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Et si la TVA sociale se révélait antisociale ?

EEt si la TVA sociale se révélait antisociale ?

Et si la solution pour rendre nos entreprises plus compétitives tout en préservant notre modèle social se trouvait dans un outil oublié : la TVA sociale ?

Remise sur le devant de la scène à l’approche du projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale 2026, cette mesure refait surface avec la promesse de relancer l’économie française.

Le principe ? Transférer une partie du financement de la protection sociale des salaires vers la consommation, en allégeant les cotisations sociales patronales et en augmentant la TVA.

Présentée comme un levier pour soutenir l’emploi, améliorer la compétitivité à l’export et alléger le « coût du travail », la TVA sociale séduit une partie des économistes et des décideurs politiques. Mais cette réforme soulève aussi de nombreuses inquiétudes : hausse des prix à la consommation, perte de pouvoir d’achat pour les plus modestes, risques accrus d’inégalités et impact incertain sur les entreprises.

Dans un contexte de déficit croissant de la Sécurité sociale et de fiscalisation progressive de son financement, cette proposition marque un tournant potentiellement majeur pour l’avenir du modèle social français. Entre bénéfices attendus et effets secondaires redoutés, l’article explore les mécanismes, les enjeux, les précédents historiques et les impacts possibles de cette mesure aussi ambitieuse que controversée.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par Rim Hachana, Professeur associée, ESDES – UCLy (Institut catholique de Lyon)

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THE CONVERSATION

Près d’un étudiant sur cinq se réoriente à bac +1 : ajustement, rupture ou échec ?

PPrès d’un étudiant sur cinq se réoriente à bac +1 : ajustement, rupture ou échec ?

Alors que les lycéens découvrent leurs résultats sur Parcoursup, un autre mouvement, plus discret mais tout aussi révélateur, agite les bancs de l’enseignement supérieur : près d’un étudiant sur cinq se réoriente après une première année post-bac.

Derrière ce chiffre record se dessine bien plus qu’un simple changement de voie, une analyse saisissante des inégalités, des espoirs et des limites de notre système éducatif.

Massification scolaire, promesse méritocratique et orientation à l’aveugle : ce trio façonne des parcours qui, loin d’être linéaires, ressemblent souvent à des labyrinthes d’essais, d’erreurs, et de réajustements. Si la réorientation peut être une opportunité d’exploration, elle reste un privilège inégalement distribué, lié au type de bac, au milieu social, ou encore au genre.

Entre ajustements progressifs, filières-passerelles comme le BTS, et zones de turbulences comme la filière santé, l’article plonge dans les coulisses d’une dynamique encore trop peu anticipée par les politiques publiques. Résultat : ceux qui ont les ressources pour naviguer le système s’en sortent, les autres rament en silence.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par Dorian Vancoppenolle, Doctorant en Sciences de l’Éducation et de la Formation, Université Lumière Lyon 2

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Relations entre voisins : la force des liens faibles

RRelations entre voisins : la force des liens faibles

Et si les relations de voisinage étaient bien plus vivantes qu’on ne le pense ?

Loin des clichés de conflits ou d’indifférence, une grande enquête révèle que les Français continuent de tisser des liens forts, utiles et parfois même amicaux avec leurs voisins. Conversations de palier, services rendus, repas partagés : les pratiques varient selon les milieux sociaux, mais dessinent un tissu local riche et essentiel à la vie quotidienne. Un regard éclairant sur un lien discret… mais loin d’être en déclin.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par Joanie Cayouette-Remblière, sociologue, Ined (Institut national d’études démographiques) et Jean-Yves Authier, professeur de sociologie à l’Université Lumière Lyon 2

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Pharma, cosmétique… et si les déchets végétaux aidaient à développer l’économie circulaire ?

PPharma, cosmétique… et si les déchets végétaux aidaient à développer l’économie circulaire ?

La renouée du Japon (Fallopia japonica), une plante invasive, présente des propriétés intéressantes pour sa teneur en resvératrol, un polyphénol utilisé par l’industrie cosmétique. | ©CC BY SA harum.koh from Kobe city, Japan

Aujourd’hui considérés comme des déchets, les sous-produits de la biomasse – issus notamment de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire – pourraient pourtant jouer un rôle central dans la transition vers une économie circulaire.

Ces résidus, souvent compostés ou incinérés, renferment des molécules précieuses utilisables dans des secteurs aussi variés que la cosmétique, la pharmacie ou encore les bioplastiques.

