JJournée nationale de la laïcité À l’occasion de la journée nationale de la laïcité célébrant la séparation de l’Église et de l’État, les Presses universitaires de Lyon – PUL vous invite !Pour cette occasion on vous convier à deux événements autour de cette thématique.> le programmeDe 12h30 à 13h30 | Table ronde©AS Photograpy de PixabayLieux : librairie des Presse Universitaire de Lyon (Université Lumière Lyon 2)Intervenant.e.s : Philippe Portier, Françoise Lantheaume et Yves Verneuil (modération de Philippe Martin).Sur inscription L’occasion d’évoquer les ouvrages Laïcité scolaire. La loi de 2004 vingt ans après, ainsi que Laïcité, discrimination, racisme. Les professionnels de l’éducation à l’épreuve, parus aux PUL et dirigés par plusieurs de nos invités. À 18h30 | Conférence©정훈 김 de PixabayLieux : l’Institut Français de Civilisation Musulmane de Lyon (IFCM),Intervenant : Philippe Portier.Sur inscription Une conférence sur le thème « Laïcité en Europe». >> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site :PUL
LL’éducation à la sexualité face aux inquiétudes des parents d’élèves Alors que sont régulièrement pointées les faiblesses de l’éducation à la sexualité dans le cadre scolaire, un nouveau programme a été proposé en mars 2024 par le Conseil supérieur des programmes. Sa publication va-t-elle enfin changer la donne ? Tout au long du XXe siècle, la crainte des réactions des parents a été un frein puissant à une réelle mise en œuvre des dispositifs et de prévention sur le terrain.Le 22 octobre dernier, la ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet a annoncé vouloir que le programme d’éducation à la sexualité mis au point en mars 2024 par le Conseil supérieur des programmes (CSP) soit publié « le plus tôt possible ». Ainsi devrait pouvoir être effectivement appliquée la disposition de la loi du 4 juillet 2001 stipulant qu’« une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogène ».Cette relance, toutefois, n’est pas la première. En 2016, un rapport du Haut Conseil à l’égalité avait dénoncé les manquements à la circulaire du 17 février 2003 qui indiquait les modalités d’application de la loi du 4 juillet 2001. Le 12 septembre 2018, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer publie une nouvelle circulaire relative à l’éducation à la sexualité. Mais plusieurs enquêtes suggèrent que la loi est toujours mal appliquée. Le 30 septembre 2022, le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye publie une nouvelle circulaire. La publication par Anne Genetet d’un programme national sera-t-elle l’utile texte de relance ?Des réticences des parents d’élèves dès le début du XXᵉ siècleSi plusieurs facteurs peuvent expliquer l’application très inégale des circulaires ministérielles concernant l’éducation à la sexualité, la crainte de la réaction des parents d’élèves, ou du moins d’une partie d’entre eux, est assurément un frein puissant. À vrai dire, des réticences se sont manifestées depuis qu’au début du XXe siècle ont été émises les premières propositions d’introduire l’« éducation sexuelle » à l’école.D’ailleurs, si toutes les études sur le sujet font de la circulaire Fontanet du 23 juillet 1973 le premier texte officiel sur l’éducation sexuelle, c’est en oubliant celle du 14 septembre 1937, signée à la fois par le ministre de la Santé publique Marc Rucart et par le ministre de l’Éducation nationale Jean Zay. Cet oubli s’explique par le fait que cette circulaire a été reportée quelques mois après, du fait de la ferme opposition de la Fédération nationale des associations de parents d’élèves des lycées et collèges (ancêtre de la PEEP).L’inquiétude, voire l’opposition, peut concerner le contenu : certains parents redoutent une contradiction avec les valeurs familiales concernant la sexualité. Quand, en 1902, au Conseil académique de Paris, le Pr Pinard fait de premières propositions concernant l’éducation sexuelle, au reste exclusivement centrées sur la prévention contre les maladies vénériennes, et seulement pour les grands lycéens, le vice-recteur de l’académie de Paris, Louis Liard, lui répond qu’il faudra l’autorisation des parents, comme pour l’instruction religieuse. La comparaison est révélatrice.L’éducation sexuelle au collège, mode d’emploi (Archive INA, 1973).Encore en 1973, l’UNAAPE considère que, dans la mesure où elle est liée à des options philosophiques et religieuses, il apparaît difficile que l’éducation sexuelle puisse respecter le principe de laïcité :« Comment imaginer une éducation sexuelle à l’école qui respecte le principe de laïcité ? C’est impossible. Il ne peut pas davantage exister un cours d’éducation sexuelle unique qu’il n’existe, dans les établissements dispensant un enseignement religieux à des élèves de différentes confessions, un cours unique de religion. L’œcuménisme sexuel n’est pas encore pour aujourd’hui ».C’est pourquoi la circulaire Fontanet du 23 juillet 1973 ne se borne pas à distinguer l’« information sexuelle », intégrée dans les programmes de sciences naturelles, et donc obligatoire, de l’« éducation sexuelle », facultative. Elle accorde un large droit de contrôle aux parents et promeut même, pour la prise en charge des séances d’éducation à la sexualité, la constitution d’équipes différentes pour le cas « où le choix des parents d’élèves, en fonction de leurs convictions philosophiques ou morales différentes, conduirait, en matière d’éducation, à des conceptions divergentes, rendant nécessaire une formule pluraliste ».Intégrer la prévention des violences sexistes et sexuellesCependant, le 15 avril 1996, une circulaire ministérielle « relative à la prévention du sida en milieu scolaire et à l’éducation à la sexualité » prévoit l’inscription de séquences obligatoires à raison de deux heures au minimum dans l’horaire global annuel des élèves des collèges. Ce n’est plus seulement l’information, mais l’éducation sexuelle (rebaptisée éducation à la sexualité) qui devient obligatoire.Mais la Confédération nationale des associations familiales catholiques porte l’affaire devant le Conseil d’État, et le 29 juillet 1998, celui-ci annule la circulaire pour abus de pouvoir, au motif que le Conseil supérieur de l’éducation n’a pas été consulté.La circulaire du 19 novembre 1998 « relative à l’éducation à la sexualité et à la prévention du sida » reprend toutefois la plupart des termes de la circulaire de 1996. Un certain nombre d’associations dites de « défense de la famille » demandent son annulation au Conseil d’État, mais cette fois leur demande est rejetée : pour le Conseil d’État, les dispositions attaquées « ne méconnaissent pas les principes de neutralité et de laïcité », elles « n’ont pour objet ni pour effet de porter atteinte aux convictions philosophiques et religieuses tant des élèves, que de leurs parents ou des enseignants ».Les cours d’éducation sexuelle indispensables à l’heure d’Internet (France 3 Nouvelle-Aquitaine, 2018)Cet arrêt est d’autant plus important que la circulaire de 1998 rend non seulement obligatoire l’éducation à la sexualité mais promeut un certain nombre de valeurs : une orientation que vont d’ailleurs accentuer les circulaires suivantes. Ainsi celle de 2018 indique-t-elle que « l’éducation à la sexualité se fonde sur les valeurs humanistes de liberté, d’égalité et de tolérance, de respect de soi et d’autrui » et qu’elle s’appuie « sur les valeurs laïques et humanistes ».Il faut dire que le contenu de l’éducation à la sexualité n’est plus essentiellement orienté vers la lutte contre les maladies vénériennes, comme elle l’était dans le premier tiers du XXe siècle (si l’on excepte les vues des néo-malthusiens et de quelques féministes). L’accent est mis désormais, dans les textes officiels, sur la prévention des violences sexistes et sexuelles et la promotion de l’égalité.Les valeurs promues sont considérées comme faisant partie des « valeurs communes ». Ce