergne / INRAE – UMR MEDIS « Microbiologie Environnement Digestif et Santé » ;Thomas Soranzo, CEO & co-founder, Pelican-Health (Grenoble) ;Émilie Plantamura, directrice scientifique Maat-Pharma (Lyon) ;Laëtitia Ranchon, directrice Nutrition et Qualité, société Basal Nutrition (Saint-Étienne) ;Modération : Mylène Honorat, cheffe de projet Innovation en technologies pour la santé, Cancéropôle CLARA. 16h30-17h30 (tout public) :Cette table-ronde vulgarisée sera consacrée plus largement au sujet du microbiote en lien avec le cancer afin de répondre aux interrogations des visiteurs de l’exposition.Intervenants :Mathilde Bonnet, professeure des université, Université Clermont Auvergne/ INSERM UMR M2iSH « Microbes Intestin Inflammation et Susceptibilité de l’Hôte » ;Lucie Étienne-Mesmin, maître de conférences, Université Clermont Auvergne / INRAE – UMR MEDIS « Microbiologie Environnement Digestif et Santé » ;Thomas Soranzo, CEO & co-founder, Pelican-Health (Grenoble) ;Émilie Plantamura, directrice scientifique Maat-Pharma (Lyon) ;Romane Beraud, diététicienne, Ligue contre le cancer, comité de la Loire ;Modération : Mylène Honorat, cheffe de projet Innovation en technologies pour la santé, Cancéropôle CLARA. >> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site :CLARA
BBANQUET : exposition temporaire à la Cité de la Gastronomie BANQUET, une délicieuse exposition sensorielle, installée depuis le 22 octobre 2022, est présentée jusqu’au 5 novembre 2023 dans la capitale de la gastronomie.Pour fêter sa réouverture, la Cité internationale de la Gastronomie accueille Banquet, une grande exposition ludique, scientifique et goûtue ! Présentée pendant plusieurs mois à la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, cette exposition itinérante s’est installée logiquement à Lyon, la capitale de la gastronomie.De la cuisine à l’amuse bouche pour finir par le banquet-spectacle : le parcours de l’exposition est organisé en trois espaces. Investissez d’abord la cuisine, et glissez-vous dans la peau d’un apprenti cuisinier. Vous découvrirez les subtilités des temps de cuisson, du dressage des desserts ou encore le bon maniement des ustensiles… Puis direction l’amuse-bouche, où vous pourrez mener des expériences sensorielles. Place enfin au moment tant attendu : le banquet ! Vous serez embarqué dans un grand spectacle immersif, mêlant images projetées, mapping, sons et odeurs. Un incroyable repas, dont le menu a été imaginé par le chef Thierry Marx et par le scientifique Raphaël Haumont. L’occasion d’en apprendre davantage sur le repas de célébration, ses codes et son histoire à travers les cultures et les époques.Cette exposition a été conçue et réalisée par la Cité des sciences et de l’industrie, en partenariat avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). >> Plus d’informations :Cité Internationale de la gastronomie
BBiodiversité : et si vous profitiez des vacances pour faire de la science citoyenne ? Pas besoin d’être un expert » […] Vous avez probablement entendu dire que les insectes sont en train de disparaître et que les conséquences de cette disparition pourraient être catastrophiques pour notre alimentation. En même temps, vous êtes un peu sceptique et vous vous demandez si ce genre de discours est fondé, s’il n’est pas un peu exagéré.Certes, vous vous sentez concerné·e mais, pour vous, tous les insectes sont des « bestioles » et vous ne faites pas forcément la différence entre une abeille, un bourdon, un syrphe ou une cétoine. Vous vous demandez comment vous pourriez aider à déterminer s’il est vrai que les insectes disparaissent ; et si oui, pourquoi. Les programmes de science citoyenne pourront vous y aider.Mis en place à l’initiative des scientifiques professionnels, leurs protocoles sont adaptés au grand public : pas besoin d’être un expert pour être utile. […] »Lire l’article en entier :The Conversation
DDémocratie alimentaire : de l’équité dans notre assiette ! Up ConférenceQue ce soit au niveau économique, sociétal, politique ou environnemental, l’alimentation représente aujourd’hui un enjeu majeur. Pour certains, elle pourrait même être considérée comme un bien public, qui doit donc être maitrisé par tous les citoyens. Ainsi, on constate que les consommateurs recherchent de plus en plus de produits « locaux » : derrière cette notion, se mêlent des enjeux de qualité, d’impact écologique, de soutien au territoire, de valorisation des terroirs, mais aussi d’équité à la fois du côté des consommateurs et des producteurs. Mais comment ces enjeux peuvent-ils être réunis ? Comment construire ensemble de nouveaux modèles et systèmes alimentaires plus justes ? A la table des discussions pour cette nouvelle UP Conferences à Saint-Étienne, les intervenants partageront avec vous leurs expériences, leurs recherches et leurs visions de ce qu’est, pourrait être ou devrait être la démocratie alimentaire.InscriptionIntervenantsOlivier BACHELARD – Professeur à l’EM Lyon – Saint-ÉtienneDominique PATUREL – Enseignante – chercheuse INRAPierre-Alain PRÉVOST – Association « De La Ferme Au Quartier »Carole CHAZOULE – Enseignante-Chercheuse à l’AGROPOLE – ISARA LyonAnne DÉPLAUDE – Viticultrice – Membre du centre de ressource du Treuil