Face à l’urgence environnementale et aux limites planétaires atteintes, réduire l’usage des ressources pétrochimiques devient indispensable. La valorisation de ces « déchets » végétaux permettrait non seulement de préserver les ressources naturelles, mais aussi de créer des filières locales et durables.

Certaines plantes invasives ou résidus alimentaires, comme le thé ou le marc de gingembre, sont riches en antioxydants et autres composés bioactifs. Leur transformation, grâce à des procédés innovants comme l’éco-extraction ou l’usage de solvants verts, ouvre la voie à une bioéconomie plus propre.

Au cœur de ce changement : les bioraffineries, qui optimisent chaque étape de valorisation pour atteindre l’objectif « zéro déchet ». Encore faut-il lever les freins technologiques, économiques et réglementaires.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par :

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La réalité diverse du vélo à la campagne, derrière les clichés de grands sportifs ou de néo-ruraux militants

LLa réalité diverse du vélo à la campagne, derrière les clichés de grands sportifs ou de néo-ruraux militants

Saviez-vous que le vélo, autrefois omniprésent dans nos campagnes, peine aujourd’hui à retrouver sa place ? Pourtant, loin des clichés du Tour de France ou des cyclistes du dimanche, une nouvelle étude révèle qu’il existe bel et bien des usagers du vélo au quotidien dans les territoires ruraux.

Ces hommes et ces femmes, jeunes ou retraités, cadres ou ouvriers, pédalent pour aller travailler, faire leurs courses ou simplement profiter de leur environnement.

Mais comment pédaler dans un territoire pensé avant tout pour la voiture ? Routes dangereuses, distances importantes, absence d’aménagements : les obstacles sont nombreux. Pourtant, près de la moitié des trajets en zone rurale font moins de 5 km, un potentiel énorme pour développer la mobilité douce. L’arrivée du vélo électrique change aussi la donne, en rendant les reliefs plus accessibles et en séduisant de nouveaux publics.

Au-delà de l’utilitaire, choisir le vélo à la campagne, c’est aussi une manière de redécouvrir son territoire, de prendre le temps, de renouer avec les autres et avec la nature. Entre plaisir, engagement écologique et nécessité économique, ces pratiques invitent à repenser la place de la bicyclette dans nos villages.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par Alice Peycheraud, Doctorante en géographie, Université Lumière Lyon 2.

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Déconstruire les idées reçues sur les violences conjugales par l’anthropologie

DDéconstruire les idées reçues sur les violences conjugales par l’anthropologie

La violence conjugale n’épargne aucun milieu, et son analyse révèle bien plus qu’un simple dérapage individuel.

Derrière chaque histoire, il y a des rapports de pouvoir, des normes sociales, et des modèles patriarcaux bousculés. De la Polynésie au Groenland, des classes populaires aux élites, les enquêtes anthropologiques montrent que cette violence est profondément ancrée dans des systèmes sociaux, où le contrôle masculin reste un enjeu central.

Au-delà des clichés et des explications toutes faites, ces violences prennent racine dans des contextes de domination — qu’elle soit sociale, raciale, économique ou coloniale — et se manifestent souvent quand des équilibres de genre sont remis en cause. Les milieux favorisés, eux, savent mieux dissimuler et esquiver la justice.

Plutôt que d’en rester à une lecture morale ou pathologique, il devient urgent d’écouter ce que disent les sciences sociales : transformer les normes de genre, comprendre les masculinités en crise et repenser la prise en charge, y compris des agresseurs. Car c’est dans cette complexité qu’on peut vraiment espérer faire reculer ce fléau silencieux.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par Rougeon Marina, UCLy (Institut catholique de Lyon)

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Que sont les GPU, cette technologie à laquelle on doit l’essor des jeux vidéo et de l’IA ?

QQue sont les GPU, cette technologie à laquelle on doit l’essor des jeux vidéo et de l’IA ?

Derrière l’explosion de l’intelligence artificielle, il y a un composant informatique : le GPU (graphical processing unit). Né pour faire tourner les jeux vidéo des années 90, ce composant capable de traiter des millions de calculs en parallèle s’est peu à peu imposé comme le moteur discret de l’IA moderne.

Nvidia, le géant américain du secteur, s’est hissé au sommet, mais voit aujourd’hui sa suprématie bousculée par la concurrence chinoise.