qui n’empêche pas une association comme « Parents vigilants », réputée proche d’Éric Zemmour, de voir dans l’éducation à la sexualité le cheval de Troie des lobbies LGBT. Un point de vue assez semblable à celui de « SOS éducation », qui dénonce dans le projet de programme mis au point par le CSP « une effraction » et même « un viol psychique ». Pour elle, l’éducation à la sexualité devrait relever uniquement des parents.Une coéducation parents-écoleC’est en effet le principe même d’une l’éducation sexuelle collective qui est critiqué par certains parents, avec d’ailleurs la même argumentation depuis le début du XXe siècle : en dehors même du contenu et des valeurs qui peuvent être transmis, cette éducation dans sa forme collective serait intrinsèquement perverse, car elle conduirait les enfants à entendre des choses qu’ils ne sont pas forcément prêts à entendre, et donc à les troubler.L’éducation sexuelle collective serait toujours immorale, au contraire de l’enseignement individuel dispensé par les parents ou le médecin de famille, qui connaissent l’enfant. Cette idée a été régulièrement avancée par certains parents. Mais ce fut aussi l’avis d’un Charles Chabot, professeur de science de l’éducation à l’université de Lyon, pour qui « nulle part il n’est plus nécessaire d’individualiser l’enseignement, parce que les leçons prématurées, inoffensives ailleurs sont ici dangereuses, peut-être funestes ».Aujourd’hui, toutes les grandes fédérations de parents d’élèves acceptent l’éducation à la sexualité à l’école. Mais ce genre d’inquiétude persiste chez certains parents. En fait, et c’est encore une continuité depuis le début du XXe siècle, beaucoup de parents à la fois reconnaissent qu’ils sont incapables de prendre en charge eux-mêmes l’éducation sexuelle mais se montrent défiants envers une prise en charge par l’École. Dans ce domaine plus encore qu’en d’autres, la coéducation école/parents peut aider à dissiper les inquiétudes.Récemment, le ministère de l’Éducation nationale a tenu compte de celles-ci. En 2018, en effet, la circulaire Blanquer a fait commencer l’éducation à la sexualité à l’école élémentaire (et non plus maternelle) et a précisé les thèmes qui peuvent être abordés à ce niveau. On observera par ailleurs que, s’il a réintégré l’école maternelle dans l’éducation à la sexualité, le programme mis au point par le CSP a omis le mot sexualité dans l’intitulé concernant le cycle 1 (maternelle) et le cycle 2 (CP, CE1, CE2, « éducation à la vie affective et relationnelle ») et l’a conservé seulement pour les cycles 3 et 4 (CM1, CM2 et collège) et le lycée (« éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité́ »).Tout se passe comme si, aujourd’hui, la question de l’éducation à la sexualité à l’école resterait « socialement vive » surtout concernant les enfants, mais qu’elle le serait beaucoup moins pour les adolescents. Ce qui serait tout de même un grand changement par rapport à la « Belle Époque ».> L’auteur :Yves Verneuil, Professeur des Universités en sciences de l’éducation, Université Lumière Lyon 2 Cet article est republié sous licence Creative Commons. >> Lire l’article original : The Conversation
LLes cafés de la statistique : Sagesse ou folie des foules ? « Comment la statistique peut éclairer le débat public »Les foules sont souvent considérées comme dangereuses, impulsives, moutonnières par défaut, et une des critiques récurrentes contre le règne de la majorité est que celui-ci favoriserait la convention, le conservatisme voire la bêtise. Rien n’est plus faux !Le plus grand nombre est bien souvent à l’origine des meilleures décisions. Nous explorerons dans ce café la théorie de la sagesse des foules, qui s’applique dans de nombreux domaines comme la politique, l’économie, le management …> Intervenant : Aurélien Baillon, professeur, emlyon business school & GATE> Restez en contact : cafe.stat.lyon@gmail.com>> Pour en savoir plus :Les cafés de la statistique
AAmérique latine : ruptures politiques récurrentes, inégalités sociales persistantes | The Conversation Les pays d’Amérique latine connaissent régulièrement des alternances politiques mouvementées, qui à la fois s’inscrivent dans les dynamiques sociales en cours sur le continent et les influencent. Un ouvrage collectif qui vient de paraître aux Presses de l’Université de Rennes, Alternances critiques et dominations ordinaires en Amérique latine, s’efforce d’éclairer l’entrelacement entre le politique et le social, à travers neuf enquêtes mêlant approches « par le haut » et « par le bas ». Nous vous proposons ici un extrait de l’introduction, où les quatre spécialistes ayant dirigé cette publication expliquent les interrogations à l’origine du livre et les méthodes employées pour y apporter des réponses.Depuis la Révolution cubaine de 1959, l’Amérique latine est souvent pensée à travers les évènements et faits d’armes les plus spectaculaires qui jalonnent son histoire politique. Vastes mobilisations protestataires et insurrections, guérillas et révolutions, coups d’État et dictatures militaires rythment les dernières décennies.En Europe, en partie du fait d’un rapport à la région pétri d’un « exotisme familier » (c’est-à-dire où la proximité linguistique et plus généralement culturelle tend à donner l’illusion d’une meilleure prise sur les réalités du terrain), les représentations les plus ordinaires de la politique latino-américaine sont souvent bien plus tranchées que s’agissant d’autres régions du monde. Entre le poids des certitudes et la force des émotions, les bouleversements réguliers des scènes politiques outre-Atlantique déchaînent les passions et polarisent les discours politico-médiatiques, militants et académiques.À partir du milieu des années 1990, dans un contexte de luttes contre des gouvernements néolibéraux, cette dialectique de fascination-répulsion s’est intensifiée. Ces luttes ont pris de multiples visages : des résistances indigènes centre-américaines à celles des pays andins en passant par les paysans Sans-terre brésiliens, les combats des chômeurs (piqueteros) et travailleurs argentins ; de la fondation de communautés zapatistes du Chiapas (Mexique) aux processus constituants et « révolutions » se réclamant du « socialisme du XXIe siècle » (Venezuela, Bolivie, Équateur), en passant par la démocratie participative à Porto Alegre (Brésil). Populistes sinon autoritaires pour les uns, démocrates et émancipateurs pour les autres, les mouvements associés au « tournant à gauche » des années 2000 ont ainsi suscité des réactions contrastées. À partir de 2015, on a assisté à un « virage à droite » qui a entraîné son lot de réactions symétriquement inverses.Enfin, ces dernières années, d’immenses mobilisations féministes (Argentine, Chili) et des protestations antigouvernementales multiformes ont émaillé la région (Venezuela, Nicaragua, Chili, Équateur, Bolivie, Colombie). Ce contexte de polarisation a reconduit les politiques et médias européens dans leur enclin à la romantisation ou au dénigrement des acteurs politiques latino-américains du moment.Au demeurant, force est de constater que malgré la fréquence des reconfigurations partisanes et des entreprises charismatiques prétendant conjurer une instabilité économique et politique chronique, la région reste des plus inégalitaires et violente au monde. Les injustices de classe, les tensions raciales et les violences patriarcales se perpétuent. Ainsi, par-delà les multiples formes qu’emprunte le politique, les structures sociales de domination demeurent relativement stables. C’est là le constat paradoxal qui est au fondement de nos réflexions.Identifier et penser ensemble alternances critiques et dominations ordinairesSi la recherche en sciences sociales n’est pas toujours étanche à la polarisation suscitée par la politique latino-américaine, elle a pu suivre deux tendances analytiques principales pour interpréter les évolutions régionales des dernières décennies.La première donne une place centrale à la caractérisation de la nature des régimes politiques. Depuis les années 1980, les « transitions démocratiques » et « sorties de conflit » ont fait l’objet de travaux sur les transformations des institutions qui les accueillent, la qualité ou stabilité de leurs « performances » et les adaptations des populations au rôle de citoyen actif dans de nouvelles démocraties, plus ou moins libérales.À partir des années 2000, une série d’analyses « par le haut » se sont penchées sur les crises et les alternances vécues dans différents pays, les cadres sociaux produits par les réformes néolibérales des années 1980 et 1990, l’arrivée de gouvernements progressistes au pouvoir à la suite d’une vague de mouvements sociaux, les « populismes ». À l’étude de modes de gouvernance « progressistes » devenus de moins en moins pluralistes – voire autoritaires –, a succédé celle des retours des droites dans certains pays et de leur très grande hétérogénéité, de ses variantes libérales plus classiques aux formes plus conservatrices ou réactionnaires, sinon fascisantes. Si ces travaux informent sur les variables et tendances macrosociologiques qui traversent ces sociétés, ils peuvent écraser, sous le poids de catégories générales (et en particulier celles de classification de régimes), la complexité de phénomènes dont les logiques dépassent celles des soubresauts politiques conjoncturels.Une deuxième perspective de recherches explore plutôt les différentes évolutions politiques, économiques et sociales des sociétés latino-américaines à partir de l’observation d’acteurs non institutionnels et au moyen d’une approche « par le bas ». Si ces analyses ne prétendent pas faire l’économie de l’étude du champ politique et de son influence sur la société et son devenir, elles se préoccupent avant tout d’observer de près des dynamiques construites par d’autres acteurs, en général sous les angles de la « participation » et des mobilisations collectives protestataires. Il s’agit là d’un éventail large et pluriel de travaux qui s’emploient à saisir le gouvernement du social, ses résiliences et mutations, à partir de ses expressions hétérogènes dans l’expérience concrète de groupes pour la plupart dominés. Ces analyses tendent toutefois à ne pas prendre parti – ou seulement implicitement – quant à la théorisation de l’évolution des structures de domination. La montée en généralité est d’autant plus difficile que les terrains dits « subalternes » sont souvent cantonnés à des productions monographiques. L’un dans l’autre, on assiste souvent à une validation tacite des cadres analytiques macrosociaux préexistants en termes de classification de régimes et, par extension, de leur superposition avec les clivages gauche/droite et des biais qu’ils tendent à reproduire.Ainsi, s’il nous apparaît nécessaire de prendre appui sur ces traditions de recherche, c’est avec l’objectif de les questionner et de les approfondir conjointement. On constate en effet que les sociétés de la région font régulièrement l’expérience d’alternances gouvernementales que l’on peut qualifier de critiques. Critiques, d’abord, au sens où celles-ci sont communément assimilées à des ruptures plus ou moins radicales avec le passé, qu’elles prennent la forme de « refondations » ou de « durcissements de régime », « révolutions » ou « contre-révolutions ». Critiques, ensuite, car ces alternances ont très souvent lieu à la suite de moments de crise politique plus ou moins intense, quand des leaders et gouvernements nouvellement élus prétendent traduire, aménager ou au contraire conjurer les revendications protestataires qui ont émergé au cours des crises. Critiques, enfin, parce qu’en certains cas elles débouchent assez rapidement sur de nouvelles crises ouvertes.Or, quelles que soient les formes qu’elles aient revêtues, ces alternances critiques n’ont que marginalement affecté les logiques ordinaires d’exploitation et de domination dans la région. Quoique selon des modalités et avec des temporalités diverses d’un pays à l’autre, on constate la reproduction de structures économiques et sociales profondément inégalitaires, dans lesquelles l’accumulation de richesses par les uns produit l’exclusion des autres. Aussi, ces continuités ont pu prendre place au sein de cadres juridicopolitiques de moins en moins pluralistes. Il s’agit là d’une dynamique qui transcende largement les clivages partisans entre gouvernants des pays de la région.Cet extrait est issu de « Alternances critiques et dominations ordinaires en Amérique latine », sous la direction de Fabrice Andréani, Yoletty Bracho, Lucie Laplace et Thomas Posado. Éditions des Presses universitaires de RennesPour une approche pluridisciplinaire et ethnographique des alternances et dominationsPour saisir les alternances critiques et leurs relations aux dominations ordinaires, une approche pluridisciplinaire et empirico-inductive basée sur une recherche de terrain de type ethnographique est essentielle. Différentes traditions de recherches en sciences sociales peuvent être mobilisées pour parvenir à cette fin : les travaux portant sur l’analyse des régimes politiques, des crises et des transformations institutionnelles, les recherches sur l’État et les politiques publiques, les travaux sur les organisations politiques et l’action collective dans ses diverses expressions syndicales et contestataires, les recherches sur les inégalités et leurs conséquences quotidiennes sur individus, les groupes sociaux et les espaces.Plusieurs disciplines, dont les frontières divergent selon les pays et dans le temps, ont un apport significatif sur plusieurs de ces thématiques sur les terrains latino-américains. Pour certaines, ces thématiques renouvellent leurs recherches, à l’instar de l’anthropologie, de l’histoire, de l’économie, du droit au travers de questions de recherche somme toute très proches, voire parfois au travers d’approches interdisciplinaires qui décloisonnent les savoirs et les compétences. Le point de rencontre entre ces différentes disciplines, qui permet de proposer un regard pluridisciplinaire sur les alternances critiques et les dominations ordinaires en Amérique latine est la pratique de l’ethnographie en tant que méthode de recherche.En effet, les divers travaux réunis dans cet ouvrage se construisent à partir d’enquêtes de terrain dans lesquelles les différents chercheurs ont observé et parfois participé à construire les dynamiques sociales qu’ils se sont proposé d’étudier. Si la relation au terrain est une question centrale, c’est aussi la manière dont elle pèse sur le choix des catégories d’analyse et la définition des problématiques de recherche qui nourrit la réflexion collective. Ainsi se pose la question de la circulation de méthodologies et de connaissances. Les manières d’entrer et d’exister sur le terrain de part et d’autre de l’Atlantique dialoguent entre elles pour saisir ce que le politique fait au social.Enfin, notre attention toute particulière aux dominations ordinaires est pour partie nourrie par l’approche intersectionnelle. Conscients des croisements des diverses formes de domination, et des spécificités de chaque forme d’hybridation possible des minorations par la classe, la race et le genre, nous concevons les dominations ordinaires comme agissant en système, tout en étant dépendantes de contextes spécifiques. Dans ce sens, les diverses expectatives propres aux périodes de crise et d’alternance politique sont une variable importante pour la compréhension des évolutions de ces phénomènes de domination, d’altérisation et de minoration.> Les auteur.e.sFabrice Andréani, Doctorant en science politique Univ. Lyon 2 (Triangle). Chargé de cours, AUP & Paris 8, Université Lumière Lyon 2 ;Lucie Laplace, étudiante en science politique – Amérique latine – migrations, Université Lumière Lyon 2 ;Thomas Posado, maître de conférences en civilisation latino-américaine contemporaine, Université de Rouen Normandie ;Yoletty Bracho, maîtresse de conférences contractuelle en science politique, Université d’AvignonCet article est republié sous licence Creative Commons.>> Lire l’article original :The Conversation