Au départ conçu pour afficher des images à toute vitesse, le GPU s’est vite révélé redoutable pour exécuter les opérations complexes des réseaux de neurones. C’est lui qui a rendu possible l’apprentissage profond et permis aux systèmes d’IA de décoller. Face à cette demande, les GPU se spécialisent, optimisés pour des calculs toujours plus rapides, quitte à sacrifier la précision.

Mais cette technologie est aussi au cœur d’une bataille mondiale : Taïwan, où sont fabriqués ces bijoux technologiques, est sous tension, et l’Europe peine à suivre. Une dépendance stratégique qui soulève des questions sur notre souveraineté numérique et le coût énergétique colossal de cette révolution invisible.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par Jonathan Rouzaud-Cornabas, Maître de conférences au Laboratoire d’informatique en image et systèmes d’information, INSA Lyon – Université de Lyon.

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Choisir ou être choisi : ce que le sport révèle des logiques sociales à l’adolescence

CChoisir ou être choisi : ce que le sport révèle des logiques sociales à l’adolescence

Dans la cour, sur le terrain ou en salle, les choix d’équipes à l’adolescence racontent bien plus qu’une simple partie de sport. Derrière chaque sélection, des logiques invisibles se dessinent : popularité, genre, origine sociale et statut scolaire dictent qui est choisi et qui reste sur la touche.

Les garçons dominent l’espace, valorisés pour leur force et leur audace, tandis que les filles oscillent entre discrétion et marginalité, prises dans des injonctions contradictoires.

Le terrain devient le théâtre où se rejouent les inégalités sociales, mais aussi l’endroit où certains peuvent, par la performance physique, renverser l’ordre établi. Les enfants des milieux favorisés y circulent plus librement, forts de codes qu’ils maîtrisent depuis l’enfance. Pour d’autres, l’éducation physique et sportive (EPS) reste un lieu de lutte, où chaque passe et chaque choix d’équipe marquent symboliquement leur place dans le groupe.

Et pourtant, cet espace collectif détient aussi un potentiel rare : briser les frontières, créer des alliances inattendues, et ouvrir des brèches dans la ségrégation ordinaire. À condition de repenser les règles du jeu.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par Raffi Nakas, chercheur associé au laboratoire ECP (Éducation, Cultures, Politiques), Université Lumière Lyon 2

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Librairies françaises : un rôle culturel essentiel dans une économie instable

LLibrairies françaises : un rôle culturel essentiel dans une économie instable

Le Festival du livre de Paris 2025 a mis en lumière les défis auxquels font face les librairies françaises. Bien que l’impact du Covid semble s’estomper, le secteur souffre d’une rentabilité faible, avec une moyenne de seulement 1 %.

Cette situation est accentuée par l’augmentation des charges (loyers, salaires, transport), créant un effet ciseau qui fragilise le modèle économique des librairies. Les grandes enseignes résistent mieux, mais les petites librairies, souvent indépendantes, sont plus vulnérables. Les prévisions pour 2025 sont pessimistes, avec des baisses d’activité attendues.

En parallèle, les libraires continuent de jouer un rôle essentiel dans la diversité culturelle, en sélectionnant des livres au-delà des best-sellers et en soutenant des auteurs moins médiatisés. Malgré des ventes stagnantes et des tensions économiques, leur rôle de curation reste crucial pour préserver une offre littéraire variée, avec plus de 67 000 nouveautés vendues en 2023. Toutefois, l’avenir des librairies semble incertain face à ces multiples pressions économiques et structurelles.

Une analyse à découvrir dans un article écrit par David Piovesan, Maître de conférences HDR en sciences de gestion, Université Jean Moulin Lyon 3.

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La Première Guerre mondiale du point de vue des chevaux

LLa Première Guerre mondiale du point de vue des chevaux

Retracer l’histoire du point de vue des animaux, tâcher de trouver des sources pouvant témoigner de leur vécu et de leur évolution. Telle est l’ambition du dernier livre supervisé par Éric Baratay aux éditions Tallandier.

Dans ces bonnes feuilles que nous vous proposons, cet historien se penche sur la Grande Guerre qui, sur le seul front de l’Ouest, mobilisa pas moins de huit millions de chevaux. Indispensable pour la cavalerie, l’infanterie mais également l’artillerie, pour tirer canons, munitions, vivres et hommes, ils ont façonné l’évolution de cette guerre.