LLes stations thermales doivent se réinventer pour survivre à la crise énergétique | The Conversation Près de la moitié des stations thermales chauffent leur eau, ce qui génère des dépenses énergétiques considérables. Pour éviter cela, à l’heure où de plus en plus de stations sont obligées de fermer suite à la hausse des tarifs de l’électricité, la géothermie est une piste prometteuse.En avril 2023, le centre thermal de Camoins-les-Bains, à Marseille, annonçait sa fermeture définitive après deux siècles de fonctionnement. Derrière cette nouvelle locale se cache en fait les répercussions inattendues de la crise énergétique mondiale que nous traversons, marquée par des hausses de tarifs du gaz et de l’électricité impactant les activités économiques françaises. Le thermalisme n’en est pas exclu, le propriétaire du centre de Camoins-les-Bains, expliquant la décision de fermer cette institution du thermalisme marseillais par l’important déficit d’exploitation lié en grande partie à l’augmentation du coût de l’énergie gaz et électricité qui a été multiplié par quatre.Même constat à Budapest, ville emblématique du thermalisme, avec des bains visités chaque année par des millions de touristes, mais où les prix de l’énergie ont fait augmenter les coûts d’exploitation des thermes de 170 % entre 2023 et 2022. Pour y faire face, différentes mesures d’économies sont mises en place (service réduit, bassins extérieurs recouvertes, augmentation des tarifs…).Un secteur d’activité vital pour les communes rurales et petites villesEn France, ce vent mauvais qui touche le secteur thermal inquiète car il fait travailler, directement ou non un nombre non négligeable de personne et demeure une partie importante de l’identité de certaine commune.La France est de fait au troisième rang européen en nombre d’établissements thermaux avec 115 thermes sur 89 communes. Le secteur national pèse pour 10 000 emplois directs et 40 000 emplois indirects (hébergement, restauration…) pour une fréquentation de 457 000 curistes en 2023.Le thermalisme est de surcroit une activité qui permet le développement du territoire, car il s’agit majoritairement d’espaces ruraux et montagnards, où l’économie est peu diversifiée, voire en situation de mono-activité. Près de 70 % des communes thermales font moins de 5 000 habitants et concentrent près de 54 % de la fréquentation nationale.Près de la moitié des établissements doivent chauffer leurs eauxPour comprendre comment ce secteur d’activité, discret et peu connu, peut être autant affecté par le coût de l’énergie, commençons par rappeler plusieurs choses. D’abord un établissement thermal ne rime pas systématiquement avec eau chaude. Près de la moitié doivent même chauffer leurs eaux.Fourni par l’auteur ©Guillaume PfundAujourd’hui encore, la dénomination thermale regroupe à la fois des lieux alimentés en Eau Minérale Naturelle (EMN) naturellement chaudes, mais aussi froides ou tièdes, devant être réchauffées artificiellement. Il existe donc un large éventail de situations locales allant des thermes de Chaudes-Aigues, dans le Cantal, avec des émergences à 82 °C, et les thermes de Contrexéville, dans les Vosges qui utilisent un captage d’eau froide à 11 °C.Sur l’ensemble des 706 captages d’eaux minérales naturelles exploitées par les usages économiques en France, près de la moitié des sources sont des eaux dites hypothermales (inférieur à 20 °C). Le reste des sources sont pour un quart des eaux chaudes (entre 30 et 50 °C), et à part égale des eaux tièdes (entre 20 et 29 °C) et hyperthermale (supérieur à 50 °C). Les eaux naturellement chaudes, supérieures à 30 °C ne représentent donc que 38 % des émergences exploitées. Cette tendance est cependant renforcée pour les sources utilisées par l’usage thermal. Sur les 259 émergences qui alimentent un établissement thermal, un tiers sont des eaux froides (inférieures à 20 °C), 15 % sont tièdes (20-29 °C), un tiers sont chaudes (30-50 °C) et 20 % sont hyperthermales supérieures à 50 °C.Fourni par l’auteur ©Guillaume PfundCette situation montre qu’à minima près de 45 % des établissements thermaux doivent donc chauffer les eaux thermales dans les bassins et pour les soins. L’impact est d’autant plus significatif que le premier poste de charge pour les établissements thermaux concerne le chauffage de l’eau, dans un contexte global d’équilibre d’exploitation qui reste fragile.Une occasion pour développer la géothermie ?Dans le contexte actuel de crise énergétique mondiale, les établissements thermaux doivent donc se réinventer pour survivre. La géothermie basse température est peut être une partie de la solution. Les 63 d’établissement thermaux disposant d’une ressource en eau naturellement chaude pourraient sembler avantagés à mettre en place un système de récupération des calories. Mais dans les faits, très peu de sites ont mis en place de tels dispositifs qui permettent pourtant de couvrir la totalité des besoins en chaleur (chauffage, la production d’eau chaude sanitaire, ainsi que le réchauffement et le maintien de la température des bassins en eau).Fourni par l’auteur ©Guillaume PfundAinsi, le complexe thermal de Chaudes Aigues (Cantal) inauguré en 2009, qui exploite la source du Par à 82 °C, la plus chaude d’Europe, n’a pas intégré la géothermie basse énergie. À l’inverse, la commune de Saint Gervais, en Haute Savoie, a intégré il y a une quinzaine d’années une valorisation des calories de l’eau à 39 °C dès 2009 pour remplacer la chaudière au gaz. Grâce à cet investissement, la réduction annuelle de charge d’exploitation est de l’ordre de 122 000€, pour un investissement initial de 350 000 € dont 60 % de subvention par l’Ademe et la Région.De la même manière, les thermes de Luchon, en Haute-Garonne ont installé, il y a huit ans un système d’échangeur thermiques sur les sources Pré et Reine, ce qui permet une réduction des charges de 200 000€ par an.Une pratique de la géothermie plus ancienne qu’il n’y paraitMais l’on retrouve des chantiers bien plus anciens d’utilisation de la géothermie dans des établissements pour curistes. Elle a ainsi été mobilisée par les thermes de Lavey-les-Bains, dans le canton de Vaud en Suisse, depuis 1970 grâce à une eau thermale à 62 °C. Si le système couvrait seulement 40 % des besoins de chaleur de 1970 à 1992, la nouvelle installation inaugurée en 2000 permet une autonomie complète. L’antériorité de ce type de projet en Suisse est directement liée aux actions de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), qui a étudié dès 1992 les moyens d’optimiser la ressource géothermique.La géothermie basse énergie (30-89 °C) est également une solution valorisée par des usages dédiés en France depuis longtemps (serres végétales, chauffage urbain, etc…). Sur la commune de Chaudes-Aigues (Cantal), la valorisation des calories de l’eau thermale par un réseau de chaleur pour des habitations est attestée depuis 1332, avant l’apparition de l’usage thermal au XIXe siècle.Jusqu’en 2004, une centaine d’habitations étaient ainsi chauffées grâce à l’eau chaude des sources. Désormais orientée en priorité pour l’usage thermal, aujourd’hui, seulement une trentaine de maisons bénéficient de ce chauffage urbain. Mais le trop-plein des thermes est valorisé pour chauffer l’église, la piscine municipale et le collège. A Dax, dans le département des Landes, entre 1940 et 1990, la ville a alimenté en eau thermale naturellement chaude près de 1 600 abonnés particuliers du centre-ville. La diminution des prélèvements d’eau thermale de 40 %, a également permis une remontée de température de 14 °C aux émergences et de prioriser les usages économiques et d’intérêt public (thermes, centre aquatique, Lycée Borda, piscine et des serres municipales).Assez peu développé en France, les projets de géothermie basse énergie émergent au moment des crises énergétiques. C’est le cas entre 1961 et 1980 par exemple. Mais aujourd’hui, sur les 112 forages profonds dédiés en France, seulement 34 installations géothermales basse énergie sont en fonctionnement dans le Bassin parisien et le Bassin aquitain (Bordeaux, Mont-de-Marsan, Dax).Différents projets émergent à nouveau sur les communes thermales. C’est le cas de l’écoquartier des Rives de l’Allier à Vichy, de l’écoquartier de la Duranne à Aix-en-Provence, ou du projet de micro-centrale géothermique à Chaudes Aigues.Plus que jamais, la valorisation des calories des émergences d’eau naturellement chaude par un système de géothermie basse température est une opportunité à saisir pour plus de la moitié des établissements thermaux français. Pour les autres, la capacité de résilience est à rechercher ailleurs comme c’est le cas à Vals-les-Bains) avec la mise en place de plusieurs solutions notamment, des travaux d’isolation, l’installation de pompe à chaleur, et le recyclage de la chaleur des eaux usées.>> L’auteur :Guillaume Pfund, Docteur en Géographie Economique associé au laboratoire de recherche EVS, Université Lumière Lyon 2Cet article est republié sous licence Creative Commons.>> Lire l’article original :The Conversation
ÉÉvian, Vittel, Volvic : les industriels connaissent-ils suffisamment bien l’eau qu’ils exploitent ? | The Conversation Le scandale Nestlé Waters a levé le voile sur l’industrie de l’eau minérale naturelle. Celle-ci repose sur des connaissances précises des sources d’eau exploitées… Mais paradoxalement, celles-ci viennent souvent à manquer.On en boit au quotidien, mais la connaît-on vraiment ? L’eau minérale naturelle (EMN), qu’il s’agisse d’Evian, de Vittel, de Volvic ou des autres, relève d’une appellation juridique spécifique en France. Elle se définit comme une eau d’origine souterraine, sans traitement, dont les composants physicochimiques – la teneur en minéraux de l’eau minérale – restent stables dans le temps, avec moins de 10 % de variation.En France, deux usages économiques majeurs exploitent cette ressource naturelle : l’industrie de l’embouteillage d’une part, et les établissements thermaux d’autre part. Ces deux secteurs dépendent du maintient de l’appellation officielle et de l’autorisation d’exploitation à l’émergence délivrée par le ministère de la Santé sur avis de l’Académie de médecine.Récemment, cet enjeu est passé sur le devant de la scène médiatique, les usines gérées par Nestlé ayant été épinglées par la justice pour avoir recouru à des traitements interdits et procédé à des prélèvements sur des forages ne disposant pas d’autorisation d’exploitation. Courant septembre, Nestlé Waters a finalement accepté de payer une amende de deux millions d’euros pour échapper au procès.De quoi dévoiler ce pan méconnu de l’économie qui a une place majeure non seulement en France, mais également en Europe et dans le monde.La France championne de l’eau minéraleCar la France est sur le podium européen, que ce soit pour le thermalisme ou pour l’eau minérale en bouteille. Le pays se trouve ainsi au troisième rang européen en nombre d’établissements thermaux, avec 115 thermes répartis sur 89 communes du territoire.Le secteur de l’embouteillage français, pour sa part, est le premier exportateur mondial d’eau minérale naturelle au monde, avec 50 usines réparties sur 50 communes. Dans le même temps, la France possède aussi le premier patrimoine hydrominéral d’Europe, avec près de 20 % des sources en exploitation sur le vieux continent. Ce palmarès correspond à une valorisation de 37 % de la ressource nationale, soit 706 sources exploitées sur 1900 sources d’EMN inventoriées.Malgré le caractère historique de l’exploitation des eaux minérales naturelles en France, ces ressources restent pourtant vulnérables. En cause : le manque de connaissances hydrogéologiques et leur hétérogénéité selon les sites.En effet, chaque gisement d’EMN constitue un système dont la configuration et la composition dépendent des spécificités locales de chaque terroir géologique. Le niveau de vulnérabilité d’un gisement va également dépendre de paramètres hydrogéologiques, selon qu’il s’agisse d’une nappe peu profonde ou au contraire d’une nappe profonde bénéficiant d’une protection naturelle accrue.Des gisements encore mal connusOr, ces gisements gardent une part d’inconnu. L’acquisition des connaissances sur un gisement est nécessairement progressive et perpétuelle car l’objet d’analyse est un système naturel dont l’homme doit découvrir le plan et les conditions de fonctionnement.L’étude d’un gisement d’eau minérale naturelle fait appel à différentes spécialités des sciences de la terre (géologie, hydrogéologie, hydrogéochimie et géophysique), qui permettent d’étudier les trois zones constituant un gisement :la zone d’alimentation appelée impluvium, qui collecte les eaux pluviales,la zone de transit souterraine où circule l’eau,et enfin la zone des émergences en surface, où jaillit la ou les sources.Très peu de sites exploités ont une connaissance hydrogéologique précise de leur gisement. Faute de moyens, la majorité des propriétaires des émergences (souvent les communes) ou les exploitants des usages ne financent pas de programme de recherche.Seuls les sites d’embouteillage majeurs, comme Evian, Vittel ou Spa, en Belgique, se sont donnés les moyens, depuis 1970, de réaliser des recherches approfondies sur le fonctionnement de leur gisement. Ces quelques acteurs économiques connaissent la délimitation géographique précise des trois zones constitutives des gisements, parce que les enjeux industriels le nécessitent.Ces industriels emploient des ingénieurs hydrogéologues salariés, par exemple via l’institut Henri Jean à Spa et le Centre international de l’expertise de l’Eau à Evian. Ils financent également des thèses de doctorat en partenariat avec l’université de Liège et de Chambéry.Seulement quatre territoires ont financé au début des années 2000 des programmes de recherches préalables sur certains gisements thermaux (Auvergne, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon, Massif central) avec le BRGM. Cependant, dans la plupart des cas, les recommandations de recherche complémentaire du BRGM quant aux vulnéralibités détectées sont restées lettre morte.Face à ce constat, le BRGM a édité en 2005 un guide qualité pour inciter les propriétaires et exploitants de la ressource à progresser dans l’acquisition des connaissances hydrogéologique et à programmer des investissements.Aix-en-Provence, Ribeauville, Luchon… Les risques de la perte d’appellationFaute d’une bonne connaissance scientifique sur la ressource exploitée, celle-ci peut subir des changements brutaux dans sa composition physico-chimique venant mettre en péril son appellation d’eau minérale naturelle.Les conséquences économiques sont pourtant dévastatrices, tant pour les activités de cures thermales que pour la vente d’eau en bouteilles. Aix-en-Provence a ainsi perdu son agrément de ville thermale en 1998 du fait de la contamination des forages par la pollution urbaine. En 1996, au regard des contraintes d’exploitation du captage de la source des Ménétriers, l’usine d’embouteillage de Ribeauville (marque commerciale Carola) a perdu son appellation d’eau minérale naturelle. L’exploitation se poursuit uniquement sous statut d’eau de source avec un nouveau forage.Depuis 2019, les bouteilles d’eau Luchon, vendues par Intermarché, ne peuvent plus être vendues sous le statut d’eau minérale naturelle. OpenFoodFactsDepuis 2019, ce sont les bouteilles d’eau de Luchon (vendues par le réseau Intermarché) qui ne peuvent plus être commercialisées sous le statut d’eau minérale naturelle.Cet arrêt résulte d’une variation naturelle du taux de sodium présent dans l’EMN à l’émergence du puit Lapadé. Malgré la vulnérabilité de cet ouvrage souterrain ancien peu profond, mis en évidence par le BRGM dès 1991, aucune recherche n’a depuis été menée pour améliorer les connaissances hydrogéologiques et trouver un forage de secours.Faute de connaissances précises sur le fonctionnement du gisement, la commune (propriétaire) et l’exploitant ont mené des campagnes prospectives en urgence avec la réalisation de trois forages profonds en 2019 et 2020 pour plus de trois millions d’euros.Malheureusement infructueuse, cette recherche à l’aveugle s’est soldée par l’arrêt de l’embouteillage d’EMN. Seule l’embouteillage d’eau de source subsiste.Selon le BRGM, il reste en France 58 captages anciens exploités pour un usage économique. Pour ceux-ci, les risques liés au manque de connaissances hydrogéologiques sont réels.À Divonne-les-Bains, une bataille de l’eau franco-suisseD’autant plus que les carences de savoir sur les gisements peuvent également alimenter des conflits sociaux. C’est le cas à Divonne, à proximité de la frontière franco-suisse, où la commune ambitionnait en 2016 d’ouvrir une usine d’embouteillage d’eau minérale naturelle, afin d’exploiter un forage réalisé en 1992, qui a obtenu la précieuse appellation en 1994.L’affaire a viré au fiasco : le projet sera finalement abandonné, sur fond de conflit transfrontalier franco-suisse. Collectifs syndicalisés, riverains et élus locaux franco-suisse se sont opposés au projet au nom du principe de précaution par rapport à un risque possible (mais non avéré) sur l’alimentation en eau potable, faute de connaissances hydrogéologiques. Le projet a été stoppé le 3 septembre 2019 à six mois des élections municipales, pour éviter une guerre de l’eau franco-suisse.Le conflit est né de la peur de l’existence d’interconnexions souterraines entre la nappe d’EMN et les nappes peu profondes utilisées pour l’alimentation en eau potable, dans un contexte local de croissance démographique et de tension d’alimentation en eau publique des habitants. Pour autant, dès 2003, le BRGM soulignait que les connaissances hydrogéologiques du site étaient lacunaires. Il avait formulé des propositions d’investigations à mener pour améliorer la compréhension de l’aquifère et de son fonctionnement.Des enjeux politiques et économiquesAu regard des carences actuelles en matière de connaissances hydrogéologiques, assistera-t-on à une multiplication de ce type de conflit sur les territoires ayant des problématiques locales de manque d’eau potable ? Cette problématique est d’autant plus délicate dans les zones transfrontalières où une partie du gisement peut être de part et d’autre de la frontière, comme à Saint-Amand-les-Eaux, entre France et Belgique.Pour les communes propriétaires des captages et de leurs exploitants, il est urgent de reconsidérer la question de la gestion du risque selon les spécificités des gisements hydrogéologiques. L’acquisition de connaissances est vitale pour l’avenir. En résumé : mieux connaître pour bien protéger.Les enjeux sont majeurs pour les territoires souvent dépendant de cette filière économique. Ne pas gérer ce risque expose à des pertes d’emplois, de revenus (surtaxe d’embouteillage, redevance d’exploitation) et surtout d’attractivité (visibilité et image de marques toponymes).Les élus locaux, souvent issus de la société civile, ne disposent pas de connaissances préalables dans ce domaine précis. Il n’existe pas aujourd’hui de formation à destination des élus locaux sur la filière EMN. Les expertises sont à rechercher à l’extérieur de la commune. Pour autant, la responsabilité d’un propriétaire de captage d’EMN et des usages économiques dépendant reste entière. En dépassant le motif du manque de moyen financier, les communes doivent trouver des solutions de montage public-privé avec leur exploitant.Les acteurs locaux doivent s’appuyer sur des laboratoires de recherches hydrogéologiques publics français et européens, sur le soutien financier au travers des plans État-Région et du Fonds européen de développement régional, ainsi que du guide qualité édité par le BRGM, en planifiant des investissements réguliers d’acquisition des connaissances hydrogéologiques. La majorité des petits sites français doivent s’inspirer de démarche lancée à Évian, Vittel et Spa, qui co-financent des thèses de doctorat en partenariat avec les Universités de Chambéry, de Lorraine et de Liège, en partenariat avec l’INRA.>> Auteur :Guillaume Pfund, Docteur en Géographie Économique associé au laboratoire de recherche Environnement Ville Société – EVS -, Université Lumière Lyon 2Cet article est republié sous licence Creative Commons. >> Lire l’article original : The ConversationPPour aller plus loinEaux minérales naturelles : sécheresse et pressions sur l’eau, quelques idées reçues à déconstruire | The ConversationLes stations thermales doivent se réinventer pour survivre à la crise énergétique
LLa reconstruction du paysage littoral de la cité étrusque de Populonia en BD ©RCF radioDis Pourquoi ? est une chronique de vulgarisation scientifique de 5 minutes diffusée chaque mardi sur RCF Lyon à 11h50. Dis Pourquoi ? questionne et explore notre univers par les sciences. Chaque semaine, une ou un scientifique répond aux questions et dévoile ses travaux de recherche.> Émission du 1er octobre 2024Amber Goyon est doctorante en géoarchéologie à l’Université Lumière Lyon 2. Elle a remporté l’édition 2024 de Sciences en bulles, un ouvrage de bande dessinée représentant les recherches de doctorants sur la thématique de la Fête de la Science (L’eau dans tous ses états). Ses travaux s’intéressent à la reconstruction du paysage entre terre et mer de la cité étrusque de Populonia en Italie, au premier millénaire avant Jésus-Christ.Elle explique ses travaux à Anaïs Sorce.Écoutez le podcast :>> Écouter les podcasts des autres intervenants Pop’Sciences :Comprendre les concentrations de microplastiques dans les eaux de ruissellementQuelles questions éthiques soulève l’IA en santé ?Le génie végétal au service des villesComment transmettre la danse jazz aujourd’hui ?L’étonnante capacité des muscles à se régénérerÉpidémies : de la détection à l’alerte>> Pour plus d’information, rendez-vous sur le site :RCF Lyon
PPourquoi a-t-on envie de bâiller lorsque l’on voit quelqu’un bâiller ? | The Conversation Vous sortez d’un repas copieux et entamez une réunion, là un premier collègue se met à bâiller, puis un deuxième et finalement c’est votre tour. De nombreuses explications biologiques ont été avancées, mais quel est le consensus scientifique ?Le bâillement est un phénomène universel, observé chez de nombreuses espèces vertébrées, que ce soit chez le loup ou le perroquet, et bien sûr les humains, et ce dès le plus jeune âge. Mais pourquoi avons-nous tendance à bâiller en voyant quelqu’un d’autre le faire ?Si le bâillement est présent chez autant d’espèces depuis aussi longtemps, c’est qu’il semble constituer un mécanisme nécessaire à la survie. Mais à quoi sert-il réellement ? Oxygénation du cerveau, régulation de la température corporelle, ou encore signal social, les hypothèses ne manquent pas, aussi bien parmi le grand public que dans la communauté scientifique.L’idée répandue selon laquelle le bâillement permettrait d’augmenter l’oxygénation du cerveau ne semble pas confirmée. Une autre explication suggère que le bâillement permettait de réguler la vigilance, lorsqu’on doit maintenir son attention. Là encore, celle-ci ne fait pas non plus l’objet d’un consensus.Ce qui semble davantage certain, en revanche, est le lien entre le bâillement et le rythme circadien, notre horloge biologique. La majorité des bâillements surviennent au repos, généralement concentrés autour des phases de réveil et d’endormissement. Plus précisément, ils