Saviez-vous par exemple qu’en 1914 c’est le manque de chevaux des Français comme des Allemands qui a empêché qu’un camp ou l’autre réussisse à contourner son adversaire, ce qui a provoqué la fixation du front et quatre ans de guerre de tranchées.

En examinant les écrits de poilus et des vétérinaires au front, Éric Baratay tâche ici de retracer la douloureuse mobilisation de ces millions de chevaux.

Lors de leur réquisition, les chevaux éprouvent d’abord un stress psychologique et physique en perdant leurs repères habituels du fait d’une succession de lieux, de mains, de voix. Leur embarquement dans les wagons est souvent difficile ; ils résistent, hennissent, se sentent poussés, frappés, se font serrer les uns contre les autres. Les plus rétifs continuent à hennir, à frapper les parois ; beaucoup sont apeurés par les trains qui passent, éprouvés par les secousses, irrités par les congénères inconnus.

Ils vivent un autre bouleversement lors de leur affectation, devant s’habituer à de nouveaux noms, de nouvelles voix et conduites, de nouveaux gestes et mots en divers patois changeant au gré des réaffectations, permissions, disparitions des hommes. Ainsi, les chevaux de trait affectés à la cavalerie se retrouvent avec un soldat sur le dos, rarement plus aguerri, tout aussi craintif, et ceux qui réagissent, hennissent, ruent, subissent alors des coups, entendent des cris, ce qu’ils connaissaient assez rarement auparavant s’ils viennent des campagnes.

Escorte de prisonniers allemands par la cavalerie française, le 24 août 1914. | © William Heinemann, London, CC BY

Dans les services attelés, les chevaux doivent apprendre à travailler avec des congénères pour les solitaires d’autrefois ou de nouveaux partenaires pour les habitués à cet emploi. Ils sont assemblés selon leur taille, leur force, voire leur couleur, rarement selon leur caractère, que les hommes ne connaissent pas et ne cherchent pas. Des chevaux manifestent des incompatibilités d’humeur, obligent ces humains à les séparer jusqu’à ce qu’une répartition soit trouvée, qu’une paix plus ou moins durable s’installe. Lors des essais à tirer ensemble, beaucoup se heurtent, glissent, tombent, s’empêtrent dans les traits, s’épuisent. L’adaptation est remise en cause par les changements d’affectation et les arrivées de nouveaux partenaires, tels ces chevaux américains, que les alliés vont chercher à partir de l’automne 1914 pour compenser les pertes.

D’autant que leur traversée de l’Atlantique s’avère un calvaire côté français, où l’on ne donne qu’une avance aux marchands américains, les laissant assurer le transport à moindres frais. Dès l’Amérique, les équidés choisis se retrouvent concentrés et mélangés dans des parcs puis entassés à 15 ou 20 dans des wagons, sans attache et sans surveillance interne. Les conflits, les coups, les chutes s’ajoutent au stress du voyage durant lequel ces animaux ne bénéficient guère d’arrêts le long d’un parcours de quatre à huit jours. Au port, ils sont de nouveau concentrés en enclos puis placés sur des barges et hissés par des grues sur des navires restés au large, une opération très stressante pour les équidés.

Perturbés par le déracinement, les importants changements climatiques à l’échelle américaine, le bouleversement du régime alimentaire, beaucoup s’affaiblissent et contractent des maladies infectieuses, d’autant qu’ils ne bénéficient pas de désinfection des enclos et des wagons ou de contrôles épidémiologiques, encore peu usités côté français.

À bord des navires, ces équidés se retrouvent entassés les uns contre les autres, en quatre rangées parallèles par étage, attachés de près, et comme ils ne font pas d’exercice dans des enclos ou de promenade sur le pont extérieur, qu’ils restent inactifs trois semaines au minimum, ils endurent des fourbures aiguës aux jambes. L’entassement est tel que des équidés se voient placés sur le pont extérieur où, malgré les couvertures mises sur eux ou les toiles tendues par-dessus, ils endurent de fortes variations de température, une humidité incessante, des courants d’air permanents, subissent d’importants refroidissements tout en devant résister aux tempêtes qui balaient l’endroit.