surviennent lorsque le corps connaît une baisse de vigilance, comme lorsqu’il travaille à digérer un repas copieux…Un moyen de communication ?Bien que les raisons derrière ce mécanisme soient encore à confirmer, la contagion du bâillement, quant à elle, génère des découvertes significatives dans diverses disciplines, tant en biologie qu’en psychologie sociale.Le bâillement pourrait jouer un rôle important dans les interactions sociales, comme observé chez les autruches qui l’utilisent pour synchroniser le comportement du groupe. Comme pour l’humain, le bâillement se manifeste souvent lorsqu’elles passent d’un état de veille à un état de repos, ou inversement. Le bâillement peut alors servir de signal indiquant un changement dans l’activité ou la vigilance, assurant ainsi que tous les membres du groupe sont alertes ou au repos en même temps, augmentant ainsi la sécurité collective et maintenant le rythme du groupe.Cependant, la contagion du bâillement semble être une caractéristique principalement humaine, à quelques exceptions près, comme le Chimpanzé ou le Gélada (Singe-lion). Cette spécificité renforce l’idée que le bâillement humain, au-delà des seules fonctions physiologiques, constituerait un moyen de communication non verbale. L’hypothèse principale à cet égard est qu’il aiderait à synchroniser le comportement du groupe, une fonction similaire à celle observée chez les autruches.Effectivement, voir ou entendre quelqu’un bâiller stimule des régions cérébrales impliquées dans l’imitation et l’empathie, grâce notamment aux neurones miroirs. Ces neurones, qui s’activent lors de l’apprentissage par observation d’actions, par exemple lorsqu’un enfant suit les gestes de son parent pour attacher ses chaussures, ne sont pas exclusifs au bâillement. Néanmoins, certaines zones cérébrales, impliquées spécifiquement dans les bâillements contagieux, font partie de réseaux neuronaux liés à l’empathie et aux interactions sociales.Une prédisposition au bâillement contagieux ?Il apparaît que l’empathie jouerait un rôle clef dans la susceptibilité à la contagion du bâillement. Dans cette perspective, les individus présentant des troubles sociaux, tels que l’autisme ou la schizophrénie, semblent moins réceptifs aux bâillements d’autrui. D’autres recherches montreraient même que des facteurs externes tels que les méthodes de respiration et la température frontale pourraient respectivement réduire et augmenter la fréquence de cette contagion.Cette observation renforce l’idée que la perception de la contagion pourrait être exagérée, en partie parce que les études à ce sujet nécessitent souvent l’observation d’individus en groupe. Cette dynamique de groupe pourrait influencer la fréquence observée des bâillements, suggérant que ce n’est pas nécessairement le fait de voir quelqu’un bâiller qui déclenche la réaction, mais plutôt la présence et les interactions au sein du groupe.Cette observation suggère que la contagion du bâillement pourrait être moins une question de contagion directe et plus une conséquence de notre contexte social. Ainsi, si vous vous surprenez à bâiller lorsque votre collègue bâille après la pause déjeuner, il se pourrait bien que ce ne soit pas son bâillement qui vous influence, mais simplement le contexte commun, comme le fait d’avoir bien mangé ensemble, qui provoque cette réaction synchronisée.>> L’autrice :Astrid Thébault Guiochon, Ingénieur·e d’Étude, Université Lumière Lyon 2Cet article est republié sous licence Creative Commons.>> Lire l’article original : The Conversation
LLes itinéraires de haute montagne dans les Alpes, de la Préhistoire à hier La Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux (MOM) vous invite à la conférence : « Les itinéraires de haute montagne dans les Alpes, de la Préhistoire à hier » dans le cadre de leur cycle de conférence du cycle Pouilloux. Découvrez le programme complet du cycle de conférences en PDF.Aussi hautes soient-elles, les Alpes ne sont pas infranchissables. Depuis la fin de la glaciation du Würm voici 15 000 ans, les vallées sont habitées par des populations humaines qui parcourent également les massifs montagneux. Les sources historiques et les traditions orales nous parlent des franchissements des « grands » cols : chefs d’armées, voyageurs, marchands, tous sont marqués par les difficultés des itinéraires d’altitude. Le réchauffement climatique actuel offre désormais l’opportunité d’étudier un autre aspect des fréquentations de la haute montagne : le franchissement de cols discrets à des altitudes qui peuvent atteindre 3400 m, au péril des glaciers et des neiges « éternelles ». L’archéologie « glaciaire » révèle ainsi des itinéraires presque oubliés de nos jours et permet de retrouver des milliers d’objets perdus et parmi eux, de fragiles vestiges en bois, en cuir, en textile. Ces objets souvent modestes nous apportent un éclairage inédit sur la culture matérielle des populations alpines depuis trois millénaires et sur les relations qu’elles ont noué à travers les reliefs.Dans cette conférence, nous présenterons les résultats les plus saillants de ces recherches sur le terrain en Savoie et Haute-Savoie (France) qui permettent de renouveler l’histoire de ces lointains montagnards, marchands et voyageurs, précurseurs des alpinistes modernes.>> Intervenant : Éric Thirault, Professeur à l’université Lumière Lyon 2, laboratoire d’ Archéologie et Archéométrie (ArAr) – MOMDans le cadre du cycle des conférences Pouilloux 2024-2025, organisé par la Maison de l’Orient et de la Méditerranée.>> Pour plus d’information rendez-vous sur le site :MOM
EEaux minérales naturelles : sécheresse et pressions sur l’eau, quelques idées reçues à déconstruire | The Conversation La différence entre les types d’eau – l’eau du robinet dédiée à l’alimentation en eau potable, l’eau de source et l’eau minérale naturelle – reste méconnue du grand public. Chacune a pourtant des spécificités réglementaires, techniques et de qualité.En période estivale, il arrive souvent que des arrêtés préfectoraux de sécheresse soient mis en place pour restreindre les prélèvements d’eau pour les usages agricoles et industriels (ces derniers prélevant à la fois des eaux de surface : lac, rivière, canaux, et des eaux souterraines). Les producteurs d’eau minérale naturelle (comme Volvic, par exemple) sont affectés au même titre que tous les industriels.Ces restrictions ne concernent pas directement les prélèvements en eau minérale naturelle embouteillée, mais bien les eaux industrielles utilisées dans le processus de nettoyage des bouteilles et des installations (équipements/circuits), ainsi que des zones de services (chaudières, tours aéroréfrigérantes). Issues souvent de forages peu profonds selon les sites, les eaux industrielles sont nécessaires au maintien de l’état hygiénique de l’usine d’embouteillage.Face aux contraintes de sécheresse, les minéraliers, comme d’autres industriels, ont mis en place au cours des dernières années des actions visant à optimiser leur processus industriel. Par exemple, en permettant une filtration et une réutilisation des eaux industrielles en boucle fermée.Le groupe Danone a réalisé de tels investissements à Volvic et à Évian, ce qui a fait diminuer les besoins en eau de rinçage de 1,95 L pour 1 L d’eau minérale naturelle (EMN) embouteillée en 2014 à 1,35 L en 2023 et 1,15 L visé en 2025, comme me l’ont déclaré Danone et Nestlé Waters au cours d’entretiens réalisé dans le cadre de mon travail de doctorat.Eau minérale naturelle, mode d’emploiContrairement à l’eau du robinet, l’eau minérale naturelle se définit par une grande traçabilité avec une origine uniquement souterraine. Elle doit présenter une certaine qualité. Pour l’eau potable du réseau, au contraire, l’enjeu d’utilité publique est surtout quantitatif.Captée, utilisée ou embouteillée à proximité directe de l’émergence, l’eau minérale naturelle ne subit aucun traitement chimique. L’ajout de chlore ne concerne que l’alimentation en eau potable pour pallier le risque sanitaire dans le réseau de distribution.Enfin, les composants physico-chimiques de l’EMN doivent rester stables dans le temps. Cette méconnaissance sur l’eau minérale naturelle complique souvent la vision médiatique et celle de nos concitoyens. Un enjeu important dans le contexte du changement climatique, avec la multiplication d’épisodes de sécheresse.Eaux minérales naturelles et épisodes de sécheressePeu de médias font la distinction entre les différents types d’eau et les raccourcis brouillent la bonne compréhension des consommateurs. Tentons d’y voir plus clair.De manière générale, les eaux minérales naturelles émanent de gisements profonds : le temps de cheminement de l’eau et la profondeur sont variables d’un site à l’autre, mais il peut aller de quelques années à une centaine d’années voire plusieurs milliers d’années. Leur transit souterrain est par exemple de 3-4 ans à Thonon, 5 ans à Volvic, 15 ans à Évian, 20-25 ans à Cilaos, et 50-60 ans à Meyras.C’est au cours de ce long parcours que les eaux acquièrent les caractéristiques physico-chimiques spécifiques à chaque terroir géologique. Cette spécificité est déterminée par la composition des roches, la température et la durée de transit. Les épisodes ponctuels de sécheresses n’ont par conséquent que très peu d’impact sur le renouvellement de la ressource.De manière ponctuelle toutefois, selon des particularités locales hydrogéologiques, des interférences entre nappes superficielles et gisements profonds peuvent exister. C’est notamment le cas à Vittel, où un conflit très médiatisé a eu lieu de 2016 à 2019, concernant l’usage de la ressource en eau.Le cas de Vittel Bonne Source, une exceptionÀ Vittel, dans les Vosges, les connaissances hydrogéologiques ont démontré dès 1975 des interférences entre certains aquifères souterrains, associées à un lent renouvellement de la ressource en eau et des prélèvements d’usage multiples dans un espace géologique local précis. Située dans le secteur sud-ouest de Vittel, cette zone très limitée (85km2) est nommée nappe captive Grès du Trias Inférieur (GTI).Entre 1960 et 1980, la multiplication des forages entre 1960 et 1980 dans une zone géographique restreinte, afin de répondre aux besoins en eau potable des collectivités locales, des agriculteurs et des industriels, a généré un déficit de la nappe (de 2,5 millions de m3 par an).Un arrêté préfectoral a interdit tout pompage supplémentaire, ce qui a permis de stabiliser la situation à partir de 1980. Les prélèvements ont drastiquement chuté (de 4,7 millions de m3 en 1979 à 3,27 millions de m3 en 2010), permettant une forte baisse du déficit (de 2,9 millions de m3 par an en 1979 à 1,15 million de m3 par an en 2010). Malgré cela, le déficit de recharge persiste pourtant.En 2010, la responsabilité des prélèvements relevait de plusieurs acteurs : d’un côté les industriels (47 %) dont 19 % par la fromagerie l’Ermitage et 28 % par Nestlé Waters, et de l’autre les syndicats des eaux pour alimenter le réseau d’eau potable (44 %), dont 19 % en fuite de réseau et 25 % en consommation réelle.En ce qui concerne Nestlé Waters, les prélèvements dans cette nappe concernent des forages peu profonds d’eau industrielle et du forage de l’eau minérale naturelle Vittel Bonne Source, exploité depuis 1990 et dédié à l’export en Europe (80 % Allemagne, 15 % Suisse, 5 % Europe de l’Est).Cette eau faiblement minéralisée représente 22 % de la production de l’usine avec 307 millions de bouteilles par an, à côté des eaux minérales naturelles fortement minéralisées de Vittel Grand Source, Contrex et Hépar, exploitées par des forages sur d’autres gisements indépendants.Volontarisme de Nestlé WatersPour répondre au problème, les industriels ont engagé dès 2016 des actions pour diminuer leurs prélèvements : la fromagerie a optimisé son processus, divisant par 3 ses prélèvements afin d’aboutir à 1,25 litre d’eau industrielle pour 1 litre de lait. Nestlé Waters a cessé d’exploiter les forages d’eau de rinçage dans la nappe GTI en substitution de forages d’autres gisements indépendants. Bien qu’autorisée par la préfecture à prendre jusqu’à 1 million de m3 par an dans la nappe GTI, Nestlé Waters a diminué ses prélèvements à 744 000 m3 en 2018.Des démarches de concertation sont menées cette année-là entre les membres de la CLE (collectivités territoriales, les industriels, associations…), suivies de l’intervention de l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse. Un protocole d’engagement est signé en 2020 sous l’égide de la préfecture pour fixer des actions d’économies d’eau, dont chaque usager contribue au prorata des prélèvements : modernisation du réseau de distribution d’eau potable pour stopper les fuites et prélèvement de 300 000 m3 d’eau potable par an dans d’autres nappes, une plus grande sobriété des bâtiments des collectivités publiques et des activités industrielles.Le but : mettre un teme au déficit de la nappe en 2027 avec un prélèvement maximum à 2,1 millions de m3 par an.Face à ces nouveaux objectifs de réduction et aux très fortes pressions médiatiques continues du collectif Eau 88, Nestlé Waters a annoncé l’arrêt des contrats à l’export de Vittel Bonne Source vers la Suisse en 2019, et vers l’Allemagne (Lidl) en 2021, accompagné d’un plan social associé à l’arrêt d’environ 20 % de la production de l’usine.Pour cette raison, dès 2023, Nestlé Waters baisse ses prélèvements à 200 000 m3 par an dans la nappe GTI. Face à la surreprésentation médiatique de ce type de collectif, nous pouvons nous interroger sur la capacité des médias et des concitoyens à avoir une lecture claire des enjeux actuels sur la filière EMN.Si cette situation est spécifique à un des gisements à Vittel, la carence de connaissances hydrogéologiques générale en France ne permet pas une identification exhaustive d’autres exceptions locales, et laisse planer des doutes sur l’émergence de cas similaires.Des prélèvements mineurs face à l’usage d’eau potablePourtant, en dehors de ces cas spécifiques, la filière EMN en France représente des prélèvements d’eau modestes, par rapport à l’usage d’eau potable. À l’échelle nationale, ils représentent ainsi 7,26 millions de m3 par an pour l’embouteillage et 5,39 millions de m3 par an pour le thermalisme. Les utilisations économiques actuelles ne valorisent que 37 % de la capacité française de ressource en eau minérale naturelle.Les 12,65 millions de m3 d’eau minérale naturelle par an prélevés par les usages historiques restent limitée au regard de la consommation d’eau potable, qui représente 3,68 milliards de m3 par an. À cela s’ajoutent 937 millions de m³ d’eau potable perdus par les fuites du réseau vieillissant.Autrement dit, la mise en avant des EMN embouteillées sur la scène médiatique semble disproportionnée en comparaison avec d’autres enjeux liés à l’eau : elle est davantage un symbole de clivage qu’un enjeu national lié aux changements climatiques et des épisodes de sécheresse.Alors que le « Plan Eau » présenté en 2023 par le gouvernement vise à améliorer la gestion de l’eau en France et faire face aux sécheresses, remettons la place des eaux minérales naturelles en perspective : bien souvent en avance sur le déploiement législatif, les minéraliers ont depuis longtemps fait émerger les bonnes pratiques de gestion.Les actions d’optimisation pour réduire de 10 % les prélèvements d’eau en 2030 dans tous les secteurs économiques et résorber les fuites du réseau d’eau potable sont des interventions d’ores et déjà en cours sur les territoires de la filière EMN.>> L’auteur :Guillaume Pfund, Docteur en Géographie économique associé au laboratoire de recherche Environnement Ville Société, Université Lumière Lyon 2 Cet article est republié sous licence Creative Commons.>> Lire l’article original :The Conversation