Au moins, ces animaux ne souffrent-ils pas de l’atmosphère confinée des étages internes, de la chaleur moite, du gaz carbonique, des fortes odeurs que les équidés enfermés produisent mais qui les indisposent vivement, d’autant que l’aération, guère pensée, est très insuffisante, que les excréments, le fumier, les aliments avariés sont irrégulièrement évacués et ces ponts mal nettoyés par des équipages négligents, peu impliqués financièrement dans le maintien en bonne santé des bêtes, bien qu’ils pâtissent aussi de la situation. Les morts sont laissés au milieu des vivants tout au long du voyage parce qu’on n’a pas prévu de les évacuer à la mer ! Les rescapés ressentent évidemment les phéromones de stress dégagés par les agonisants puis les odeurs des cadavres.

Chevaux et mulets souffrent souvent de la soif et de la faim, les marchands ayant trop peu prévu, les matelots s’évitant des corvées régulières, les aliments n’étant que de médiocre qualité. Ces équidés doivent souvent manger des aliments simplement jetés à terre, avalant en même temps la paille souillée, voire leurs excréments pour compenser la faim, mais les bêtes attachées trop court, incapables de baisser autant leur tête, sont forcées de jeûner. Beaucoup s’affaiblissent, contractent ou amplifient des maladies, mangent encore moins, respirent toujours plus mal, tombent au premier tangage, ont de plus en plus de peine à se relever, se blessent facilement lors des heurts avec d’autres ou contre les parois et lors de ces chutes, se fracturant des os ou se rompant des ligaments, contractant alors le tétanos ou la gangrène.

À l’arrivée, les sorties sont souvent retardées car, dans nombre de navires, les rampes reliant les ponts ont été enlevées pour mieux entasser, d’autant qu’on ne prévoyait pas de promenade extérieure. Les équidés doivent attendre plusieurs jours que de nouvelles pentes soient installées, sur lesquelles ils se précipitent pour sortir de cet enfer. Les blessés et les malades ne pouvant pas les gravir attendent d’être sanglés puis soulevés à la grue. À terre, les chevaux, souvent des mustangs plus ou moins sauvages, achetés à moindre coût, se montrent rebelles à la discipline. Ils déconcertent autant leurs congénères européens, habitués au travail, que les conducteurs qui font alors pleuvoir les coups.

Chevaux transportant des munitions à la 20ᵉ Batterie de l’Artillerie canadienne de campagne à Neuville Saint-Vaast, France

Chevaux transportant des munitions à la 20ᵉ Batterie de l’Artillerie canadienne de campagne à Neuville | © Saint-Vaast, France.Archives du Canada, CC BY

Des incompréhensions réciproques

Ces incompréhensions sont nombreuses, d’autant que nombre de soldats n’ont jamais côtoyé de chevaux auparavant et que ces derniers ne sont pas habitués à de tels environnements. Nous avons vu que beaucoup d’équidés réquisitionnés refusent d’entrer dans les wagons ou les camions. Cela conduit les soldats à les qualifier de « bêtes », à se grouper jusqu’à six ou sept pour les forcer et à manier la violence. Or cette attitude des chevaux s’explique par leur vision, mieux connue de nos jours : étroite en hauteur mais très panoramique en largeur, d’un flanc à l’autre. Ils ont donc le sentiment d’être bêtement précipités contre un obstacle alors que la voie est libre autour ! D’autant qu’ils détectent mal l’intérieur noir des wagons, mettant du temps à accommoder leur vue à l’obscurité, et qu’ils rechignent logiquement à entrer dans cet inconnu… à la manière d’un automobiliste qui, par temps ensoleillé, freine devant une section très ombragée de la route formant un mur noir.

Des soldats français essayant de tirer une mule épuisée hors de la boue d’un trou d’obus

Des soldats français essayant de tirer une mule épuisée hors de la boue d’un trou d’obus. | ©National Library of Scotland, CC BY

Un autre exemple d’incompréhension concerne l’abreuvement des chevaux durant l’été 1914. Ils ne peuvent pas boire suffisamment, souvent une fois la nuit car les cavaliers limitent ces moments dangereux pour eux, et cela provoque une importante mortalité. On peut invoquer la guerre de mouvement, qui réduit les possibilités de nourrir et d’abreuver, et la négligence des hommes, qui est réelle, mais la situation est confortée par un aspect inconnu des humains et même des animaux : on sait maintenant que les chevaux connaissent une forme de déshydratation qui ne provoque pas une soif importante, ce qui signifie que ces chevaux de guerre n’ont sans doute pas suffisamment manifesté leur besoin.The Conversation

Auteur :

Éric Baratay, Professeur d’histoire, Université Jean Moulin Lyon 3

Cet article est republié sous licence Creative Commons.

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